Salon double - Arts de la scène http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/1133/0 fr La parole contre l’aliénation http://salondouble.contemporain.info/lecture/la-parole-contre-l-ali-nation <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/guillois-cardinal-raphaelle">Guillois-Cardinal, Raphaëlle</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/la-guerre-au-ventre">La guerre au ventre</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p>Les pièces de Michel Ouellette abordent la question identitaire, tant sur le plan individuel que collectif, ainsi que de nombreux thèmes universels tels que le rapport au passé, la solitude, la misère, la liberté, l’amour et la famille. Se montrant audacieuses dans leur forme par leur caractère non linéaire et leurs dialogues fragmentaires, elles présentent des personnages franco-ontariens hantés par leur histoire familiale (eux-mêmes privés d’une perception linéaire du temps) qui, habités d’une volonté de rupture avec leurs origines, prennent la route et s’exilent. Or, ils entraînent avec eux leurs fantômes et font de leur nouveau milieu un espace mortifère. Dans cette optique, les titres des pièces de Ouellette, que l’on pense à <em>Corbeau en exil</em> (1992)<em>, L’homme effacé</em> (1997)<em>, La dernière fugue </em>(1999) ou <em>Fausse route</em> (2001), sont très évocateurs.</p> <p>À la suite de <em>French Town</em> (1994) et de <em>Requiem</em> (1999), <em>La guerre au ventre </em>(mise en scène par le Théâtre du Nouvel-Ontario en 2011) commence par du non-dit, par une difficulté de se dire, transmise d’une génération à l’autre. Elle porte en elle toute l’histoire de la famille Bédard, entamée avec les deux pièces précédentes: un oncle coupable de meurtre, une mère marquée par ce drame familial, un père irresponsable, violent et alcoolique, une sœur pour qui la vie n’est pas facile, ainsi qu’un frère qui se suicide d’un coup de carabine dans la bouche pour se taire à tout jamais. Toutefois, dans <em>La guerre au ventre, </em>Martin, l’un des fils Bédard, comprend que la fuite n’est pas la solution et qu’il doit concilier son lourd passé familial avec sa propre vie. Ici, la guerre devient le symbole du combat intérieur que livre&nbsp;Martin contre ses origines. Non seulement elle réfère à des guerres bien réelles de l’histoire canadienne, mais elle se déroule également dans le ventre de Martin qui lutte pour sa survie après y avoir reçu une balle de fusil, coup non mérité, dû à la rencontre d’un homme violent et possessif. Région du corps d’où l’on est originaire, le ventre devient donc un lieu de combat à la fois physique et symbolique.</p> <p>Le passé familial de Martin, rempli à la fois d’amour et de haine, s’enchevêtre à celui de sa femme, une anglophone nommée Kelly Kelly. L’amour qui unit Martin à la mère de ses enfants s’érige sur des secrets et, conséquemment, écrasé par le poids du passé, semble voué à l’échec. Kelly quitte Martin en lui enlevant ses enfants qui sont des Kelly, bien plus que des Bédard, car Martin n’a pas su transmettre son identité en héritage: ses filles ne portent pas son nom et ne parlent pas français. Le fils ainé, quant à lui, le seul à avoir été élevé dans les deux langues, a voulu imiter les hommes de la famille Kelly en s’illustrant dans l’armée canadienne. Toutefois, il est mort en Afghanistan, laissant Martin en proie à une grave crise identitaire dont la question centrale est la suivante: «Comment on appelle ça, un père qui a perdu son fils?»(64). Et même si Martin parcourt plusieurs kilomètres pour s’éloigner de sa ville natale, il demeure hanté par son histoire familiale; dans sa tête s’élèvent les voix des femmes qui l’ont marqué. Désespéré, il se demande pourquoi il n’entend que des voix féminines et pourquoi le fantôme de son fils, lui, ne se manifeste pas. La plus dure des femmes est sans contredit sa belle-mère Bridget qui, en plus de mépriser ses origines francophones, lui dit: «T’es pas un homme, toi. Pas un homme comme ton père.»(48). Totalement dérouté, parlant à sa sœur, à sa mère et à sa grand-mère, Martin demeure prisonnier de sa condition de fils, incapable d’assumer sa paternité.</p> <p><strong>Quand le fils deviendra père</strong></p> <p>Lorsque, gravement blessé, Martin est conduit à l’hôpital, la vue du sang qui coule de son ventre (ainsi que sa présence en ce lieu) ramène le souvenir de la naissance de son fils&nbsp;:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p>Une balle dans mon ventre. Le sang. Qui sent. […] Je suis à l’hôpital. […] Kelly est là. Couchée sur le dos. Les jambes ouvertes. La boule de sang sort d’elle. Patrice. On me tend les ciseaux pour couper le cordon ombilical. Je reste figé dans le moment, comme coincé entre deux secondes. Pis le médecin me donne un coup de coude pis je coupe le cordon machinalement, comme une machine, sans réfléchir. C’est la vie. La vie qui continue. Patrice. J’étais là, à sa naissance. Je suis encore là. Dans le sang de sa naissance. Patrice. Patrice.