Salon double - Aliénation http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/1145/0 fr Freak Show http://salondouble.contemporain.info/article/freak-show <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/beaulieu-guillaume">Beaulieu, Guillaume </a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-label">Référence bibliographique:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/like-a-velvet-glove-cast-in-iron">Like a Velvet Glove Cast in Iron</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/daniel-clowes">Daniel Clowes</a> </div> </div> </div> <p>Le corps pose problème. Il naît, grandit, fait défaut, est amputé, meurt, se décompose… Le corps est ce qui fuit. Il s’enfuit à l’impératif de dire, d’écrire, de parler et de rencontrer. C’est avant toute chose un ensemble organique en souffrance, dans le manque comme dans la douleur. Face à une corporalité maladive, handicapée voir symptomatique, peut-on y entendre l’agonie d’une société qui se meurt en écho? Des regards se posent et questionnent. Une parole en quête de sens émerge. La représentation du corps dans<em> Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> de Daniel Clowes est problématique. Cette bande dessinée présente un corps étranger, transformé, en mutation, s’ouvrant sur un regard qui renvoie à un malaise.</p> <p><em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> illustre un récit sans queue ni tête qui se termine littéralement en queue de poisson. L’histoire débute au moment où Clay, le protagoniste principal, entre dans un cinéma érotique et s’étonne, voire s’alarme, de constater que l’actrice du film qu’il y visionne est son ex-femme. Sous le choc, il part à la recherche de la maison de production qui emploie sa femme. Un ami l’aide à regret en lui prêtant sa voiture. Sur la route, il est battu et détenu par des policiers. Clay se retrouve sans voiture à errer entre ses rêves et des lieux insolites. Il rencontre un amalgame étonnant de gens étranges qui l’aideront ou lui nuiront dans sa quête, allant même jusqu’à causer son démembrement à la fin. Un récit enchâssé met en scène une scénariste et un réalisateur de films gores aux prétentions de cinéma d’auteur. Bien contre lui, Clay&nbsp; se retrouve embarqué dans un de leur film qui met en scène la mort de sa femme. La pornographie est l’élément déclencheur du récit et elle participe également à son dénouement. &nbsp;</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove001.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 25"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove001.jpg" alt="38" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 25" width="580" height="296" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 25</span></span></span></p> <p>Au cours de sa quête, Clay est happé par différentes mésaventures. Dès le début de son parcours, il est arrêté brusquement par l’intervention brutale de policiers aux méthodes douteuses. Les agents corrompus, en plus de le battre et de graver au scalpel sur son talon un dessin représentant un « Mister Jones » (une sorte d’entité des eaux), violent une prostituée à trois yeux. Le corps de Clay est marqué et celui de la prostituée est violé. Ces éléments renvoient à une commercialisation, à une possession (on peut relier la marque sur le talon au marquage du bétail) et à une consommation maladive des corps (par le viol et la pornographie). Ces gestes témoignent non seulement d’une cruauté, mais aussi d’une volonté d’inscrire le corps dans une perspective d’inadéquation avec le réel. Comme si le corps n’appartenait plus à celui qui l’habite, mais bien à celui qui le regarde ou qui le prend. Cette consommation des corps se voit sous plusieurs aspects dans l’œuvre de Clowes. Notamment, les films pornographiques sont soumis à des critiques qui félicitent le réalisateur pour ses nouveaux exploits enregistrés sur pellicule. Cinéaste qui, dès les premières planches, est considéré par un malade par Clay. Par ailleurs, le titre du film est le même que celui de la bande dessinée. Les personnages du réalisateur et du bédéiste se confondent, nous y voyons une sorte d’autocritique et de dérision de la part de Daniel Clowes. Plus encore, ce dernier informe le lecteur que ce qu’il tient entre ses mains, ces images mettant scène viole, meurtre et violence, il en est le seul réalisateur.&nbsp;&nbsp; &nbsp;</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove002.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 51"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove002.jpg" alt="39" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 51" width="580" height="291" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 51</span></span></span></p> <p>D’autres occurrences dans <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> présente un corps déraillant ou mutant&nbsp;: L’ami de Clay a des crevettes dans les yeux, la serveuse du restaurant est une femme poisson, Clay voit, dans un rêve, une femme avec une queue en pointe de cœur, un tenant de commerce a un nez en forme de tige, un chien n’a pas d’orifice et, à la fin de la bande dessinée, Clay est estropié de tous ses membres par un homme drogué à la testostérone. Ces occurrences, bien qu’elles soient sorties de leur contexte d’énonciation, dénotent tout de même la volonté de Clowes d’inscrire sa bande dessinée dans une perspective d’une représentation des corps problématique. C’est un «freak show» à la hauteur du film de Tod Browning, <em>Freaks <a name="renvoi1"></a></em><a href="#note2">[1]</a>, que ce bédéiste façonne. <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em>, présente deux types de «freak». Le premier est d’ordre psychologique et s’encre à l’intérieur de perversion sexuelle, comme le spectateur du film «Darling Baby Love», film qui se rapproche d’une production pornographique juvénile. Le second cas est physique et s’arrime à une représentation fictionnelle du corps humain en mutation ou infesté par un corps étranger. Tandis que <em>Freaks</em> met en scène des «freaks», dans sa définition la plus péjorative (littéralement monstre), qui incarnent leur propre rôle, à savoir un lilliputien, un homme-tronc, etc. Tout comme dans l’œuvre de Browning, les vrais monstres dans cette bande dessinée, ce ne sont pas Tina ou la femme aux trois yeux, mais bien les clients du restaurant, les policiers et les spectateurs des films d’un hétéroclite réalisateur.