Hochelaga Imaginaire - Rue Sherbrooke http://hochelagaimaginaire.ca/taxonomie-rue/rue-sherbrooke fr De la poussière http://hochelagaimaginaire.ca/note-de-terrain/de-la-poussi%C3%A8re <div class="field field-name-field-auteur field-type-entityreference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Auteur·e·s:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/individu/prudhomme-rheault-lucas">Prud&#039;homme-Rheault, Lucas</a></div></div></div><div class="field field-name-body field-type-text-with-summary field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even" property="content:encoded"><p align="right"> « Tout se réduit, en fait, à la peur de la mort. »</p> <p align="right">E.M. Cioran</p> <p align="right"><em>Sur les cimes du désespoir</em></p> <p> </p> <p><em>J’y suis retourné après cinq ans.</em></p> <p><em>C’était le 31 octobre, le soir. Un homme s’est approché de moi, a mis ses mains sur ma gorge, il a serré. Une femme a hurlé. Je me suis dégagé. J’ai arpenté le boulevard Pie-IX, désorienté, à la course, j’ai perdu le nord – je le suivais pourtant. J’ai traversé la rue Sherbrooke, n’y suis jamais revenu. </em></p> <p><em>J’ai la mémoire des pas. Les rues ont changé et pourtant mon corps s’oriente de lui-même. Je reviens pour teinter mon regard de nuances plus claires. Lorsque j’entends « Hochelaga » je vois du noir, une ombre…</em></p> <p><em>Je manque d’air. </em></p> <p align="center"> </p> <p style="text-align: justify;">Trouver une façon de disparaitre dans le décor; laisser le noir à la maison, porter le bleu, le gris, le vert passé, m’user d’avance, me rendre invisible : <em>me fondre dans les mouvements de la rue, </em>pour paraphraser les dires de Paul Auster. Afin de ne pas m’effondrer sous la peur de marcher là-bas, je m’imagine auteur, ou détective. <em>Marcher et écrire ne sont pas deux activités aisément compatibles, il est particulièrement difficile d’écrire sans regarder la page</em>; mais je ne peux pas m’arrêter, m’immobiliser, je dois marcher constamment, trouver une manière confortable d’écrire en mouvement, photographier à la course des images. <em>J’ai donc décidé de poser le cahier contre ma hanche droite un peu à la manière d’une palette de peintre.</em> Je revêts les mots d’Auster et m’engouffre dans cette partie interdite de ma ville : je passe la rue Sherbrooke, et descends vers le fleuve.</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">L’exercice est simple à première vue : flâner, écrire, saisir des parcelles d’Hochelaga. Et si j’ai décidé, d’entrée de jeu, de ne pas m’asseoir, j’ai changé – une fois sur place – les règles : tant que les mains ne me hantent pas, je peux m’arrêter.</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">Où que je sois je cherche l’église. Je regarde du haut des marches cette portion de la promenade où seulement quelques arbres poussent, bien enracinés dans l’asphalte de l’Est. Coin St-Germain et Ontario, trois femmes discutent; là où je suis je n’en vois qu’une. La vitrine du magasin sans adresse est bondée, un capharnaüm à l’image du quartier. L’ancien et le presque ancien – ou nouveau chic – coulent l’un dans l’autre. À quelques vitrines de là, un café-librairie. La terrasse est bondée de gens d’ailleurs – touristes du Plateau Mont-Royal – pour accentuer le contraste. Je suis moi aussi touriste dans ce nouvel Hochelaga; il est vrai que certaines choses ne changent pas, l’Église, le Salon de coiffure <em>Chantilly… </em>Une voix s’élève, elle vient de l’intérieur, une grosse femme mauve chante Janis Joplin. Deux jeunes femmes polonaises, tantôt assises sur le banc devant <em>L’idée Fixe, </em>se promènent vers l’ouest, juchées sur leurs talons hauts en résine blanche. Une porte apparaît, un couple en sort. Les trois femmes parlent toujours, l’une d’elles – la seule que je devine – ne cesse de tourner sa tête d’ouest en est. Mon regard glisse sur la vitrine d’à côté, le 3255, un ancien commerce dont je n’ai pas souvenir. L’espace est sans profondeur, la vitrine est bariolée de graffitis et... Une femme me déconcentre. Son regard vacant, la planche de bois immense qu’elle transporte, tout chez elle me force à la suivre des yeux; les deux Polonaises repassent. Je dois changer d’angle, rétrécir mon champ de vision, creuser les apparences. Les trois femmes ne parlent plus, elles se sont évaporées.</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">J’avance vers le lieu de la disparition. À mes pieds, les traces de la conversation : des mégots, des marques laissées par les chaises dessinées dans la poussière, des gouttes d’eau encore fraiches – possiblement du thé. Je regarde la vitrine; de petites affiches sont collées de l’intérieur, l’une d’elles m’apprend que certains produits sont « fait à la main par un artiste <em>sculteur </em>», alors qu’une autre raconte <em>Les promenades d’un artiste sculpteur. </em>Le sculteur et le sculpteur; juste au-dessous, une affichette annonçant une « bicyclette pour enfant presque neuf », pour enfant peu abimé. Une pancarte m’informe que le magasin est ouvert; une autre, posée sur le mur derrière, affiche « fermé ». Une vitrine pour un lieu approximatif, une boutique à deux portes, l’une close, l’autre affichant : « Danger, chien de garde, à vos risques ». Le non-lieu est sans adresse : « Pour plus d’information s’adresser au 3690 rue Ontario ». L’église d’en face s’y reflète comme sur un lac. Pour voir à l’intérieur, voir au-delà des mots, des affiches, de l’architecture romano-byzantine, je dois coller mon visage sur le verre éteint; enlever, du revers de la main, la couche de crasse. Une table, quatre chaises – empilées plus ou moins stratégiquement –, des fleurs de plastique, une lampe en céramique beige surmontée d’un abat-jour poussiéreux autrefois blanc. Le mur du fond est jaune moutarde, le plancher, lui, est bleu-gris. La lumière est presque absente, tout semble mort. Une couronne de gui est suspendue dans un coin; juste à côté, une grosse cloche rouge accrochée maladroitement à un ruban vert – probablement les vestiges d’un 24 décembre. Je fouille patiemment l’obscurité, des contours se dessinent. Une vieille étagère de presbytère perce la noirceur; derrière une de ses vitres, une ménagerie de verre et quelques petits livres, vraisemblablement du théâtre, peut-être du Tennessee Williams. Sur l’étagère du dessous, un gros bibelot mauve pastel en forme de main ou de corail, ce type de forme non indentifiable qu’on observe, enfant, pendant des heures chez sa grand-mère, et qui, le jour où elle nous le lègue, se retrouve à mille lieues au fond de la garde-robe, ou ici, derrière deux vitres, loin de la lumière. Juste à côté un trophée à vendre, si l’on en croit l’étiquette. Sur le mur, un cadre, un carré, dans un carré, dans un carré, derrière une vitre : Magritte peut-être… Puis un chapeau melon. Sur une petite table traîne un livre, Gabrielle Roy assurément, placé au centre du magasin comme une boîte en cristal remplie de pot-pourri. Le livre parfume l’endroit : <em>l’odeur de la pauvreté. </em></p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">C’est ici que se sentent les contrastes. Entre un salon de coiffure miteux et un bureau de change : le café-librairie. La table est faite de vieux bois, une planche épaisse, vernie comme dans les boutiques de la<em> Main</em>, la nouvelle <em>Main.