(46-47).</p> </blockquote> <p>En fait, plus la pièce progresse, plus on constate que la balle que Martin a reçue au ventre n’illustre pas seulement les disputes qui hantent son passé familial, mais aussi le combat qu’il mène pour occuper sa place d’homme et de père. Alors dans un état critique, Martin emploie la parole pour éviter la mort physique et symbolique. L’incapacité de Simone, la mère de Martin, à parler de l’histoire familiale, incapacité avec laquelle s’ouvrait <em>French town,</em> se confronte ici à la volonté de parole de Martin<em>.</em> À la fin de la pièce, la guérison de sa blessure au ventre concorde avec l’acceptation de son passé familial et la récupération de son rôle paternel, puisque Kelly et ses deux filles reviendront vers lui.</p> <p>Enfin, <em>La guerre au ventre,</em> près de vingt ans après, fait écho à la première pièce de Ouellette, <em>Corbeaux en exil </em>(1992), dans laquelle le protagoniste s’exerce à tuer un corbeau au vol devant le Colonel, une figure paternelle, qui l’accuse d’avoir tenté de le tuer sous prétexte de vouloir atteindre le corbeau. Or, dans <em>La guerre au ventre,</em> la figure du corbeau réapparaît par le biais d’une légende qui semble être une clé du théâtre de Ouellette. Cette légende raconte l’histoire de Kaagaagiou, un bel oiseau multicolore qui, durant l’hiver, se voit obligé de manger des cadavres d’animaux pour survivre. Nourri de la mort, Kaagaagiou reprend ses forces mais se transforme par le fait même en un corbeau noir au chant rocailleux. La légende se termine sur cette phrase essentielle: «Pour vaincre, il faut manger la passé.»(75). C’est-à-dire l’incorporer et le digérer. Si, pour Lucie Hotte, professeure à l’Université d’Ottawa et spécialiste de la littérature franco-canadienne, tuer le corbeau équivaut à tuer le père (pour le devenir soi-même), on peut affirmer que Martin récupère pleinement son rôle parental après avoir réglé ses comptes avec le corbeau : lors d’un affrontement imaginaire, le fantôme du fils de Martin se manifeste enfin et vainc l’oiseau noir. De plus, en répliquant au corbeau «Je vais pas me taire. Jamais.»(83), Martin met fin au silence qui se montrait jusque-là constitutif de sa famille et par extension, de sa propre identité. Ainsi, alors qu’avant <em>La guerre au ventre</em>, dans le théâtre de Ouellette, le père n’est que problèmes, incapable qu’il est de bien communiquer ou d’occuper son rôle, généralement alcoolique, violent, totalement irresponsable ou tout simplement absent, Martin, grâce à sa parole, s’affranchit, devient père à part entière et peut finalement vivre sa propre vie sans être à distance de soi. Considérant cela, il sera intéressant de voir comment se présenteront les protagonistes des prochaines pièces de Ouellette, afin d’affermir ou d’infirmer la résolution du rôle paternel que semble marquer <em>La guerre au ventre, </em>au sein de cette œuvre dramaturgique.</p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p>&nbsp;</p> <p>HOTTE, Lucie et POIRIER, Guy. (dir.) (2009). <em>Habiter la distance. Études en marge de La distance habitée</em>, &nbsp;Sudbury, Prise de parole, 195 p.</p> <p>OUELLET, François (1996). « <em>Se faire</em> Père. L’œuvre de Daniel Poliquin », dans HOTTE, Lucie et OUELLET, François (dir.), <em>La littérature franco-ontarienne : enjeux esthétiques</em>, Ottawa, Le nordir, p. 91-116.</p> <p>OUELLETTE, Michel (1992). <em>Corbeaux en exil</em>, Hearst, Le Nordir, 114 p.</p> <p>OUELLETTE, Michel (1997). <em>L’homme effacé</em>, Hearst, Le Nordir, 1997, 93 p.</p> <p>OUELLETTE, Michel (1999). <em>La dernière fugue</em> suivi de <em>Duel</em> et de <em>King Edward</em>, Hearst, Le Nordir, 161 p.</p> <p>OUELLETTE, Michel. (2000) <em>French Town</em>, Hearst, Le Nordir, 114 p.</p> <p>OUELLETTE, Michel (2001). <em>Requiem</em> suivi de <em>Fausse Route</em>, Hearst, Le Nordir, 139 p.</p> <p>OUELLETTE, Michel (2011). <em>La guerre au ventre</em>, Hearst, Le Nordir, 92 p.