L'art modeste du bunt

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New York, Little, Brown and Company, 2011
512 pages.

Le premier roman de Chad Harbach, The Art of Fieldfing, s'inscrit dans la vaste tradition du roman réaliste, ce roman qu'on dirait enraciné dans la fin du 19e siècle tant ses codes demeurent inchangés. En plus de son approche psychologisante, presque banale tant elle est bien huilée, le roman de Harbach a l'audace de joindre ensemble deux poncifs du roman américain: le Campus Novel et le Baseball Novel. A priori, on pourrait s'inquiéter d'un tel manque d'originalité, mais force est d'admettre que tout cela s'imbrique de façon fort cohérente.

Ce qui m'a le plus marqué dans The Art of Fielding, c'est le désaveu du rêve américain qui s'y profile en toile de fond. Le baseball, comme on peut s'y attendre, occupe dans le roman une fonction métaphorique où le sujet (le joueur) est en parfait contrôle de ses actions et du résultat de ses actions. Les choses deviennent à mon avis intéressantes lorsque le roman affirme justement que la vie n'est pas une partie du baseball, et qu'on ne peut contrôler avec précision les conséquences de nos faits et gestes. Il y a ainsi un constat vaguement désenchanté, en sous-texte, mais ce désenchantement se voit rapidement opposé à la force de la communauté, des liens sociaux, de la famille. Le sujet n'est peut-être pas maître de sa destinée, mais il peut à tout le moins s'efforcer de l'inscrire dans un groupe dont la valeur dépasse la somme des parties. Une image résume bien les propos du roman: un joueur ne doit pas toujours viser le coup de circuit. Parfois, il vaut mieux opter pour un modeste «bunt» afin d'aider l'équipe. En 2004, dans le premier numéro de la revue n+1, dont Harbach est l'un des cofondateurs, celui-ci affirmait son admiration pour David Foster Wallace et Jonathan Franzen. Il n'a peut-être pas encore atteint la virtuosité du premier, ni la fluidité et la profondeur du deuxième, mais The Art of Fielding est l'indéniable coup sûr d'une recrue prometteuse.