</em> Partout autour de moi, des livres : je respire. J’ai tourné le dos à l’église, un jeune homme regarde à gauche, puis derrière. Un couple observe les œuvres accrochées aux murs, un regard sans intention, il regarde pour regarder : « C’est beau, qu’est-ce que tu fais ce week-end? ». Une jeune femme vêtue d’une longue robe victorienne écrit à la plume dans un cahier <em>Moleskine</em>, une autre écrit dans un cahier <em>Clairefontaine</em>; partout autour de moi des femmes écrivent. Les bruits de crayons se superposent à ceux du piano désaccordé. Je vois, posé en évidence sur une tablette, un roman de Tremblay, le premier tome des <em>Chroniques du Plateau Mont-Royal</em> – collection Babel. Les auteurs me suivent, m’accompagnent, je ne suis pas seul. Le bruit de fin de journée s’installe, il est cinq heures; je pense aux trois femmes d’avant, je vois un chat noir au fond du café : il n’est pas d’ici.</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">Je traverse le parc Préfontaine et m’adonne à un exercice de mémoire. Ici, je me suis fait offrir de la poudre à treize ans. Je ne savais pas ce que c’était à l’époque, mais je me souviendrai toujours du visage de l’homme égaré. « De la poudre », je trouvais ça presque beau; se faire offrir de la poussière.  Puisqu’il est dit que<em> l’éternel dieu forma l’homme de la poussière de la terre, qu’il souffla dans ses narines un souffle de vie, et que l’homme devint un être vivant,</em> j’avais l’impression de me faire offrir les restes, ou la genèse d’un homme. Plus loin à gauche, derrière le conteneur à vidanges, j’ai vomi d’alcool pour la première fois. Je m’engage sur la rue Hochelaga, les souvenirs se bousculent : une sainte dorée, un geste violent, une bouche d’aération gigantesque sur laquelle j’aimais me coucher (le vent en sortait par grandes bourrasques du cœur de la ville). L’espace d’un instant l’odeur d’Hochelaga disparaissait, remplacée par celle du métro de Montréal. Je monte sur la bouche et marche sur la grille qui me sépare du vide, du noir. De là, je vois mon école secondaire, autrefois si sale de l’extérieur : les traces du lavage à pression, de l’effacement de la crasse – la poussière de ville –, du meurtre de l’histoire, sont encore visibles; les vitres sont nettes, impeccables : Le Vitrail a été nettoyé. Au coin de la rue Davidson, le petit restaurant de quartier a complètement disparu : les fenêtres n’y sont plus, la porte non plus (à moins que ma mémoire ne me fasse défaut), le briqueteur est passé. Je prends à gauche, dans la ruelle, toujours les mêmes maisons, la même automobile de collection turquoise; j’ai un frisson, c’est ici qu’un homme a posé la main sur une adolescente, mon amie, il y a huit ans. Je marche de ruelle en ruelle et j’arrive à la rue Adam. Je marche sur des pommes. Une femme, naturellement, passe à côté de moi. Je reviens sur mes pas, retrouve le Nord, et soudain : une école. Sans escalier, sans issue. J’imagine les enfants derrière les fenêtres barricadées, les écoles devraient être comme les églises, intouchables. Le soleil baisse. Je sens la mémoire des mains sur ma gorge. Je dois me remettre en route. Le cahier sur la hanche droite, je regarde devant, une fillette aux souliers rouges passe devant moi: « Suis toujours la route de briques grises », dit-elle. Le vent se lève, elle s’efface progressivement, retourne à la poussière d’où elle est née.</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">J’ai suivi la route de l’école sans fenêtre jusqu’à la grande place. Érigée au cœur du quartier Hochelaga, un village au sein d’un autre où les murs sont neufs et les fenêtres sont propres. Une ruelle bariolée de graffitis – un homme masqué avec une arme à feu tire des billets de banque sur le mot « Hochelaga » – borde la route de briques grises. Plus j’avance, plus les limites s’effacent; les gens changent, ne restent que des vestiges, quelques hommes égarés qui viennent de l’autre village, celui d’à côté : l’Hochelaga d’en bas – celui des pauvres – d’avant les nouveaux développements. L’architecture froide s’impose, même l’odeur d’Hochelaga ne s’aventure pas jusqu’ici, comme si elle savait qu’elle mourrait d’elle-même, qu’elle ne pourrait pas coller. Plus d’histoire, ou plutôt une nouvelle, construite sur un cimetière de pas à jamais recouverts. Au moment où je perds espoir, où je me vois grimper à la cime d’un arbre – voir l’église –  pour respirer à nouveau, une porte s’ouvre sur une ancienne fonderie transformée en lieux d’habitation; restent les murs, les rouages, les fondations; ruines commémoratives à l’image d’une époque révolue. Je retourne sur mes pas, désorienté par toutes ces lignes trop droites, trop propres, puis j’aperçois sur un mur un trait noir irrégulier qui, au fur et à mesure que je m’approche, forme des mots : « Aura fallu reste l’irréel à toujours ». Quelqu’un crie, je regarde à mes pieds, j’étais sorti du droit chemin. Un homme apparaît. Il tend une main vers moi. Je quitte les lieux.</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">Je reviens quelques jours après; j’ai décidé, cette fois, de porter le noir, d’assumer le regard des autres.  Mon cahier bien en évidence, je dépeins la place Valois : une fresque se dessine. Une femme danse sur un rythme qu’elle seule entend, un homme – parfaitement dessiné – pose fièrement sur la grande place, un pied sur un des blocs de marbre blanc, rappelant les chefs-d’œuvre de la sculpture : le <em>David </em>de la place Valois. Le chef-d’œuvre arrive directement du <em>Renaissance</em>; un sac accroché à son vélo – fidèle monture – le trahit. Il passe de bloc en bloc, réécrit inconsciemment l’histoire de la sculpture, du Kouros au Contrapposto. À quoi bon inventer des personnages?</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">Je quitte la grande place, marche quelques minutes, et m’engage sur la rue Dézéry; de balcon en balcon mon regard glisse, divague. Un morceau de parchemin gigantesque attire mon attention : « Là où le passé est au présent ». Sur le pas de la porte une chaise dorée sur laquelle une forme triangulaire, rappelant une pointe de flèche renversée, est gravée. Au centre du symbole : la lettre « P » en majuscule. Je monte les trois marches, parce que trois est un chiffre littéraire et que je n’ai pas pris la peine de compter, et m’engouffre dans le hall de l’appartement. Partout des centaines de costumes empilés les uns par-dessus les autres, j’ai peine à marcher. Une femme s’approche de moi et me donne une carte : « Tout n’est pas là, il manque beaucoup de choses! »… Il doit y avoir une convention dans le passé. Je croise mon regard dans le miroir, je passe de l’autre côté. Le « P » sur la chaise continue de me hanter, le mot « pléiade » surgit, comme pour donner plus de substance à l’entreprise, à la flânerie. Puis le mot « poussière » se dessine. Le vent se lève, le soleil tombe et, avec lui, les mots. La noirceur m’effraie, les mains, les griffes de l’homme du 31 octobre surgissent des profondeurs, je cours jusqu’au Square Dézéry. Le carré vient rétablir l’équilibre, une grande croix apparait peu à peu derrière les arbres : j’oublie les mains, la lettre… Dans la lumière du lampadaire, au milieu du carré, je vois David.