Ce n'est écrit nulle part » Archives http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart Propos éphémères et littéraires de Bertrand Gervais Tue, 23 May 2017 14:21:28 +0000 en hourly 1 Voici ce qui arrive quand on est à court de sirop d’érable http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2017/02/22/voici-ce-qui-arrive-quand-on-est-a-court-de-sirop-derable/ http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2017/02/22/voici-ce-qui-arrive-quand-on-est-a-court-de-sirop-derable/#comments Wed, 22 Feb 2017 15:42:47 +0000 Bertrand Gervais http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/?p=2452 Un vrai carnage.

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Comment les Belges punissent les traitres et les espions. http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2017/02/21/comment-les-belges-punissent-les-traitres-et-les-espions/ http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2017/02/21/comment-les-belges-punissent-les-traitres-et-les-espions/#comments Tue, 21 Feb 2017 19:32:54 +0000 Bertrand Gervais http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/?p=2446 Et on peut dire qu’ils n’y vont pas de main morte!

Repris du site Blog Ripper, section Le petit Journal.

 

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Les spectres de la place Saint-Sulpice http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2016/10/22/les-spectres-de-la-place-saint-sulpice/ http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2016/10/22/les-spectres-de-la-place-saint-sulpice/#comments Sat, 22 Oct 2016 15:47:59 +0000 Bertrand Gervais http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/?p=2424

En préparant une intervention pour le projet « Archiver le présent. Le quotidien et ses tentatives d’épuisement », je suis revenu sur l’expérience de Georges Perec, place Saint-Sulpice, qui a donné lieu au livre Tentative d’épuisement d’un lieu parisien (1975). Pour montrer que tout un chacun pouvait refaire, dans le confort de son foyer, l’expérience de Perec, j’ai commencé à circuler place Saint-Sulpice via la plateforme Google Street View et même à faire des captures d’écran de ce qui avait été photographié par les caméras de la compagnie.
C’est ainsi que me sont apparus les spectres de la place Saint-Sulpice. Les spectres, c’est-à-dire ces figures évanescentes qui peuplent les photos prises par Google et ses neuf caméras. Ces photos sont souvent des montages de diverses sous-photos, fondues les unes dans les autres. Normalement, on remarque à peine les sutures entre les clichés, les zones floues aux frontières des images. Ce qui nous intéresse de toute façon, c’est moins la technique utilisée ou la valeur des clichés que l’illusion de présence suscitée par leur montage. C’est le monde qui nous est donné à voir avec Google Street View, la place Saint-Sulpice avec ses rues, ses voitures et ses camions, ses passants, ses cafés et commerces, etc. C’est comme si on y était.

Pour lire la suite de cette entrée, rejoindre le carnet de recherche « Archiver le présent » sur le site de ALN | NT2.

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Hochelaga imaginaire http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2016/10/21/hochelaga-imaginaire-2/ http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2016/10/21/hochelaga-imaginaire-2/#comments Fri, 21 Oct 2016 20:27:18 +0000 Bertrand Gervais http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/?p=2419

En étroite collaboration avec Benoit Bordeleau, nous avons mis en ligne en 2014-2015 un projet intitulé: HOCHELAGA IMAGINAIRE. Explorations géopoétiques dans Hochelaga-Maisonneuve et autour. Avec la collaboration des membres de La Traversée – Atelier québécois de géopoétique, nous avons entrepris de déployer un imaginaire du lieu issu de la tension entre l’expérience de cette étendue montréalaise et des strates composant sa mémoire : historique, géographique, littéraire, mais aussi la mémoire d’une parole qui y est encore vive.

Dans ce cadre, j’ai fait paraitre un certain nombres de textes, dont on retrouvera ici les liens:

« La vie secrète des évènements »

« Tentative d’épuisement d’un quartier montréalais » (attention pastiche)

« Qui le saura? »

« Le monde est Sharp »

et

« Géopoétique des lignes brisées : musements, chants de pistes et labyrinthes hypermédiatiques » (Texte initialement paru dans la revue Formes poétiques contemporaines, SUNY Buffalo, 2014, no 11, p. 31-48.)

