revue bleuOrange - Éditorial https://revuebleuorange.org/terme-oeuvre/editorial fr Traduire, transmettre / Translate, Transmit https://revuebleuorange.org/oeuvre/10/traduire-transmettre-translate-transmit <div class="view view-individu-sur-oeuvre view-id-individu_sur_oeuvre view-display-id-entity_view_1 isotope view-dom-id-3342bb114210693982177da471a68e58"> <div class="view-content"> <div class="views-row views-row-1 views-row-odd views-row-first Individu"> <div class="views-field views-field-field-portrait"> <div class="field-content"><img typeof="foaf:Image" src="https://revuebleuorange.org/sites/bleuorange7.nt2.ca/files/styles/artisteteaser/public/portrait/bertrand.gervais_bo2013.jpg?itok=NulYGVYL" width="220" height="185" alt="Bertrand Gervais" title="Bertrand Gervais" /></div> </div> <div class="views-field views-field-field-fonction"> <div class="field-content">Traduction, Vice-présidence, Anciens membres</div> </div> <div class="views-field views-field-title"> <span class="field-content"><a href="/individu/bertrand-gervais" class="colorbox-node" data-inner-width="1000" data-inner-height="100%">Bertrand Gervais</a></span> </div> <div class="views-field views-field-field-ville"> <div class="field-content">Montréal, Canada</div> </div> </div> <div class="views-row views-row-2 views-row-even views-row-last Individu"> <div class="views-field views-field-field-portrait"> <div class="field-content"><img typeof="foaf:Image" src="https://revuebleuorange.org/sites/bleuorange7.nt2.ca/files/styles/artisteteaser/public/portrait/alexandra_0.jpg?itok=WP4jrMpm" width="220" height="185" alt="" /></div> </div> <div class="views-field views-field-field-fonction"> <div class="field-content">Traduction, Rédacteur/rédactrice en chef (numéros précédents)</div> </div> <div class="views-field views-field-title"> <span class="field-content"><a href="/individu/alexandra-martin" class="colorbox-node" data-inner-width="1000" data-inner-height="100%">Alexandra Martin</a></span> </div> <div class="views-field views-field-field-ville"> <div class="field-content">Montréal, Canada</div> </div> </div> </div> </div> <div class="field field-name-body field-type-text-with-summary field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even" property="content:encoded"><p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span id="docs-internal-guid-f19f0956-7fff-0a15-5976-661dc661d442"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">La traduction est une opération complexe. Elle implique la maîtrise de deux langues, la compréhension du texte à traduire – ce qui requiert une pratique de lecture intensive, capable de rester proche du texte et de sa musique –, une pratique d’écriture d’une grande flexibilité, car devant s’ajuster à des textes de styles variés, et encore une facilité dans la résolution de problèmes, car traduire c’est trouver un équivalent dans une langue d’arrivée d’une expression utilisée dans la langue de départ, ce qui exige imagination et débrouillardise. Imaginons maintenant qu’à cet ensemble de difficultés, nous ajoutons une contrainte additionnelle : le code. Car traduire des œuvres numériques exige non seulement de respecter le texte, mais encore de le faire tout en tenant compte du code, de la programmation et de ses contraintes. Une œuvre faite d’anagrammes ou de segments de textes où le nombre de lettres et de mots doit être respecté, exige d’innombrables acrobaties langagières, qui auraient sûrement amusé un Georges Perec ou un Harry Mathews…</span></span></span></span></p> <p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"> </p> <p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Dans « The Dialect of the Tribe », Mathews met justement en scène un traducteur confronté à une situation complexe, car la langue à laquelle il est confronté repose sur des processus plutôt que des objets, ce qui la rend pratiquement intraduisible. Cette situation inattendue conduit Mathews à déclarer: « </span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; font-style: italic; white-space: pre-wrap;">The longer I live—the longer I write—the stronger becomes my conviction that translation is the paradigm, the exemplar of all writing. To put it another way: it is translation that demonstrates most vividly the yearning for transformation that underlies every act involving speech, that supremely human gift.