</p> <p><strong>Le Marquis à l’ère du 3.0</strong></p> <p>Daniel Clowes exploite un élément controversé de la culture populaire en représentant une scénariste et un réalisateur de «<em>snuff movie</em>». <a name="renvoi2"></a><a href="#note2">[2]</a> Lorsque Clay entre dans une salle de cinéma «underground», il y voit son ancienne femme tenant la vedette du film «Barbara Allen». Celle-ci a une relation sexuelle avec un étudiant, après quoi celui-ci la tue. Le film se termine sur deux hommes masqués qui la jettent dans une fosse. Clay participera aussi à ce film, mais involontairement. Après avoir déposé une rose sur la tombe de sa défunte femme, il est surpris par l’homme qui cherchait à l’exécuter. Le réalisateur, là par hasard, saisit l’occasion au vol et film le démembrement de Clay. L’utilisation de ce type particulier de cinéma par Daniel Clowes renvoie à une dégénérescence de la production qui trouve par le biais du «snuff» une manière d’accéder à un type de cinéma artistique inédit qui se trouve même un public admiratif qui en redemande. Ce n’est plus de la fiction, mais cela se présente comme tel. On peut prétendre que, dans l’univers de <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em>, il n’y a pas de limite, de barrière, de garde-fou aux personnages. Nous entrons dans un délire pas si délirant que cela en actualisant l’œuvre de Clowes à la réalité présente du Web. Celle qui a éclaté carrément les limites des fantasmes et des perversions, les rendant réels et palpables avec un potentiel de production le plus minimaliste (webcam, ordinateur, connexion Internet) et avec une possibilité de consommation encore plus simple. D’un côté, nous voyons que le public de ce gore extrême est important, mais de l’autre, qui est de loin le plus intéressant, est celui qui permet de s’interroger sur cette désacralisation de la mort et de la souffrance des corps.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove004.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 139"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove004.jpg" alt="40" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 139" width="494" height="805" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 139</span></span></span></p> <p>Récemment, le film <em>A Serbian Film</em> de Srđan Spasojević fit scandale, on y représentait une production malsaine de «<em>snuff movie</em> » incluant des jeunes enfants. Le film se présente d’emblée comme une fiction dans lequel un acteur porno à la retraite et un peu à court financièrement reprend du service sans savoir pour qui il s’engage vraiment.&nbsp;L’acteur, sous l’effet de stimulant sexuel pour taureau, commettra des scènes d’une violence inouïe, même pour une fiction. Selon Spasojević, la violence extrême que mettait en scène son film était le reflet de celle qui fit ravage lors du conflit de la Bosnie-Herzégovine. <a name="renvoi3"></a><a href="#note3">[3]</a> Spasojević part de la bestialité éprouvée par une réalité de temps guerre pour présenter une guerre de corps qui affrontent carrément le spectateur dans le confort de ses croyances en une humanité. L’acteur n’a plus le contrôle sur lui-même, il est drogué à son insu et il ne peut faire autrement que d’exécuter les ordres qu’il reçoit du réalisateur sadique. On ne peut s’empêcher de faire l’analogie avec le soldat. L’œuvre de Clowes, quant à elle, présente une jungle urbaine <em>harum-scarum</em> dont la sexualité et la cruauté déroutante en sont le symptôme. Le <em>snuff movie</em> prend même la place d’une sorte de cinéma d’auteur, où la principale esthétique est celle des corps qui se trucident. Par ailleurs, <em>A Serbian Film</em> et <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> développent tous deux le personnage «réalisateur» au pouvoir quasi divin, c’est-à-dire de vie ou de mort sur ceux qu’ils mettent en scène.</p> <p>Daniel Clowes exploite plusieurs formes de violence dans sa bande dessinée. Une scène en particulier exprime la problématique de la représentation des corps s’inscrivant dans une perversion sans nom.&nbsp; Le protagoniste Clay, en cherchant le film qui met en vedette son ex-femme, arrive à une salle où est projeté «Darling Baby Love». Ce film montre deux bambins habillés en Monsieur et en Madame, plaqués l’un à l’autre par des bâtons. Ils sont forcés, pour ainsi dire, à s’embrasser étant donné leur inaptitude à comprendre le langage qu’on leur adresse. Déjà, du haut de leurs quelques mois, contraints à être manipulés comme des marionnettes et à répondre à des fantasmes qui les dépassent. Cette violence faite aux corps, dans la bande dessinée de Clowes, témoigne véritablement d’un malaise face aux contradictions qui émanent de la société dans laquelle <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> a vu le jour. Le <em>snuff movie</em> serait peut-être une forme d’archétype répondant à une forte pulsion de mort qui trouve, dans la bande dessinée de Clowes, l’espace parfait pour sa représentation. D’une certaine manière, Daniel Clowes, en surreprésentant le corps, vient l’inscrire dans une problématique sociétale, mais aussi littéraire, à l’intérieur d’un récit en image.</p> <p><strong>Le désir à néant</strong></p> <p>Ce qui est frappant dans <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> c’est qu’on ne sait d’où viennent les mutations. On sait que le «Mister Jones» y est lié, mais sans plus. Nous postulerons que les inscriptions, les marques, les mutations sur les corps témoignent d’une faille, d’un sentiment de vide, d’un aspect non représentable du corps humain qui propulse les protagonistes dans leur condition de marginal ou de solitaire désabusé. Dans un même ordre d’idée, après que Clay soit tombé inconscient suite à son passage à tabac par les policiers, il rêve (on le remarque par l’irrégularité des lignes qui bordent les cases,) et se voit couché sur son lit. La première case du rêve montre un petit bibelot que Clay semble regarder (on ne voit pas son visage) une main sur le sexe. Cette petite figurine rappelle la Vénus de Willendorf, quoique le visage de celle-ci soit habituellement caché. La case suivante montre ce dernier en train de regarder des photos pornographiques. Cette représentation des corps expose deux canons de beauté totalement différents. La première case présente une femme obèse symbolisant la fertilité et la vie, la seconde case exhibe des femmes aguichantes présentées par des titres aussi éloquents que «Slutty Garbage» ou encore «Shaved and oiled secretaries». Ceci témoigne de la volonté de Daniel Clowes de situer son protagoniste principal dans une réalité en distorsion par la juxtaposition des corps qui s’opposent.