Salon double - DUHAMEL-NOYER, Olga http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/260/0 fr Le régime des secrets http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-regime-des-secrets <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/boulanger-julie">Boulanger, Julie</a> </div> <div class="field-item even"> <a href="/equipe/paquet-amelie">Paquet, Amélie </a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/highwater">Highwater</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p>&Agrave; Highwater, tout prolif&egrave;re. Les ouvriers ont quitt&eacute; depuis longtemps la mine, centre mythique du r&eacute;cit, &laquo;plusieurs maisons des mineurs d&rsquo;alors se sont effondr&eacute;es.&raquo; (p.13) Et pourtant, toute vie ne s&rsquo;en est pas all&eacute;e. De nouvelles existences, animales et humaines, plus clandestines mais toujours palpables, se sont install&eacute;es au milieu des ruines. C&rsquo;est &agrave; Highwater, semble-t-il (rien ne se donne ais&eacute;ment dans le roman), que la narratrice commence &agrave; appr&eacute;hender la multiplicit&eacute; des &laquo;vies secr&egrave;tes de Venise&raquo; (p.19), son amoureuse. Venise et la narratrice s&rsquo;immiscent naturellement dans la faune interlope qui trouve refuge &agrave; Highwater. Dans ce lieu interm&eacute;diaire o&ugrave; tous les temps sont confondus, la curiosit&eacute; de la narratrice engendr&eacute;e par son amour se d&eacute;ploie.</p> <p class="MsoNormal"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Le th&eacute;&acirc;tre d&rsquo;ombres</strong></span></p> <p class="MsoNormal">&Agrave; travers le corps de son amante, elle cherche &agrave; saisir ce que Venise a &eacute;t&eacute;. Non, comme il est si facile de le r&eacute;duire, dans ce mouvement banal de la jalousie qui souhaiterait abolir le pass&eacute; de l&rsquo;&ecirc;tre aim&eacute; &ndash;quoique la narratrice &eacute;voque, &agrave; une seule et unique reprise, cette &laquo;[descente] dans le pass&eacute; de Venise [de] l&rsquo;escalier de la jalousie&raquo; (p.83)&ndash;, mais plut&ocirc;t dans une volont&eacute; obsessive de connaissance de chaque parcelle de son existence. Elle ne tente pas moins de s&rsquo;introduire dans certaines des vies ant&eacute;rieures de son amoureuse, dans lesquelles elle partage soudainement le corps de ses anciennes amantes et anciens amants, non en se substituant &agrave; ces corps, mais en s&rsquo;ajoutant &agrave; la sc&egrave;ne pour tout vivre &agrave; ses c&ocirc;t&eacute;s:</p> <p class="MsoNormal rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">&Agrave; mesure que ma bouche rencontrait de nouvelles bouches sous les pins, que ma bouche rencontrait de nouvelles gorges, des torses nouveaux, &agrave; mesure que ma bouche, ouverte maintenant, s&rsquo;attardait aux chattes soyeuses, sous les pins d&rsquo;une c&ocirc;te escarp&eacute;e en bordure de la mer, je descendais dans les eux profondes de Venise et parcourais les lieux secrets, couverts d&rsquo;une mousse &eacute;paisse, de la fin de son adolescence. Je parcourais la peau d&rsquo;un gar&ccedil;on d&rsquo;alors et les fesses caress&eacute;es dans la chaleur &eacute;touffante malgr&eacute; l&rsquo;ombre &eacute;paisse de l&rsquo;appartement aux volets clos. Apr&egrave;s, je fumais moi aussi contre lui. (p.81)</span></p> <p class="MsoNormal">Son propre pass&eacute; &ndash;qui n&rsquo;appara&icirc;t que par de furtives &eacute;vocations<a name="_ftnref" href="#_ftn1">[1]</a>, au contraire de celui de Venise d&eacute;crit avec force d&eacute;tails&ndash;, sa propre existence est ainsi augment&eacute;, &eacute;paissi par toutes ces myst&eacute;rieuses vies de Venise.