C’est à lire, évidemment.

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Naked City redux. Épitaphe (20/20) http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2015/06/08/naked-city-redux-epitaphe-2020/ http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2015/06/08/naked-city-redux-epitaphe-2020/#comments Mon, 08 Jun 2015 03:15:58 +0000 Bertrand Gervais http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/?p=2320 Dernier épisode: Naked City Redux. Éclipse encore (19/20)

 

Sur ces mots se termine Naked City Redux, texte de 1979.

La dernière feuille de la liasse était déchirée aux trois quarts. Je n’ai aucun moyen de savoir si le récit se poursuivait au-delà de ces derniers mots ou si d’autres pages complétaient l’ensemble. J’ai examiné avec soin l’agrafe, elle ne m’a rien révélé de précis. Le métal était en partie rouillé et le papier légèrement taché; c’est tout.

Je m’étais habitué, avec les années, à cette fin ouverte, à ce personnage sans nom trimballé en camionnette, aveugle au destin qui se prépare. Des REPRÉSENTANTS s’occupent de lui. Je l’imagine encore sur la rue Dorchester, avant qu’elle devienne René-Lévesque, à l’angle de la rue Saint-Denis, au coin de l’hôpital Saint-Luc. Il fait froid. Le temps est maussade. La vie hésite.

Ma transcription, lente et laborieuse, est maintenant complète.  Duncan est mort et mon narrateur se laisse mourir, incapable de suivre les mouvements de sa propre pensée. Que voulais-je faire en reprenant ce récit vieux de plus de trente-cinq ans? Je ne sais plus. Revisiter le passé, c’est certain. Retrouver un peu de ce désespoir qui m’habitait et que je regarde maintenant comme une contrée depuis longtemps quittée. Assurément. Mais quoi d’autre?

Un demi-siècle sépare l’univers de Duncan Kleist du mien. Naked City, la série télé, était diffusée sur l’une des trois chaines américaines que le câble permettait de syntoniser. J’écris ces notes directement à l’écran et elles sont destinées à un site web. Je ne regarde plus la télé depuis des années. Les beats sont de l’histoire ancienne.

Pendant que mes doigts pianotaient sur le clavier, j’écoutais en boucle le vieux disque de King Crimson, In the Court of the Crimson King. Ce microsillon de 1969 ne m’a jamais quitté. Les chansons y sont complexes, tragiques et la voix de Greg Lake leur donne une liquéfiante gravité. Sur « Epitaph », qui résonne encore dans mes écouteurs, elle devient même lumineuse. C’est l’hymne que chantonne mon héros, seul dans sa cellule recouverte d’yeux. Les paroles en sont apocalyptiques et elles résument sans peine le sentiment qui l’habitait. Qu’en reste-il maintenant? Je ne sais quoi répondre. Rien n’est plus fugace qu’une impression.

Confusion will be my epitaph
As I crawl a cracked and broken path
If we make it we can all sit back and laugh,
But I fear tomorrow I’ll be crying,
Yes I fear tomorrow I’ll be crying
Yes I fear tomorrow I’ll be crying.

 

 

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Naked City Redux. Éclipse encore (19/20) http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2015/06/08/naked-city-redux-eclipse-encore-1920/ http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2015/06/08/naked-city-redux-eclipse-encore-1920/#comments Mon, 08 Jun 2015 03:09:25 +0000 Bertrand Gervais http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/?p=2310 Dernier épisode: Un moment à couper au couteau (18/20)

 

La douche fut froide et insupportable, les serviettes étaient rêches et raides, les mains qui me manipulaient n’avaient aucune compassion, j’étais leur marionnette, un bras levé ici une jambe pliée là, une claque sur les fesses pour faire bonne figure. À peine habillé, je fus transporté dans une camionnette, déposé vulgairement à l’arrière, entre les coffres à outils et les chaises pliées, et c’est là, assommé par toute cette activité, que je me suis mis à revoir Duncan, bien en chair à mes côtés, Duncan le front éclaté, les rides marquées par le sang et la poussière, Duncan revenu des morts pour m’escorter.

