Salon double - Industrie littéraire http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/1264/0 fr Du cahier de sports au cahier des arts: la poésie dans Le Journal de Montréal et Le Devoir http://salondouble.contemporain.info/article/du-cahier-de-sports-au-cahier-des-arts-la-poesie-dans-le-journal-de-montreal-et-le-devoir <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/beaulieu-april-joseane">Beaulieu-April, Joséane</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/hors-les-murs-perspectives-decentrees-sur-la-litterature-quebecoise-contemporaine">Hors les murs : perspectives décentrées sur la littérature québécoise contemporaine</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p>Dans <em>Le Devoir</em> du 25 août dernier, Claude Paradis atteste qu’il est «découragé du peu d’attention des médias à l’égard de la poésie». Jean-François Caron partage cet avis, et entame son dossier de la revue <em>Lettres Qu</em><em>é</em><em>b</em><em>é</em><em>coises</em> de l’automne 2014 en affirmant qu’elle est «marginalisée dans les médias». Ces deux déclarations pourraient refléter l’opinion qu’ont les acteurs du milieu de la littérature sur le traitement réservé à ce genre littéraire: la poésie n’occuperait pas une place suffisante sur la scène médiatique. Qu’en est-il, plus précisément, dans le journalisme écrit? La poésie est-elle occultée par nos grands quotidiens? Une recherche à partir de la base de données <em>Eureka</em><a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a> permet de constater qu’entre 2009 et 2013 inclusivement, 808 articles du <em>Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em> et 1851 articles du <em>Devoir </em>contiennent le mot «poésie». On pourrait donc croire que cette discipline fait couler beaucoup d’encre. Cela dit, notre expérience de lecture de ces journaux nous invite à être prudents. Il est, en effet, peu probable que l’utilisation de ce terme soit synonyme d’une importante présence d’articles à thématiques littéraires. À quoi donc fait-on référence lorsqu’on a recours au lexème «poésie»<em>, </em>si ce n’est à la poésie?&nbsp;</p> <p>Pour répondre à cette question, nous nous aiderons de logiciels de lecture assistée par ordinateur, qui octroient de nouvelles méthodes d’accès au contenu signifiant de corpus de textes imposants comme le nôtre. L’application de méthodes informatiques, même les plus simples à un vaste corpus permet entre autres d’étudier la forme d’un langage, les collocations lexicales et les idiosyncrasies. Notre intuition est qu’il n’y a pas de véritable discours sur la poésie et que ce terme sert plutôt à annoncer des événements annuels ou à décrire un objet très loin de l’écriture poétique. Nous verrons si nous pouvons la confirmer, l’appuyer, l’infirmer ou encore la nuancer à l’aide de cette méthodologie particulière.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>L’analyse des premières données</strong></span></p> <p>L’analyse du corpus commence lorsque que les données sont recueillies. Cette simple recension permet de constater que notre lexème apparaît deux fois plus souvent dans les pages du <em>Devoir</em> que dans <em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>. Cela ne peut que confirmer l’expérience que nous avons de ces journaux. <em>Le Devoir </em>possède un cahier dédié à la littérature (ce qui n’est pas le cas du <em>Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>) où il tend à accorder une place significative à la poésie.</p> <p align="center">&nbsp;</p> <p align="center"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/10/image1.png" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="image1"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/10/image1.png" alt="165" title="image1" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style="" width="400" height="208"/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>image1</span></span></span></p> <p>On peut aussi noter une augmentation du nombre d’articles où apparait le terme «poésie» à travers les années. Cependant, vu le petit intervalle temporel de notre étude, nous nous abstiendrons pour l’instant d’en tirer des conclusions. Étant donnée cette relative régularité, nous pourrions supposer que le vocable «poésie» apparaît surtout lorsqu’on parle d’événements d’envergure ayant lieu chaque année, par exemple&nbsp;le <em>Festival international de po</em><em>é</em><em>sie de Trois-Rivi</em><em>è</em><em>res</em>, le <em>March</em><em>é</em> <em>de la po</em><em>é</em><em>sie de Montr</em><em>é</em><em>al</em> ainsi que les nominations pour certains prix de poésie.