</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;"> » (Mathews, 2002: 7) J’ai traité ailleurs de ce texte de <a href="https://www.google.com/url?q=http://oic.uqam.ca/fr/remix/here-not-there-la-traduction-comme-metaphore-the-dialect-of-the-tribe-de-harry-mathews&amp;sa=D&amp;source=editors&amp;ust=1613751143544000&amp;usg=AOvVaw05FYpIoootxyoelyi5UDY1">Mathews</a>, qui se présente comme un hommage à Georges Perec. Je ne le reprends ici que pour son présupposé, la traduction y étant présentée comme le paradigme de toute écriture. Traduire, c’est écrire, reprendre, transformer, rephraser. C’est écrire sous contrainte. C’est faire du texte avec du texte: le manipuler, le transformer, en laisser des traces. Le texte premier est présent et absent en même temps. Absent, parce que plus un seul mot ne subsiste; présent, parce que son esprit est là, partout présent. Avec des œuvres codées, l’idée d’un écrin laissé vacant par le texte à traduire est pragmatiquement fondée. Le texte traduit doit occuper exactement cet espace meublé initialement par le texte à traduire. La commande est grande, elle a de quoi amuser, pour ne pas dire embêter les traductrices et traducteurs qui acceptent de relever le défi! Leur travail est souterrain, mais il est nécessaire. Il n’y a pas de transmission sans elles, sans eux. </span></span></span></p> <div> <p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span id="docs-internal-guid-a7fc7528-7fff-8a69-3cd2-cc99dfeb8958"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Dans ce dixième numéro de la revue </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">bleuOrange</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">, nous avons voulu laisser la place à des œuvres traduites et ce faisant, revenir à ses premiers mandats; faire connaître les œuvres à un public francophone ou, à l’inverse, des œuvres francophones à un public anglophone; et offrir aux artistes, autrices et auteurs un espace de création original et adapté à leur médium d’adoption, le réseau Internet et ses écrans reliés. S’il nous est arrivé par le passé de traduire des œuvres, c’est l’acte lui-même ainsi que ses enjeux et ses difficultés qui nous ont motivés. Et ses résultats, à savoir des œuvres qui peuvent rejoindre un nouveau public. </span></span></span></span></p> <p> </p><p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span id="docs-internal-guid-a7fc7528-7fff-8a69-3cd2-cc99dfeb8958"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Cinq œuvres ont été traduites, et chacune d’elles a posé des défis singuliers à ses traductrices et traducteurs. </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Postmodern</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;"> de Richard Holeton, traduit par Benoit Bordeleau, Sarah Grenier-Millette et Bertrand Gervais, repose ainsi sur une série d’anagrammes du terme “postmodern” (devenu “postmoderne”), qui transforment la traduction en un complexe jeu langagier. </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Conte de syntaxe internaute, </span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">d’Anyse Ducharme, est constituée de bribes d’argot internaute et de références cybernétiques, qui ont conduit Allan Deneuville, Gina Cortopassi, Alexandra Martin, Lisa Tronca et  Charles Marsolais-Ricard à faire preuve d’une grande créativité. </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Salt Immortal Sea, de </span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Mark Marino, John Murray et Joellyn Rock, a exigé de sa traductrice, Mathilde Baudin, de jouer directement dans le code de l’œuvre, afin de transformer non seulement le texte, mais encore les gestes de la lectrice ou du lecteur. Les défis d’expression ont été dédoublés pour Mélissa Jean-Baptiste, Lisa Tronca, Allan Deneuville et Charles Marsolais-Ricard dans une œuvre comme </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">The Fall</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;"> d’Alan Bigelow, qui réunit allègrement jargon et récit personnel.  Finalement,  </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Les univers parallèles du Mauve Motel</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">, une œuvre née du processus de remédiatisation du roman </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Le Désert mauve</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;"> de Nicole Brossard, fait par Simon Dumas, a demandé de ses traductrices et traducteurs, Julia Jones, Alex Shapiro et Tiffany Templeton, une attention aux détails et une capacité à s’ajuster aux diverses voix qui s’y entremêlent. </span></span></span></span></p> <p> </p><p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span id="docs-internal-guid-a7fc7528-7fff-8a69-3cd2-cc99dfeb8958"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Ce sont les défis usuels de la traduction, on épiloguera; mais ils trouvent en contexte numérique un nouveau seuil de complexité, où le code intervient comme contexte tout autant que contrainte.