Salon double - Limites de la représentation http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/1282/0 fr Révolution(s) abandonnée(s) http://salondouble.contemporain.info/lecture/r-volutions-abandonn-es <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/tremblay-gaudette-gabriel">Tremblay-Gaudette, Gabriel</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/kapow">Kapow!</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p><strong>Révolution(s) abandonnée(s)</strong></p> <p><em>Avertissement: l’essentiel de cette lecture porte sur les aspects formels de </em>Kapow!<em> En raison des particularités matérielles de l’œuvre commentée, il m’est apparu contre-indiqué d’inclure à titre d’exemple des numérisations de certaines pages du texte, puisque la numérisation aurait mis à plat les caractéristiques de cet objet-livre qui trouvent leur pleine extension dans sa tridimensionnalité. Je vous invite donc, avant d’amorcer votre lecture du texte ici-bas, à vous rendre sur l’hyperlien suivant, <a href="http://www.visual-editions.com/our-books/kapow">http://www.visual-editions.com/our-books/kapow</a>, afin de consulter la galerie de photographies proposée par l’éditeur, qui donne la pleine mesure de la forme incongrue de </em>Kapow!</p> <p>La jeune maison d'édition londonienne Visual Editions s'est jusqu'à présent signalée par des ouvrages magnifiques et originaux: une réédition du <em>Life and Opinions of Tristram Shandy, Gentlemen</em> de Laurence Sterne qui fait la part belle aux interventions visuelles et typographiques prévues par le texte original, la première traduction en anglais de <a href="http://www.visual-editions.com/our-books/composition-no-1">Composition No.1</a> de Marc Saprota (texte présenté dans une boîte et qui a ceci de particulier qu'il faut mélanger ses feuillets pour composer un ordre de lecture personnel, comme on brasse un jeu de Tarot pour en faire une lecture divinatoire) et <a href="http://www.visual-editions.com/our-books/tree-of-codes"><em>Tree of Codes</em></a>, le plus récent roman de Jonathan Safran Foer, confectionné à partir d'un roman de Bruno Schultz et dont les pages ont été littéralement trouées afin de créer un nouveau texte. À chacune de ses parutions, Visual Editions crée un livre d'artiste à grand tirage, une expérience sensorielle multiple (engageant la tactilité et la vision de manière plus prégnante qu'un roman traditionnel) et, en somme, commet un acte de résistance envers le passage du papier à l'écran par une œuvre qui ne peut être envisagée que dans sa forme matérielle. Le plus récent titre de Visual Editions s'inscrit résolument dans cette posture éditoriale éclectique et aventureuse. Issu de la plume d'Adam Thirlwell, jeune auteur londonien, <em><u>Kapow!</u></em> s'attaque au récit linéaire en le faisant éclater à la surface de la page, par le biais d'interventions à même la mise en page, tours de passe-passe formels audacieux mais qui se révèlent rapidement répétitifs.</p> <p><em>Kapow! </em>a comme thème général la révolution. Le narrateur, d’abord anonyme mais qui s’avère à mi-chemin être l’auteur de par la référence à ses romans antérieurs, observe à distance les agitations populaires dans plusieurs pays du Moyen-Orient, période de remue-ménage qui a depuis été recoupée sous l’appellation «&nbsp;Printemps Arabe&nbsp;». Avec une posture de détachement, qui serait selon l’auteur commune au citoyen occidental moyen, il suit les soulèvements de ces pays en développement, mais sa rencontre avec Faryaq, un chauffeur de taxi émigré qui lui relate des anecdotes à propos de ses amis au cœur des événements, le pousse à s’intéresser davantage à ces révolutions. La suite du roman fait alterner une narrativisation du printemps arabe focalisée sur quelques citoyens ordinaires prenant part aux manifestations publiques, et des commentaires généraux du narrateur face à son processus d’écriture et ses réflexions politiques et esthétiques sur l’Histoire en mouvement. Avec cette structure narrative mixte, Thirlwell se ménage une ouverture pour donner lieu aux facéties de tout roman post-moderne qui se respecte&nbsp;: la narration regorge de passages autoréflexifs, de moments métanarratifs, de télescopages improbables, etc. Il invoque ouvertement la malléabilité du langage très tôt dans le roman: «My theory was that language was a trampoline which pushed you everywhere, even inside-out, even into an apartment block I had never visited in a country I didn’t really know» (2011, p. 10), ce qui lui autorise la plus grande des libertés.