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>À partir des collocations</strong></span></p> <p>Plusieurs opérations peuvent être exécutées très facilement par le logiciel <em>AntConc</em><a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><sup><sup>[2]</sup></sup></a>. Nous ne nous servirons que d’une option de ce programme&nbsp;: la recherche de cooccurrences<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a> (ou collocations) à partir d’un mot pivot (poésie).</p> <p>Le logiciel offre de repérer les lexèmes les plus fréquemment utilisés à proximité du mot qui fait l’objet de notre recherche. Il est suggéré de déterminer la distance de recherche à gauche et à droite de notre pivot. Cette distance est déterminante pour le résultat des données. Nous optons ici pour cinq termes antérieurs à «poésie» et cinq termes le suivant. À partir de nos demandes, <em>AntConc</em> génère un tableau où il est possible d'observer la fréquence d’apparition de chaque lexème (à gauche, à droite et générale). On peut classer les mots selon des données statistiques ou par ordre de fréquence. Nous choisissons cette dernière option. Pour ne pas se retrouver seulement avec les vocables les plus utilisés dans la langue française (parfois appelé mots vides en documentation, mots grammaticaux ou mots-outils), on utilise une <em>stoplist</em>. Il s’agit d’une liste de lexèmes qui, à cause de leur charge signifiante maigre ou de leur grande fréquence dans l’ensemble des textes de langue française, rendent difficile la collation des données. <em>AntConc </em>possède une option semi-automatisée qui permet de bloquer la lecture de ces mots.</p> <p>La recherche de cooccurrences à partir du lexème «poésie» est donc appliquée sur l’ensemble de notre corpus.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/10/image2.png" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="image2"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/10/image2.png" alt="166" title="image2" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style="" width="250" height="313"/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>image2</span></span></span></p> <p>La fréquence des vocables «festival» et «prix» semblent confirmer l’une de nos hypothèses, c’est-à-dire que le terme «poésie» sert à annoncer des événements annuels. La cooccurrence de ce terme et de notre mot pivot apparaît effectivement dans les expressions «Festival International de poésie de Trois-Rivières» et «Le Festival de poésie de Montréal». Nous voyons aussi fréquemment la mention du «Festival international de Jazz de Montréal», ce qui est cohérent étant donné l’importance que la musique semble prendre dans l’ensemble des articles. Comment doit-on interpréter le fait que le lexème «musique» se retrouve en première place? Il est à noter que le lexème «spectacle» revient 52 fois à proximité de notre terme&nbsp;; «jazz», 44 fois. L’utilisation de «spectacle» dans nos grands quotidiens est sans doute liée à la scène musicale. Pour en savoir plus, nous devons commencer une lecture plus approfondie du corpus.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Les contextes d’apparition dans les cahiers culturels</strong></span></p> <p>Comme tous les grands quotidiens, <em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em> et <em>Le Devoir</em> organisent leurs articles en carnets thématiques. Nous nous aiderons de cette séparation pour observer différents contextes d’apparitions du mot poésie.