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove003.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 110"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove003.jpg" alt="41" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 110" width="522" height="810" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 110</span></span></span></p> <p>En représentant un corps souffrant, violé, mutant ou à l’article de la mort, l’auteur porte un regard en abyme par le biais de son alter ego qu’il insère à l’intérieur de son œuvre (le réalisateur des <em>snuff movies</em>). Comme si d’une certaine manière les corps en souffrance agissaient en miroir, reflétant les maux dont les structures, les institutions et les individus sont atteints. Ce rapport malaisé aux corps, dans l’œuvre de Clowes, témoigne d’autant plus de sujets laissés pour compte dans leur désir de parvenir à se saisir de l’objet de leur fantasme. Le langage subversif dans le texte et les images de <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> permet à cette beauté froide d’éclore, empêchant au lecteur, pris au corps par le corps de l’œuvre, de la refermer sur elle-même. Nous sommes témoins et voyeurs impuissants, tout comme les protagonistes, des obsessions de ce bédéiste qui s’encrent toujours déjà d’une réalité témoin, elle aussi, d’un réel en souffrance et d’une perte de sens du côté du lecteur.&nbsp;&nbsp;</p> <p><em>Les </em><em>directeurs du dossier</em><em> tiennent à remercier chaleureusement Alvin Buenaventura, agent de Daniel Clowes, qui leur a accordé une autorisation de reproduction d'extraits des oeuvres de ce dernier.</em></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p>BROWNING, Tod, <em>Freaks</em>, Metro-Goldwym Mayor, 1932</p> <p>CLOWES, Daniel,<em> Like a Velvet Glove Cast in Iron</em>, Seattle, Fantagraphics, 1993.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a name="note1"></a><a href="#renvoi1">[1]</a> Long Métrage de Tod Browning sorti en 1932. Met en scène un cirque composé de monstres de foire. Hans, lilliputien, reçoit un héritage et un complot malsain s’élabore pour le lui substituer.</p> <p><a name="note2"></a><a href="#renvoi2">[2] </a>« Le&nbsp;snuff movie&nbsp;(ou&nbsp;snuff film) est un&nbsp;film, généralement&nbsp;pornographique, qui met en scène la&nbsp;torture&nbsp;et le&nbsp;meurtre&nbsp;d'une ou plusieurs personnes. Dans ces films clandestins, la victime est censée ne pas être un&nbsp;acteur,&nbsp;mais une personne véritablement assassinée. » Source : « Snuff Movie », dans<em> Wikipédia</em>, en ligne: <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Snuff_movie">http://fr.wikipedia.org/wiki/Snuff_movie</a> [consulté le 10 décembre 2011]</p> <p><a name="note3"></a><a href="#renvoi3">[3]</a> Je paraphrase ici les propos du réalisateur Srđan Spasojević recueillis lors de la première Canadienne du film <em>A Serbian Film </em>présenté lors du festival Fantasia à l’été&nbsp;2010.</p> Aliénation Altérité Cinéma CLOWES, Daniel Crime États-Unis d'Amérique Mort Obscénité et perversion Pornographie Pouvoir et domination Représentation de la sexualité Représentation du corps Société du spectacle Tabous Violence Bande dessinée Thu, 12 Jul 2012 19:55:06 +0000 Guillaume Beaulieu 545 at http://salondouble.contemporain.info Un monde fantôme http://salondouble.contemporain.info/article/un-monde-fant-me <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/bouchard-eric">Bouchard, Eric </a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-label">Référence bibliographique:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/ghost-world">Ghost World</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/daniel-clowes">Daniel Clowes</a> </div> </div> </div> <p>Ma lecture de<em> Ghost World</em> remonte à plusieurs années déjà. En fait, c’est à la traduction en français de cet album emblématique par le petit éditeur parisien Vertige graphic que je dois la découverte de Daniel Clowes en 1999, soit l’année où il est révélé au public francophone, alors que paraît quasi-simultanément <em>Comme un gant de velours pris dans la fonte</em> chez Cornélius.</p> <p>À l’origine, c’est cette description chirurgicale de l’état d’âme des deux jeunes filles perdues à la frontière de l’adolescence et de l’âge adulte qui m’a laissé une forte impression ; ainsi que l’auteur présente lui-même son projet, <em>Ghost World</em> se veut «&nbsp;l’examen de la vie de deux récentes diplômées du secondaire depuis la position privilégiée d’un épieur (pratiquement) indétectable, avec le détachement incertain d'un scientifique qui s'est pris d’affection pour les précieux microbes évoluant dans sa boîte de Petri » <a name="renvoi1"></a><a href="#note1">[1]</a>. S’est ensuite imposée à l’appréciation cette idée même de frontière – voire plus précisément de <em>no man’s land</em> –, où perte de repères, critique de la culture populaire américaine et quête de soi s’imbriquent pour construire cette atmosphère si caractéristique, mêlée de lucidité acide, de doute et de mélancolie, devenue au fil du temps l’une des marques de fabrique de Clowes.</p> <p>Mais les années ont passé, les relectures se sont doucement espacées et l’intérêt signifiant pour cet album-culte semblait s’être émoussé ; tout me laissait croire que <em>Ghost World</em> ne représentait plus qu’une empreinte affective intimement liée à mon expérience personnelle du devenir adulte. Cependant, il appert que de ces oeuvres marquantes qui nous accompagnent peuvent se dégager avec le temps de nouvelles couches de signification. Aux premières lectures, à partir desquelles l’œuvre est plutôt enracinée dans l’état d’esprit de la crise existentielle de la jeune vingtaine, vient – au fil d’une nouvelle, une douzaine d’années plus tard – se superposer une relecture où <em>Ghost World</em> devient discours sur la nature même de la bande dessinée.