&nbsp;</p> <p class="MsoNormal">Le myst&egrave;re auquel la narratrice tente d&rsquo;acc&eacute;der ne repose pas dans un au-del&agrave; de l&rsquo;exp&eacute;rience sensible ni dans une psych&eacute; insaisissable. Les sentiments et motivations de Venise ne sont jamais mis de l&rsquo;avant. Elle nous est r&eacute;v&eacute;l&eacute;e par ses actions et surtout par ses corps &agrave; corps, souvent brutaux, qui l&rsquo;unissent &agrave; la narratrice ou &agrave; ces amantes et amants qu&rsquo;elles partagent toutes les deux. La sexualit&eacute; appara&icirc;t ainsi dans le roman comme le lieu privil&eacute;gi&eacute; de r&eacute;v&eacute;lation de l&rsquo;&ecirc;tre, &agrave; travers une illustration souvent crue et spectaculaire &shy;&ndash;les sc&egrave;nes o&ugrave; des amants s&rsquo;offrent volontairement au regard d&rsquo;autrui sont nombreuses&shy;&ndash; et, pourtant, radicalement oppos&eacute;e &agrave; la pornographie. La sexualit&eacute;, omnipr&eacute;sente dans <em>Highwater</em>, restitue un voile d&eacute;sormais aboli par les repr&eacute;sentations m&eacute;canis&eacute;es de la pornographie, construite selon le principe que tout est montr&eacute; et qu&rsquo;il n&rsquo;y a rien d&rsquo;autre &agrave; d&eacute;couvrir que cet embo&icirc;tement d&rsquo;organes. Au contraire, dans le roman de Duhamel-Noyer, le moment o&ugrave; l&rsquo;on aper&ccedil;oit cet entrechoquement des sexes n&rsquo;est pas pr&eacute;sent&eacute; comme la fin mais plut&ocirc;t comme le d&eacute;but de la travers&eacute;e de diff&eacute;rentes strates d&rsquo;int&eacute;riorit&eacute;.</p> <p class="MsoNormal">Du reste, la narratrice se place en porte-&agrave;-faux de son &eacute;poque en prenant le parti de la dissimulation, comme elle le fait lors de la premi&egrave;re visite de Venise dans son studio, alors qu&rsquo;elle lui cache un martinet&nbsp;: &laquo;Je le cachais, parce que je gardais pour moi encore la prolif&eacute;ration des programmes qui se continuaient dans ma t&ecirc;te, et plus que tout de ces choses, je d&eacute;testais la sexualit&eacute; assum&eacute;e comme facteur d&rsquo;&eacute;panouissement.&raquo; (p. 142) Les esprits obtus s&rsquo;empresseront de d&eacute;noncer la contradiction apparente entre cette d&eacute;claration et l&rsquo;abondance de sc&egrave;nes sexuelles dans le roman. C&rsquo;est m&eacute;sestimer la conception de la litt&eacute;rature qui sous-tend l&rsquo;&oelig;uvre&nbsp;: celle d&rsquo;un espace qui, d&rsquo;un m&ecirc;me souffle, permet de divulguer et de pr&eacute;server le secret. La &laquo;sexualit&eacute; assum&eacute;e comme facteur d&rsquo;&eacute;panouissement&raquo; constitue, rappelons-le, l&rsquo;un des leitmotiv du mouvement <em>queer</em>. Pour &ecirc;tre accept&eacute;e l'homosexualit&eacute; a d&ucirc; s'exposer, &ecirc;tre fi&egrave;re d'elle-m&ecirc;me. La sexualit&eacute; fut revendiqu&eacute;e par les homosexuels comme un enjeu sur la sc&egrave;ne politique, ce qui les contraignit tous, dans un second