</p> <p>Nous commencerons par les articles provenant des cahiers purement littéraires et ceux sur la culture en générale. <em>Le Devoir</em> possède un carnet consacré à la littérature, «Livres», qui n’apparaît pas quotidiennement, mais au moins hebdomadairement. Ces cahiers dédiés sont certes beaucoup moins nombreux dans <em>Le</em> <em>Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, où la culture se trouve pêle-mêle dans les cahiers «Weekend» et «Arts et Spectacle». Dans ces cahier, ainsi que dans le cahier «Culture» du <em>Devoir</em>, on trouve des articles sur la littérature, le cinéma, la musique, les arts visuels, la danse, l’opéra, etc.</p> <p>Sur nos 2659 articles contenant le mot poésie, 143 sont des critiques de recueils de poèmes. Majoritairement écrits par Hugues Corriveau, ce 5,4% de notre corpus se compose des rares articles parlant véritablement de poésie, c’est-à-dire des textes. On ne peut pas en dire autant des autres articles que l’on retrouve dans les sections «Culture» de nos journaux. Sans traverser l’ensemble des textes, nous nous concentrerons sur les thèmes les plus fréquents, la musique et le théâtre.</p> <p>8% des articles portent exclusivement sur la musique. Si l’on observe les contextes d’apparition du lexème «poésie»<em>, </em>on remarque quelques contextes récurrents. D’abord, comme on pouvait s’y attendre, la musique elle-même (même sans paroles) est souvent décrite comme de la poésie. On parle de «poésie sonore» (<em>Le Devoir</em>, 15 février 2010, B8), on décrit un concert en disant qu’il contient des «moments de poésie et de magie sonore» (<em>Le Devoir</em>, 10 juillet 2010, E4). Si ce n’est pas la musique elle-même, ce sont des textes des chansons dont il est question. On lit des commentaires sur cette «grande chanson, empreinte de poésie» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al, </em>3 octobre 2009, W42) ou «cette poésie chantée» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 16 juillet 2011, W60). À de rares occasions, il est réellement question de poésie, par exemple lorsque «la poésie alliée à la musique classique trouvera tout son sens le samedi 29 septembre dans le cadre du Festival international de poésie» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 21 avril 2012, W48.). Le terme «poésie» revient majoritairement pour catégoriser un type de musique ou de texte. L’objet auquel les journalistes font référence est imprécis et dépend de l’auteur, mais il s’agit dans la plupart des cas d’œuvres qu’on juge intéressantes. La poésie est liée à la musique lorsque cette dernière semble atteindre une justesse qu’on peine à nommer autrement.</p> <p>Les critiques de théâtre forment 5,8% du corpus. En leur appliquant la même méthode que pour les articles de la section «Musique<em>»</em><em>, </em>on arrive à des résultats semblables. On peut considérer la poésie comme un élément du spectacle théâtral et dire que, sur scène, «le roman noir se mêle à la poésie et le beau voisine avec l'horreur&nbsp;» (<em>Le Devoir</em>, 14 avril 2009, B8) ou que la mise en scène est d’une «poésie surréalisante» (<em>Le Devoir</em>, 10 janvier 2009, E1). Plus souvent, ce sont les textes qui «portent en eux une singulière poésie» (<em>Le Devoir</em>, 11 janvier 2010, B10). Notre corpus contient aussi de nombreuses mentions du spectacle de Loui Mauffette, <em>Po</em><em>é</em><em>sie, sandwichs et autres soirs qui penchent, </em>qui semble avoir bénéficié d’une couverture médiatique impressionnante. De nouveau, le terme poésie sert à décrire de façon positive ce dont il est question.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Les contextes d’apparition dans les cahiers à thématique sportive et décorative</strong></span></p> <p>Il est ensuite difficile de résister à l’envie d’aller voir du côté des sports, où le lexème poésie se retrouve tout de même une trentaine de fois! Il s’agit d’une infime partie de notre corpus, mais les contextes méritent malgré tout d’être observés.</p> <p>Nous relevons 28 utilisations du mot «poésie». Ce sont les journalistes Jean Dion, du <em>Devoir,</em> et Alain Bergeron, du <em>Journal de Montr</em><em>é</em><em>al,</em> qui se partagent la majorité des occurrences.