</p> </div></div></div><div class="field field-name-field-taxo-rue field-type-taxonomy-term-reference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Emplacement:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/boulevard-pie-ix" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Boulevard Pie-IX</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/rue-d%C3%A9z%C3%A9ry" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Dézéry</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-ontario" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Ontario</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/rue-st-germain" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue St-Germain</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/%C3%A9glise-nativit%C3%A9-de-la-sainte-vierge-dhochelaga" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Église Nativité-de-la-Sainte-Vierge-d&#039;Hochelaga</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/salon-de-coiffure-chantilly" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Salon de coiffure Chantilly</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/lid%C3%A9e-fixe" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">L&#039;Idée fixe</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/bobby-mcgee" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Bobby McGee</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-hochelaga" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Hochelaga</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/rue-davidson" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Davidson</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/place-simon-valois" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Place Simon-Valois</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/square-d%C3%A9z%C3%A9ry" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Square Dézéry</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-sherbrooke" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Sherbrooke</a></div></div></div><div class="field field-name-field-motscles-generaux field-type-taxonomy-term-reference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Mots-clés:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/mots-cl%C3%A9s-g%C3%A9n%C3%A9raux/paysage" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Paysage</a></div></div></div><div class="field field-name-field-motscles-madalite-parcours field-type-taxonomy-term-reference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Modalités du parcours:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/modalit%C3%A9s-du-parcours/marche-et-fl%C3%A2nerie" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Marche et flânerie</a></div></div></div><div class="field field-name-field-motscles-reseaux field-type-taxonomy-term-reference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Réseau:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/r%C3%A9seau/jour" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Jour</a></div><div class="field-item odd"><a href="/r%C3%A9seau/nuit" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Nuit</a></div><div class="field-item even"><a href="/r%C3%A9seau/ruelles" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Ruelles</a></div><div class="field-item odd"><a href="/r%C3%A9seau/rues" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rues</a></div></div></div> Tue, 15 Sep 2015 13:23:29 +0000 Hochelaga imaginaire 183 at http://hochelagaimaginaire.ca http://hochelagaimaginaire.ca/note-de-terrain/de-la-poussi%C3%A8re#comments Surmonter l'édicule et descendre l'éthanol http://hochelagaimaginaire.ca/note-de-terrain/surmonter-l%C3%A9dicule-et-descendre-l%C3%A9thanol <div class="field field-name-field-auteur field-type-entityreference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Auteur·e·s:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/individu/fournier-virginie">Fournier, Virginie</a></div></div></div><div class="field field-name-body field-type-text-with-summary field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even" property="content:encoded"><p>Point de rencontre à l’édicule, qu’ils ont dit.</p> <p>L’édicule, curieux toit bétonné. C’est ce qui protège les passants de la vue du Stade, que j’ai appris. Pie-IX s’est dressé devant nous et nous avons redressé le chemin. Heure prévue pour le coucher de soleil : 20h32 selon Météomédia. Ni trop tôt ni trop tard pour <em>stager</em> la déclinaison lumineuse, en capturer les derniers souffles, obtenir une série de moments reproductibles à l’infini. De lourds objectifs pour l’atteinte de formidables clichés.</p> <p align="right"><em>The world was on fire</em><br /><span style="line-height: 22.3999996185303px;">Et le Moe’s aussi</span></p> <p>Sherbrooke éjaculait une automobile à la fois; pas facile l’arrivée dans ce bas-monde en période conique. <em>Fuck</em> <em>toute</em>, ont brandi les campeurs pour commencer la fin de soirée. J’aurais voulu hurler avec eux mais le chemin s’est passé de moi trop vite.</p> <p align="right"><em>and no one could save me</em><br /><em style="line-height: 22.3999996185303px;">but you</em></p> <p>La Françoise de soirée descendait lentement dans les gorges de moins en moins sèches. Il y avait l’autre, assis dans un coin de la pièce, qui gardait sa casquette enfoncée jusqu’aux oreilles. Il emplissait ses membres du rythme des années 2000 et du goût de cinquante Labatt. Les mouvements frénétiques laissaient place à une douceur cadencée, tendance Isaak. Une sensualité faite <em>toune </em>qui roula d’une manière étrange ses épaules, ses hanches étroites, peut-être ses yeux aussi. D’hypnotiques gesticulations comme autant d’expériences psychédéliques que je n’ai pas vécues.</p> <p align="right"><em>In the day</em><br /><em style="line-height: 22.3999996185303px;">In the night</em><br /><em style="line-height: 22.3999996185303px;">Say it right</em><br /><em style="line-height: 22.3999996185303px;">Say it all</em></p> <p>Empêtrée, que je dirais de moi-même, j’avais attendu la noirceur et les points plasma fixes. Peut-être qu’un sens pourrait jaillir d’une lointaine boule de gaz qui implose… En relevant la tête, j’ai été aveuglée de souvenirs déambulatoires. Ils m’ont hérissée l’échine et j’ai laissé courir le frisson. Mes valoises allées et venues entre les ciseaux lancés au hasard, les chats timides et les paires parfaites, celles panoramiquement présentées avec La Ronde par-delà notre leste dame, ont macéré en un curieux cocktail. J’ai rajouté un peu d’éthanol, en distribution libre sur Préfontaine, et ai fait cul sec sur Moreau.</p> <p>Et glou Darling, que j’aurais voulu entendre.</p> </div></div></div><div class="field field-name-field-taxo-rue field-type-taxonomy-term-reference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Emplacement:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-notre-dame" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Notre-Dame</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/m%C3%A9tro-pie-ix" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Métro Pie-IX</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-sherbrooke" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Sherbrooke</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/chez-fran%C3%A7oise" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Chez Françoise</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/restaurant-moes" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Restaurant Moe&#039;s</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/rue-moreau" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Moreau</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-darling" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Darling</a></div></div></div><div class="field field-name-field-motscles-madalite-parcours field-type-taxonomy-term-reference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Modalités du parcours:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/modalit%C3%A9s-du-parcours/marche-et-fl%C3%A2nerie" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Marche et flânerie</a></div></div></div><div class="field field-name-field-motscles-reseaux field-type-taxonomy-term-reference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Réseau:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/r%C3%A9seau/nuit" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Nuit</a></div><div class="field-item odd"><a href="/r%C3%A9seau/ruelles" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Ruelles</a></div><div class="field-item even"><a