temps, &agrave; souscrire &agrave; cette &eacute;quation entre la vie priv&eacute;e et la sph&egrave;re publique, et leur d&eacute;roba la possibilit&eacute; m&ecirc;me d&rsquo;une vie priv&eacute;e. La narratrice s&rsquo;oppose radicalement &agrave; cette &eacute;quation en exprimant un go&ucirc;t pour la clandestinit&eacute;, pour cette clandestinit&eacute; propre &agrave; l'amour, et un d&eacute;sir de myst&egrave;re dans un monde contemporain o&ugrave; la sc&egrave;ne priv&eacute;e tend &agrave; s&rsquo;&eacute;vanouir. Par ailleurs, nous rappelle ainsi la narratrice, l&rsquo;homosexualit&eacute;, en criant haut et fort son existence, a proclam&eacute; un &eacute;panouissement qui ne va pas de soi. L'homosexuel d&eacute;couvre le secret des chairs au m&ecirc;me titre que les autres; la femme ne conna&icirc;t pas d&rsquo;entr&eacute;e de jeu tous les secrets du sexe f&eacute;minin. Le contact avec une autre femme offre peut-&ecirc;tre la possibilit&eacute; d&rsquo;aller plus avant dans ce myst&egrave;re.</p> <p class="MsoNormal">Certaines sc&egrave;nes du roman sont particuli&egrave;rement port&eacute;es par l&rsquo;esprit de d&eacute;couverte qui caract&eacute;rise le rapport &agrave; la sexualit&eacute; de la narratrice, comme cette sc&egrave;ne o&ugrave; elle entrevoit les ombres &eacute;nigmatiques de corps en plein &eacute;bat:</p> <p class="MsoNormal rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">D&rsquo;o&ugrave; j&rsquo;&eacute;tais, je pouvais voir une silhouette enfoncer un membre bien d&eacute;coup&eacute; dans une autre silhouette et je m&rsquo;&eacute;tais approch&eacute;e davantage pour quitter le th&eacute;&acirc;tre d&rsquo;ombres et ses personnages h&eacute;raldiques fig&eacute;s comme des marionnettes trop stylis&eacute;es, pour retrouver plus de chair, m&ecirc;me si je ne voyais plus que des morceaux maintenant, agit&eacute;s de saccades, la peau moite, et puis un harnais qui tenait ce que j&rsquo;avais d&rsquo;abord pris pour un sexe gorg&eacute; de sang. (p. 22-23)&nbsp;</span></p> <p class="MsoNormal">Le trajet de la narratrice vers les acteurs de ce &laquo;th&eacute;&acirc;tre d&rsquo;ombres&raquo; est significatif du mouvement g&eacute;n&eacute;ral de confrontation directe &agrave; la chair, premier d&eacute;voilement<a name="note2" href="#note2b">[2]</a>&nbsp;qui appelle d&rsquo;autres myst&egrave;res qui ne seront pas r&eacute;solus. Les sc&egrave;nes sexuelles ont ainsi souvent l&rsquo;apparence d&rsquo;un rite et sont empreintes d&rsquo;un caract&egrave;re sacr&eacute;&nbsp;: &laquo;L&rsquo;amant du travesti s&rsquo;enduisait &agrave; pr&eacute;sent les mains de gel et pr&eacute;parait m&eacute;ticuleusement sa victime. Le fondement de sa victime.&raquo; (p. 98) Elles se distinguent radicalement de la pornographie en s&rsquo;inscrivant dans une logique de transgression &ndash;non en raison de leur caract&egrave;re marginal ou &laquo;d&eacute;viant&raquo;, mais plut&ocirc;t en raison de la brutalit&eacute; qui caract&eacute;rise la majorit&eacute; de ces sc&egrave;nes&nbsp;: &laquo;Pour discipliner ma g&ecirc;ne, je voulais que soit abolie toute tendresse.&raquo; (p. 137) L&rsquo;aspect brutal des actes d&eacute;peints s&rsquo;associe &agrave; la promesse de la d&eacute;couverte d&rsquo;une int&eacute;riorit&eacute; sup&eacute;rieure, dissimul&eacute;e sous cette violence.