</p> <p>Jean Dion a parfois tendance à utiliser le mot «poésie» pour parler du sport lorsqu’il semble atteindre une forme de perfection. Il ose même par moments y aller de comparaisons surprenantes: «cela n'est sans nous rappeler un peu la poésie de Blaise Cendrars, qui traduisait une appréhension fiévreuse de l'univers» (<em>Le Devoir</em>, jeudi 21 juin 2012, B6). Ce qui est particulier, c’est qu’au travers de ses chroniques, il réussit à transmettre théories et opinions sur la poésie et ses pratiquants: «Le poète est, par nature, détaché de ces choses. Il vit dans son propre univers, où les mots ont une autre signification que celle à laquelle on s'attend et où ça rime, quoique pas nécessairement» (<em>Le Devoir</em>, mardi 27 octobre 2009, B6); ou encore «on sait pertinemment que la poésie ne sert à rien sauf à se faire des accroires à propos de la banalité substantielle de toute chose» (<em>Le Devoir</em>, jeudi 5 mars 2009, B6); dernier exemple:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p>il est vrai que nous avons besoin d'une commission d'enquête publique, et même de plusieurs commissions d'enquête publiques […], mais ce n'est pas en lisant de la poésie que vous l'apprendrez. D'ailleurs, au lieu de lire de la poésie, vous devriez aller vous faire vacciner (<em>Le Devoir</em>, 27 octobre 2009, B6).</p> </blockquote> <p>Cette idée de la poésie comme fondamentalement compliquée et inutile revient dans les articles d’autres journalistes sportifs. L’exemple le plus révélateur se trouve dans un article de Jean-François Chaumont, du <em>Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>: «Les Kings n'ont pas l'intention d'offrir une poésie sur glace. Le jeu simple et efficace restera toujours la meilleure arme de Darryl Sutter» (<em>Le</em> <em>Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 3 juin 2012, p. 102).</p> <p>Alain Bergeron, du <em>Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, possède un étrange tic de langage. Lorsqu’il utilise le terme «poésie», c’est dans l’intention de décrire un discours qu’il vient de rapporter. Les propos qu’il évoque, le plus souvent des commentaires de sportifs, sont dénués de toute trace de poéticité. Ce qui est propre à ce journaliste est plutôt l’utilisation de l’expression incorrecte «en poésie»: «écrit en poésie le champion olympique» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 24 octobre 2012, p.97); «nous a raconté en poésie» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 4 août 2012, p. 117); « a remercié presque en poésie le double médaillé des Mondiaux » (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 28 septembre 2013, p.135); «nous dit en poésie cette ex-athlète de niveau international» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 28 avril 2013, p.92). Contrairement à Jean Dion, il ne cherche pas à définir la poésie, mais à souligner des événements qui la font surgir… c’est-à-dire les discours des sportifs lorsqu’ils deviennent sentimentaux.</p> <p>On rencontre aussi des occurrences du terme «poésie» dans les cahiers liés aux plaisirs de la table et de la décoration. Sans surprise, nous avons droit à quelques commentaires sur la «poésie&nbsp;de la nature»: «Tous ces paysages printaniers inspirent la poésie, l'amour» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 19 mai 2009, p. 45). Les objets décoratifs se font eux aussi poèmes: «Pour un peu de poésie dans votre quotidien, ce crochet en forme d'oiseaux se greffe facilement à n'importe quelle pièce de votre maison. 17 $ chez Zone» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 16 janvier 2010, p.H38), et «[p]our un brin de poésie olfactive, un petit pschitt de parfum d'ambiance distillera sa fragrance exquise lorsque la brise gonflera votre plein jour» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 21 février 2009, p. H3). On retrouve les mêmes clichés dans les articles sur les restaurants: «le chef Pouran Singh Mehra cuisine comme une invention et dose ses épices avec discernement et poésie» (<em>Le Devoir</em>, 29 novembre 2013, p. B7).</p> <p>Ces utilisations, sans s’équivaloir, se ressemblent. Le mot «poésie» est toujours connoté positivement et devient synonyme de beauté, d’élégance, de fantaisie, de finesse. Il est d’un superflu tout à fait désirable… et consommable.