</p> <p><strong>De l’apparition</strong></p> <p>Aujourd’hui, nos rapports au texte et à l’image se déplacent peu à peu « d’une culture du livre à une culture de l’écran » <a href="#note2" name="renvoi2">[2]</a>, ce qui nous amène notamment à repenser les structures sur lesquelles s’appuient nos conceptions des médiums textuels et iconiques traditionnels. L’une des modifications évidentes entraînées par ce changement de support est bien sûr le passage de l’œuvre <em>imprimée</em> sur papier à celle <em>apparaissant</em> sur un écran ; alors que l’encre sur papier montre un acte accompli, figé, la relation du pixel à l’écran en est une mouvante, processive (et éphémère)&nbsp;: l’image apparaît, puis se transforme pour en laisser apparaître une nouvelle. En ce qui concerne la bande dessinée, sauterait-on pour autant à la conclusion que ce qui n’est en définitive qu’une évolution technologique transforme <em>de facto</em> la nature du médium&nbsp;? Au contraire, cette dynamique d’apparition n’était-elle pas présente avant la transition de la <em>neuvième chose</em> <a name="renvoi3"></a><a href="#note3">[3]</a> vers l’écran ? Et encore, plus que déjà présente, ne serait-elle pas constitutive du médium ?</p> <p>On ne retrouve pas sur une planche de bande dessinée que des éléments énoncés de manière « positive » ; contrairement à ce qui est graphiquement énoncé, l’ellipse, en premier chef, propose un espace négatif, virtuel, où le lecteur articule les unités énonciatives. Suivant cette prémisse, l’espace virtuel vierge de la planche figure un champ potentiel, tandis que la case, unité énonciative, trace graphique, en est la portion actualisée, manifeste. Pour appuyer cette posture, je convoquerai deux exemples.</p> <p>Le premier est cette « chute virtuelle » du capitaine Haddock à la page 9 de <em>Tintin au Tibet</em>, rendue fameuse par Benoît Peeters, qui la qualifie de « ‘‘blanc’’ mémorable » dans son ouvrage <em>Case, planche, récit</em>. Rappelons que la séquence montre Tintin et Haddock courant sur le tarmac pour attraper leur avion ; mais, gêné par une poussière dans l’œil, le capitaine emprunte un escalier mobile qui traîne au milieu de la piste, tandis que Tintin, plus loin, tente en vain de lui crier son erreur. On voit ensuite Haddock assis dans l’avion, une hôtesse couvrant son visage de bandages : « Et après ça, on regardera ce que vous avez sous la paupière… ». Peeters cite ce passage pour signaler qu’une portion de récit (la chute du capitaine) peut sembler avoir été « vue » par tous les lecteurs sans avoir pour autant été montrée. Il observe que l’« habile construction de la scène et le souvenir d’autres albums sont parvenus à engendrer ce que l’on pourrait nommer une case fantôme, vignette virtuelle entièrement construite par le lecteur. » (Peeters, 1998, p. 32) &nbsp;Je nuancerai toutefois cette observation, car cette scène non-vue, mais lue, n’est pas forcément assimilable à une vignette : il pourrait s’agir d’une séquence, etc. Aussi, je lui préfère l’étiquette de <em>portion non-actualisée</em>, ou <em>non-énoncée</em>, du récit. En somme, ce premier exemple illustre bien en quoi la planche peut être perçue en tant que <em>lieu de manifestation de l’image</em> et la case, en tant qu’unité de manifestation du récit, ainsi que le fait que le récit de bande dessinée est supérieur à l’ensemble des cases qui le composent ; une case de bande dessinée n’est qu’une portion choisie, qu’un fragment du récit, de l’univers, du continuum narratif qui la dépasse, et que le lecteur déduit à partir de son encyclopédie personnelle</p> <p>Je convoque comme second exemple une réalité interne de la case, soit une réalité liée à la représentation graphique elle-même. Pour illustrer ce cas de figure, observons le travail d’Emmanuel Guibert, qui, dans<em> La guerre d’Alan </em>(2000), joue la carte d’un mode de représentation partiel, imprécis&nbsp;:</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/guibert001.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Emmanuel Guibert, La guerre d&#039;Alan tome 1, p. 27"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/guibert001.jpg" alt="48" title="Emmanuel Guibert, La guerre d&#039;Alan tome 1, p. 27" width="580" height="425" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Emmanuel Guibert, La guerre d'Alan tome 1, p. 27</span></span></span></p> <p>Alors que le temps passé depuis les événements dont se souvient Alan Ingram Cope se traduit par un dessin que «&nbsp;l’oubli&nbsp;» a gommé de larges parts, où des détails percent çà et là à travers de «&nbsp;blanchissants » flashs <a name="renvoi4"></a><a href="#note4">[4]</a>. La virginité de l’espace blanc y évoque le brouillard de la mémoire, dans lequel l’élément graphique émerge tel le souvenir. En outre, dans cet exemple précis, alors que le narrateur appelle une ellipse temporelle, le personnage (déjà représenté d’une manière très synthétisée) paraît retourner se réfugier dans ce même blanc elliptique. Ainsi, au-delà de l’ellipse, toute surface « blanche » (ou négative), possède elle aussi un potentiel signifiant que l’auteur peut choisir de mettre en scène.</p> <p>Ces deux exemples supportent l’idée que planche et case de bande dessinée, chacune à leur échelle, peuvent être perçues en tant qu’espaces intrinsèques de <em>manifestation</em>&nbsp;de l’image, phénomène dont l’écran n’offrirait en définitive qu’une version exacerbée. La bande dessinée reposerait donc fondamentalement sur une tension entre le récit manifeste, apparu, que le lecteur<em> voit</em>, apprécie pour sa dimension plastique, et le récit «&nbsp;virtuel&nbsp;», que le lecteur <em>lit</em>, reconstitue et/ou extrapole.</p> <p><strong>Images d’un monde flottant</strong></p> <p>Dans un tout autre paradigme culturel, d’aucuns s’accordent pour reconnaître l’héritage que doit le manga à l’<em>ukiyo-e</em> – tradition assimilée aux célèbres estampes japonaises –, qui signifie de manière littérale « image du monde flottant ». D’ailleurs, on attribue généralement la paternité du mot <em>manga</em> [ 漫画 ] lui-même à l’un des plus illustres représentants de l’<em>ukiyo-e</em>, ce « vieux fou de dessin » de Katsushika Hokusai (1760-1849). Cependant, ce que Hokusai qualifiait de «&nbsp;manga&nbsp;» n’a plus grand chose à voir avec la production contemporaine. Selon Karyn Poupée, la translittération courante que l’Occident fait généralement aujourd’hui du vocable, « image [ga] dérisoire [man] » (2010, pp. 22-24), si elle trouvait sa légitimité par rapport au travail de l’estampiste, se trouve dénaturée lorsque associée à la réalité actuelle ; néanmoins, Poupée affirme que la conservation de ce terme générique s’explique alors par une autre acception de [man], celle d’<em>écoulement</em>, ce sens suggérant alors le déroulement, la succession, la longueur indéfinie, la multitude. Dès lors, une nouvelle traduction littérale de <em>manga</em> par « suite d’images » ou « série d’images » devient beaucoup plus pertinente. Il en reste que l’expression « image du monde flottant », liée à la culture bouddhiste, renvoie au caractère <em>impermanent</em> des choses du monde. Mais encore ?