Salon double - Altérité http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/278/0 fr La perversion, variations mineures et tableaux grandeur nature http://salondouble.contemporain.info/lecture/la-perversion-variations-mineures-et-tableaux-grandeur-nature <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/herve-martin">Hervé, Martin</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/variations-endogenes">Variations endogènes</a> </div> <div class="field-item even"> <a href="/biblio/lenfer-en-bouteille">L&#039;Enfer en bouteille</a> </div> </div> </div> <p>Des corps déchiquetés, des corps suicidés, malades, violés, farandole de corps désarticulés, abattus par les soubresauts de l’excès ou de la démence, corps scotchés ou corps <em>sadisisés</em>: la gesticulation charnelle et macabre à laquelle invite le nouveau livre de Karoline Georges, <em>Variations endogènes</em>, affiche indéniablement un goût pour l’outrance. Outrance que l’auteure injecte en intraveineuses aux personnages traversant les nouvelles de son recueil apparenté à un «cabinet des perversités». Ces monstres du quotidien, individus non pas éperdument abjects mais tranquillement repoussants, tiennent-ils les promesses du programme énoncé par l’écrivaine ou bien se cantonnent-ils à ne susciter que malaise et aversion?</p> <p><!--break--><!--break--></p> <p><span style="font-family: Arial; color: rgb(35, 35, 35);">Certes, la poubelle de l’âme humaine s’hume ici à pages ouvertes.&nbsp;</span><span style="font-family: Helvetica;">Certes, la poubelle de l’âme humaine s’hume ici à pages ouvertes. On y renifle à pleins poumons les fumets sordides d’une mère accueillant sur son lit de mort sa fille vengeresse et fratricide, ceux d’une épouse qui se repaît du calme retrouvé auprès du cadavre refroidi de son poitrinaire de mari, ou encore, les remugles rejetés par des enfants aguichant des pédophiles pas franchement finauds pour mieux les détrousser.</span>&nbsp;Sensations glaçantes et dégoût assurés. Karoline Georges maîtrise son sujet avec brio, elle mène ses récits tambour battant. N’est pas finaliste au prix des libraires du Québec 2012 le premier écrivaillon venu (pour son récit <em>Sous bêton</em>, paru lui-aussi chez Alto). Les chutes surgissent ici à point nommé, plongeant le lecteur dans un effroi que les pages précédentes avaient tâché d’attiser. Pourtant, le procédé, tout rôdé qu’il soit, finit par (s’)épuiser, la machine s’enroue à force de répétitions et l’on se prend à devancer les combines d’écriture de l’auteure qui s’évertue sans cesse à mieux nous troubler. Reconnaissons toutefois que certains textes du recueil ressortent du lot, tel ce délire kafkaïen et résolument à part qu’est le «&nbsp;Lieu&nbsp;». Des projets d’agrandissement et de rénovation d’une maison conduisent un couple d’amoureux acheteurs à plonger toujours plus loin dans l’angoisse, car la ruine se dévoile au fur et à mesure que les travaux percent toujours plus loin le corps de granit de la bâtisse, alourdissant tant la facture que la belle passion. L’effondrement est un créancier insatiable.</p> <p>Le style de Karoline Georges n’est pas en reste, se montrant tant alerte que polymorphe, capable de tirer de ses circonvolutions toute une gamme d’émotions et de descriptions percutantes. Nonobstant tous ces bons points, le lecteur l’aura compris, la <em>sauce perverse</em> ne prend pas. La faute sans doute au traitement qu’en fait l’auteure – flirtant par certains moments avec un angélisme douteux – et sans doute aussi, à l’architecture même de ses récits indépendants. Catalogue des rêves les plus noirs, les <em>Variations endogènes</em> ne parviennent pas à éveiller le lecteur à la démesure renversante de la scène de la perversion, à ce manège d’illusions, de mensonges et de faux-semblants où autrui n’est promis qu’à la destinée d’objet. Si Karoline Georges retient le gras de la perversion, ses aberrations et déviances sexuelles, ses tueries réelles ou fantasmées et son cynisme, elle en oublie la substantifique moelle : l’art du déni, sublime grâce du sujet pervers, et sa volonté subversive qui n’a jamais totalement fait une croix sur l’Autre.