</p> <p>La place manque malheureusement pour multiplier les explorations de ce genre, mais nous percevons bien la pertinence de l’étude de grands corpus avec l’assistance de logiciels de lecture. Une simple recherche des collocations nous mène en peu de temps sur la piste des habitudes langagières de nos journalistes. On constate que le terme «poésie», quand il ne signifie pas la forme d’écriture qu’il désigne, devient synonyme de beauté, d’élégance, d’originalité, de complexité ou même, dans certains cas, d’inutilité. On le surcharge de significations et celles-ci finissent par lui donner une connotation positive ou négative qui ne lui appartient pas d’emblée. Son dessein devient de servir la description d’un objet autre. La poésie se réduit à une caractéristique et on met de côté le concept de cette forme d’écriture singulière, forme qui n’a rien à voir avec la chimie des parfums d’ambiance.</p> <p>On ne peut plus nier que la poésie, en tant que genre littéraire occupe une place minime dans nos journaux. On nous parle de chansons poétiques, de textes de théâtres poétiques, de la nature poétique, des objets décoratifs poétiques et occasionnellement, de lectures et de recueils de poésie.</p> <p>Pour ce qui est des événements de plus grande envergure, on ne peut qu’espérer que les journalistes continuent de s’y intéresser au même titre qu’ils s’intéressent au théâtre et aux concerts. Les grands quotidiens étant très lus, ils permettent à cette sous-culture littéraire de ne pas se refermer définitivement sur elle-même et ses initiés.</p> <div> <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a> <em>Eureka.cc </em>est une base de données multidisciplinaire qui rend possible l’accès à des revues, journaux et magazines du monde entier en texte intégral. L’information est souvent accessible le jour même de sa parution ce qui est très pratique pour les recherches sur le discours contemporain autour d’un concept particulier.</p> </div> <div id="ftn2"> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><sup><sup>[2]</sup></sup></a> <em>AntConc </em>est un logiciel gratuit et téléchargeable d’analyse textuelle développé par M.Laurence Anthony, professeur à l’université de Waseda, au Japon.</p> </div> <div id="ftn3"> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a> Les premiers algorithmes permettant de relever les cooccurrences d’un texte ont été mis au point il y a plus de 60 ans déjà par Firth (1951) et Harris (1957).</p> </div> </div> <p>&nbsp;</p> Critique littéraire Industrie littéraire Québec Revue Poésie Tue, 21 Oct 2014 17:11:08 +0000 Joséane Beaulieu-April 876 at http://salondouble.contemporain.info La condition d'Humpty Dumpty http://salondouble.contemporain.info/article/la-condition-dhumpty-dumpty <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/bourgeault-jean-francois">Bourgeault, Jean-François</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/hors-les-murs-perspectives-decentrees-sur-la-litterature-quebecoise-contemporaine">Hors les murs : perspectives décentrées sur la littérature québécoise contemporaine</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p>Tout le monde se souvient de cette scène mémorable: oeuf gigantesque juché sur un mur où il croise les jambes, sa bouche si vaste qu'il court le risque de s'auto-décapiter en souriant, Humpty Dumpty trône au centre du sixième chapitre de <em>Through the looking-glass</em>, tout disposé à égarer Alice dans le dédale d'une conversation loufoque où il est le seul maître à bord. Équilibriste, l'oeuf en cravate ne l'est pas seulement parce qu'il oscille là-haut entre deux côtés, assuré que, le cas échéant, s'il venait à tomber et à se fracasser sur le sol, «<em>all the king's horsemen and all the king's men</em>» accourraient tout aussitôt pour le reconstituer. Dans ce dialogue, la posture limitrophe d'Humpty Dumpty rejoue surtout, pour Lewis Carroll, la situation de celui qui refuse le sens comme l'insensé, et qui apparaît alors, en sa qualité de stylite du langage en méditation sur un mur de briques, comme un praticien subtil des mots dans leur épiphanie, dans leur précarité vibratoire, lorsqu'ils viennent de surgir mais n'ont pas encore acquis, pour les autres, un statut d'évidence. «<em>When I use a word, Humpty Dumpty said in a rather scornful tone, it means just what I choose it to mean </em><em>— </em><em>neither more nor less. The question is, said Alice, whether you can make words mean so many different things.