</span></span></span></span></p> <div style="text-align: center;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span id="docs-internal-guid-b317d23a-7fff-f847-30ea-136a41efcc04"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">*</span></span></span></span></div> </div> <p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span id="docs-internal-guid-eb4bebfe-7fff-4084-e23d-19bd786044df"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Nous voici donc au dixième et dernier numéro de </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">bleuOrange</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">. Ce qui n’était au départ, il y a maintenant plus de treize ans, qu’un projet un peu fou, offrir sous forme de revue web des créations hypermédiatiques, s’est révélé un projet de longue haleine. Sous la bannière de la revue, nous avons diffusé des œuvres, organisé des soirées de performances, des tables rondes, invité des chercheuses, des chercheurs et des artistes à venir travailler au NT2 et à la Chaire de recherche du Canada sur les arts et les littératures numériques. Parmi les principales collaboratrices, je me dois de mentionner d’entrée de jeu Alice van der Klei, qui a agi durant de longues années comme présidente, mais surtout comme animatrice et coordinatrice. C’est sous son impulsion que la revue s’est développée. Je pense aussi aux équipes de direction et de rédaction qui se sont succédé, à Bronja Hildgen, Sara Grenier-Millette, Gina Cortopassi, Alexandra Martin, Ariane Savoie, Lisa Tronca, Andréanne Pierre, Benoit Bordeleau, Joëlle Gauthier, Anick Bergeron, Anaïs Guilet, Gabriel Tremblay-Gaudette, Paule Mackrous, Amélie Paquet. J’en oublie sûrement. Je tiens aussi à remercier mes collègues qui ont mis l’épaule à la roue et qui ont soutenu la revue, Joanne Lalonde, Sophie Marcotte, René Audet, Geneviève Sicotte. </span></span></span></span></p> <p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span id="docs-internal-guid-eb4bebfe-7fff-4084-e23d-19bd786044df"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Il est temps de quitter le périmètre d’Éluard. Si les mots ne mentent pas, comme le dit le poème, il leur arrive de venir à manquer, comme ici, juste avant la fin. </span></span></span></span></p> <div> </div> <div><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;">***</span></span></div> <div> </div> <div> <p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span id="docs-internal-guid-5497da3b-7fff-f28f-75e6-c94e28372487"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Translation is a complex operation. It involves mastering two languages, understanding the source text, which requires intensive reading practices and the ability to remain true to the spirit of the text. The translator must be flexible in her writing, as she adjusts to the varied styles of different texts; she must be able to solve problems easily, as translating means finding an equivalent in the target language of an expression used in the source language, which demands imagination and resourcefulness. Now imagine that to this set of difficulties, we add an additional constraint: code. Translating digital works requires not only respecting the text, but doing so while weighing the code, the programming and its constraints. A work composed of anagrams or text fragments where the number of letters and words must be respected requires countless linguistic acrobatics, which would surely have amused Georges Perec or Harry Mathews…</span></span></span></span></p> <p> </p><p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span id="docs-internal-guid-5497da3b-7fff-f28f-75e6-c94e28372487"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">In “The Dialect of the Tribe,” Mathews presents a translator confronted with a complex situation, one where the language is based on processes rather than objects, which makes it practically untranslatable. This unexpected situation leads Mathews to declare: “</span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">The longer I live—the longer I write—the stronger becomes my conviction that translation is the paradigm, the exemplar of all writing. To put it another way: it is translation that demonstrates most vividly the yearning for transformation that underlies every act involving speech, that supremely human gift.</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">” (Mathews, 2002: 7). I have previously written on this text by <a href="https://www.google.com/url?q=http://oic.uqam.ca/fr/remix/here-not-there-la-traduction-comme-metaphore-the-dialect-of-the-tribe-de-harry-mathews&amp;sa=D&amp;source=editors&amp;ust=1613751143544000&amp;usg=AOvVaw05FYpIoootxyoelyi5UDY1">Mathews</a>, which is presented as a tribute to Georges Perec. I only mention it here for its presupposition that translation is the paradigm of all writing. To translate is to write, to remake, to transform, to rephrase. It is writing under constraint. It is forging text from text: manipulating it, transforming it, leaving traces of it. The source text is present and absent at the same time. Absent, because not a single word remains; present, because its spirit is there, present throughout. With coded works, the translated text must occupy exactly the space furnished by the initial source text, thus preserving the exact form. It’s a tall order, but a lot of fun for the translators who accept the challenge! Their work is underground, but it is essential. There is no transmission without them.