</p> <p>Dès la première page, le narrateur indique qu’il est perpétuellement dans un état second: «I kept thinking one thing, then another, then another. It’s true that recently I’d got back into the practice of dope but still. My crisis was very much deeper than dope. (…) I was, let’s say, in a doped yet caffeinated state– a blissful state of suspension. This total seamlessness had just arrived in my thinking from nowhere». (2011, p. 5) Cet état d’esprit affecte et justifie non seulement le style de Thirlwell, ponctué d’achoppements et de coq-à-l’âne, mais aussi la dimension matérielle et visuelle du texte. Il s'avère en effet que le corps du texte s'écartèle, se dilate, s'épanche et se troue en des tailles et des directions diverses, allant parfois jusqu'à déborder de la double page et nécessitant le recours à des pages à volets que le lecteur doit déployer pour laisser le texte dévaler, voire déraper, dans la direction souhaitée. Dans la première page du texte, Thirlwell fait une allusion amusante à cette poétique de déchirure visuelle du texte à l’honneur dans son roman, en mentionnant son étonnement devant la facilité avec laquelle la foule agitée parvient à démanteler le pavé: «While in the miniature movies on the internet people were gathering in squares and ripping up the pavements. It surprised me how easily you could do this– just prise up pavement, like a lawn» (2011, p. 5). Or, après tout, cette friabilité insoupçonnée d’une matière jusqu’alors perçue comme unie et compacte, c’est aussi celle du corps de texte, habituellement présenté avec ordre, régularité et rigueur, et que Thirlwell s’apprête à démantibuler, ce à quoi il fait d’ailleurs allusion en disant à la suite de la citation précédente: «I understood this urge to disrupt and savage things and so on.» (2011, p. 5)</p> <p>Les voies multiples ouvertes dans la linéarité du texte sont signalées par un symbole à mi-chemin entre la lettre Y et le pictogramme d’une sortie d’autoroute, qui permet instantanément de comprendre qu’il faut aller lire le passage de texte en incise, superposé au corps principal du texte mais disposé dans une orientation déviante. Ces interruptions ne se donnent à lire ni comme une information complémentaire similaire à une note de bas de page, ni comme des trajectoires de lecture alternatives à la manière d’un hypertexte de fiction; tout comme face à un texte de David Foster Wallace, il faut se garder de sauter ces portions de texte comme le ferait un lecteur paresseux. De plus, la forme affectée par ces incises participe parfois à la signification de son contenu. Par exemple, page 20, les personnages au cœur de la révolution arabe se rendent au lieu public où se tiennent les manifestations quotidiennes, et une incise en forme de cercle précise: «Backing onto this was the second grandest hotel in the city– containing three restaurants, a café, a shopping complex, a business center, three banqueting halls, and a gym» (2011, p. 20). Le contraste entre la pauvreté ambiante de la ville en crise et cet espace de luxe décrit dans l’incise motive la forme de cercle, marquant un espace enchâssé, replié sur lui-même. Trois pages plus loin, une incise, tellement longue qu’elle déborde de la page principale et force l’intégration d’un encart dépliable, prend une forme irrégulière rappelant une trajectoire en zig-zag, et décrit le procédé narratif complexe au cœur de <em>Don Quichotte</em>, dans lequel Cervantès attribue la paternité des aventures du Chevalier à la Triste Figure à un scribe arabe, Cide Hamete Ben Engeli; la forme irrégulière de l’incise textuelle rappelle la stratégie ludique quelque peu tordue par laquelle Cervantès renvoie à un personnage fictif la véracité douteuse du récit de son roman.</p> <p>Thirlwell assume son procédé jusqu’à en décrire ouvertement l’origine et les motivations au cœur même de son texte:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p>I didn’t want to be topical. I think instead it just had something to do with this new mania for connections, my idea of integrity that meant you had to follow every thought as far as you could, into all the sad dead ends. And to present this new way of thinking I began to imagine new forms, like pull-out sentences, and multiple highspeed changes in direction. I imagined concertina pages of stories, pasted pictures. And why not? It wasn’t that I wanted to make words visual, like the former futuristi. I didn’t believe like those marionetti that doing things to their look could increase the expressive power of words. But I was imagining a story that was made up of so many digressions and evasions that