href="/r%C3%A9seau/rues" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rues</a></div><div class="field-item odd"><a href="/r%C3%A9seau/trottoirs" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Trottoirs</a></div></div></div> Tue, 09 Jun 2015 17:06:02 +0000 Virginie Fournier 178 at http://hochelagaimaginaire.ca http://hochelagaimaginaire.ca/note-de-terrain/surmonter-l%C3%A9dicule-et-descendre-l%C3%A9thanol#comments Ex memoria http://hochelagaimaginaire.ca/note-de-terrain/ex-memoria <div class="field field-name-field-auteur field-type-entityreference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Auteur·e·s:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/individu/brunet-b%C3%A9langer-marie-%C3%A8ve">Brunet-Bélanger, Marie-Ève</a></div></div></div><div class="field field-name-body field-type-text-with-summary field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even" property="content:encoded"><p align="right">(Crédits photo: Benoit Bordeleau)</p> <p align="right"> </p> <p align="right"><em>How happy is the </em><br /><em>blameless Vestal's lot! The world<br />forgetting, by the world forgot: </em><br /><em>Eternal  sunshine of the spotless mind!<br />Each</em><em> prayer accepted, and each wish resign'd</em></p> <p style="text-align: right;">- Alexander Pope</p> <p align="center" style="margin-left:36.0pt;"> </p> <p style="text-align: right;"><em>Blessed are the forgetful, for they get the better even of their blunders.</em></p> <p style="text-align: right;">- Nietzsche</p> <p align="right"> </p> <p style="text-align: justify;">Début d’automne qui se vit comme une fin; le ciel semble sur le point de se déverser. Le sol lui répond: miroir grisâtre. Le vent siffle, le son est étouffé par le lainage. À chaque coup de pédale, je m’approche de la ligne qui départage les quartiers. Je ne peux m’empêcher de me demander si l’environnement me signifiera que je suis de l’autre côté de Sherbrooke. Je n’y ai jamais porté attention. St-Germain et Rachel : le feu tourne au vert alors que je vire vers le sud. Dès que je franchis Sherbrooke, je prends de la vitesse; je suis entrainée de plus en plus vite. Les images se superposent : immeubles dangereusement inclinés, deux regards qui ne se reconnaissent plus, voitures immobiles, deux corps, bras ballants, nids de poule qui ponctuent la rue, coffret rouge qui creuse un fossé. Un accord plaqué sur les cordes de ma mémoire : une mélodie trop souvent jouée, des promesses abandonnées remplissant les fosses.</p> <p style="text-align: justify;">Je freine, Hochelaga se déploie devant moi. Le métro est sur ma droite, mais il ne s’imprime pas sur ma rétine. À sa place, il y a un étranger, je le dévisage, j’essaie de comprendre. La distance bien connue réactualisée à chaque fois. Une tranchée qui s’enfonce à chaque parole. L’envie de me boucher les oreilles et de fuir. Mes yeux se posent sur le boitier bleu; j’ai envie d’en oublier le contenu. Il n’y a plus de signifié; il s’est perdu dans les mensonges. Ce ne sont pas les voitures que j’entends, c’est l’écho de trois moments distincts. Ils se rejoignent et se répondent. Le présent vibre au son de deux passés communs, plus ou moins éloignés. <em>Les dendrites, la porte d’entrée du neurone, conduisent des courants électriques (ioniques) générés au niveau synaptique préférentiellement vers le </em><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9ricaryon" title="Péricaryon"><em>soma</em></a><em>. </em>J’ai envie de remonter la pente et de fermer la porte. Je tourne mon guidon vers la droite, je franchis la barrière invisible pour me diriger vers le métro.</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">J’ai de la difficulté à trouver la bonne personne. À certains moments, <em>on </em>s’écrit sans difficulté en impliquant d'emblée la multitude. <em>On</em>, c’est deux personnes qui marchent ensemble, qui découvrent un nouveau quartier, une nouvelle façon de vivre et qui s’apprivoisent à travers les rues. <em>On</em> permet de revivre la liberté nouvellement acquise; le début de la <em>vraie</em> vie adulte. Surtout, <em>on</em> autorise la dissociation des souvenirs et des stimuli. <em>On </em>exclut la personne qui parle. Pourtant, sous cette dépersonnalisation, le <em>je</em> trouve sa place. <em>Je</em> sens l’odeur particulière du houblon; <em>je </em>vois les chemins qui se superposent, l’un dans le présent, l’autre dans le passé; <em>je </em>me rappelle. Il y a aussi le désir de raconter quelqu’un d’autre : de parler d’<em>elle</em>. <em>Elle</em> n’est pas réelle, ce n’est qu’une invention de l’esprit : une fiction. <em>Elle</em> flotte hors de la mémoire. <em>Elle</em> n’a pas de visage, pas de corps. <em>Elle</em> est née dans le quartier, son enfance s’est déroulée près de la rue Dézéry – Déziry, Désiré : désir d’inventer. Ou encore, <em>elle</em> a grandi en banlieue et a choisi de s’installer dans Hochelaga parce que son budget le lui permettait. <em>Elle</em> y a vécu avec des amies aussi novices qu’<em>elle</em> au coin de Darling – les trois darlings – et de Ste-Catherine. La mémoire rattrape la fiction; l’odeur, la pataugeoire désertée, le chemin sinueux jusqu’à la rue Dézéry activent les transmissions nerveuses. Sur le chemin d’asphalte se calque celui de la transmission synaptique. <em>Je </em>s’impose derrière <em>elle </em>: c’est la route qui mène au souvenir.</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">La première chose que je remarque, c’est l’odeur grasse du PFK qui ne quitte jamais les lieux. Odeur distincte, tous les <em>fastfoods</em> n’ont pas la même odeur. Je ne suis jamais allée manger dans ce restaurant. Depuis la sortie du burger dont les pains sont remplacés par deux morceaux de poulet frits, mon dédain a encore augmenté. Je me rapproche de la pataugeoire. Dans tous mes souvenirs, elle est vide. Je contemple la même pierre effritée, les mêmes clôtures où la rouille s’accumule, le même fond de béton beige écaillé. Le drain n’est qu’une bouche qui attend l’averse. L’arrière-plan aussi n’a pas bougé : le chalet de brique beige et jaune et la porte verte qui détonne résonnent dans le vide. Ce n’est pas l’endroit qui a changé, c’est moi. De mon poste d’observation, j’entends le roulis incessant des <em>skateboards </em>sur l’asphalte. Ici, le bruit est moins fort, plus subtil; les murs l’étouffent. J’ai l’impression que le crissement du gravier sous les roues ne s’est jamais arrêté. Il rythme le pas des marcheurs : monte à droite, descend à gauche, claquement sec sur le sol et ça recommence. Les passants suivent cette cadence; c’est le cœur du parc. Il peut respirer : roulement sur le côté gauche de la bande, c’est le sang qui entre par les veines pulmonaires. Retour vers le milieu de la piste, c’est le sang qui se déverse de l’oreillette vers le ventricule. Il passe par l’aorte pour retourner irriguer les muscles. Du côté droit de la bande, le sang entre par les veines caves; il coule de l’oreillette vers le ventricule pour ressortir par l’artère pulmonaire; il collecte l’oxygène. Je ne sens plus le PFK, j’entends de moins en moins ce qui se passe au <em>skatepark</em>. Le cerveau a une merveilleuse propriété qui empêche de devenir fou : l’habituation. Un stimulus trop souvent répété finit par disparaître de la conscience, il n’est plus enregistré parce que l’organisme est saturé. À rester assise, je m’habitue au lieu, je commence à en faire partie, c’est signe que je dois changer de place. Je me force à me lever, j’ai la tête lourde, les jambes molles, je suis entre deux – entre trois – ailleurs. On s’habitue à tout; c’est une question d’équilibre, d’homéostasie, de neurotransmetteurs.