</p> <p class="MsoNormal"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>La mine abandonn&eacute;e</strong></span></p> <p class="MsoNormal">Au c&oelig;ur de cet univers peupl&eacute; de myst&egrave;res<a name="note3" href="#note3b">[3]</a>, de ce &laquo;r&eacute;gime des secrets qui r&eacute;gnait aux abords de Highwater&raquo; (p.16), un seul d&rsquo;entre eux engendre une entreprise de d&eacute;chiffrement&nbsp;: celui de l&rsquo;int&eacute;riorit&eacute; de Venise que la narratrice souhaite percer. En s&rsquo;attardant &agrave; elle, en l&rsquo;aimant, la narratrice s&rsquo;aper&ccedil;oit que quelque chose d&rsquo;elle lui &eacute;chappe. Voil&agrave; comment na&icirc;t le myst&egrave;re, non par une qualit&eacute; intrins&egrave;que d&rsquo;un objet, mais par l&rsquo;attention que lui porte un sujet. Venise est cet &ecirc;tre que la narratrice choisit puis tente par mille et un d&eacute;tours de saisir dans son enti&egrave;ret&eacute;. L&rsquo;excursion &agrave; Highwater, dernier lieu d&rsquo;une longue s&eacute;rie d&rsquo;endroits o&ugrave; se sont d&rsquo;abord crois&eacute;s leurs chemins puis o&ugrave; elles ont voyag&eacute; ensemble, constitue pour la narratrice le d&eacute;but d&rsquo;une compr&eacute;hension plus profonde de son amoureuse. La mine abandonn&eacute;e qu&rsquo;elle trouve l&agrave;-bas lui permet de se repr&eacute;senter enfin Venise telle qu&rsquo;elle s&rsquo;est r&eacute;v&eacute;l&eacute;e &agrave; elle. L&rsquo;image de la mine donne une mesure &agrave; l&rsquo;incommensurable qu&rsquo;est Venise, dont les vies semblent se multiplier &agrave; l&rsquo;infini comme les insectes de Highwater, et lui propose une technique pour l&rsquo;appr&eacute;hender.&nbsp; Le travail des mineurs devient un mod&egrave;le pour le travail de l&rsquo;&eacute;crivaine&nbsp;: &laquo;Je me suis rendu compte que des correspondances se sont trac&eacute;es entre mon monologue int&eacute;rieur et la mani&egrave;re dont s&rsquo;organise la myst&eacute;rieuse activit&eacute; humaine qui consiste &agrave; extraire des sols diverses mati&egrave;res min&eacute;rales.&raquo; (p. 10) Cette comparaison &eacute;loigne ces deux activit&eacute;s humaines de nos conceptions habituelles. Elle remet en question le caract&egrave;re faussement banal du travail du mineur et d&eacute;finit l&rsquo;activit&eacute; de l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;une mani&egrave;re concr&egrave;te&nbsp;: travailler la mati&egrave;re.&nbsp;</p> <p class="MsoNormal">&Agrave; travers cette analogie, la narratrice met &agrave; mal la figure mythique du po&egrave;te en se repr&eacute;sentant elle-m&ecirc;me comme un ouvrier dont la fonction est de creuser la mati&egrave;re pour extraire le secret des profondeurs du monde. Dans son roman, Duhamel-Noyer travaille la mati&egrave;re des corps. Le grand secret auquel elle s&rsquo;attaque est celui du sexe f&eacute;minin, des &laquo;chattes myst&eacute;rieusement profondes.&raquo; (p. 77) Elle &eacute;voque ces &laquo;femmes &agrave; la peau douce [qui] entrouvraient leurs cuisses chaudes sur des sexes secrets que l&rsquo;on voyait briller par endroits dans le noir de la nuit&raquo; (p. 84), elle d&eacute;crit tout au long du roman les formes et textures de ces sexes en insistant sur leur caract&egrave;re &eacute;nigmatique&nbsp;: &laquo;L&rsquo;int&eacute;rieur du sexe est gain&eacute; d&rsquo;une membrane magique, comme la bouche de Venise, qui s&rsquo;&eacute;tire sous la pouss&eacute;e de verges douces.