</p> <p>Dans les carnets de croquis qu’il a baptisé <em>Hokusai manga</em>, le Vieux fou de dessin cultive quelques sujets de prédilection, notamment le surnaturel. Spectres et créatures imaginaires – ou dérisoires ? – issues du folklore japonais (les <em>yōkai</em>) y font régulièrement leur apparition…</p> <p>Et voilà où ce parallèle lexical et thématique du côté des mangas cherchait à conduire&nbsp;: une bande dessinée considérée en tant que médium d’« apparition » tisse un lien sémantique vers la figure… du&nbsp;spectre <a name="renvoi5"></a><a href="#note5">[5]</a>. Voyons donc si les bandes dessinées faisant évoluer des personnages de fantômes nous renseignent sur une nature propre à la bande dessinée&nbsp;même.</p> <p>À moins que ne se dessine plutôt l’idée que cette figure du spectre serait davantage à prendre au pied de la lettre, soit la considérer par rapport à la case même. Finalement, ce monde flottant ne serait-il pas ce récit virtuel duquel émergent les images sur la page ?</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/Livret%20de%20phamille_extrait.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Jean-Christophe Menu, Livret de Phamille, pp. 52-53"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/Livret%20de%20phamille_extrait.jpg" alt="62" title="Jean-Christophe Menu, Livret de Phamille, pp. 52-53" width="580" height="850" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Jean-Christophe Menu, Livret de Phamille, pp. 52-53</span></span></span></p> <p><em>« Hantons sous la pluie »&nbsp;: dans </em>Livret de phamille<em>, l’alter ego de Jean-Christophe Menu est un spectre retournant «&nbsp;hanter&nbsp;» une mémoire d’images anciennes pour faire surgir le récit.</em></p> <p><strong>Images d’un monde fantôme</strong></p> <p>Daniel Clowes nous offre justement une superbe mise en abyme de la figure du spectre – et ce, à plusieurs niveaux – dans cet album inoubliable justement titré…<em>Ghost World</em>. La bande dessinée, un monde fantôme ?</p> <p>Dans son premier grand succès, Clowes tente de capturer ce moment fugitif de la vie où l’adolescence se dérobe pour laisser place à l’âge adulte, alors qu’Enid et Rebecca, deux amies d’enfance, anticipent puis subissent progressivement les effets d’une « rupture » inévitable, l’une d’elles devant bientôt aller entreprendre ses études universitaires dans un établissement situé de l’autre côté du pays.</p> <p>À l’image de la bande dessinée, le récit de&nbsp;<em>Ghost World</em>&nbsp;en est justement un de fragments&nbsp;: la mise bout à bout d’un ensemble de moments partagés dans la vie des deux jeunes femmes en devenir. Puis à mesure que la séparation approche, le récit se fait de plus en plus elliptique, radicalise en quelque sorte le morcellement de sa narration.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/ghost%20world001.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Ghost World, p. 53"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/ghost%20world001.jpg" alt="49" title="Daniel Clowes, Ghost World, p. 53" width="580" height="454" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Ghost World, p. 53</span></span></span></p> <p>Au cours d’un des derniers moments de réelle intimité qu’elles auront partagé, les deux amies parcourent un vieil album de photographies de l’enfance d’Enid, recueil de photos éparses et parfois énigmatiques (Clowes, 1998, p. 53). Sur l’une d’elles, un graffiti tracé sur une porte de garage&nbsp;: « <em>ghost world</em> ».&nbsp;<em>Ghost World</em>&nbsp;–&nbsp;<em>monde fantôme</em>&nbsp;–, ce signe inscrit de manière répétée au sein du récit, hantant&nbsp;ce dernier tout au long.</p> <p>Qu’essaient à ce moment-là de faire ces deux pré-adultes, sinon hanter une jeunesse perdue, et de manière générale dans le récit, que font-elles sinon hanter le&nbsp;<em>no man’s land</em>&nbsp;entre adolescence et vie adulte, sinon tenter coûte que coûte de refuser la fin de leur moment partagé comme on tenterait en vain de vouloir retenir l’eau qui fuit d’une passoire&nbsp;? Et ce regard porté par les deux jeunes filles sur un album de photographies, sur un ensemble d’images disjointes, ne pointe-t-il pas un regard métaphorique sur le travail et la lecture de la bande dessinée elle-même ?</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/ghost%20world002.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Ghost World, p. 79"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/ghost%20world002.jpg" alt="50" title="Daniel Clowes, Ghost World, p. 79" width="580" height="911" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Ghost World, p. 79</span></span></span><em>Le dénouement est imminent, et la trace du signe « </em>ghost world<em> » est de plus en plus fraîche, répétée, prégnante – soit de plus en plus près de son traçage, de l’acte créatif, de la frontière de son apparition, de la tension entre sa virtualité et sa manifestation – alors qu’Enid se résout à retourner dans cette virtualité, soit à ce que l’histoire se termine (1998, p. 79).</em></p> <p><em>Ghost World</em>, d’abord perçu comme l’anti-récit d’une attente, devient alors image de la bande dessinée. Ainsi, de même qu’était expliqué plus haut que les cases d’une bande dessinée n’étaient que les portions choisies d’un récit supérieur à ce qui était montré, peut-on percevoir une bande dessinée comme un ensemble de spectres issus d’un monde invisible… que l’auteur, puis le lecteur, épient.