in order to make it readable it would need to be divided in every direction. So that if you wrote it out as continuous block it would be the same but also different. I wasn’t because my ideal was some kind of simultaneià. It was more like the Russians I’d adored, like Mayakovsky and El Lissitzky – this idea of trying to make things as fast as possible. (2011. p. 18)</p></blockquote> <p>Il revient plus loin sur sa volonté d’accentuer la dimension visuelle de son texte en déclarant: «It was what I wanted too – this spreading a given volume as closely to pure surface as possible. I wanted montage, as I said. I wanted a system where as many things as possible were visible at once.» (2011, p.32)</p> <p>Et c’est là que le bât blesse. Thirlwell annonce un programme esthétique qu’il n’endosse pas entièrement, ou du moins pas jusqu’au bout. L’éclatement du texte est certes spectaculaire aux premiers abords, mais l’auteur ne met pas complètement son procédé au service de sa diégèse. Si, comme je l’ai mentionné plus tôt, certaines incises ont une&nbsp; motivation claire et qu’il emploie à l’occasion les ressources formelles des pages déployées avec brio – notamment à la page 62, lorsqu’il déplace une discussion entre deux protagonistes à propos des juifs, où l’un des deux interlocuteurs tient des propos racistes, au creux d’un encart, comme voilé au regard et relégué loin du texte principal afin de ne pas le contaminer -, la plupart des incises ne font pas un usage bien motivé de la ressource, et la constante nécessité de retourner le livre dans tous les sens afin d’en lire des bribes conduit à l’agacement. L’auteur qui annonçait vouloir aller au bout de ses idées n’est pas parvenu à porter à bout de bras son projet.</p> <p>Il existe pourtant des exemples convaincants de telles œuvres expérimentales. Dès les années 1960-1970, des chefs-d’œuvre oubliés comme <em>The Exagggerations of Peter Prince</em>, de Steve Katz, qui disloque constamment le cours de la narration par des mises en page incongrues et des illustrations hétéroclites, ou encore <em>Double or Nothing</em> de Raymond Federman, qui étend la concomitance texte-image, chère à la <em>pattern poetry</em> médiévale et à la poésie concrète moderne à la grandeur d’un roman, étaient parvenus à mettre des trouvailles formelles au service du récit, et des auteurs plus connus comme Donald Barthelme dans certaines nouvelles de <em>Guilty Pleasures</em> ou Kurt Vonnegut Jr. dans <em>Breakfast of Champions</em>, ont brillamment fait usage de l’iconotextualité (voir Krüger, 1990) dans des œuvres aussi originales que délicieuses. Ces approches ont été amalgamées avec succès dans des œuvres contemporaines comme <em>House of Leaves</em> de Mark Z. Danielewski et <em>The Raw Shark Texts</em> de Steven Hall. J’espérais sincèrement que <em>Kapow!</em> puisse s’ajouter à cette liste, mais les procédés employés par Thirlwell s’avèrent au final trop limités et tièdes pour obtenir une place au Panthéon des romans à la matérialité expérimentale.</p> <p>L’échec relatif des ambitions de l’auteur est en quelque sorte assumé par le roman lui-même. Il est difficile de ne pas faire le lien entre le thème de la révolution politique qui traverse le texte et l’approche innovatrice préconisée par l’auteur, ce que l’auteur ne fait pas explicitement dans les pages de son roman. Or, tant le narrateur que les personnages émettent des doutes quant au succès éventuel de la révolution en cours, notamment vers le début lorsque le narrateur déclare: «But I didn’t know if this was revolution. I didn’t really know if I even Cared. Amigos, I had my doubts. Because basically I tended to prefer the irony of counter-revolution, the hipster sarcasm which wasn’t sure if there was any way of fighting that didn’t end up being a fight to be further enslaved.» (2011, p. 11). De manière conséquente, au cours du récit, les personnages constatent que les soulèvements révolutionnaires n’entraînent pas de résultats impressionnants.</p> <p>Au terme du roman, les personnages de la diégèse sise dans un pays arabe jamais nommé font face à diverses désillusions&nbsp;: Rustam, ayant surmonté ses réticentes initiales pour prendre part aux manifestations, sera incarcéré et trouvera son salut dans un intégrisme religieux qui faisait initialement l’objet de sa résistance; sa femme Niqora renoncera à la relation illicite qu’elle entrevoyait avec le jeune réalisateur Ahmad, rencontré dans la foulée des soulèvements, et l’auteur lui-même, dans le plus long passage en incise (visible à l’image 4 de la galerie disponible sur le site Web de Visual Editions), déclare que le cinéma, dont le montage constitue la grammaire formelle, est le plus à même de rendre compte de la réalité, sorte de désaveu en creux du médium qu’il emploie.