</p> <p style="text-align: justify;">J’avance sur le chemin fissuré; de l’herbe s’échappe des crevasses. L’opposition me frappe : le gris contre le vert. J’ai l’impression que tout est éphémère. Le parc Raymond-Préfontaine : à mesure que je m’éloigne des <em>skaters</em>, j’ai de la difficulté à croire qu’il s’agit d’un parc. C’est un lieu de passage obligé pour se rendre au métro. <em>Pour transférer l’information d’un point à l’autre de l’axone, il est nécessaire que le potentiel d’action s’y propage et dépolarise sa membrane. </em>C’est un corps divisé en deux par une large cicatrice fatiguée. Du moins, pour les quelques sections que je parcoure aujourd’hui. Les passants qui le matin se rendent au travail ou à l’école ne remarquent rien. Ils marchent d’un pas pressé en regardant droit devant eux, sans que le décor ne s’imprime sur leur rétine. Le soir, c’est la même chose. Le pas peut être plus las; les muscles sont imprégnés des fatigues de la journée. Ils avancent, aveugles. Combien de fois ai-je emprunté ce chemin sans jamais y porter attention? J’étais emportée du début à la fin, chaque pas m’entrainait vers le suivant. Je ne pourrais même pas le décrire de mémoire. Ce n’était qu’une étape nécessaire dans ma journée. Comme les inconnus que je croise, je participais de loin à cet univers, ne cherchant pas à y entrer. Aujourd’hui encore, je suis étrangère, passante essayant d’attraper des bribes de vies anonymes, ne réussissant qu’à entrevoir la mienne.</p> <p style="text-align: justify;">Aujourd'hui, les modules pour enfants sont vides, abandonnés. Le bleu et le rouge des structures attirent mon attention. Dans l’air gris, ils ont l’air essoufflé : un cœur qui n’est plus capable d’oxygéner le sang vicié. L’air manque, les poumons se remplissent de monoxyde de carbone, la fin est proche. Je souris devant les canards en plastique, les mêmes que dans mon enfance. C’était dans un autre parc, dans une autre ville, mais il y a des images qui ne s’oublient pas. La beauté d’un parc réside dans le mélange des gens qui s’y rassemblent. Les frontières s’abaissent, la soudaine proximité pousse les gens à s’ouvrir aux autres, surtout chez les plus jeunes. Deux enfants d’environ six ans, manteau sur le dos, essaient de conquérir l’espace, sans y parvenir. La solitude du lieu les a contaminés, ils sont silencieux. C’est étrange. Habituellement, à cet âge courent, ils sautent et hurlent. Leurs éclats de rire devraient emplir le parc, envahir chaque espace de tranquillité et faire grincer des dents les gens qui sont venus lire en paix. Je les regarde à la dérobée, l’un souffle des bulles de savon; elles sont emportées par le vent. Son regard, comme le mien, les suit. Elles vont lui échapper. Pour le garçon, ce n’est pas un problème, il en souffle des nouvelles. Je suis essoufflée à l’idée de devoir faire plus de bulles, mon cœur n’est plus assez solide. J’aimerais tendre la main et essayer d'en attraper une sans la faire éclater et l’enfermer dans un nouveau coffret.</p> <p style="text-align: justify;">Le deuxième enfant ne cherche pas à interagir avec le premier; il reste dans son coin et ne porte même pas intérêt aux bulles. Ce sont deux étrangers. Deux enfants qui agissent déjà en adulte : ils ne font pas de bruit et ne se parlent pas. Les gouffres ont déjà commencé à se forer. Une femme, environ le même âge que moi, ses cheveux blonds en queue de cheval, a transformé ce lieu en salle d’exercice. Elle utilise les barreaux où, petite fille, j’avais l’habitude de jouer ou de me percher, pour faire des <em>chin up</em>. Je les compte avec elle, par habitude: 12-13-14-15. Elle retombe au sol et court autour des installations. Après quelques tours, elle revient vers le module et commence une nouvelle série : 1-2-3… Ma respiration s’harmonise à ses mouvements : flexion des biceps, j’expire, extension, j’inspire. Elle reprend sa course et je la perds de vue. Les enfants sont toujours silencieux. Ils s’approchent du banc où discutent deux adultes. Ces derniers ne leur accordent pas d’attention. Les deux garçons restent tout près. Mon cœur se serre, j’aimerais faire des bulles avec eux.</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">Dans la ruelle, le réseau d’escaliers en colimaçons m’évoque une carte postale de Montréal. C’est un décor propre à la métropole. Lorsque je suis arrivée dans Hochelaga, j’ai été à la fois soulagée et déçue de ne pas avoir ces escaliers sur mon immeuble. Soulagée puisque je ne risquais pas de me casser une jambe une journée de tempête et déçue parce que je me sentais encore banlieusarde, loin des risques urbains, de l’imaginaire montréalais : escaliers-escargots et triplex aux briques rouges. En ce mardi après-midi, la ruelle est vide. Pourtant, j’entends des voix qui s’échappent des maisons. Elles sont cachées par la végétation dense, elles paraissent lointaines; je n’arrive pas à savoir s’il s’agit de la télévision, de la radio ou des murmures de chair et d’os. Ce sont des bruits indistincts.</p> <p style="text-align: justify;">Le grincement des cordes à linge, lui, est reconnaissable. Au fond de la ruelle, droit devant moi, l’Église de la Nativité-de-la-Sainte-Vierge me nargue. Fièrement, elle brandit à sa gauche son clocher surmonté d’une croix. Elle se moque bien des cordes à linge et des arbres qui bariolent sa devanture; elle crève le paysage : pierre grise et cuivre oxydé sur un ciel bleu sans nuages. <em>Les terminaisons axonales ou les boutons terminaux sont le site où l’axone entre en contact avec d’autres neurones (ou d’autres cellules) et leur transmet l’information. </em>Une autre superposition : je m’avance jusqu’au seuil de la porte et tire sur la poignée pour m'apercevoir que Dieu aussi prend des journées de congé. Nous nous étions dit que nous y retournerions, que nous verrions les vitraux de l’intérieur. Puis le  temps  a passé et ce n’est jamais arrivé. Aujourd’hui, je n’ose pas retenter l’expérience. Je préfère passer du côté où le présent rattrape le passé sous la forme d’une affichette blanche parsemée de papillons roses : <em>Répit-Providence</em>. Il y a cinq ans, je ne l’ai jamais remarquée. Sur la rue Dézéry, l’odeur particulière du quartier s’affirme. À la fois sucrée et alcoolisée, elle me fait, comme autrefois, retrousser les narines. J’aurais envie d’enfouir mon visage dans mon foulard pour sentir mon parfum, mais avec la chaleur, je ne le porte pas. J’essaie de supporter les effluves de daiquiri qui a mal tourné, sachant que je vais m’habituer. La journée ressemble à une autre : nous étions deux et nous avions profité du soleil automnal et d’un reste de chaleur pour effectuer une reconnaissance du quartier. En passant la rue Adam, l’odeur nous avait frappés. C’était il y a longtemps. Plusieurs mois plus tard, il en avait découvert la provenance et me l’avait partagé dans un bar du village, autour d’une sangria fraîche.</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">Sur la rue Dézéry, je décide de tourner vers l’est et de suivre ce que je nomme une fausse ruelle. Fausse parce qu’il ne s’agit pas de l’arrière d’immeubles. Au contraire, il s’agit d’un espace aménagé exprès pour les marcheurs. Les voitures ne peuvent pas s’y aventurer, c’est trop étroit. Il s’agit d’un passage reliant les rues Dézéry, Saint-Germain, Winnipeg et Darling. Une artère bien droite, parsemée d’arbres et de bancs. Je m’assois sur le bout des fesses. Le bois gras est recouvert d’écriture au crayon-feutre. À rester immobile, je commence à avoir froid. Je me lève, réactivant ma circulation. Dans le parc Hochelaga, l’odeur a disparu ou alors je me suis désensibilisée. Au loin, j’entends le bruit des voitures qui circulent sur Ontario. Le parc, bien que bondé de gens, est plus tranquille : le bruissement des feuilles dans les arbres et le clapotis de l’eau dans la fontaine sont audibles. J’entends des éclats de voix, les rires, des jappements et le bruit des chaussures qui martèlent le sol. Mon regard se pose sur un coin de gazon un peu en retrait, près de la clôture qui longe la rue Darling. Je devais lire à l’extérieur – allongée dans l’herbe, le nez près du sol et le soleil qui me chauffait le dos – pour pouvoir sentir les effluves de terre chauffée, les relents d’humidité et le gazon fraîchement coupé. Toute cette nature se mélangeait aux pages, aux mots pour former la trame de l’interdit. Le Paradou. <em>Il n’y avait, sous le plafond bleu, que le parfum étouffant des fleurs. Et il semblait que ce parfum ne fût autre que l’odeur d’amour ancien dont l’alcôve était</em><em> toujours restée tiède, une odeur grandie, centuplée, devenue si forte, qu’elle soufflait l’asphyxie.