</p> <p><strong>Épier depuis la gouttière</strong></p> <p>Pour revenir à la traduction de la citation de Clowes, j’ai buté sur le terme<em> eavesdropper</em>, une expression figée que la plupart des dictionnaires traduisent par « oreille indiscrète », soit une autre expression figée qui lui fait quelque peu perdre son sens. Car l’activité à laquelle se prête l’<em>eavesdropper</em> n’en est pas qu’une d’écoute sans être vu&nbsp;: elle en est aussi une d’observation, ou encore d’espionnage, voire de voyeurisme ; voilà pourquoi j’ai préféré le terme plus général quoique peu usité d’<em>épieur</em>, qui convoque aussi bien le guet visuel qu’auditif.</p> <p>Quoi qu’il en soit, l’étymologie cachée derrière l’expression anglophone amène une autre troublante coïncidence lexicale&nbsp;: eaves signifie avant-toit, tandis que drop, soit goutte, évoque l’eau qui coule. Originellement, le terme eavesdropper renvoie à l’idée d’une personne qui épie de si près ce qui se passe dans une maison que la pluie qui dégoutte du toit lui tombe sur la tête. Plus concrètement, on peut donc dire que cet épieur se tient sous la gouttière, et c’est là que cette autre parabole lexicale devient féconde, étant donné que, en bande dessinée, on nomme aussi gouttière l’espace intericonique, celui qui sépare les vignettes, cependant que celles-ci sont considérées par Clowes comme autant d’images épiées («&nbsp;l’examen de la vie de deux récentes diplômées du secondaire depuis la position privilégiée d’un épieur (pratiquement) indétectable […] »).</p> <p><strong>Entrevoyeurs</strong></p> <p>Cette analyse de l’œuvre peut aisément s’étayer à même le récit. Ainsi, Rebecca et Enid prolongent cette dynamique en «&nbsp;épiant&nbsp;» nombre de personnages secondaires – sur cette activité reposant pour ainsi dire leur mode de vie – à travers certains « écrans »&nbsp;ou «&nbsp;prismes » : la télévision, notamment, mais aussi les restaurants Angel’s et Hubba Bubba, la table du vide-grenier d’Enid, l’épicerie Giant, la boutique Zine-o-phobia, voire les annonces matrimoniales ou la rue, etc.</p> <p>De manière « directe », Enid et Rebecca ont ainsi pu épier le couple des adorateurs de Satan (chez Angel’s puis jusqu’à l’intérieur de leur panier d’épicerie), Bob Skeetes ou des commérages à son endroit, les obsessions pédophiles d’un curé défroqué, ou même le personnage de l’auteur, à qui Enid s’est contenté de jeter un regard en coin sans oser l’approcher lors d’une séance de dédicaces.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/ghost%20world003.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Ghost World, p. 13"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/ghost%20world003.jpg" alt="51" title="Daniel Clowes, Ghost World, p. 13" width="580" height="611" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Ghost World, p. 13</span></span></span></p> <p><em>Point de vue subjectif d’Enid épiant les occupants de la table voisine, suivi d’un contrechamp où on la voit précisément en train d’épier. Mais il semble qu’elle ne soit pas la seule&nbsp;à le faire…</em></p> <p>À travers des fenêtres de restaurants – des cadres, quasiment des <em>strips</em> –, elles ont pu entrevoir Carrie Vandenburg, dont le visage est déformé par une énorme tumeur, ou le «&nbsp;barbu au coupe-vent », frustré d’avoir été ridiculisé par des adolescents.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/ghost%20world004.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Ghost World, p. 23"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/ghost%20world004.jpg" alt="52" title="Daniel Clowes, Ghost World, p. 23" width="580" height="611" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Ghost World, p. 23</span></span></span></p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/p45_8%2C%20p46_1-2.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Ghost World, pp. 45-46"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/p45_8%2C%20p46_1-2.jpg" alt="59" title="Daniel Clowes, Ghost World, pp. 45-46" width="580" height="294" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Ghost World, pp. 45-46</span></span></span></p> <p>Cette dynamique se retourne même parfois contre elles. En effet, Enid et Rebecca deviennent arroseuses arrosées en passant sous la fenêtre d’une afro-américaine à tendance autiste dont l’essentiel de la vie semble consister à comparer à haute voix chaque passant à l’une ou l’autre des innombrables références de la culture télévisuelle américaine.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/ghost%20world006.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Ghost World, p. 28"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/ghost%20world006.jpg" alt="54" title="Daniel Clowes, Ghost World, p. 28" width="580" height="304" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Ghost World, p. 28</span></span></span></p> <p>Même la mise en scène de Clowes amène souvent le lecteur lui-même à « épier » Enid et Rebecca, au moyen de cases doublement encadrées. En effet, à l’intérieur de nombreuses cases, perce, à travers une zone noire par laquelle le lecteur peut « s’installer » à l’intérieur de la case, un second cadre lui permettant d’<em>entrevoir</em> les deux personnages.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/p14_7%2C%20p30_1%2C%20p31_4.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Ghost World, pp. 14, 30 et 31."><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/p14_7%2C%20p30_1%2C%20p31_4.jpg" alt="60" title="Daniel Clowes, Ghost World, pp. 14, 30 et 31." width="580" height="198" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Ghost World, pp. 14, 30 et 31.</span></span></span></p> <p><strong>Voyeurisme et apparition</strong></p> <p>Le principal émule de Clowes, Adrian Tomine, nous fournit quant à lui une démonstration matérielle concrète de cette dynamique de voyeurisme/apparition avec la couverture de <em>Summer Blonde</em> (2002).</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/summer%20blonde_couverture.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Adrian Tomine, Summer Blonde, première de couverture."><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/summer%20blonde_couverture.jpg" alt="61" title="Adrian Tomine, Summer Blonde, première de couverture." width="350" height="483" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Adrian Tomine, Summer Blonde, première de couverture.