</p> <p>On peut saluer l’honnêteté de l’auteur, qui assume l’incapacité à exploiter pleinement son projet esthétique. Il a voulu s’élever contre ce qu’il considère être une pratique de lecture contemporaine basée sur l’accumulation d’informations, spécifiée dans le passage suivant: «In one of my bouts of reading – and this very much felt like one aspect of the modern which depressed me, the way everyone was reading, was trying to find out the <em>facts</em>, the way everyone was lugging along their reading lists&nbsp;» (p. 18). Pour ce faire, il a opté pour une approche expérimentale ostentatoire, frappante comme un coup de poing à la figure ou comme un immense point d’exclamation, à l’image de celui dans le titre de l’œuvre et ornant la couverture du livre. Or, passé le choc initial, le lecteur constate que l’édifice littéraire s’écroule, en partie parce qu’il a ployé sous le poids d’une ambition lourde à porter et en partie parce que le matériau employé dans la construction n’était pas assez solide. Ce n’est pas pour rien que l’auteur, convoquant les propos de Zizek et de Arendt, passe plus de temps à réfléchir autour de l’idée de révolution qu’à la mettre en acte par la diégèse et sa propre écriture; ce n’est pas pour rien que ma lecture a porté quasi-exclusivement sur la forme que prend son projet de révolution formelle que sur son contenu même.</p> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p>Barthelme, Donald. <em>Guilty Pleasures</em>. New York : Farrar, Strauss &amp; Giroux, 1974</p> <p>Danielewski, Mark Z. <em>House of Leaves</em>. New York : Pantheon, 2000</p> <p>Federman, Raymond. <em>Double or Nothing</em>. Boulder : Fiction Collective Two, 1992 (1979)</p> <p>Hall, Steven. <em>The Raw Shark Texts</em>. New York : Canongate Books, 2007</p> <p>Katz, Steve. <em>The Exagggerations of Peter Prince</em>. New York : Holt, Rinehart and Winston, 1968</p> <p>Krüger, Reinhard. «&nbsp;L’écriture et la conquête de l’espace plastique&nbsp;: comment le texte est devenu image&nbsp;», dans Montandon, Alain (dir. publ.) <em>Signe/Texte/Image,</em> Paris&nbsp;: Ophrys, 1990.</p> <p>Thirlwell, Adam. Kapow! Londres&nbsp;: Visual Editions, 2011</p> <p>Vonnegut, Jr, Kurt. <em>Breakfast of Champions or Goodbye Blue Monday</em>. New York : Delcorte Press, 1973</p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/r-volutions-abandonn-es#comments Action politique Angleterre Autofiction Autoréflexivité Avant-garde BARTHELME, Donald Cinéma Contemporain Culture de l'écran Culture numérique DANIELEWSKI, Mark Z. Dialogues culturels Éclatement textuel FEDERMAN, Raymond Guerre HALL, Steven Hipster KATZ, Steve KRÜGER, Reinhard Limites de la représentation Télévision THIRLWELL, Adam VONNEGUT Jr, Kurt Roman Sun, 25 Nov 2012 21:33:52 +0000 Gabriel Gaudette 639 at http://salondouble.contemporain.info Des ailes inutiles http://salondouble.contemporain.info/lecture/des-ailes-inutiles <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/brousseau-simon">Brousseau, Simon</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/claustria">Claustria</a> </div> </div> </div> <p align="right"><em>J'arrive à m'imaginer assassiné, mutilé, torturé. Je n'arrive pas à m'imaginer vingt-quatre années dans un trou.</em></p> <p align="right">Régis Jauffret, <em>Claustria </em>(p.71)</p> <p align="center">&nbsp;</p> <p>L'œuvre de Régis Jauffret abonde en histoires sordides, et à la parcourir on a parfois l'impression que le monde est un vaste cloaque où vivotent des êtres condamnés à la souffrance, des êtres dont le bonheur est nécessairement disloqué par quelque psychopathologie intraitable, comme une poupée par un gamin malfaisant. Jauffret est admirablement doué pour la déclinaison d'existences potentielles, qu'il examine avec un détachement clinique qui n'a, à ma connaissance, pas d'égal en littérature contemporaine. Son recueil <em>Microfictions</em>, par exemple, est un véritable vivier d'existences décadentes<a href="#_ftn1" name="_ftnref" title="">[1]</a>. Il me semble que son travail invite à se questionner sur ce que pourrait être une éthique de la fiction. Cette éthique concerne le <em>traitement</em> que la fiction fait subir au réel, mais aussi, et c'est sur cet aspect que j'aimerais insister, l'adhésion ou les réticences que le lecteur éprouve face à ces représentations.