</p> <p>Au lecteur assez tordu pour désirer contempler l’abîme pervers, nous ne pouvons que recommander la spirale cauchemardesque du <em>Rêve québécois</em> de Victor-Lévy Beaulieu, paru pour la première fois en 1972 et dont le pouvoir d’abjection ne s’est toujours pas effrité. Plus récemment, la publication de <em>l’Enfer en bouteille</em> présente aux plus téméraires une mise en images de fantasmes grouillants par le maître du manga horrifique japonais et de l’<em>ero guro</em>, Suehiro Maruo. Si les histoires compilées dans ces mangas pêchent souvent par leur légèreté narrative, force est de constater qu’elles sont le terreau privilégiée pour une moisson visuelle de délires pétris de ténèbres que le style du maître sublime. Sous ses doigts, c’est la nature même qui conspire à rapprocher indiciblement les corps d’un frère et d’une sœur prisonniers d’une île déserte et d’une passion grandissant sous l’œil borgne d’un Dieu de rocailles et d’embruns. Insectes, serpents, fleurs aux pistils menaçants et pieuvres déployées, un essaim de créatures, doucement, s’avance et envahit la page pour mieux manifester le désir étreignant les adolescents, autrefois enfants aimables élevés dans la foi catholique, mais dont le retour à l’état de nature et la puberté annoncent la montée des eaux sauvages. Incontestablement, le texte qui donne son titre au recueil en est le joyau.</p> <p>Même si elles sont plus secondaires, il ne faut toutefois pas négliger les variations japonisantes autour de la tentation de Saint-Antoine ou le récit de la concupiscence ordinaire rehaussé par le motif quasi fétichiste de la rondeur – rondeur du crâne chauve d’un masseur ô combien vénal, rondeur du miroir ou du trou par lequel on épie et convoite son voisin, rondeur des gâteaux de riz que l’on avale jusqu’à l’étouffement… L’imaginaire a ici ses quartiers, et chacun des personnages délicatement tracés par Maruo ne paraît pouvoir échapper à son emprise aliénante. La jouissance, elle, demeure marquée du sceau de l’<em>im-monde</em>, de l’hors-monde. Au lieu de s’abandonner au plaisir, on divague et vagabonde dans des rêves de liberté, de richesse et de transgression. Le royaume pervers n’est jamais vraiment à notre portée, mais il a ses enclaves bien gardées que nous serions bien en peine de reconnaître, sises à l’ombre des monts de notre conscience éclairée. Ainsi, plus que des histoires de pervers, Maruo propose une série de tableaux <em>pervertis</em> où l’imaginaire totalitaire et saturé de fantasmes trouve un écrin des plus réussis. Si, suivant Freud, la perversion s’ancre à l’orée de la sexualité, il y a tout lieu de penser que ce qui se trame sous&nbsp;<span style="color: rgb(0, 0, 0); font-family: Helvetica;">les yeux du lecteur médusé trouve quelques reflets dans l'arrière-fond de ses prunelles</span>. Pour son plus grand désarroi? Qui sait, il suffit de tourner la page et de jeter son regard par le trou ainsi dévoilé...</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/la-perversion-variations-mineures-et-tableaux-grandeur-nature#comments Altérité GEORGES, Karoline Japon MARUO, Suehiro Perversion Psychanalyse Québec Bande dessinée Nouvelles Wed, 08 Oct 2014 14:08:13 +0000 866 at http://salondouble.contemporain.info Freak Show http://salondouble.contemporain.info/article/freak-show <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/beaulieu-guillaume">Beaulieu, Guillaume </a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-label">Référence bibliographique:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/like-a-velvet-glove-cast-in-iron">Like a Velvet Glove Cast in Iron</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/daniel-clowes">Daniel Clowes</a> </div> </div> </div> <p>Le corps pose problème. Il naît, grandit, fait défaut, est amputé, meurt, se décompose… Le corps est ce qui fuit. Il s’enfuit à l’impératif de dire, d’écrire, de parler et de rencontrer. C’est avant toute chose un ensemble organique en souffrance, dans le manque comme dans la douleur. Face à une corporalité maladive, handicapée voir symptomatique, peut-on y entendre l’agonie d’une société qui se meurt en écho? Des regards se posent et questionnent. Une parole en quête de sens émerge. La représentation du corps dans<em> Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> de Daniel Clowes est problématique. Cette bande dessinée présente un corps étranger, transformé, en mutation, s’ouvrant sur un regard qui renvoie à un malaise.</p> <p><em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> illustre un récit sans queue ni tête qui se termine littéralement en queue de poisson. L’histoire débute au moment où Clay, le protagoniste principal, entre dans un cinéma érotique et s’étonne, voire s’alarme, de constater que l’actrice du film qu’il y visionne est son ex-femme. Sous le choc, il part à la recherche de la maison de production qui emploie sa femme. Un ami l’aide à regret en lui prêtant sa voiture. Sur la route, il est battu et détenu par des policiers. Clay se retrouve sans voiture à errer entre ses rêves et des lieux insolites. Il rencontre un amalgame étonnant de gens étranges qui l’aideront ou lui nuiront dans sa quête, allant même jusqu’à causer son démembrement à la fin. Un récit enchâssé met en scène une scénariste et un réalisateur de films gores aux prétentions de cinéma d’auteur. Bien contre lui, Clay&nbsp; se retrouve embarqué dans un de leur film qui met en scène la mort de sa femme. La pornographie est l’élément déclencheur du récit et elle participe également à son dénouement. &nbsp;</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove001.