</em> Un autre jour, le bruit des cloches enseveli par le moteur des voitures filant sur la promenade me rappelle l’histoire d’Albine et de Serge, écho de mon histoire.</p> <p style="text-align: justify;">Je contemple le temps, vieillie par tous les souvenirs qui ne cessent de remonter. Le parc a de multiples visages – ceux des passants. Près de moi, un homme âgé se repose sur un banc. Son regard flâne comme le mien. Plus loin, ce que j’imagine être une famille joue à la pétanque. Les âges se mélangent en une fresque multigénérationnelle. Je les entends rire. Encore plus loin, je devine l’espace réservé aux enfants. Les couleurs vives des modules attirent mon attention. Ils doivent être une dizaine à les parcourir. Leurs cris aigus se rendent jusqu’à moi. Au centre, sous le gazebo, un groupe d’adolescent discute. Ils ont la nonchalance propre à leur âge. Avant, j’amenais ma chatte avec moi pour qu’elle prenne l’air. Les gens étaient intrigués, ils venaient me parler, la flatter. Elle devenait nerveuse, il fallait rentrer. <em>La synapse représente une zone de jonction spécialisée, située à l’endroit où la terminaison d’un axone entre en contact avec un autre neurone ou un autre type de cellule. Il s’agit de l’espace dans lequel les neurotransmetteurs sont libérés.</em> Deux bancs sont occupés, non pas par des personnes, mais par des dessins au plomb et des lettres de couleurs. Le « O » jaune côtoie un « T » bleu. Ils auraient davantage leur place dans une salle de classe. À leur gauche, une bouche grise sourit timidement, à moins que ce ne soit la courbure normale qui donne cette impression. La lèvre supérieure me semble découpée au couteau; elle est carrée, presque plate. La lèvre inférieure, au contraire, est arrondie. Je détourne le regard. À l’intersection d’Adam et de Darling, j’ai envie de fuir hors de ma mémoire. J’avance.</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">La façade se ressemble, la brique est restée rouge, mais elle semble plus lisse, moins usée. Une image de seringues remplies de Botox me traverse l’esprit. La porte a été changée; une large fenêtre encadrée de noir remplace celle blanc sale, qui ne se refermait jamais complètement. Derrière, l’escalier construit dans une matière grise, synthétique, artificielle. Dans la vitre, je vois mon reflet. Je me demande si moi aussi j’ai l’air refaite ou si j’ai l’air vieille alors que la bâtisse a droit à un deuxième souffle. Je me demande qui me reconnaîtrait, après tout, je ne suis marquée d’aucun numéro civique.</p> <p style="text-align: justify;">1435. Le numéro civique est inscrit sur une belle plaque de métal noir. Il s’harmonise avec la porte. Les chiffres aussi sont noirs. Pour les faire ressortir, ils sont entourés de petits carrés blancs. Le contraste moderne et épuré. Rajeunir la bâtisse avec une nouvelle brique, d’un rouge plus soutenu, avec le blanc éclatant et le noir charbonneux. Tout est propre. Même la fenêtre. Elle reflète à la perfection les voitures qui sont stationnées le long de la rue: une de ces voitures plus imposantes de marque Nissan. Le modèle pour les gens qui aiment la ville et ces rues asphaltées, mais aussi la campagne avec ses chemins boueux. J’ai envie de tourner la poignée, de gravir les marches et d’ouvrir la porte pour voir ce qui a changé. L’espace d’un instant, je reverrais les murs terracotta et la toilette qui fait face à l’entrée. Ma main reste en l’air. En reculant de quelques pas, je vois les trois fenêtres qui percent le mur. Dans celle de droite, il n’y a plus de rideaux orange. Il n’y a probablement plus rien. Les arbres font de l’ombre sur la devanture, en étendant le bras, il me serait possible de toucher leurs feuilles.</p> <p style="text-align: justify;">La cour fait écho au-devant : beaucoup de choses ont changé. La galerie miteuse avec sa peinture gris-bleu écaillée n’existe plus. À la place, un élégant garde-corps en fer noir a été érigé. Le plancher aussi a dû être changé. Un cabanon est en train de se faire construire. Il est encore en contre-plaqué, signe que le travail est loin d’être achevé. <em>La dépolarisation de la membrane provoque l’ouverture des canaux calciques. Les ions Ca<sup>2+</sup> vont pénétrer dans la terminaison axonique, augmentant la concentration interne du calcium: signal pour que les vésicules synaptiques libèrent le neurotransmetteur. </em>Les anciens occupants ont dû partir. J’imagine mal l’ancien voisin accueillir ses prostituées et leurs clients dans ce nouvel environnement. La famille dysfonctionnelle qui brisait sa vaisselle hors des heures de repas ne trouve pas plus sa place dans ce nouveau décor. J’ai l’impression qu’on a essayé de se débarrasser de la « racaille ». Seul l’appartement du bas est resté identique : il est vide. J’ai le souvenir d’une nuit passée sur le trottoir, ma chatte enfermée dans une cage prêtée par une voisine à qui je n’avais jamais parlé.  En pleine nuit, on m’avait réveillée; il y avait le feu à côté. Le bruit des sirènes, la lumière des gyrophares et la fatigue se mélangeaient à une pointe de découragement. Les pompiers avaient défoncé la porte du premier pour constater qu’il était vide. Dès le lendemain, la rumeur d’un incendie criminel avait circulé : l’argent des assurances. Je secoue la tête; le soleil contraste avec la nuit. À la place de la vieille <em>Accent</em>, une <em>Mini Cooper</em>, tout ce qu’il y a de plus neuf, est stationnée. Elle s’harmonise avec le nouvel immeuble.</p> <p style="text-align: justify;">Pourtant, en face, l’ancien existe encore. Les bâtiments carrés sont délavés. Le béton devenu gris pâle suite aux hivers enneigés et aux étés ensoleillés côtoie la brique effritée : blanches, grises, noires, jaunâtres, brunâtres, l’impression d’une courtepointe tressée serrée. Les mêmes vieilles portes de garage couvertes de tags narguent la nouvelle brique uniforme. Celle qu’on voyait le mieux de la cuisine est multicolore. Les nombreux dessins qui ont été tracés se sont superposés. Les plus anciens sont effacés, mais on voit encore la couleur utilisée. Du vert et du bleu qui aujourd’hui forment un enchevêtrement turquoise, des cercles rouges, une touche d’orange. Et sur le dessus, des lèvres grossièrement formées, au contour rouge. L’intérieur n’est pas rempli. Ce <em>pattern</em> se répète à plusieurs endroits, entre autres, sur la clôture en bois qui ne sert à rien. Elle est déposée sur celle en grillage. La polyphonie des voix urbaines qui s’entrelacent crie son message : <em>I was here!