Sa mort n’aura pas été inutile, pauvre Duncan, ses poèmes ont finalement été mis à la poste. Quand le détective qui enquêtait sur sa mort a compris ce qu’il tentait de faire, il a refait le trajet du poète et a découvert le paquet dans lequel se trouvaient ses poèmes. Et il l’a posté.

En interrogeant le meurtrier, le détective s’était fait à l’idée que les poèmes étaient irrémédiablement perdus. Au moment où le barman frappait de rage Duncan à la tête et le tuait, le paquet tombait dans une bouche d’égout et passait à travers la grille. Duncan expirait en regardant la bouche d’égout qui avait avalé son œuvre. Sa mort était double, car s’éteignait avec son dernier soupir la possibilité qu’il soit lu.

Retournant sur les lieux du crime, le détective s’est rappelé que les bouches d’égout avaient souvent une grille intérieure. Voulant en avoir le cœur net, il s’est couché sur la rue, et il a tendu la main, cherchant du bout des doigts le paquet. Il a cherché et cherché et la caméra s’est approchée de son visage jusqu’à  détailler le blanc de ses yeux et les pores de son nez et ses joues flasques, et il a cherché, tâtonné, ses doigts en extension maximale et finalement oui quel miracle! oui il a touché quelque chose, et oui on aurait dit du papier, une enveloppe de papier, et du bout des doigts, il a réussi à s’emparer du paquet et à le remonter, car c’était bel et bien un paquet, souillé, détrempé, mais quand même intact, un paquet scellé et adressé à Gloria Christmas, elle-même.  Il aurait pu l’ouvrir et lire les poèmes de Duncan, il aurait pu mettre ses yeux sur ces lignes qui avaient fait souffrir le poète beat, mort au combat, mais non, il ne l’a pas ouvert, il a mis des pièces dans la machine distributrice de timbres et il a déposé le paquet affranchi dans la boite aux lettres. Il a posté le paquet à Gloria Christmas, Idaho.

Duncan n’est pas mort inutilement et cette vision d’un détective sensé et attentif, cette possibilité d’un REPRÉSENTANT différent calme mes tremblements et adoucit ma tristesse. Je n’ai plus le gout de combattre le sommeil et tout ce qui viendra de mon overdose, je me laisse bercer par le roulement de la camionnette qui roule sur les rues de ma ville. Ma ville nue. Ma ville noire et blanche. Ma ville d’errance et de mort.

La suite ne m’appartient pas. Je la laisse à Gloria Christmas qui ignore tout du rôle que je lui destine.

 

Prochaine épisode: Naked City Redux. Épitaphe (20/20)

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Naked City Redux. Un moment à couper au couteau (18/20) http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2015/06/08/naked-city-redux-un-moment-a-couper-au-couteau-1820/ http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2015/06/08/naked-city-redux-un-moment-a-couper-au-couteau-1820/#comments Mon, 08 Jun 2015 03:07:14 +0000 Bertrand Gervais http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/?p=2297 Dernier épisode: Naked City Redux. L’éclipse (17/20)

 

 

 

Prochain épisode: Naked City Redux. Éclipse encore(19/20)

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Naked City Redux. L’éclipse (17/20) http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2015/06/06/naked-city-redux-leclipse-1720/ http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2015/06/06/naked-city-redux-leclipse-1720/#comments Sat, 06 Jun 2015 14:40:40 +0000 Bertrand Gervais http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/?p=2287 Dernier épisode: Naked City Redux. Dernier acte: l’éclipse (16/20)