</em>» Question que Humpty Dumpty corrige de la façon suivante, en lecteur anachronique de Foucault et avec cette étrange lucidité que l'on retrouve chez tous les protagonistes du pays des merveilles: «<em>The question is which is to be master </em><em>—</em><em> that's all.</em>»</p> <p>En ce qui concerne les mots, tous les mots, dans leur vie fantomatique où le «combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes»<em>, </em>comme l'écrit Rimbaud, la question est en définitive de savoir qui est le maître — ce qui revient aussi à dire, du point de vue d'Humpty Dumpty surplombant la petite Alice, de savoir qui accepte d'embrasser le vertige qui accompagne la pensée en altitude, là où toutes les significations stables se dérobent et où seul demeure à habiter une mince lisière, avec le risque perpétuel que comporte ce séjour d'une dégringolade dans la pure insignifiance. Si Humpty Dumpty me semble le saint patron des revues littéraires, ce n'est donc pas seulement parce qu'il incarne l'équilibre fragile de celui qui fait du mur érigé entre deux espaces son royaume incertain; mais aussi parce qu'il pose de façon extrêmement claire l'acte de naissance polémique des revues, lesquelles sont prises, à leur corps défendant ou non, dans une joute interminable où il s'agit de savoir qui seront les maîtres dans l'usage de certains mots talismaniques — à commencer par celui, fondamental, de <em>litt</em><em>érature, </em>qui impose son exigence et brille un peu comme un feu follet destiné à perdre ceux qui se lancent à sa poursuite dans la nuit.</p> <p>Avec qui, avec quoi lutte une revue littéraire, au Québec, en 2013, dans ce champ de batailles des mots qui cherchent inlassablement leurs maîtres? Mon hypothèse est qu'elle lutte avec à peu près tout le monde, tous les champs, tous les milieux, ce qui lui confère un statut unique et incarne du même souffle son plus grand péril. La catégorie mitoyenne de la «revue culturelle», dont la revue littéraire est une enclave, se fonde peut-être ainsi sur le fantasme d'une double appartenance qui court toujours le risque, par voie de réversibilité, de se métamorphoser en angoisse d'un double exil.&nbsp;</p> <p>En effet, à droite, la revue culturelle est dorénavant bordée par la «revue savante», formule d'importation assez récente au Québec lorsqu'il s'agit de littérature et dont les implications sont considérables. Alors que les revues avaient longtemps existé ici sans complément, comme s'il allait de soi qu'elles étaient des auberges espagnoles où les penseurs de toute provenance venaient se rencontrer, l'invention de cette fracture entre le «&nbsp;savant&nbsp;» et le «&nbsp;culturel&nbsp;» eut pour effet de créer le double standard qui est encore le nôtre dans notre système de publication intellectuelle. Aux revues savantes, fondées sur l'évaluation anonyme par les pairs et le culte de la contribution décisive, reviendraient les articles sérieux ayant traversé un rite d'inclusion rigoureux, celui-ci devant tenir à l'écart du <em>country-club </em>scientifique les plébéiens sans métier, sans spécialisation et sans protocole. Aux revues culturelles reviendrait maintenant tout le reste: poèmes, nouvelles, notes de lecture impressionnistes, extraits de toute nature (romans, carnets, journaux intimes, etc.), et, perdu dans ce bazar, le genre de l'essai bref, qui allait être compromis de plus en plus par son appartenance à ce nouvel espace de publication, comme si cette chute dans le «culturel» devait aller de pair avec la dégradation de son statut cognitif. Il existe évidemment un <em>no man's land </em>assez considérable entre les pôles artificiels du «savant» et du «culturel», une faille dans laquelle il arrive que sombrent des textes inassignables, trop essayistiques pour les uns, trop académiques pour les autres.