</span></span></span></span></p> <p> </p><p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span id="docs-internal-guid-5497da3b-7fff-f28f-75e6-c94e28372487"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">In this tenth issue of </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">bleuOrange</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;"> we wanted to make room for translated works and, in so doing, return to the journal’s first mandates: to make works known to a francophone audience or, conversely, francophone works to an anglophone audience; and to offer artists, authors an original creative space adapted to their adopted medium, the Internet and its networked screens. When we translated works in the past, it was the act itself as well as the challenges and difficulties that motivated us; the end results were works that could reach new audiences. This last issue is dedicated solely to this purpose. </span></span></span></span></p> <p> </p><p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span id="docs-internal-guid-5497da3b-7fff-f28f-75e6-c94e28372487"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Five works have been translated, each of them posing singular challenges for its translators. Richard Holeton’s </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Postmodern</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">, translated by Benoit Bordeleau, Sarah Grenier-Millette, and Bertrand Gervais, is based on a series of anagrams of the term “postmodern” (“postmoderne” in French), which renders translation a complex language game. Anyse Ducharme’s </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Conte de syntaxe internaute</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;"> (</span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Tale of Cybernautic Syntax</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">) is composed of bits of slang and cybernetic references, which led Allan Deneuville, Gina Cortopassi, Alexandra Martin, Lisa Tronca and Charles Marsolais-Richard to prove their creative chops. </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Salt Immortal Sea</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">, by Mark Marino, John Murray, and Joellyn Rock, required translator Mathilde Baudin to work directly with the code in order to transform not only the text, but also the reader’s gestures. The challenges of expression were doubled for Mélissa Jean-Baptiste, Lisa Tronca, Allan Deneuville, and Charles Marsolais-Ricard in a work such as Alan Bigelow’s </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">The Fall</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">, which blithely combines jargon with personal narrative. Finally, </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Les univers parallèles du Mauve Motel</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;"> (</span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">The Parallel Universes of the Mauve Motel</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">), a work born out of Simon Dumas’ process of remediation of Nicole Brossard’s novel </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Le Désert mauve</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">, required from its translators Julia Jones, Alex Shapiro, and Tiffany Templeton an attention to detail and the ability to adjust to the various voices intermingling in the work.</span></span></span></span></p> <p> </p><p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span id="docs-internal-guid-5497da3b-7fff-f28f-75e6-c94e28372487"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">These are the usual challenges of translation, but they find a new level of complexity in the digital context where code acts as context as well as constraint.</span></span></span></span></p> <p dir="ltr" style="line-height: 1.8; margin-top: 0pt; margin-bottom: 0pt; text-align: center;"><span style="background-color: transparent; white-space: pre-wrap; font-family: &quot;lucida sans unicode&quot;, &quot;lucida grande&quot;, sans-serif; font-size: 12px; text-align: center;">*</span></p> <p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span id="docs-internal-guid-5497da3b-7fff-f28f-75e6-c94e28372487"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Here we are at the tenth and last issue of </span><span style="background-color: transparent; font-style: italic; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">bleuOrange</span><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">. What was at the beginning, now more than thirteen years ago, only a crazy idea, offering hypermedia creations in the form of a web journal, has turned out to be a long-term project. Under the banner of the magazine, we have distributed works, organized evening performances, round tables, invited researchers and artists to come