</span></span></span></p> <p>En effet, ce recueil de quatre nouvelles est recouvert, <a href="http://www.amazon.com/Summer-Blonde-Adrian-Tomine/dp/1896597491/ref=tmm_hrd_title_0">dans son édition originale</a>, d’une jaquette unie percée d’une fenêtre circulaire&nbsp; – trou dans la serrure laissant voir le visage d’une jeune femme en gros plan –, soit un détail de l’image de couverture se trouvant sous la jaquette&nbsp;: une scène plus large où figurent de nombreux personnages devant une distributrice de tickets de métro. Cette image fait écho à la nouvelle qui donne son titre au recueil, dans laquelle Neil, un trentenaire introverti, se met à <em>épier</em> son nouveau voisin de palier, un don juan qui vient d’emballer cette <em>summer blonde</em> par qui Neil est obsédé depuis des mois, mais à qui il n’ose déclarer sa flamme, la considérant inaccessible, se bornant à lui tourner autour.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/tomine%20summer%20blonde.png" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Adrian Tomine, Summer Blonde, page de garde"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/tomine%20summer%20blonde.png" alt="58" title="Adrian Tomine, Summer Blonde, page de garde" width="580" height="392" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Adrian Tomine, Summer Blonde, page de garde</span></span></span></p> <p>Ainsi, le trou dans la jaquette s’affirme d’abord comme une métaphore du voyeurisme de Neil, mais aussi, connaissant l’influence thématique qu’a exercée cet « <em>eavesdropper</em> » de Clowes sur Tomine, et à la lumière de cette analyse pratiquée sur <em>Ghost World</em>, une métaphore du dispositif énonciatif de la bande dessinée, la case pouvant être vue comme l’apparition d’une portion de l’univers narratif en jeu, comme un échantillon de ce qui est épié – énoncé manifeste d’un récit potentiel.</p> <p>De manière plus générale, on pourrait dire que toutes ces idées trouvent une allégorie bien sentie dans la double page proposée en préambule à l’histoire (pp. 2-3).</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/p2-3.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Ghost World, pp. 2-3"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/p2-3.jpg" alt="63" title="Daniel Clowes, Ghost World, pp. 2-3" width="550" height="403" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Ghost World, pp. 2-3</span></span></span></p> <p>S’impose dans cette scène une double fenêtre&nbsp;rappelant deux cases juxtaposées, soit la base de la narration en bande dessinée, et encore, deux ouvertures pratiquées sur un «&nbsp;monde fantôme », le bâtiment graffité, près duquel erre – n’ayant pas encore fait son apparition dans l’histoire, qui n’a pas débuté – le noir personnage (l’ombre) d’Enid, pratiquement inversé par rapport à la blancheur dominante de l’image (notons par ailleurs que le bleu pâle choisi pour la bichromie confère une apparence spectrale au tout). À travers les ouvertures, on entrevoit des portions de détails par lesquels on devine un personnage sirotant une boisson gazeuse devant sa télévision, sans plus. Car le lecteur, trop loin du bâtiment, n’est pas encore l’<em>eavesdropper</em> qui lui permettra d’en épier, d’en voir apparaître davantage.</p> <p>Du monde fantôme au médium d’apparition et à la case spectrale, du brouillard de la mémoire à l’élément graphique-souvenir, des images du monde flottant à l’écoulement d’images, du « hanteur sous la pluie » au <em>eavesdropper</em>, ces différents concepts s’enchaînent, tressent un réseau de sens pour tenter de définir un médium dont l’impalpable définition semble justement toujours résider dans l’entre-deux, au propre comme au figuré.</p> <p>Et pour tirée par les cheveux que toute cette spéculation sémantique puisse paraître, d’autres semblent remonter des pistes similaires. En effet, l’écho a voulu que je tombe sur un commentaire de Jessie Bi à propos du sombre <em>Pin &amp; Francie, The Golden Bear Days (Artifacts and Bones Fragments)</em> d’Al Columbia, qui associe dans un même flot la plupart des signifiants ici évoqués&nbsp;:</p> <p>« Oui, de cette neuvième chose comme art de la gouttière, de ce remplissage par la mémoire de lectures et d’expériences de cet entre-deux d’images condensant une pluie de signes. Al Columbia filerait alors la métaphore, et constaterait que ces eaux «mémorielles» vont de la gouttière à l’égout, de l’aérien au souterrain. » (Bi, 2010)</p> <p>Riche formule à partir de laquelle il serait en outre plaisamment loisible de déduire que la bande dessinée <em>underground</em>, et ses signes « pervertis », s’abreuve en collectant les eaux usées de la bande dessinée <em>mainstream</em> – courant principal –, prolonge la gouttière… jusqu’au caniveau.</p> <p><em>Les </em><em>directeurs du dossier</em><em> tiennent à remercier chaleureusement Alvin Buenaventura, agent de Daniel Clowes, qui leur a accordé une autorisation de reproduction d'extraits des oeuvres de ce dernier.</em></p> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p>BI, Jessie, « Pin &amp; Francie, The Golden Years », dans <em>du9</em>, en ligne : <a href="http://www.du9.org/chronique/pim-francie-the-golden-bear-days/">http://www.du9.org/chronique/pim-francie-the-golden-bear-days/</a> (page consultée le 19 avril 2012).</p> <p>CLOWES, Daniel,<em> Ghost World</em>, Seattle, Fantagraphics, 1998</p> <p>GUIBERT, Emmanuel, <em>La guerre d’Alan</em>, <em>tome1</em>, Paris, L’association, 2000.</p> <p>HERGÉ, <em>Tintin au Tibet</em>, Tournai&nbsp;: Casterman 1960</p> <p>MENU, Jean-Christophe Menu, <em>Livret de phamille</em>, Paris, L’association, 1995</p> <p>PEETERS, Benoît, <em>Case, planche, récit&nbsp;: Lire la bande dessinée</em>, Tournai, Casterman, 1998</p> <p>POUPÉE, Karyn, <em>Histoire du Manga</em>, Paris, Tallandier, 2010</p> <p>TOMINE, Adrian,<em> Summer blonde</em>, Montréal,&nbsp; Drawn &amp; Quarterly, 2002</p> <p><a name="note1"></a><a href="#renvoi1">[1]</a> Ma traduction de <em>« the examination of the lives of two recent high school graduates from the advantaged perch of a constant and (mostly) undetectable eavesdropper, with the shaky detachment of a scientist who has grown fond of the prize microbes in his petri dish »</em>, courte préface de l’auteur dans l’édition originale.</p> <p><a name="note2"></a><a href="#renvoi2">[2] </a>Ainsi que le fait remarquer le texte de présentation du <em>9e congrès international sur l’étude des rapports entre texte et image&nbsp;:</em> <a href="http://aierti-iawis-2011.uqam.ca/fr">http://aierti-iawis-2011.uqam.ca/fr</a>.