</em></p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">Je remonte Darling vers Ontario. À l’intersection, la caisse Desjardins, où de multiples chèques de paie ont été déposés, n’existe plus; le local est à vendre ou à louer. En face, <em>l’Idée-Fixe</em> est identique. On y vend toujours des jeux vidéo ou de la pornographie. Le néon <em>XXX</em> est allumé, comme dans mes souvenirs. Il faut bien que certains repères restent. Je continue à marcher sur Ontario vers l’est. Je reconnais certaines boutiques; d’autres ont été remplacées. Le visage de la rue a changé, tout en restant le même. Les vitrines sont <em>cheaps </em>: la lingerie bas de gamme côtoie les fourre-tout – de l’électronique, de la vaisselle et des jouets pour enfants. La <em>Lunetterie Milot</em> est le reflet de la chic Masson avec ses boutiques de vêtements québécois pour tout âge et ses restaurants aux saveurs d’ailleurs. Devant les avions de papier – cliché de la rentrée –, le présent rattrape de nouveau le passé. Plus j’approche de la Place Simon-Valois, plus la promenade prend les airs de sa jumelle. Les devantures se sont refait une beauté. Je m’arrête devant <em>Fruits du jour</em>. Du côté sud de la rue, je constate la transformation : l’étalage vert et l’auvent rayé ont disparu. L’intérieur aussi semble remis à neuf; il est plus aéré. J’entends l’accent italien, mais je ne reconnais aucun visage. <em>Les neurotransmetteurs agissent sur le neurone postsynaptique en se fixant à des milliers de récepteurs. La fixation du neurotransmetteur agit comme une clé dans une serrure. Il permet la transmission du message chimique. </em>Et moi?</p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;"> </p> <p style="text-align: justify;">J’escalade Bourbonnière : Rouen, Hochelaga, Pierre-de-Coubertin, Sherbrooke. Je quitte H.-M. et ses deux cents portes comme je l’ai fait il y a cinq ans. Le premier juillet au matin, nous avons rempli le camion de déménagement. L’appartement était déjà au trois quarts vide. J’ai jeté un dernier regard aux murs, à la rue et au building. Je suis partie sans me retourner.</p> <p style="text-align: justify;">L’année et demie habitée à Verdun est floue. Une tentative d’oublier les déceptions, de trouver la bonne personne. Verdun s’oppose à Hochelaga : colocation difficile contre les trois darlings, secte religieuse les dimanches matin à l’opposé des condoms utilisés sur le parvis, propriétaire envahissant au rez-de-chaussée en contrepartie de celui impossible à rejoindre, sans adresse. L’été, mon refuge était le bord de l’eau. J’y allais inlassablement pour lire, pour étudier, pour travailler. L’hiver, j’endurais. Puis il a fallu partir en hâte. C’était en mars, il y avait de la neige et de la gadoue partout. Les pieds mouillés, on continuait à transporter les boîtes.</p> <p style="text-align: justify;">À NDG, je croyais avoir réussi à remplir les trous, à retrouver le chemin. Le coin était miteux, il n’y avait pas de prostitués ou de <em>dealer</em> comme dans la ruelle près de Darling, mais la pauvreté immigrante et anglophone transparaissait. Au début, ce n’était pas grave, il y avait une sorte de chaleur. Puis les murs sont devenus hostiles; ils rappelaient trop de souvenirs. Ils se teintaient de la couleur du mensonge. Plus le temps avançait, plus le passé se noircissait. Le boîtier bleu était bien caché, mais ça ne suffisait pas. L’impression d’étouffer.</p> <p style="text-align: justify;">Comme à Verdun : il fallait partir, il fallait tout recommencer et oublier. Faire en sorte que la mémoire ne puisse pas être réactivée. <em>Le neurotransmetteur doit être éliminé de l’espace synaptique pour rendre à nouveau possible la communication. La repolarisation de la membrane provoque la fermeture de canaux Ca<sup>2+</sup> qui sont le signal pour arrêter la libération du neurotransmetteur</em>. Dans le présent, je laisse <em>Hochelag</em> derrière moi; je me fuis : éliminer les nombreux <em>triggers</em>. Quartier après quartier, j’essaie de m’éviter : j’aimerais tuer ma mémoire et oublier. Rosemont, c’est le nouveau départ, loin des déceptions. C’est le travail, c’est l’impression d’être utile et de pouvoir changer les choses. C’est le mouvement. Je débarre la porte du 3875. Les murs ressemblent un peu à ceux de NDG, sans l’odeur de curry. Je pousse la porte du #5. L’odeur de pluie vivifiante se diffuse dans l’appartement, ça me ramène au présent : les nouvelles couleurs, les nouveaux meubles, les nouveaux effluves. Aseptiser l’environnement de tout déclencheur, de tous stimuli : retrouver le calme. <em>Permettre le retour à l’homéostasie</em>.</p> <p> </p> <p> </p> </div></div></div><div class="field field-name-field-taxo-rue field-type-taxonomy-term-reference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Emplacement:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-rachel" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Rachel</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/rue-saint-germain" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Saint-Germain</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-sherbrooke" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Sherbrooke</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/rue-sainte-catherine" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Sainte-Catherine</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-d%C3%A9z%C3%A9ry" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Dézéry</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/rue-darling" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Darling</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/parc-raymond-pr%C3%A9fontaine" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Parc Raymond-Préfontaine</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/%C3%A9glise-nativit%C3%A9-de-la-sainte-vierge-dhochelaga" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Église Nativité-de-la-Sainte-Vierge-d&#039;Hochelaga</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-adam" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Adam</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/ruelle-winnipeg" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Ruelle Winnipeg</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/avenue-bourbonni%C3%A8re" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Avenue Bourbonnière</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/rue-de-rouen" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue de Rouen</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-ontario" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Ontario</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/avenue-pierre-de-coubertin" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Avenue Pierre-de-Coubertin</a></div></div></div><div class="field field-name-field-motscles-generaux field-type-taxonomy-term-reference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Mots-clés:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/mots-cl%C3%A9s-g%C3%A9n%C3%A9raux/paysage" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Paysage</a></div><div class="field-item odd"><a href="/mots-cl%C3%A9s-g%C3%A9n%C3%A9raux/urbanisme" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Urbanisme</a></div></div></div><div class="field field-name-field-motscles-madalite-parcours field-type-taxonomy-term-reference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Modalités du parcours:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/modalit%C3%A9s-du-parcours/marche-et-fl%C3%A2nerie" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Marche et flânerie</a></div><div class="field-item odd"><a href="/modalit%C3%A9s-du-parcours/v%C3%A9lo" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Vélo</a></div></div></div><div class="field field-name-field-motscles-reseaux field-type-taxonomy-term-reference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Réseau:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/r%C3%A9seau/jour" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Jour</a></div><div class="field-item odd"><a href="/r%C3%A9seau/parcs-et-squares" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Parcs et squares</a></div><div class="field-item even"><a href="/r%C3%A9seau/ruelles" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Ruelles</a></div><div class="field-item odd"><a href="/r%C3%A9seau/rues" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rues</a></div></div></div> Mon, 09 Mar 2015 15:00:49 +0000 Marie-Ève Brunet-Bélanger 156 at http://hochelagaimaginaire.ca http://hochelagaimaginaire.ca/note-de-terrain/ex-memoria#comments Étrange Hochelaga http://hochelagaimaginaire.ca/note-de-terrain/%C3%A9trange-hochelaga-0 <div class="field field-name-field-auteur field-type-entityreference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Auteur·e·s:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/individu/fournier-virginie">Fournier, Virginie</a></div></div></div><div class="field field-name-body field-type-text-with-summary field-label-hidden"><div class="field-items"><div class="field-item even" property="content:encoded"><p>Étrange, l’Hochelaga.