Apocalypse d'Angers (XIVe siècle)

 

Un homme et une femme sont venus ce matin. Les REPRÉSENTANTS. Ils ont dû me laver car j’étais sale et puais, de la charogne a-t-elle dit, une véritable puanteur a-t-il répondu, et ils avaient raison, depuis mon arrivée dans cette cellule je ne m’étais pas lavé une seule fois, mes mains étaient dégoutantes, les pieds noircis par la crasse, ils ont dû me laver car je ne le faisais pas moi-même, ils croyaient que c’était une grève, que toute cette puanteur était une contestation de ma part, une nouveau crime social; j’ai eu beau leur expliquer que mon corps était propre et que je me lavais à sec avec la main gauche, que mes mains, mes doigts, mes ongles étaient propres sauf les trois derniers que je n’avais pas encore consommés, et qui devaient être épargnés.

Les REPRÉSENTANTS ne voulaient rien entendre, ils m’ont levé de force, m’ont trainé dans les douches, m’ont mis la bouche sous le jet d’eau; non, non, leur ai-je dit, non encore, ne touchez pas à mes ongles, il y en a trois, il est impératif de ne pas y toucher, ce sont mes ongles fétiches, mes ongles hallucinogènes, mais ils ne voulaient rien entendre, et ils ont entrepris de me laver sous la douche, les cheveux, le visage, les aisselles, les pieds, le sexe, ne touchez pas à ça, non, les fesses, vous êtes ridicules, on ne me touche pas, je ne suis plus un enfant, j’ai passé depuis longtemps l’étape de l’écolier lisant des bédés dans les bus, hé non ça va pas, mais ils ne m’écoutaient pas, ils étaient venus me chercher, c’était pour mon bien, ils voulaient me livrer propre de la tête aux pieds, et ils se sont même attaqué à mes mains, à mes doigts, à mes ongles, MES ONGLES,  on va te décrotter ça, disaient les REPRÉSENTANTS en riant, ce sera propre propre propre comme à Noël, j’ai résisté de toutes mes forces, je les laverais moi-même mes ongles, je les grignoterais moi-même, petit à petit, une rognure à la fois histoire de dégager à faible dose le produit que j’y avais déposé, mais il fallait qu’ils comprennent que cela prendrait du temps, une semaine peut-être, cinq jours au bas mot, je ne pouvais me les ronger tout d’un coup, c’était inhumain, mortel même, le troisième œil allait éclater pour sûr, je les suppliais, laissez-moi partir, ne me touchez pas, oubliez mes ongles, ils ne vous regardent pas, ils sont à moi et à Gloria Christmas.

J’ai supplié, j’ai promis, juré même et, pour toute réponse, ils ont saisi ma main droite,  l’homme surtout, la femme me retenait par la taille, et ils m’ont forcé à la prendre dans ma bouche. Tu veux te les ronger tes ongles? Alors ronge-les, tiens ta main, la voilà! Tu la veux? Tu veux cette puanteur de main? Avale-la. Elle est à toi. Prends et mange. D’abord elle sera douce comme le miel, mais bientôt elle remplira tes entrailles d’amertume. Et ils m’ont mis la main dans la bouche grande ouverte. Et ils l’ont laissée là, dans ma bouche, comme si j’étais chez le dentiste, pendant plus de vingt minutes! Tout le temps qu’il fallait pour que le venin se dégage de l’ongle et se répande dans mon corps, descende le long de ma gorge et du larynx, glisse par l’œsophage jusque dans mon estomac et pénètre peu à peu dans mon système sanguin. Troisième œil, here we come.

Une figure inattendue apparut dans la cellule. Une femme, le soleil pour manteau, la lune sous les pieds et sur la tête une couronne d’étoiles. Gloria Christmas! Elle était enceinte, elle criait, comme dans les douleurs d’un enfantement. Un être, rouge feu, plein de têtes et de cornes, vint se poster devant elle, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. Je fermai les yeux. C’en était trop.