</p> <p><a name="note3"></a><a href="#renvoi3">[3] </a>Neuvième <em>art</em>&nbsp;: un choix terminologique ambigu. Suite à Thierry Groensteen qui ironise sur le statut de la bande dessinée (<em>Un objet culturel non-identifié</em>, 2006, Paris&nbsp;: Éditions de l’An 2), Jessie Bi du site Du9 (<a href="http://www.du9.org/">www.du9.org</a>) lui appose cet euphémisme, « […] du constat d'une bande dessinée de plus en plus heureusement protéiforme et semblant défier toute tentative de définition. » (communication personnelle de l’auteur)</p> <p><a name="note4"></a><a href="#renvoi4">[4]</a> L'éditeur américain de <em>La guerre d’Alan</em> a par ailleurs réalisé un court film (<a href="http://www.youtube.com/watch?v=zIMdBK8yr_g">http://www.youtube.com/watch?v=zIMdBK8yr_g</a>) montrant la surprenante technique de dessin avec laquelle travaille Guibert sur ce projet : un traçage à l’eau, sur lequel l’encre agit à titre… de révélateur.</p> <p><a name="note5"></a><a href="#renvoi5">[5]</a> Je remercie Samuel Archibald pour la suggestion de ce parallèle entre <em>médium d’« apparition »</em> et <em>figure du spectre</em>.</p> Aliénation Autoréflexivité BI, Jessie CLOWES, Daniel Contemporain Désillusion États-Unis d'Amérique GUIBERT, Emmanuel HERGÉ PEETERS, Benoît POUPÉE, Karyn Relations humaines TOMINE, Adrian Voyeurisme Bande dessinée Thu, 12 Jul 2012 19:02:21 +0000 Eric Bouchard 543 at http://salondouble.contemporain.info Les mélancomiques http://salondouble.contemporain.info/antichambre/les-m-lancomiques <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/joubert-lucie">Joubert, Lucie</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-text field-field-soustitre"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> ou pourquoi les femmes en littérature ne font pas souvent rire </div> </div> </div> <div class="field field-type-filefield field-field-podcast"> <div class="field-label">Podcast:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <embed height="15" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/luciejoubertmars2012 - copie.mp3" autostart="false"></embed> </div> </div> </div> <div class="field field-type-filefield field-field-image"> <div class="field-label">Image:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <div class="filefield-file"><img class="filefield-icon field-icon-image-jpeg" alt="icône image/jpeg" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/all/modules/contrib/filefield/icons/image-x-generic.png" /><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/lucie_joubert_web_3.jpg" type="image/jpeg; length=136302">lucie_joubert_web.jpg</a></div> </div> </div> </div> <p style="text-align: justify; ">On a beaucoup glosé sur la quasi-absence des femmes humoristes sur les scènes québécoises et françaises. Si la situation évolue depuis quelques années, la question reste toujours d’actualité quand on se tourne vers le texte littéraire. Où sont les auteures comiques? La difficulté à nommer ne serait-ce que quelques noms ou titres de roman comme exemples atteste une apparente et trompeuse rareté du rire féminin. Certes, les auteures qui font œuvre d’humour et d’esprit existent mais elles demeurent (elles et leurs textes) méconnues. Une des raisons qui expliquent ce malentendu se trouve du côté de la <em>nature</em> de l’humour qu’elles mettent de l’avant. En effet, l’esprit féminin puise partiellement, mais souvent, sa source dans une mélancolie née d’une expérience des déterminismes de la condition des femmes: la difficulté à se définir en tant que sujet social, la constatation d’une impuissance à changer le cours des choses, la conscience d’exprimer un point de vue qui ne touchera que la partie congrue d’un public tourné vers les «vraies affaires»</p> <p style="text-align: justify; ">Dans une telle optique, les femmes, en fines observatrices des travers de la société, font preuve d’un humour qui suscite un rire de connivence quelquefois un peu triste, loin des grands éclats en tout cas, mais qui revendique, dans sa lucidité même, la possibilité de changer la défaite en victoire par l’esprit, fût-il marqué par la mélancolie. Cette conférence se veut donc une invitation à relire ou découvrir des auteures comme, entre autres, Benoîte Groult, Christiane Rochefort, Amélie Nothomb, Monique Proulx, Hélène Monette, Marie-Renée Lavoie et Suzanne Myre.</p> <div id="myEventWatcherDiv" style="display:none;">&nbsp;</div> <div id="myEventWatcherDiv" style="display:none;">&nbsp;</div> http://salondouble.contemporain.info/antichambre/les-m-lancomiques#comments Absurde Adultère Aliénation ALLARD, Caroline Altérité Arts de la scène Arts de la scène Autodénigrement Autodérision BADOURI, Rachid BALZANO, Flora BARBERY, Muriel Belgique BEN YOUSSEF, Nabila BESSARD-BLANQUY, Olivier BISMUTH, Nadine BLAIS, Marie-Claire BOOTH, Wayne BOSCO, Monique BOUCHER, Denise Canada CARON, Julie CARON, Sophie Chick litt. / Littérature aigre-douce Condition féminine Conditionnements sociaux Culture populaire CYR, Maryvonne Désillusion Déterminismes Deuil DEVOS, Raymond Dialectisme hommes/femmes DION, Lise DIOUF, Boucar Discrimination Divertissement Études culturelles FARGE, Arlette Féminisme Féminité Femme-objet FEY, Tina France FRÉCHETTE, Carole Freud GAUTHIER, Cathy Genres sexuels GERMAIN, Raphaëlle GIRARD, Marie-Claude GROULT, Benoîte GROULT, Flora Histoire Humour Humour Humour littéraire Identité Improvisation Improvisation Industrie de l'humour Institution Ironie JACOB, Suzanne LAMARRE, Chantal LAMBOTTE, Marie-Claude LARUE, Monique LAVOIE, Marie-Renée LEBLANC, Louise Les Folles Alliées Les Moquettes Coquettes Littérature migrante Marchandisation Maternité Mélancolie MÉNARD, Isabelle MERCIER, Claudine MEUNIER, Claude et Louis SAÏA MONETTE, Hélène MPAMBARA, Michel MYRE, Suzanne NOTHOMB, Amélie OUELLETTE, Émilie Parodie Pastiche PEDNEAULT, Hélène Platon Pouvoir et domination PROULX, Monique Psychanalyse Psychologie Québec Représentation du corps Rire ROBIN, Régine ROCHEFORT, Christiane ROY, Gabrielle Satire Scatologie SCHIESARI, Juliana Séduction SMITH, Caroline Société de consommation Société du spectacle Sociologie Stand up comique Stand up comique STEINER, George Stéréotypes STORA-SANDOR, Judith Télévision Théâtre Théorie du discours Théories de la lecture TOURIGNY, Sylvie Tristesse VAILLANT, Alain VIGNEAULT, Guillaume Viol Violence Roman Théâtre Fri, 09 Mar 2012 14:12:02 +0000 Lucie Joubert 471 at http://salondouble.contemporain.info