&raquo; (p.26) C&rsquo;est donc en entrant dans les profondeurs de Venise qu&rsquo;elle pourra circonscrire les profondeurs de son &ecirc;tre et, du m&ecirc;me coup, saisir une parcelle du pr&eacute;sent&nbsp;: &laquo;Je caressais dans ma t&ecirc;te les cuisses de Venise, puis l&rsquo;int&eacute;rieur de ses cuisses, le sexe ouvert de Venise, puis doucement ferm&eacute; sur la pulsation anonyme du pr&eacute;sent.&raquo; (p. 100) Entreprise d&eacute;risoire, nous pr&eacute;vient d&rsquo;embl&eacute;e la narratrice, puisque &laquo;ni les semaines ni les jours ne se laissent circonscrire &agrave; un temps pr&eacute;sent.&raquo; (p.9)</p> <p class="MsoNormal">Par sa composition complexe, labyrinthique, souterraine, la mine ne constitue pas seulement une image de Venise, mais aussi une image du temps et de l&rsquo;espace &agrave; l&rsquo;aide de laquelle elle parvient &agrave; construire son r&eacute;cit&nbsp;:</p> <p class="MsoNormal rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">J&rsquo;ai peine &agrave; d&eacute;crire l&rsquo;espace dans lequel se meuvent les souvenirs, le labyrinthe int&eacute;rieur o&ugrave; courent mille galeries, les passerelles tordues par la m&eacute;moire et encore, les couloirs oscillant, les corridors effondr&eacute;s, les salles disparues, j&rsquo;ai peine &agrave; le faire avec ce mat&eacute;riau mis&eacute;rable qu&rsquo;est la m&eacute;taphore. Je tentais de mettre un peu d&rsquo;ordre dans l&rsquo;invisible de ma t&ecirc;te qui, nuit et jour, m&rsquo;absorbait. (p. 49)</span></p> <p class="MsoNormal">Si elle ne peut que se perdre dans ce &laquo;labyrinthe int&eacute;rieur&raquo;, qui est celui de la m&eacute;moire, elle parvient quand m&ecirc;me &agrave; en d&eacute;finir un trac&eacute; &agrave; partir duquel s&rsquo;organise le texte. La mine structure le roman, qui s&rsquo;ouvre sur un sch&eacute;ma de celle-ci et intitule ses chapitres selon ses parties&nbsp;: apr&egrave;s &ecirc;tre demeur&eacute; &agrave; la surface de la mine (&laquo;Chevalement 01&raquo;, &laquo;Chevalement 02&raquo;, &laquo;Poulies&raquo;, &laquo;Crassier&raquo;), on op&egrave;re un mouvement de plong&eacute;e vers les galeries (&laquo;Travers blanc 01&raquo;, &laquo;Skip&raquo;, &laquo;Morts-terrains&raquo;, &laquo;Galerie 01&raquo;, etc), puis de remont&eacute;e par la cage d&rsquo;extraction (&laquo;C&acirc;bles et poulies&raquo;, &laquo;Cage d&rsquo;extraction&raquo;), avant de revenir &agrave; la surface (&laquo;Carreau&raquo;). Bien que cet agencement soit tr&egrave;s ordonn&eacute;, le r&eacute;cit ne se d&eacute;ploie pas selon une trajectoire aussi d&eacute;termin&eacute;e. Il serait d&rsquo;ailleurs difficile d&rsquo;&eacute;tablir un lien clair entre le titre des chapitres et leur contenu. S&rsquo;il existe, il rel&egrave;ve d&rsquo;un code secret de l&rsquo;auteure, &agrave; jamais inaccessible &agrave; ses lecteurs avec lesquels elle n&rsquo;essaie pas de cr&eacute;er une connivence en leur proposant une &eacute;nigme &agrave; r&eacute;soudre. Le lecteur se rive &agrave; l&rsquo;impossibilit&eacute; de percer tous les secrets.