</p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/la-parole-contre-l-ali-nation#comments Arts de la scène Canada Filiation Guerre Théâtre Fri, 16 Nov 2012 16:31:45 +0000 Raphaëlle Guillois-Cardinal 635 at http://salondouble.contemporain.info Les mélancomiques http://salondouble.contemporain.info/antichambre/les-m-lancomiques <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/joubert-lucie">Joubert, Lucie</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-text field-field-soustitre"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> ou pourquoi les femmes en littérature ne font pas souvent rire </div> </div> </div> <div class="field field-type-filefield field-field-podcast"> <div class="field-label">Podcast:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <embed height="15" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/luciejoubertmars2012 - copie.mp3" autostart="false"></embed> </div> </div> </div> <div class="field field-type-filefield field-field-image"> <div class="field-label">Image:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <div class="filefield-file"><img class="filefield-icon field-icon-image-jpeg" alt="icône image/jpeg" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/all/modules/contrib/filefield/icons/image-x-generic.png" /><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/lucie_joubert_web_3.jpg" type="image/jpeg; length=136302">lucie_joubert_web.jpg</a></div> </div> </div> </div> <p style="text-align: justify; ">On a beaucoup glosé sur la quasi-absence des femmes humoristes sur les scènes québécoises et françaises. Si la situation évolue depuis quelques années, la question reste toujours d’actualité quand on se tourne vers le texte littéraire. Où sont les auteures comiques? La difficulté à nommer ne serait-ce que quelques noms ou titres de roman comme exemples atteste une apparente et trompeuse rareté du rire féminin. Certes, les auteures qui font œuvre d’humour et d’esprit existent mais elles demeurent (elles et leurs textes) méconnues. Une des raisons qui expliquent ce malentendu se trouve du côté de la <em>nature</em> de l’humour qu’elles mettent de l’avant. En effet, l’esprit féminin puise partiellement, mais souvent, sa source dans une mélancolie née d’une expérience des déterminismes de la condition des femmes: la difficulté à se définir en tant que sujet social, la constatation d’une impuissance à changer le cours des choses, la conscience d’exprimer un point de vue qui ne touchera que la partie congrue d’un public tourné vers les «vraies affaires»</p> <p style="text-align: justify; ">Dans une telle optique, les femmes, en fines observatrices des travers de la société, font preuve d’un humour qui suscite un rire de connivence quelquefois un peu triste, loin des grands éclats en tout cas, mais qui revendique, dans sa lucidité même, la possibilité de changer la défaite en victoire par l’esprit, fût-il marqué par la mélancolie. Cette conférence se veut donc une invitation à relire ou découvrir des auteures comme, entre autres, Benoîte Groult, Christiane Rochefort, Amélie Nothomb, Monique Proulx, Hélène Monette, Marie-Renée Lavoie et Suzanne Myre.</p> <div id="myEventWatcherDiv" style="display:none;">&nbsp;</div> <div id="myEventWatcherDiv" style="display:none;">&nbsp;</div> http://salondouble.contemporain.info/antichambre/les-m-lancomiques#comments Absurde Adultère Aliénation ALLARD, Caroline Altérité Arts de la scène Arts de la scène Autodénigrement Autodérision BADOURI, Rachid BALZANO, Flora BARBERY, Muriel Belgique BEN YOUSSEF, Nabila BESSARD-BLANQUY, Olivier BISMUTH, Nadine BLAIS, Marie-Claire BOOTH, Wayne BOSCO, Monique BOUCHER, Denise Canada CARON, Julie CARON, Sophie Chick litt. / Littérature aigre-douce Condition féminine Conditionnements sociaux Culture populaire CYR, Maryvonne Désillusion Déterminismes Deuil DEVOS, Raymond Dialectisme hommes/femmes DION, Lise DIOUF, Boucar Discrimination Divertissement Études culturelles FARGE, Arlette Féminisme Féminité Femme-objet FEY, Tina France FRÉCHETTE, Carole Freud GAUTHIER, Cathy Genres sexuels GERMAIN, Raphaëlle GIRARD, Marie-Claude GROULT, Benoîte GROULT, Flora Histoire Humour Humour Humour littéraire Identité Improvisation Improvisation Industrie de l'humour Institution Ironie JACOB, Suzanne LAMARRE, Chantal LAMBOTTE, Marie-Claude LARUE, Monique LAVOIE, Marie-Renée LEBLANC, Louise Les Folles Alliées Les Moquettes Coquettes Littérature migrante Marchandisation Maternité Mélancolie MÉNARD, Isabelle MERCIER, Claudine MEUNIER, Claude et Louis SAÏA MONETTE, Hélène MPAMBARA, Michel MYRE, Suzanne NOTHOMB, Amélie OUELLETTE, Émilie Parodie Pastiche PEDNEAULT, Hélène Platon Pouvoir et domination PROULX, Monique Psychanalyse Psychologie Québec Représentation du corps Rire ROBIN, Régine ROCHEFORT, Christiane ROY, Gabrielle Satire Scatologie SCHIESARI, Juliana Séduction SMITH, Caroline Société de consommation Société du spectacle Sociologie Stand up comique Stand up comique STEINER, George Stéréotypes STORA-SANDOR, Judith Télévision Théâtre Théorie du discours Théories de la lecture TOURIGNY, Sylvie Tristesse VAILLANT, Alain VIGNEAULT, Guillaume Viol Violence Roman Théâtre Fri, 09 Mar 2012 14:12:02 +0000 Lucie Joubert 471 at http://salondouble.contemporain.info