</p> <p>Si Jauffret a le mérite d'aborder de front la négativité de l'existence contemporaine, ses façons de faire peuvent laisser perplexe. Il a développé une voix narrative qui lui est propre, une vision du monde désacralisante qui donne souvent l'impression que les relations humaines se réduisent à une mécanique égoïste. L'expérience de lecture s'accompagne d'une série de questions auxquelles on ne saurait définitivement répondre: est-ce Jauffret qui est cynique, nihiliste, pessimiste, ou bien le monde qu'il décrit? Jauffret est-il un auteur réaliste? Et quand bien même le monde serait effectivement pourri de cynisme, est-ce que la tâche de l'écrivain peut se résumer à enfoncer davantage le clou? Ne fait-il pas déjà assez froid? Cette ambivalence qui parcourt l'œuvre de Jauffret lui confère toute sa valeur. Elle pousse à réfléchir aux visées de la littérature et à ses possibilités, notamment dans son rapport à la connaissance et à la vérité. Dans le préambule de <em>Sévère</em> (2009), Jauffret écrit que «la fiction éclaire comme une torche» (p.7), mais qu'elle le fait paradoxalement à l'aide de mensonges. Selon lui, «elle comble les interstices d'imaginaire, de ragots, de diffamations qu'elle invente au fur et à mesure pour faire avancer le récit à coups de schlague» (p.7).</p> <p>Ce rapport trouble à la connaissance me semble pertinent pour réfléchir à la littérature contemporaine. Je suis tenté d'inscrire la démarche de Jauffret dans ce changement de notre relation au savoir qu'identifie Peter Sloterdijk au tout début de sa <em>Critique de la raison cynique</em>. Selon lui, il ne s'agit plus aujourd'hui pour le penseur qui aspire à la vérité d'être un ami de la connaissance, selon l'étymologie grecque du terme «philosophe», mais bien de chercher les moyens de vivre avec le poids de notre savoir: «Il n'y a plus de savoir dont on pourrait être l'ami (<em>philos</em>). Avec ce que nous savons, il ne nous vient pas à l'esprit de l'aimer, nous nous demandons, au contraire, comment faire pour vivre avec lui sans nous pétrifier» (p.7-8). Il y aurait donc, dans la démarche de Jauffret, quelque chose qui relève d'une recherche de santé, de l'expurgation. L'un des moyens que privilégie Jauffret pour supporter les aspects les plus sombres de l'existence s'apparente au traitement choc: plutôt que de les oblitérer ou de les nuancer en leur opposant une contrepartie plus lumineuse, il opte pour la surenchère et l'hyperbole, offrant une vision distordue et parfois cauchemardesque d'une réalité qui, faut-il le rappeler, est loin d'être rose bonbon.</p> <p align="center"><strong>*</strong></p> <p>Alors que Jauffret a repoussé dans les <em>Microfictions</em> les limites de la fabulation<a href="#_ftn2" name="_ftnref" title="">[2]</a>, certaines de ses œuvres récentes posent un constat troublant: ces destinées inventées, tout aussi abjectes qu'elles soient, trouvent leur équivalent dans la réalité, et il n'existe peut-être pas d'imagination assez débridée pour éclipser le réel en matière d'horreur. On peut remarquer ce glissement dans <em>Sévère</em> (2009), roman mettant en scène Édouard Stern, un banquier français qui a été assassiné par sa maîtresse en 2005, et à plus forte raison dans <em>Claustria </em>(2012), roman qui traite quant à lui de l'affaire Fritzl.</p> <p>Cette histoire sordide, véritable bombe qui a sauté au visage ébahi du monde en avril 2008, est si invraisemblable qu'on a du mal à y croire. Josef Fritzl a séquestré durant 24 ans, dans le sous-sol de sa maison d’Amstetten, en Autriche, sa fille Elisabeth Fritzl, avec qui il a eu sept enfants. Jauffret souligne dans un entretien que cette histoire comporte plusieurs zones d'ombre, des interstices qu'il a lui-même remplis dans son roman-enquête:</p> <p>Le procès de 2009, dit Régis Jauffret, a été expédié en trois jours et demi, y compris la lecture du verdict. On n'a jamais fouillé les antécédents de Fritzl, alors qu'il avait déjà fait de la prison pour viol, que des crimes sexuels non élucidés avaient été commis à proximité, et que lui-même passait de longues vacances en Thaïlande... La femme de Fritzl, qui avait vécu 24 ans au-dessus de la cave, n'a jamais été entendue par les juges. Pas plus que les voisins, les anciens locataires de Fritzl ou les experts en acoustique. Or, il est impossible que dans le voisinage immédiat on n'ait pas entendu les cris d'Elisabeth qui accouchait toute seule, ceux des six nourrissons, surtout la nuit, le son de la télé, tout cela dans une cave pas insonorisée. Elisabeth a témoigné, mais à huis clos, les enfants de la cave ne sont jamais apparus en public, on n'a pas la moindre photo d'eux, et