Les Murailles du paradis : chroniques d'une immigration
Que puis-je dire du mouvement, autre ce que les philosophes ont dit? Gilles Deleuze décrit le mouvement comme « la possibilité d'insertion sur une onde préexistante ». Comment puis-je « m'insérer » alors que le travail de tout écrivain consiste à s'arracher, se détacher, fuir, s'isoler, et ultimement défier le réel par l'imaginaire? Comment puis-je décrire ce paradis de l'immigration alors qu'il s'agit d'un espace cloîtré, interdit, déterminé? Dans mon livre Les Murailles du paradis (2009), il y a une tentative de réponse à ces questions, et à celles plus angoissantes de l'écriture. Comment puis-je décrire le phénomène « neige » par exemple? Dans la chronique Love Story j'écris « Depuis dix ans, ma relation avec la neige est une relation scellée par une méfiance totale de ma part et par une indifférence parfaite de la part de la neige. Je n'aime glisser bien que les gens m'ont souvent conseiller de profiter des réjouissances de l'hiver au lieu de m'en plaindre sans cesse. Mais je persiste dans mon refus rituel chaque saison. J'ai peur de tous les sports d'hiver, de la glissade en luge jusqu'au ski de montagne. Et quand j'accompagne les enfants dans ces sports, je me contente du rôle de spectateur. » Pour revenir à ma question initiale, je propose donc cette reformulation: que puis-je dire du mouvement à partir de mon rang de spectateur?