and work at the NT2 Laboratory and the Canada Research Chair in Digital Arts and Literatures. Among the main collaborators, I must mention Alice van der Klei who served for many years as chair, but above all as facilitator and coordinator. It was under her drive that the journal developed. I must also mention the management and editorial teams that succeeded one another: Bronja Hildgen, Sara Grenier-Millette, Gina Cortopassi, Alexandra Martin, Ariane Savoie, Lisa Tronca, Andréanne Pierre, Benoit Bordeleau, Joëlle Gauthier, Anick Bergeron, Anaïs Guilet, Gabriel Tremblay-Gaudette, Paule Mackrous, Amélie Paquet. I’m sure I’ve forgotten some. I would also like to thank my colleagues who put their shoulder to the wheel and supported the magazine: Joanne Lalonde, Sophie Marcotte, René Audet, Geneviève Sicotte.</span></span></span></span></p> <p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"><span style="font-size:12px;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span id="docs-internal-guid-5497da3b-7fff-f28f-75e6-c94e28372487"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">It’s time to leave Éluard’s perimeter. Even if words don’t lie, as the poem says, they sometimes run out, as here, just before the end.</span></span></span></span></p> <p dir="ltr" style="line-height:1.7999999999999998;margin-top:0pt;margin-bottom:0pt;"> </p> <p dir="ltr" style="line-height: 1.8; margin-top: 0pt; margin-bottom: 0pt; text-align: right;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span style="font-size:12px;"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Bertrand Gervais</span></span></span></p> <p dir="ltr" style="line-height: 1.8; margin-top: 0pt; margin-bottom: 0pt; text-align: right;"><span style="font-family:lucida sans unicode,lucida grande,sans-serif;"><span style="font-size:12px;"><span style="background-color: transparent; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; white-space: pre-wrap;">Vice-Président de / Vice President of <em>bleuOrange</em></span></span></span></p> </div> <p> </p> </div></div></div><div class="field field-name-field-num-ro field-type-entityreference field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even">10</div></div></div><div class="field field-name-field-terme-oeuvre field-type-taxonomy-term-reference field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even">Éditorial</div></div></div><div class="field field-name-field-image-oeuvre field-type-image field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even"><img typeof="foaf:Image" src="https://revuebleuorange.org/sites/bleuorange7.nt2.ca/files/styles/oeuvre/public/image_oeuvre/screen_shot_2021-02-18_at_5.26.09_pm.png?itok=t8LkNTc_" width="220" height="220" alt="" /></div></div></div> Thu, 04 Feb 2021 14:28:14 +0000 NT2 274 at https://revuebleuorange.org https://revuebleuorange.org/oeuvre/10/traduire-transmettre-translate-transmit#comments La création hypermédiatique: des ritualités alternatives pour gérer les morts violentes https://revuebleuorange.org/oeuvre/09/la-creation-hypermediatique-des-ritualites-alternatives-pour-gerer-les-morts-violentes <div class="view view-individu-sur-oeuvre view-id-individu_sur_oeuvre view-display-id-entity_view_1 isotope view-dom-id-55ca9052dde959a06cd09dac1f98448f"> <div class="view-content"> <div class="views-row views-row-1 views-row-odd views-row-first views-row-last Individu"> <div class="views-field views-field-field-portrait"> <div class="field-content"><img typeof="foaf:Image" src="https://revuebleuorange.org/sites/bleuorange7.nt2.ca/files/styles/artisteteaser/public/portrait/watthee_bw.jpg?itok=HQ24ORiS" width="220" height="185" alt="Myriam Watthee-Delmotte" title="Myriam Watthee-Delmotte" /></div> </div> <div class="views-field views-field-field-fonction"> <div class="field-content">Collaboration spéciale</div> </div> <div class="views-field views-field-title"> <span class="field-content"><a href="/individu/myriam-watthee-delmotte" class="colorbox-node" data-inner-width="1000" data-inner-height="100%">Myriam Watthee-Delmotte</a></span> </div> <div class="views-field views-field-field-ville"> <div class="field-content">Bruxelles, Belgique</div> </div> </div> </div> </div> <div class="field field-name-body field-type-text-with-summary field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even" property="content:encoded"><p style="text-align: right;">… chè s'approccia</p> <p style="text-align: right;">la riviera del sangue, in la qual bolle</p> <p style="text-align: right;">quai che per violenza in altrui noccia.</p> <p style="text-align: right;"> </p> <p style="text-align: right;">... car voici que s’approche</p> <p style="text-align: right;">la rivière de sang dans laquelle bout</p> <p style="text-align: right;">quiconque par violence nuit à autrui.