</p> <p>Territoire débusqué au creux d’une pente, au moment où la vitesse à laquelle tournent les roues du vélo accélère, laissant de moins en moins de contrôle sur la direction - droit devant, vers le Sud, toujours plus au sud, toi qui viens du Nord, de beaucoup plus loin au nord.</p> <p>***</p> <p>Les rues défilent; Sherbrooke, Hochelaga, De Rouen, Ontario. Peu importe quel appartement tu as occupé, en quel territoire ennemi tu t’es tapie, tu ne t’éloignes jamais du métro, point lumineux qui te sert de phare. Parfois, quand tu marches, tu as encore l’impression d’être perdue même si tu refais toujours le même trajet.</p> <p>Tu débarques dans son royaume, déambule dans ses rues comme si elles t’appartenaient, alors que tu n’es qu’une étrangère en terrain inconnu. Tu marches dans Hochelaga comme on pénètre une forêt dangereuse; en prêtant attention aux dangers qui pourraient surgir, en allégeant le pas pour te fondre à la faune urbaine. Des ombres passent, défilent. Le lieu est impossible à saisir dans sa totalité. Ce n’est que par fragments épars que tu arrives à avancer, à t’enfoncer plus en avant dans ce territoire impénétrable <em>a priori</em>.</p> <p>***</p> <p>Étrange lieu poursuivi depuis la fin de tes shifts, à vélo, à pied, en métro. Course effrénée, jamais un simple retour, mais bien une arrivée dans une nouvelle patrie<em>.</em> Tu cherchais à le rejoindre quand tu t’essoufflais sur l’avenue du Parc. Il fallait parvenir à Rachel et après c’était mieux. Atteindre Aylwin et se laisser descendre, perdre le contrôle en cours de manœuvre mais s’enivrer, <em>s’enivrer</em> – le fond de l’air doux, chaud, <em>rassurant</em> ou encore la pluie, fine, un peu froide. Puis après, quand tu travaillais tout près de la tour de la SQ (hideuse). Tu marchais rapidement sur Fullum, attrapais Ontario, filais sur De Rouen dès que l’occasion se présentait - pas très loin d’Iberville. Presque instantanément tu sentais ce point chaud dans ta poitrine s’étendre jusqu’aux extrémités de tes membres.</p> <p>Étrange, l’hochelagaise.</p> <p>Tu es persuadée que c’est la nuit que le quartier t’offre le flanc, pourtant tu n’arrives qu’à en longer les frontières et les murs de briques. En fait, étrange que l’on te désigne ainsi; ton exotisme ordinaire ne trompe personne.<br /><em>Pourtant, je vois, j’entends, je ressens, j’y suis. </em></p> <p>Aujourd’hui, c’est depuis l’université que tu parviens à ton cher Hochelaga. Parfois seule, parfois en groupe bien équipé – chandail chaud, bons souliers, gourde remplie, appareil-photo de qualité, carnet clairefontaine – pour discerner, à travers un amoncèlement de discours, de formes, de cris, la forme hirsute que prend Hochelaga. <em>Je ne la distingue toujours pas mais elle me plaît quand même</em>. On pourrait vous prendre pour la Belle et la Bête, <em>mais on ne saurait pas à laquelle je corresponds</em>.</p> <p>Étrange Hochelaga.</p> <p>Étrange, quand il quémande du jus d’orange puis disparaît. <em>Je suis revenue de la fruiterie, j’y avais acheté deux boîtes de jus, une pour toi, une pour moi, mais tu n’étais plus là. </em>Quand il fait la fête, danse avec passion dans les parcs avant de s’endormir, essoufflé, sous un banc. Quand dans l’asphalte on distingue des hiéroglyphes, <em>tu vois, sur Ontario, entre Bourbonnière et Chambly, ces dessins gravés,</em> des traces de vies anciennes, des tatouages incrustés dans son épiderme. Quand il s’exprime par messages codés, messages qui bordent les immeubles <em>et guident mes pas</em>.</p> <p>Quand il se met à parler dans la rue, à hurler après les passants. Quand il s’hérisse de condos, de propriétés avec de hautes clôtures. <em>Sur la rue Amyot, j’y ai vu </em><em>les barricades privées qui obscurcissaient le paysage bigarré. </em><br /> <br />Très étrange, quand il se coupe de son Saint-Laurent et se replie sur lui-même, abandonnant ses ambitions touristiques. On ne peut même pas apercevoir les feux d’artifices de l’Île Sainte-Hélène depuis les parcs qui s’agrippent à René-Lévesque<em>.</em><br />Oui, étrange quand il se construit un abri dans la forêt, qu’il la transforme en habitation, tu sais, <em>oui</em>, <em>juste à côté du viaduc De Rouen.</em> Tu imagines ses nuits, à regarder le ciel et à écouter grouiller la ville.</p> <p>Étrange que tu puisses penser être chez toi ici. <em>Étrange que son ambivalence plaise à la mienne. </em></p> </div></div></div><div class="field field-name-field-taxo-rue field-type-taxonomy-term-reference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Emplacement:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-aylwin" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Aylwin</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/rue-sherbrooke" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Sherbrooke</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-hochelaga" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Hochelaga</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/rue-de-rouen" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue de Rouen</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-ontario" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue Ontario</a></div><div class="field-item odd"><a href="/taxonomie-rue/avenue-bourbonni%C3%A8re" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Avenue Bourbonnière</a></div><div class="field-item even"><a href="/taxonomie-rue/rue-de-chambly" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rue de Chambly</a></div></div></div><div class="field field-name-field-motscles-madalite-parcours field-type-taxonomy-term-reference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Modalités du parcours:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/modalit%C3%A9s-du-parcours/marche-et-fl%C3%A2nerie" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Marche et flânerie</a></div></div></div><div class="field field-name-field-motscles-reseaux field-type-taxonomy-term-reference field-label-inline clearfix"><div class="field-label">Réseau:&nbsp;</div><div class="field-items"><div class="field-item even"><a href="/r%C3%A9seau/parcs-et-squares" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Parcs et squares</a></div><div class="field-item odd"><a href="/r%C3%A9seau/ruelles" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Ruelles</a></div><div class="field-item even"><a href="/r%C3%A9seau/rues" typeof="skos:Concept" property="rdfs:label skos:prefLabel" datatype="">Rues</a></div></div></div> Tue, 03 Mar 2015 20:48:16 +0000 Virginie Fournier 151 at http://hochelagaimaginaire.ca http://hochelagaimaginaire.ca/note-de-terrain/%C3%A9trange-hochelaga-0#comments