</p> <p class="MsoNormal"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Une transmission imparfaite</strong></span></p> <p class="MsoNormal">Le lecteur est, de plus, soumis &agrave; la lecture imparfaite de Venise que fait la narratrice, aux prises avec ses pr&eacute;tendues carences interpr&eacute;tatives&nbsp;: &laquo;Tout se donne comme un hi&eacute;roglyphe ind&eacute;chiffrable et qui ruine mes maigres facult&eacute;s d&rsquo;interpr&eacute;tation.&raquo; (p. 59) Sans compter qu&rsquo;&agrave; celles-ci s&rsquo;ajoutent ses pr&eacute;sum&eacute;es lacunes de narratrice&nbsp;: &laquo;[la perception temporelle] se d&eacute;ployait suivant un ordre trop complexe pour moi.&raquo; (p. 33) Comble de malheur pour le lecteur, les mots lui manquent parfois pour d&eacute;crire certains &eacute;l&eacute;ments de la r&eacute;alit&eacute;, nous admet-elle humblement&nbsp;: &laquo;Je ne connais pas le nom de ces insectes non plus qui bourdonnent depuis la tomb&eacute;e de la nuit.&raquo; (p. 35), &laquo;J&rsquo;avais peine &agrave; me rappeler le nom de ce grand h&ocirc;tel moderne du bord de mer qui compte une vingtaine d&rsquo;&eacute;tages et dont les &eacute;tages ressemblent &agrave; des labyrinthes hi-tech.&raquo; (p. 25) Nous devons donc nous rendre &agrave; l&rsquo;&eacute;vidence&nbsp;: au c&oelig;ur de <em>Highwater</em>, la transmission de l&rsquo;exp&eacute;rience sera vou&eacute;e &agrave; l&rsquo;imperfection. L&rsquo;exp&eacute;rience n&rsquo;a, du reste, pas besoin d&rsquo;exactitude. La transmission de l&rsquo;exp&eacute;rience r&eacute;ussit lorsqu&rsquo;elle prend acte des failles de celle-ci. Ce que la narratrice entreprend dans <em>Highwater</em>, c&rsquo;est de nous transmettre l&rsquo;exp&eacute;rience du myst&egrave;re, qui n&rsquo;est rien d&rsquo;autre qu&rsquo;une forme d&rsquo;exp&eacute;rience du monde.</p> <p class="MsoFootnoteText"><a name="_ftn1" href="#_ftnref"><strong>1</strong></a>&nbsp;&laquo;On m&rsquo;appelait Madame, m&ecirc;me tr&egrave;s jeune.&raquo; (p.32), &laquo;[&hellip;] j&rsquo;&eacute;tais une jeune femme de 17 ans, seule dans Paris le jour et la nuit, et les gar&ccedil;ons et les hommes surtout m&rsquo;accostaient, et les femmes aussi, certaines croyant que j&rsquo;&eacute;tais un gar&ccedil;on puisque j&rsquo;avais l&rsquo;air autant d&rsquo;un gar&ccedil;on que d&rsquo;une fille&raquo; (p. 134)</p> <p class="MsoFootnoteText"><strong><a name="note2b" href="#note2">2</a>&nbsp;</strong>La sexualit&eacute; est explicitement plac&eacute;e par la narratrice sous le signe de cette succession de voiles: &laquo;Il me semblait que le fonctionnement v&eacute;ritable de l&rsquo;orgasme &eacute;tait ici d&eacute;voil&eacute;&nbsp;: c&rsquo;&eacute;tait une succession de paravents voilant l&rsquo;infini.&raquo; (p. 47)</p> <p class="MsoFootnoteText"><strong><a name="note3b" href="#note3">3</a></strong> Tout au long du roman, divers objets sont marqu&eacute;s du sceau du secret, parmi ceux-ci&nbsp;: &laquo;le paysage secret&raquo; (p. 21), &laquo;le secret des bo&icirc;tes&raquo; (p, 105), &laquo;la villa secr&egrave;te&raquo; (p. 127), etc.</p> <p>&nbsp;</p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-regime-des-secrets#comments DUHAMEL-NOYER, Olga Expérience Mystère Québec Relations humaines Représentation de la sexualité Représentation du corps Roman Fri, 28 Aug 2009 15:12:00 +0000 Julie Boulanger 155 at http://salondouble.contemporain.info