<br /> </p> <p style="text-align: right;">Dante, <em>Inferno,</em> canto XII (v. 46-48)</p> <p>Si le propre de l’humanité est d’enterrer ses morts, c’est qu’elle est aussi la seule espèce vivante à la symboliser. De tout temps, par une gestuelle, des phrases, des images, des sonorités choisies, l’être humain transforme le cadavre-objet en défunt et gère la douloureuse question de la mortalité. Le besoin d’un lieu et d’un temps dévolus à la gestion de la mort, inséparable de la nécessité d’une interrogation sur le sens, caractérise l’espèce humaine et a généré diverses formes rituelles, tantôt institutionnalisées, tantôt sauvages, mais toujours liées au désir de porter collectivement la réalité de la mort. Les créations hypermédiatiques jouent aussi leur rôle dans ce processus, comme en témoigne cette livraison de <em>BleuOrange</em> consacrée aux morts violentes.</p> <p>La littérature hypermédiatique se situe à cet égard au point de convergence de deux dynamiques. D’une part, les lettres et les arts ont de tout temps permis la gestion de ce qui n’est pas nécessairement pris en charge par l’institution lors des cérémonies officielles des funérailles ou des cérémonies commémoratives, qui compriment souvent l’émotion individuelle dans des cadres de rationalité, voire de bureaucratisation de la mort, en particulier par un compartimentage du temps. D’autre part, dès son invention, le médium informatique a été le lieu d’initiatives concurrentes aux rites mortuaires institués pour instaurer des ritualités parallèles, directement gérées par les endeuillés dans le cyberespace qui leur est familier au quotidien; ainsi sont apparus les cimetières virtuels (le premier étant <em>The World Wide Cemetery</em> de Michael Kibbee en 1995, <a href="http://www.cemetery.org">www.cemetery.org</a>), les sites commémoratifs, et des pages spécifiques sur les réseaux sociaux comme <em>Facebook</em> ou <em>Myspace</em>.</p> <p>La création sur support numérique offre, par comparaison aux textes imprimés ou aux œuvres d’art traditionnelles, la possibilité de répondre à deux désirs fondamentaux à l’égard de la gestion de la mort: d’une part la personnalisation des rites mortuaires contre le «prêt-à-enterrer» des entreprises funéraires (Roberge, 2015, p. 183), et d’autre part, le souci d’une publicisation caractéristique de l’acception actuelle du communautaire (Heinich, 2012). En effet, dans le cadre des écrits d’écran, «l’activité rituelle traverse alors la sphère privée aussi bien que la sphère publique» (Gamba, 2015, p. 209). Car la particularité du fonctionnement numérique est que la socialisation peut y fonctionner <em>bottom up</em>: les besoins individuels peuvent y croiser les préoccupations collectives; ils naissent de manière singulière et s’agrègent ensuite virtuellement autour de valeurs partagées.</p> <p>Tel est le but atteint par les quatre créations de ce dossier, qui chacune à sa manière propre, abordent la violence de la mort tout en proposant un discours commun sur la difficulté du deuil, et tissent à cet égard un lien particulier entre morts et vivants.</p> <p><em>Remembering the Dead</em>, de John Barber, accomplit un geste de commémoration funèbre en faisant apparaître, auditivement et visuellement, les noms de morts tués par balles en Amérique durant les années 2015 et 2016. Cette liste sera malheureusement mise à jour. Non pas les morts accidentelles ni les suicides, mais les homicides intentionnels, dont il note la date, le lieu, et l’identité de la victime. Œuvre de souvenir, ce travail propose une stratégie d’extension de la mémoire, une sorte de mémorial indéfiniment offert à sa réactualisation à chaque nouvelle visite du site par un internaute. Les modalités peuvent faire songer aux pratiques traditionnellement liées aux hommages aux soldats morts en guerre. Ainsi le rituel du <em>Last Post</em> (le dernier appel) qui se déroule quotidiennement sous les voûtes de la Porte de Menin à Ypres, recouvertes des noms des soldats; ou les <em>Livres du Souvenir</em> conservés dans la Tour de la Paix du Parlement à Ottawa, qui renferme les noms des 66 655 personnes qui ont perdu la vie au cours de la Première Guerre mondiale, et de 44 893 victimes de la Seconde Guerre mondiale. Une page de ces livres est tournée chaque jour. Les Archives nationales françaises ont ainsi récemment mis en ligne les recensements des victimes du conflit réalisés pour chaque commune après la guerre. On peut aussi penser au mur des Noms de Jérusalem, sur lequel sont gravées les identités de 76 000 Juifs déportés dans le cadre du plan nazi d'extermination. On peut aussi songer au «patchwork de noms», un rite apparu en 1987 dans la communauté gay de San Francisco pour se souvenir des morts du sida (les endeuillés fabriquent un patchwork commun avec des carrés d’étoffe qui portent le nom de leurs morts, qui est ensuite exposé lors de la journée mondiale du sida, et diffusé sur internet (<a href="http://www.aidsquilt.org" onclick="window.open(this.href, '', 'resizable=no,status=no,location=no,toolbar=no,menubar=no,fullscreen=no,scrollbars=no,dependent=no'); return false;">www.aidsquilt.org</a>).