&nbsp; Mais en plus de conférer une plus-value scientifique aux articles qu'elle accueille en son sein, la frange de l'édition savante sert surtout à clarifier les conditions de ce que l'on pourrait appeler la <em>vie fiscale </em>universitaire au Québec. Un article publié à <em>É</em><em>tudes fran</em><em>çaises, Globe </em>ou <em>Voix et images </em>a passé le test des portiers invisibles et, en tant que tel, voit sa valeur augmenter d'avoir survécu aux Cerbères de la corporation; le même article publié à <em>Libert</em><em>é, L'inconv</em><em>énient, Spirale </em>ou <em>Contre-Jour </em>(quatre revues de généralistes)<em>, </em>puisqu'il ne passe pas par les mêmes circuits kafkaïens de juges sans noms, vaudra un peu moins, ou dans certains cas ne vaudra rien du tout, la pénombre du «culturel» suscitant des points de vue assez divers chez les universitaires, attitudes qui vont de la répulsion ouverte à l'enthousiasme pour les marges, en passant par la fréquentation occasionnelle, amusée, de ceux qui imitent l'empereur du conte des <em>Mille et une nuits </em>et se déguisent sous un pseudonyme pour fréquenter l'espace d'un texte les bas-quartiers des renégats. Jeunes thésards, nous ne comptions plus, au moment de fonder <em>Contre-Jour, </em>les avertissements bienveillants sur la valeur nulle de ce que nous écririons dans ces pages, même si ces conseils étaient habituellement prodigués avec l'espèce de crainte attendrie que l'on a pour ceux dont on pressent qu'ils vont perdre un peu trop de temps à confectionner des chapeaux en papier-mâché ou des minuscules navires de bois enfermés dans des bouteilles.</p> <p>Si la revue littéraire me semble donc bordée, à droite, par le spectre académique de l'édition savante, elle est battue, à gauche, par le ressac incessant de ce que l'on pourrait nommer, faute de mieux, une sorte de <em>dehors m</em><em>édiatique, </em>un océan écumeux d'énoncés et de discours dans lequel se mêlent sans pour autant se confondre plusieurs approches de la chose littéraire : articles de journaux, de magazines (où, comme dans <em>Bouvard et P</em><em>é</em><em>cuchet, </em>la littérature est un intermède entre la fabrique de conserve et le jardinage), émissions de radio — ou de télévision —, communiqués de presse, clubs de lecture, conférences publiques, sans oublier quelques centaines, voire milliers de <em>tweets </em>qui peuvent désormais gazouiller au sujet du littéraire comme s'en emparer au sein de nouvelles pratiques. Selon une expression de Paul Valéry, cette mer est sous la gouverne de l' «empire du Nombre», lequel, en sa qualité d'étalon absolu, fixe les obsessions fugaces comme il redistribue les valeurs en dehors du système d'autorégulation fixé par l'institution universitaire. Si l'on veut filer la métaphore économique jusqu'au bout, on pourrait affirmer que l’«empire du Nombre» rassemble les deux faces d'une même monnaie:&nbsp; il comprend <em>à la fois </em>la logique capitaliste du marché, où les chiffres de vente ou d'auditoire font foi de tout lorsqu'il s'agit d'assigner une valeur, et <em>à la fois </em>ce qui voudrait être une forme de résistance à cette première logique, soit les explosions aléatoires, imprévisibles de <em>buzz </em>où la gratuité apparente des contenus ne masque pas, tout de même, que le compteur continue de faire la loi dans l'accession à l'existence publique. Or, de quelque côté qu'on la prenne, la revue littéraire est un mauvais vassal de l’«empire du Nombre»: ses abonnés forment souvent une diaspora archipelaire, disséminée entre les villes et parfois les pays; ses ventes en librairie laissent de petites ridules sans conséquence sur les livres de compte, sauf dans le cas où, par accident ou par flair, certains numéros deviennent des succès de devanture; et la relation traditionnelle que la revue littéraire entretient avec la presse en est une de séduction contrariée et parfois profondément paradoxale, dans la mesure où il n'est pas rare, aujourd'hui, que la revue incarne une variante du cinquième pouvoir<em>, </em>soit le pouvoir ironique de ceux qui surveillent les journalistes du quatrième pouvoir, eux-mêmes chargés, en théorie, et en régime démocratique, de surveiller la cohorte des puissants de ce monde. Malgré les percées médiatiques qui peuvent auréoler un bref instant tel numéro ou tel autre, il ne serait pas trop brutal d'affirmer que les acteurs de revue incarnent pour l’«empire du Nombre», et selon une expression savoureuse de Pessoa, des «inspecteurs solennels des choses futiles» — ce qui, à tout prendre, vaut toujours mieux que d'agir en tant qu'inspecteur futile des choses solennelles, comme le font tant de chroniqueurs culturels.