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 25"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove001.jpg" alt="38" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 25" width="580" height="296" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 25</span></span></span></p> <p>Au cours de sa quête, Clay est happé par différentes mésaventures. Dès le début de son parcours, il est arrêté brusquement par l’intervention brutale de policiers aux méthodes douteuses. Les agents corrompus, en plus de le battre et de graver au scalpel sur son talon un dessin représentant un « Mister Jones » (une sorte d’entité des eaux), violent une prostituée à trois yeux. Le corps de Clay est marqué et celui de la prostituée est violé. Ces éléments renvoient à une commercialisation, à une possession (on peut relier la marque sur le talon au marquage du bétail) et à une consommation maladive des corps (par le viol et la pornographie). Ces gestes témoignent non seulement d’une cruauté, mais aussi d’une volonté d’inscrire le corps dans une perspective d’inadéquation avec le réel. Comme si le corps n’appartenait plus à celui qui l’habite, mais bien à celui qui le regarde ou qui le prend. Cette consommation des corps se voit sous plusieurs aspects dans l’œuvre de Clowes. Notamment, les films pornographiques sont soumis à des critiques qui félicitent le réalisateur pour ses nouveaux exploits enregistrés sur pellicule. Cinéaste qui, dès les premières planches, est considéré par un malade par Clay. Par ailleurs, le titre du film est le même que celui de la bande dessinée. Les personnages du réalisateur et du bédéiste se confondent, nous y voyons une sorte d’autocritique et de dérision de la part de Daniel Clowes. Plus encore, ce dernier informe le lecteur que ce qu’il tient entre ses mains, ces images mettant scène viole, meurtre et violence, il en est le seul réalisateur.&nbsp;&nbsp; &nbsp;</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove002.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 51"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove002.jpg" alt="39" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 51" width="580" height="291" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 51</span></span></span></p> <p>D’autres occurrences dans <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> présente un corps déraillant ou mutant&nbsp;: L’ami de Clay a des crevettes dans les yeux, la serveuse du restaurant est une femme poisson, Clay voit, dans un rêve, une femme avec une queue en pointe de cœur, un tenant de commerce a un nez en forme de tige, un chien n’a pas d’orifice et, à la fin de la bande dessinée, Clay est estropié de tous ses membres par un homme drogué à la testostérone. Ces occurrences, bien qu’elles soient sorties de leur contexte d’énonciation, dénotent tout de même la volonté de Clowes d’inscrire sa bande dessinée dans une perspective d’une représentation des corps problématique. C’est un «freak show» à la hauteur du film de Tod Browning, <em>Freaks <a name="renvoi1"></a></em><a href="#note2">[1]</a>, que ce bédéiste façonne. <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em>, présente deux types de «freak». Le premier est d’ordre psychologique et s’encre à l’intérieur de perversion sexuelle, comme le spectateur du film «Darling Baby Love», film qui se rapproche d’une production pornographique juvénile. Le second cas est physique et s’arrime à une représentation fictionnelle du corps humain en mutation ou infesté par un corps étranger. Tandis que <em>Freaks</em> met en scène des «freaks», dans sa définition la plus péjorative (littéralement monstre), qui incarnent leur propre rôle, à savoir un lilliputien, un homme-tronc, etc. Tout comme dans l’œuvre de Browning, les vrais monstres dans cette bande dessinée, ce ne sont pas Tina ou la femme aux trois yeux, mais bien les clients du restaurant, les policiers et les spectateurs des films d’un hétéroclite réalisateur.