</p> <p>Le point commun entre ces commémorations officielles et le travail de Barber réside dans l’appel à la conscientisation du désastre humain de par le seul effet statistique: aux États-Unis, les morts par balles sont aussi nombreuses que celles liés aux accidents automobiles, soit environ 30 000 par an; rien que le jour de Noël 2015, 37 personnes ont été tuées intentionnellement. Avec pour conséquence l’appel à un système de valeurs, une invitation explicite à la tolérance, et implicite à considérer ce que la vie humaine a de sacré. Mais <em>Remembering the Dead</em> offre aussi tout autre chose, à savoir l’interpellation personnelle de chacun: combien de temps sommes-nous disposés à consacrer à ce travail mémorial, qui s’interrompt lorsque l’internaute en décide, laissant dans l’ombre et dans l’oubli des milliers d’individus sacrifiés? Interrompant le cérémonial du souvenir, l’internaute contribue lui-même virtuellement à l’effacement, à la néantisation des victimes; peut-il dès lors blâmer l’indifférence des politiques à la violence réelle?</p> <p><em>Paroles gelées</em> propose également, pour sa part, une responsabilisation de l’usager, cette fois sous une forme ludique. Tout part d’une allusion littéraire, à savoir un épisode du <em>Quart-livre</em> de Rabelais qui raconte qu’à l’issue de la bataille entre les Arismapiens et les Nephelibates, les bruits du combat ont gelé dans l’air, et que ce n’est qu’à la saison du redoux qu’ils ont fondu, libérant les cris des hommes et des chevaux. Françoise Chambefort réalise une animation interactive où l’internaute choisit de laisser passer ou non des bulles de couleur. S’il les touche, elles laissent éclater des fragments sonores qui témoignent de guerres et d’attentats récents. L’origine du son et la date de l’événement apparaissent furtivement sur l’écran: Birmanie mai 2012, Lybie août 2014, Syrie juillet 2015, USA décembre 2015, Belgique mars 2016, etc. Outre le côté mémoriel et la conscientisation de la puissance de la violence dans l’horizon contemporain, on active ici la perception de sa permanence ininterrompue depuis le XVI<sup>e</sup> siècle, qui fait de l’internaute un proche de Rabelais (avec pour corollaire la valorisation de la littérature qui transcende les époques). Et c’est par assimilation à une structure ludique (un jeu de capture de balles) que l’internaute est interpellé, car les actions qu’il va poser seront chargées de sens: jusqu’où peut-il tolérer de faire intervenir dans son propre espace les traces de tragédies qui déchirent le monde? Aucun de ses gestes ne pourra être innocent. <em>Les Paroles gelées</em> font de lui un être impliqué.</p> <p>Les rites de mort sont le propre des survivants et s’adressent à eux autant, sinon davantage, qu’aux disparus. Pierre Baudry fait remarquer à cet égard que la tendance actuelle est plutôt la «retenue» du défunt auprès de soi que la séparation (Baudry, 1995, p. 20). En ce sens, <em>Summertine tristesse</em> de Marie Darsigny et <em>this is how you will die</em> de Jason Nelson opèrent tous deux un exercice de familiarisation avec la mort par euphémisation. La première propose un montage qui repose sur le recyclage de traces mémorielles, prônant la non-clôture des objets culturels et leur relance indéfinie possible; le second engage à la simulation de la mort de soi. Dans les deux cas, ce qui est en jeu est la transgression virtuelle des limites du temps et de l’espace qu’autorise le cyberespace.</p> <p>Ces différentes créations hypermédiatiques sont autant de propositions en décalage des modes habituels du rapport commémoratif à la mort. Elles se distinguent de la littérature, et des Tombeaux littéraires entre autres (Watthee-Delmotte, 2012), de par leur dimension procédurale: l’internaute est appelé à prendre une part active au travail de mémoire et c’est très concrètement, par les gestes qu’il pose, qu’il prend part à l’élaboration du sens. À la fois seul devant l’écran, responsable de ses gestes de lecture, il est aussi connecté à une communauté virtuelle d’endeuillés dans laquelle il est appelé à se situer sur le plan axiologique: quelle place décide-t-il d’accorder aux victimes de morts violentes? Quelles valeurs met-il lui-même en œuvre? Ainsi la lecture de ces œuvres n’est pas neutre, mais symboliquement chargée, car elle participe aux ritualités alternatives qu’offre l’espace hypermédiatique dans la gestion de la question séculaire des morts violentes.</p> <p align="right">Myriam Watthee-Delmotte</p> <p align="right">Directrice de recherches du FNRS</p> <p align="right">Professeur à l’Université catholique de Louvain</p> <p align="right">Membre de l’Académie royale de Belgique</p> <p> </p> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p>Baudry, Patrick, «Devant le cadavre», dans <em>Religiologiques</em> n°12, 1995, pp. 19-29.