</p> <p>Situé entre deux espaces qui la rejettent souvent comme un corps étranger, trop légère pour une université qui en récuse souvent le manque de sérieux, trop sérieuse pour l’«empire du Nombre» qui en refuse le manque de légèreté, la revue littéraire joue donc son va-tout, perpétuellement, dans une condition intercalaire qui ne va pas, qui ne pourra jamais aller de soi. Dans le meilleur des cas, lorsque cet intervalle favorise un espèce de passeport de double citoyenneté, la revue littéraire peut devenir le lieu d'un <em>vacuum </em>qui attire à parts égales les universitaires renégats et les amateurs éclairés, en somme les lecteurs qui, au-delà de leur spécialisation ou de leur dilettantisme, approchent la littérature comme des «<em>common readers</em>»<em>, </em>selon l'expression utilisée naguère par Virginia Woolf. Dans le pire des cas, lorsque cette condition de l'entre-deux entraîne plutôt un statut de sans-papiers, la revue littéraire peut subir le sort d'un double exil et devenir une espèce de <em>zone franche </em>désertée, où l'on retrouve des versions dégradées de tout ce qui existe dans les deux contrées limitrophes, soit des textes qui n'ont pas le standing intellectuel des productions universitaires et qui n'ont pas davantage l'attrait, la facilité, la séduisante frivolité des capsules instantanées qu'on nous donne à consommer sous forme d'anesthésiants culturels.</p> <p>La question pour Humpty Dumpty fut toujours celle-ci: combien de temps peut-il osciller sur le mur avant qu'il ne tombe d'un côté ou de l'autre? La réponse, appliquée aux revues, est que moyennant la dextérité suffisante pour garder la pose — comme on dit en musique: garder la note —, on peut rester là-haut et tenir son rang tant que le mur lui-même ne s'est pas effondré. Autrement dit, pour le reformuler dans les termes de notre problème, tant que les espaces qui confèrent son sens à la frontière sont suffisamment stables pour qu'il y ait un mur au point de leur rencontre — qui est aussi le lieu de leur démarcation. En ce sens, les mutations profondes qui affectent actuellement de concert le milieu de l'université et celui du grand dehors laissent croire que des lézardes se font jour partout dans la structure, comme si le mur était broyé sous l'action lourde, lente et silencieuse de deux plaques tectoniques qui font pression l'une sur l’autre.&nbsp; Aujourd'hui, et déjà beaucoup plus qu’il y a une dizaine d'années où fonder une revue nous semblait encore relever de l'évidence, le pari est pascalien et rien ne saurait en garantir l'issue. Mais il repose, avec l'opiniâtreté des derniers recours, sur le fantasme presque indépassable, sinon d'un «<em>common reader</em>» — il est probable que cette créature ne soit bientôt visible qu'à travers les cages de verre des archives —, du moins de lecteurs qui soient les frères et soeurs inconnus d'une communauté qui n'existe pas encore et dont on a le fol espoir que quelques pages pourront contribuer à la faire advenir. «<em>When I choose a word, it means just what I choose it to mean</em>»<em>, </em>affirmait Humpty Dumpty.&nbsp; Certes, on peut lire dans cette phrase la démence solipsiste de qui maîtrise le langage à un point tel de surdité et de chaos que ce langage n'en est plus un. Mais on peut aussi, par sympathie avec cette coquille blanche de linguiste qui palabre sur son muret, s'unir complètement avec ce qui, dans cette déclaration, reflète la folie des purs commencements — comme si tous les mots étaient vierges et éclaireraient bientôt un monde nouveau —, cette folie de nomination inouïe sans laquelle je suppose qu'aucune revue n'aurait jamais vu le jour. &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> Communauté littéraire Critique littéraire Industrie littéraire Institution littéraire Québec Revue Sat, 18 Oct 2014 15:50:27 +0000 Jean-François Bourgeault 874 at http://salondouble.contemporain.info