Wabana et le serpent à plume: quand le théâtre raconte l'histoire [1]
Basile Hébert, Véronique. Notcimik : Là d’où vient notre sang. Montréal : manuscrit inédit, 2021.
Le titre de la pièce de théâtre de la dramaturge Véronique Basile Hébert Notcimik : Là d’où vient notre sang évoque le lien qui unit la nation atikamekw Nehirowisiwok (d’où l’autrice est originaire) à leur territoire le Nitaskinan, situé dans la vallée de la rivière Saint-Maurice. Notcimik veut dire « dans la forêt » ou « dans la nature », mais aussi, et surtout « là d’où vient notre sang ». D’un point de vue écopoétique, qui je le rappelle est «Dans les survenant durant la pièce et incorporant Wabana avec ses ancêtres par le biais des montagnes, des abeilles et du feu, ainsi que les éléments historiques, sociaux et politiques que Véronique Basile Hébert a intégrés dans Notcimik viennent non seulement faire un tour d’horizon percutant sur l’histoire des Atikamekws,La professeure en études autochtones, en études de genre et en études littéraires Sarah Mackenzie qui a publié un livre sur la place des femmes dans le théâtre autochtone canadien, mentionne dans son essai que: « les dramaturges autochtones utilisent régulièrement une approche décoloniale qui présente la violence comme un rappel manifeste de la colonisationajoute[3]. » À la suite du passage du serpent à plumes à Wemotaci, Wabana qui a tenu en ses mains le couteau des morts et qui connaît maintenant l’histoire de ses ancêtres, peut alors exprimer plus librement les violences qu’ils ont subiesElle écrit que les « Indigenous theatre artists make medicine by reconnecting through the act of remembering. » Cette médecine théâtrale artistique dont elle parle qui se matérialise par le souvenir, le retour au passé, la reconnexion entre le maintenant et l’avant, participe au travail de guérison. Dans le cas de Notcimik, les actions et les paroles de Wabana, l’essaim, le serpent et les montagnes, tous se situent dans un enlacement temporel et spatial qui tend à rétablir un ordre du monde précolonial. La longue scène sur la Grande Paix de Montréal où la narratrice nomme chacune des presque trente nations présentes durant cet été de 1701, est l’un des nombreux passages où l’on effectue un retour en arrière pour se souvenir du passé et l’inscrire à nouveau dans notre imaginaire.
Notcimik : Là d’où vient notre sang de Véronique Hébert, nous transporte dans le temps et dans l’espace pour rendre compte et raconter de tout ce qui se connecte à Wabana et aux Atikamekws. Retisser les liens avec l’ailleurs et le passé, rendre signifiant ce qui a été oublié, recréer le monde en lui rappelant son histoire.
[1][2] Mackenzie, Sarah, Indigenous Women’s Theatre in Canada a Mechanism of Decolonization, Halifax : Fernwood Publishing, 2020, p. 16. (traduit par moi)