 

Prochain épisode: Naked City Redux. Un moment à couper au couteau (18/20)

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Naked City Redux. Dernier acte : l’éclipse (16/20) http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2015/06/05/naked-city-redux-dernier-acte-leclipse-1620/ http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2015/06/05/naked-city-redux-dernier-acte-leclipse-1620/#comments Fri, 05 Jun 2015 18:24:14 +0000 Bertrand Gervais http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/?p=2282 Dernier épisode. Naked City Redux. Le REPRÉSENTANT qui ne m’a pas sauvé la vie (15/20)

 

Ils sont venus ce matin, ils étaient deux. Un homme et une femme. Lui, très très grand. Et blond. Elle, minuscule à côté de lui, cheveux noir, une coupe à la Édith Piaf. Des REPRÉSENTANTS d’une firme privée, je ne sais trop, je n’ai rien compris de ce qu’ils me racontaient. Ils venaient me chercher, je serai bientôt en sécurité. Un bienfaiteur anonyme voulait me sortir des griffes de la justice et du ressentiment. Il m’attendait, voulait m’offrir l’asile, du papier pour écrire, un écran. Je n’ai pas bronché. Je ne ressens plus rien, de toute façon, ni la fatigue ni mes pieds, je suis couché sur le lit qu’on m’a fourni, avec ses ressorts grinçants et son matelas écrasé, et je cours après ma respiration, c’est rauque et douloureux, je sue, mes yeux sont embrouillés, je me sens comme si j’étais dans un scaphandrier qui n’est plus alimenté en air. L’eau est vaseuse, ce n’est pas tellement que j’ai froid, mais je frémis, mes sens sont à fleur de peau, tout m’irrite. Je suis présent et absent en même temps, je me suis décroché de ma propre vie, blotti dans un coin de la cellule. Je me répète sans arrêt : tu dois respirer, tu dois continuer, allez, une respiration à la fois, un peu d’oxygène dans tes poumons, allez, respire, inspire expire inspire expire, mais l’air est insipide et je ferme les yeux, Duncan, viens me chercher, c’est ce qui me fait le plus peur, m’endormir et rêver jusqu’à ma mort,  parce que quelque chose ou quelqu’un me dira de ne plus respirer et je n’aurai d’autre choix que d’obéir, cela fait mal de respirer, mes bronches râlent, cela fait mal et tellement de bien quand on s’arrête un peu, un acte héroïque oui, tout le monde respire, notre société est fondée sur la respiration, c’est incroyable, tous ces gens qui acceptent la respiration comme fondement de leur vie, moi je dis qu’il faut cesser d’obéir sans réfléchir, il ne faut respirer que si on le veut, et non parce qu’on nous l’ordonne, je hais les mots d’ordre et leurs impératifs, la décadence de notre civilisation tout entière repose sur notre aveuglement, notre soumission aux diktats de la respiration, le mal est là, juste là; Duncan, ombre parmi les ombres, fantôme de bas étage, me recommande de ne plus respirer, il me demande de ne plus prendre une seule autre respiration, que celle que je viens de prendre soit la dernière, oui, celle-là, poumons écorchés, qu’elle soit la dernière et qu’on n’en parle plus, ce sera tu le verras un acte libérateur, suprême, toutes les autres actions n’étaient que des faux-fuyants en comparaison, des artifices, et le seul vrai acte, l’ultime décision, celle qui valide toutes les autres, la seule action possible est de cesser de respirer. Duncan a tenté de reprendre ses poèmes afin de les envoyer à Gloria, geste qui aurait validé sa descente aux enfers, mais il n’a fait que provoquer sa propre mort, un dieu vengeur l’a puni pour avoir osé reprendre ce qui ne lui appartenait plus. Je ne sais pas pourquoi son histoire m’attire, mais elle le fait, je pleure pour Duncan, je cherche des liens entre sa vie et la mienne, c’est sûrement la quête d’absolu qui nous rapproche. La poésie. L’absolu. Cesser de respirer.