les autorités les ont forcés à changer de patronyme... (Robitaille, 2012: <a href="http://www.cyberpresse.ca/arts/livres/romans/201202/25/01-4499729-claustria-de-regis-jauffret-les-enfants-de-la-caverne.php">en ligne</a>)</p> <p>En lisant <em>Claustria</em>, on comprend que Jauffret cherche à proposer un contrepoint au discours médiatique entourant l'affaire Fritzl. Au caractère forcément <em>punché </em>de la nouvelle journalistique (Fritzl est un monstre! Le monstre enfin condamné!), Jauffret oppose une narration homodiégétique à focalisation interne, le narrateur y allant de suppositions psychologiques et de scènes fabulées visant à brosser un portrait à peu près vraisemblable de l'affaire. Cette opposition entre le discours médiatique et la littérature, et plus particulièrement entre le fait divers et l'écriture romanesque, permet de penser la pertinence de certaines pratiques en littérature contemporaine. Si l'on peut rapprocher <em>Claustria</em> de <em>In Cold Blood </em>de Truman Capote (1966), le roman de Jauffret n'appartient toutefois pas au genre de la <em>Non-Fiction</em>. La raison en est bien simple: alors que l'ensemble des faits entourant les meurtres sanglants d'Herbert Clutter, de sa femme et de ses enfants étaient accessibles à l'écrivain américain, qui a mené une enquête exhaustive, la claustration des victimes de l'affaire Fritzl laisse quant à elle un large pan de l'histoire dans l'ombre. Ce sont précisément ces zones obscures que Jauffret tente d'éclairer à l'aide d'hypothèses fictionnelles. De plus, si Jauffret cherche à comprendre Fritzl, le rendement romanesque qu'il en fait n'a rien pour lui restituer son humanité, et en cela, ses visées s'éloignent aussi de celles de Capote. L'empathie de l'écrivain se tourne plutôt vers les habitants de la cave, celui-ci cherchant à imaginer comment ils ont pu survivre si longtemps dans la réclusion. Une question irrésoluble, une vraie question de romancier.</p> <p>Le projet de Jauffret s'inscrit dans une conception du roman comme outil de connaissance. Les cinq cents pages qu'il consacre à l'affaire Fritzl, bien qu'elles contiennent des propositions largement hypothétiques, et parfois choquantes (j'y reviendrai), sont tout de même à prendre au sérieux. Au discours médiatique qui se caractérise par sa prétendue limpidité, par sa volonté d'incarner une forme de lisibilité absolue —il n'y a pas d'ambiguïté possible lors d'un <em>bulletin d'informations</em>—, Jauffret oppose une vision de l'affaire Fritzl marquée par l'illisibilité. Ici, je pense d'abord à une forme d'illisibilité toute pragmatique: cette histoire est insupportable, et Jauffret s'évertue à nous faire subir l'horreur. Le lecteur est lui aussi cloitré. Ici, il faut faire preuve de prudence: jamais je n'oserais affirmer que cette expérience d'enfermement littéraire équivaut à l'enfermement bien réel des victimes. Le lecteur n'est pas à plaindre. En amorçant la lecture de <em>Claustria</em>, celui-ci accepte néanmoins de prendre connaissance, sous un mode hypothétique, mais violemment vraisemblable, des faits que la lisibilité médiatique ne peut se permettre d'exposer dans toute leur complexité. L'autre forme d'illisibilité que je souhaite relever découle de la première: l'affaire Fritzl est sans doute inexplicable. On peut se perdre en conjonctures, on peut tenter d'imaginer —et Jauffret s'y essaie avec aplomb—, il n'en demeure pas moins qu'une part de cette histoire échappe à la rationalité. Et c'est sans doute dans cet échec de la saisie rationnalisante que la fiction trouve l'énergie de remodeler, sans révérence, l'enfer créé par Fritzl, et auquel celui-ci pouvait accéder quotidiennement, en descendant l'escalier qui menait à son sous-sol.</p> <p>Évidemment, Jauffret s'emploie à débusquer, sous les non-dits et les silences, des semblants de vérité. Et c'est peut-être là que son projet rencontre sur son chemin un problème éthique. Lorsque j'évoque le caractère choquant de certaines extrapolations développées par Jauffret, je pense notamment à ce passage où il laisse entendre que le viol et l'inceste ont laissé place, peu à peu, à une relation amoureuse des plus malsaines entre le père et sa fille qui aurait été atteinte du Syndrome de Stockholm:&nbsp;</p> <p>L'inceste, le viol, puis l'inceste désiré, obsédant, l'attente fiévreuse du seul pénis au monde qui pénétrera jamais dans la cave. Un pénis qu'on n'en peut plus d'espérer, il tarde souvent à se montrer pendant de longs jours, des semaines, quand il la laissait seule pour partir en vacances s'enfoncer dans d'autres chairs. La faim de nourriture quand les provisions se raréfient et l'absence de ce viatique qui transformerait le lit en tapis volant.