</p> <p>Gamba, Fiorenza, «La personnalisation numérique des nouveaux rituels funèbres», dans Jeffrey, Denis &amp; Cardita, Angelo, <em>La fabrication des rites</em>, Québec, Presses de l’université Laval, 2015, pp. 195-212.</p> <p>Heinich, Nathalie, <em>De la visibilité: Excellence et singularité en régime médiatique</em>, Paris Nrf/Gallimard, 2012.</p> <p>Roberge, Martine, «Autopsie des rites funéraires contemporains: une tendance à la re-ritualisation», dans Jeffrey, Denis &amp; Cardita, Angelo, <em>La fabrication des rites</em>, Québec, Presses de l’université Laval, 2015, pp. 179-194.</p> <p>Watthee-Delmotte, Myriam, «Les tombeaux littéraires. Du rite au texte», dans <em>Esthétique et spiritualité 2: Circulation des modèles européens</em>, sous la direction de Decharneux B., Maignant C. et Watthee-Delmotte M., Fernelmont, E.M.E., 2012, pp. 289-306.</p> </div></div></div><div class="field field-name-field-num-ro field-type-entityreference field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even">09</div></div></div><div class="field field-name-field-terme-oeuvre field-type-taxonomy-term-reference field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even">Éditorial</div></div></div> Tue, 01 Nov 2016 14:42:14 +0000 Ariane Savoie 251 at https://revuebleuorange.org https://revuebleuorange.org/oeuvre/09/la-creation-hypermediatique-des-ritualites-alternatives-pour-gerer-les-morts-violentes#comments Remédiatisations et explorations https://revuebleuorange.org/oeuvre/08/remediatisations-et-explorations <div class="view view-individu-sur-oeuvre view-id-individu_sur_oeuvre view-display-id-entity_view_1 isotope view-dom-id-5ed738c7f8b24332d1f13669a93d650c"> <div class="view-content"> <div class="views-row views-row-1 views-row-odd views-row-first views-row-last Individu"> <div class="views-field views-field-field-portrait"> <div class="field-content"><img typeof="foaf:Image" src="https://revuebleuorange.org/sites/bleuorange7.nt2.ca/files/styles/artisteteaser/public/portrait/portrait-lucile-haute.jpg?itok=FJQ4sw_g" width="220" height="185" alt="Lucile Haute" title="Lucile Haute" /></div> </div> <div class="views-field views-field-field-fonction"> <div class="field-content">Artiste, Coédition, Collaboration spéciale</div> </div> <div class="views-field views-field-title"> <span class="field-content"><a href="/individu/lucile-haute" class="colorbox-node" data-inner-width="1000" data-inner-height="100%">Lucile Haute</a></span> </div> <div class="views-field views-field-field-ville"> <div class="field-content">Paris, France</div> </div> </div> </div> </div> <div class="field field-name-body field-type-text-with-summary field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even" property="content:encoded"><p>Du 7 au 11 juillet 2014, plusieurs intervenants du monde du livre numérique, des arts et du design se sont réunis à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs (Paris) pour un atelier de recherche-création proposé par le collectif Hyperfictions.org autour du thème «Livres d’artistes, livres numériques». Manifeste, photos et vidéos, livres numériques signés par Alice Zavaro, Jean-François Boulan, Rahaf Demashki, Émeline Brulé et Tomek Jarolim, nouvelle version inédite de l’hyperfiction <em>Conduit d’aération</em>… Dans ce numéro spécial de <em>bleuOrange</em>, nous vous présentons quelques-uns des projets réalisés par les participants de l’atelier, en plus de documenter ces cinq journées d’exploration hors du commun.</p> <p>Parallèlement, pour accompagner ces œuvres, nous vous invitons à découvrir en hors-thème la traduction française de <em>STRUTS</em> (<em>SOUCHES</em>), un collage textuel algorithmique de J.R. Carpenter, et le projet bilingue <em>…Reusement</em>, réalisé par Jerome Fletcher. Car si l’œuvre hypermédiatique peut naviguer entre papier et numérique, comme nous le démontrent les projets du collectif Hyperfictions.org, elle se pense et se diffuse aussi parfois entre les langues.</p> <p><strong>Direction du numéro:</strong><br />L’équipe de <em>bleuOrange</em><br />Avec la collaboration spéciale de Lucile Haute (EnsadLab – ENSAD, Paris)</p> </div></div></div><div class="field field-name-field-num-ro field-type-entityreference field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even">08</div></div></div><div class="field field-name-field-terme-oeuvre field-type-taxonomy-term-reference field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even">Éditorial</div></div></div><div class="field field-name-field-image-oeuvre field-type-image field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even"><img typeof="foaf:Image" src="https://revuebleuorange.org/sites/bleuorange7.nt2.ca/files/styles/oeuvre/public/image_oeuvre/edito-atelier-carre.jpg?itok=k0Eg4UQg" width="220" height="220" alt="Remédiatisations et explorations" title="Remédiatisations et explorations" /></div></div></div> Sat, 20 Jun 2015 13:16:34 +0000 Joël Gauthier 229 at https://revuebleuorange.org https://revuebleuorange.org/oeuvre/08/remediatisations-et-explorations#comments