 

Prochain épisode. Naked City Redux. L’éclipse (17/20)

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Naked City Redux. Le REPRÉSENTANT qui ne m’a pas sauvé la vie (15/20) http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2015/06/02/naked-city-redux-le-representant-qui-ne-ma-pas-sauve-la-vie-1520/ http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/2015/06/02/naked-city-redux-le-representant-qui-ne-ma-pas-sauve-la-vie-1520/#comments Tue, 02 Jun 2015 14:47:14 +0000 Bertrand Gervais http://blogue.nt2.uqam.ca/cenestecritnullepart/?p=2269 Dernier épisode: Naked City Redux. Sixième mouvement : l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (14/20)

 

 

Le REPRÉSENTANT est reparti en me laissant dans la main ce que je me suis empressé d’avaler.

Un comprimé comme une goutte de liquide incolore.

(silence lourd et rauque)

J’avais écouté d’une oreille distraite ce qu’il m’avait expliqué.

Je ne suis pas attentif aux choses de ce monde.

Ma mère ne cessait de me le reprocher:

Toujours dans la lune, toujours à rêvasser.

Tu ne feras rien de bon dans la vie, si tu continues à ne rien faire de tes jours.

Je ne l’ai jamais écoutée.

La lune est encore mon endroit favori.

Je m’y aventure dès que le vent se révolte,

Sur la face cachée, dans le noir et le froid et le vide et le blanc laiteux d’une matière volcanique inerte.

 

Je regarde les yeux dessinés sur les murs de ma cellule.

Parmi ces yeux, il y en a un que je ne retrouve plus.

C’est l’œil de Duncan, mort et enterré.

L’œil du poète de malheur qui a écrit son malaise en courtes phrases paroxystiques.

L’œil de Duncan Kleist.

Le sourire de Gloria Christmas, comme une récompense.

Duncan.

Il était un poète comme je suis un prisonnier.

Par un étrange concours de circonstances.

Un voyage de mille pas commence avec le premier dit le proverbe chinois ou népalais.

Je ne sais plus.

 

Tout au long de ses nuits de débauche, Duncan ne cessait de rêver à Gloria.

Sa beuverie l’occupait tout entier.

Gloria était son phare, lumière distante qui le guidait.

Si seulement il pouvait sortir de son marasme, de cette mer d’alcool, et la rejoindre, il serait sauvé.

Gloria.

Mais il fallait pour cela qu’il sorte de l’eau.

Il fallait qu’il crée de toutes pièces un nouveau monde.

Beau et pur.

Une véritable utopie au centre de laquelle Gloria se dresserait comme une déesse de l’amour et de l’abnégation.

Il s’est noyé, un poème à la fois.

(rauque)

Il est mort, frappé par derrière.

(The  barman’s the culprit.)

Pourtant, ce sont ses propres travers qui l’ont tué.

Il est mort comme il a vécu, sans rien comprendre de ce qui se tramait véritablement sous la surface, entre les lignes, entre les pages, entre les séquences.

 

Le REPRÉSENTANT est parti.

La collégienne a été sevrée.

Duncan a été frappé à la tête et nage dans un bain de sang.

Gloria est un mythe sans fondement.

Un labyrinthe impossible à pénétrer.

Et ce bref moment de conscience est devenu insupportable.

Pendant ce temps, je me laisse bercer par un hymne à la mort.

Une voix lourde et forte me tient éveillé la nuit.

Et  je crains que demain je me mette à pleurer.

Je crains que demain je me mette à pleurer.

Je crains que demain je me mette à pleurer.

Le décompte est commencé.

Ce n’est pas un hymne à la joie qui résonne, mais une sombre mélodie.

Confusion et dissolution me guettent.

 

 

Prochain épisode: Naked City Redux. Dernier acte: l’éclipse (16/20)

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