</p> <p>Ces cris de jouissance qui vont rejoindre le chœur des femmes en train de jouir au même instant sur toute la peau du monde. L'orgasme égalitaire, nivellement par l'infini, et quand il le lui procure elle est plus heureuse que les reines dont le roi est mort, plus heureuse que les vierges, les épouses au sexe depuis longtemps cicatrisé à force d'être lassées d'attendre des années durant le pénis d'un mari abruti par le travail et les coups de maillet d'un quotidien lancinant comme les aboiements des motos, des voitures, des camions furieux qui toute la nuit traversent comme des chiens ahuris la ville où il est né d'une grossesse indésirable et mourra sans même s'en apercevoir tant son existence n'aura été quatre-vingt-douze années durant qu'une interminable métaphore du néant (p.85).</p> <p>On le voit, la liberté avec laquelle Jauffret se permet d'extrapoler quant à la relation entre Fritzl et sa fille a quelque chose de profondément irrévérencieux. Je cite longuement cet extrait parce qu'il permet de cerner la proximité du ton adopté par Jauffret dans <em>Claustria</em> avec l'humour noir qui caractérise habituellement ses œuvres de fiction. Ce passage, où Jauffret cède à une forme de lyrisme qui tient du nihilisme triomphant, rappelle certains moments de <em>Microfictions</em> au ton vitriolique où l'existence des personnages devient un prétexte pour faire du style : «Nous avons joui en tirant la chasse d'eau pour couvrir le bruit de nos gémissements. Nous nous sommes mariés le mois suivant pour des raisons fiscales » (2007, p.13); «Ce n'est quand même pas de ma faute s'il s'était lassé de son sexe, et s'il l'a écrasé comme un mégot au fond d'un cendrier» (p.35); «Est-ce que tu m'aimes? Il fait trop chaud» (p.61); «Je la supplie de me tuer, car je le mérite. En me cinglant avec un câble, elle me rappelle que seuls les êtres vivants peuvent espérer mourir» (p.108).</p> <p>Ma première réaction a été d'interpréter ce traitement de l'affaire Fritzl comme étant impudent, et j'ai pensé que Jauffret allait peut-être trop loin, comme si le réel devenait un simple prétexte pour donner cours à l'écriture. Il y a sans doute un peu de cela, par moments, mais l'explication demeure insatisfaisante. Une interprétation plus proche de la réalité reconnaîtrait peut-être qu'effectivement, dans ce cas précis, les évènements ont atteint un degré d'ambiguïté si radical qu'il est presque impossible d'admettre leur éventualité. Jauffret l'écrit au début du roman: «Je n'arrive pas à m'imaginer vingt-quatre années dans un trou» (p.24). Au final, c'est sans doute ce désir de comprendre la réalité obscure de cette femme et de ces enfants qui ont vécu si longtemps dans une cave qui vient valider le projet de Jauffret. Malgré le ton parfois caustique qu'il adopte, il livre aussi quelques passages empreints de tendresse où se profilent en sourdine des bribes d'humanité ayant résisté à l'atrocité: «Ils regardaient toutes les émissions sur les animaux. Leur mère avait un livre d'images où elle leur montrait les chats, les poissons et les fauves. Ils étaient surpris de les voir en si mauvais état, aplatis, noir et gris sur le papier jauni piqueté de taches brunes, alors qu'ils étaient si gais sur l'écran» (p.136). D'un point de vue littéraire, on pourrait parler de l'art du contrepoint, d'une oscillation entre l'obscur et le lumineux. Cependant, force est d'admettre qu'on ne peut juger ce texte à l'aide de critères exclusivement littéraires. Il s'y profile également des visées éthiques sans lesquelles celui-ci n'aurait aucun sens: révéler dans toute sa complexité ce que le discours dominant cherche à oblitérer, quitte à scandaliser les plus prudes d'entre nous.</p> <p align="center">*</p> <p>En tentant de représenter l'immonde dans toute sa démesure, en cherchant à tirer du déni collectif l'existence de ces pauvres gens, Jauffret s'approche à mon avis de ce que pourrait être une expérience empathique authentique. Ce que j'entends par là est difficile à formuler. Je crois que Gilles Deleuze met le doigt sur le rôle fondamental que joue l'empathie dans l'écriture littéraire, quand il écrit que «la littérature ne commence que lorsque naît en nous une troisième personne qui nous dessaisit du pouvoir de dire JE» (Deleuze, 1993: 13). Cette formulation me semble juste en ce qu'elle explique l'écriture de l'autre comme étant une nécessité, un processus de compréhension où les contours de l'identité de l'énonciateur s'estompent pour laisser place à une réalité <em>a priori</em> étrangère. Cette démarche, chez Jauffret, est poussée avec une énergie qui relève du courage, d'où le malaise qu'elle peut engendrer chez le lecteur. Elle implique un renoncement aux critères moraux, à la pudeur et à la discrétion face à la souffrance des victimes. Et pourtant, au cœur de la négativité de l'écriture, il y a bel et bien quelque chose de positif qui ressort, et qui s'apparente à un cliché que je formulerais ainsi: <em>Donner une voix aux victimes, à ceux et celles qui n'ont plus de voix</em>. Ce cliché aurait pu devenir pour Jauffret un écueil, s'il avait par exemple décidé de modérer ses propos et d'embellir le récit afin de répondre aux attentes d'un lectorat en mal d'histoires touchantes. Heureusement, Jauffret a la force d'évoquer ce à quoi l'esprit se refuse tout naturellement: «Roman est allé respirer à la fenêtre. L'air lui manquait en se souvenant. Il regardait au loin. Il se sentait coupable d'avoir été si heureux dans la cave. D'aimer son père, aussi» (p.40).</p> <p>Ce dernier extrait laisse entrevoir toute la complexité de l'affaire Fritzl. Cette claustration, qui pour nous gens d'en haut est d'une horreur inconcevable, aura été pendant de longues années la seule réalité des enfants et de la femme qui l'ont souffert. Jauffret rappelle que ce sont des humains, et qu'ils ont sans doute aimé eux aussi père et mère. Alors que le discours médiatique, en une sorte de pudeur où se mêlaient la honte et une évidente propension au sensationnalisme, ne pouvait que réifier les victimes en les réduisant précisément à ce rôle de la victime sans voix, Jauffret, lui, aura tenté de se projeter radicalement dans leur existence. «La joie, écrit-il dans <em>Microfictions</em>, n'est pas dans l'oubli, l'insouciance, l'ébriété, l'euphorie que procure le mensonge de croire sa vie éternelle, elle est dans la lucidité de penser à tout instant le réel avec la précision du chirurgien qui incise les chairs d'un patient équarri lors d'une opération à coeur ouvert.» (2007, p.92) Si cette machination littéraire est forcément troublante, il faut admettre que c'est pour le mieux. Les victimes ne sont pas que des victimes. Elles sont nées avec des ailes, des ailes tristement inutiles dans un trou sans ciel.</p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p>&nbsp;</p> <p>DELEUZE, Gilles, <em>Critique et clinique</em>, Paris, Minuit, 1993.</p> <p>JAUFFRET, Régis, <em>Claustria</em>, Paris, Seuil, 2012.</p> <p>-----, <em>Microfictions</em>, Paris, Gallimard (coll. Folio), 2007.</p> <p>GEFEN, Alexandre, «“Je est tout le monde et n’importe qui”.&nbsp;Les&nbsp;Microfictions&nbsp;de Régis Jauffret», <em>Critical Review of Contemporary French Fixxion</em>, n°1, december 2010, URL <a href="http://www.critical-review-of-contemporary-french-fixxion.org/english/publications/nr1/gefen_en.html">http://www.critical-review-of-contemporary-french-fixxion.org/english/publications/nr1/gefen_en.html</a></p> <p>ROBITAILLE, Louis-Bernard, «Claustria, de Régis Jauffret: les enfants de la caverne», <em>La Presse</em>, 25 février 2012. En ligne:&nbsp;<a href="http://www.cyberpresse.ca/arts/livres/romans/201202/25/01-4499729-claustria-de-regis-jauffret-les-enfants-de-la-caverne.php">http://www.cyberpresse.ca/arts/livres/romans/201202/25/01-4499729-claustria-de-regis-jauffret-les-enfants-de-la-caverne.php</a></p> <p>SLOTERDIJK, Peter, <em>Critique de la raison cynique</em>, Paris, Christian Bourgois Éditeur, 1987 [1983]. [traduit de l'allemand par Hans Hildenbrand]</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="#_ftnref" name="_ftn1" title="">[1]</a> J'ai proposé une lecture de ce recueil ici-même, en 2009: «<a href="http://salondouble.contemporain.info/lecture/ecrire-avec-un-marteau">Lire avec un marteau</a>».</p> <p><a href="#_ftnref" name="_ftn2" title="">[2]</a> À ce propos, l'article «“Je est tout le monde et n’importe qui”.&nbsp;<em>Les&nbsp;Microfictions&nbsp;</em>de Régis Jauffret», d'Alexandre Gefen, est un incontournable. (Voir dans la bibliographie.)</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/des-ailes-inutiles#comments Ambiguïté CAPOTE, Truman Crime Cynisme DELEUZE, Gilles Écriture Empathie Enfermement Éthique Exploration des possibles Fait divers France GEFEN, Alexandre Inceste JAUFFRET, Régis Limites de la représentation Négativité Outil de connaissance Pouvoir et domination Rapport au père et à la mère ROBITAILLE, Louis-Bernard SLOTERDIJK, Peter Viol Violence Roman Mon, 30 Apr 2012 15:13:34 +0000 Simon Brousseau 501 at http://salondouble.contemporain.info