</p> <p><strong>Le Marquis à l’ère du 3.0</strong></p> <p>Daniel Clowes exploite un élément controversé de la culture populaire en représentant une scénariste et un réalisateur de «<em>snuff movie</em>». <a name="renvoi2"></a><a href="#note2">[2]</a> Lorsque Clay entre dans une salle de cinéma «underground», il y voit son ancienne femme tenant la vedette du film «Barbara Allen». Celle-ci a une relation sexuelle avec un étudiant, après quoi celui-ci la tue. Le film se termine sur deux hommes masqués qui la jettent dans une fosse. Clay participera aussi à ce film, mais involontairement. Après avoir déposé une rose sur la tombe de sa défunte femme, il est surpris par l’homme qui cherchait à l’exécuter. Le réalisateur, là par hasard, saisit l’occasion au vol et film le démembrement de Clay. L’utilisation de ce type particulier de cinéma par Daniel Clowes renvoie à une dégénérescence de la production qui trouve par le biais du «snuff» une manière d’accéder à un type de cinéma artistique inédit qui se trouve même un public admiratif qui en redemande. Ce n’est plus de la fiction, mais cela se présente comme tel. On peut prétendre que, dans l’univers de <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em>, il n’y a pas de limite, de barrière, de garde-fou aux personnages. Nous entrons dans un délire pas si délirant que cela en actualisant l’œuvre de Clowes à la réalité présente du Web. Celle qui a éclaté carrément les limites des fantasmes et des perversions, les rendant réels et palpables avec un potentiel de production le plus minimaliste (webcam, ordinateur, connexion Internet) et avec une possibilité de consommation encore plus simple. D’un côté, nous voyons que le public de ce gore extrême est important, mais de l’autre, qui est de loin le plus intéressant, est celui qui permet de s’interroger sur cette désacralisation de la mort et de la souffrance des corps.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove004.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 139"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove004.jpg" alt="40" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 139" width="494" height="805" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 139</span></span></span></p> <p>Récemment, le film <em>A Serbian Film</em> de Srđan Spasojević fit scandale, on y représentait une production malsaine de «<em>snuff movie</em> » incluant des jeunes enfants. Le film se présente d’emblée comme une fiction dans lequel un acteur porno à la retraite et un peu à court financièrement reprend du service sans savoir pour qui il s’engage vraiment.&nbsp;L’acteur, sous l’effet de stimulant sexuel pour taureau, commettra des scènes d’une violence inouïe, même pour une fiction. Selon Spasojević, la violence extrême que mettait en scène son film était le reflet de celle qui fit ravage lors du conflit de la Bosnie-Herzégovine. <a name="renvoi3"></a><a href="#note3">[3]</a> Spasojević part de la bestialité éprouvée par une réalité de temps guerre pour présenter une guerre de corps qui affrontent carrément le spectateur dans le confort de ses croyances en une humanité. L’acteur n’a plus le contrôle sur lui-même, il est drogué à son insu et il ne peut faire autrement que d’exécuter les ordres qu’il reçoit du réalisateur sadique. On ne peut s’empêcher de faire l’analogie avec le soldat. L’œuvre de Clowes, quant à elle, présente une jungle urbaine <em>harum-scarum</em> dont la sexualité et la cruauté déroutante en sont le symptôme. Le <em>snuff movie</em> prend même la place d’une sorte de cinéma d’auteur, où la principale esthétique est celle des corps qui se trucident. Par ailleurs, <em>A Serbian Film</em> et <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> développent tous deux le personnage «réalisateur» au pouvoir quasi divin, c’est-à-dire de vie ou de mort sur ceux qu’ils mettent en scène.</p> <p>Daniel Clowes exploite plusieurs formes de violence dans sa bande dessinée. Une scène en particulier exprime la problématique de la représentation des corps s’inscrivant dans une perversion sans nom.&nbsp; Le protagoniste Clay, en cherchant le film qui met en vedette son ex-femme, arrive à une salle où est projeté «Darling Baby Love». Ce film montre deux bambins habillés en Monsieur et en Madame, plaqués l’un à l’autre par des bâtons. Ils sont forcés, pour ainsi dire, à s’embrasser étant donné leur inaptitude à comprendre le langage qu’on leur adresse. Déjà, du haut de leurs quelques mois, contraints à être manipulés comme des marionnettes et à répondre à des fantasmes qui les dépassent. Cette violence faite aux corps, dans la bande dessinée de Clowes, témoigne véritablement d’un malaise face aux contradictions qui émanent de la société dans laquelle <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> a vu le jour. Le <em>snuff movie</em> serait peut-être une forme d’archétype répondant à une forte pulsion de mort qui trouve, dans la bande dessinée de Clowes, l’espace parfait pour sa représentation. D’une certaine manière, Daniel Clowes, en surreprésentant le corps, vient l’inscrire dans une problématique sociétale, mais aussi littéraire, à l’intérieur d’un récit en image.</p> <p><strong>Le désir à néant</strong></p> <p>Ce qui est frappant dans <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> c’est qu’on ne sait d’où viennent les mutations. On sait que le «Mister Jones» y est lié, mais sans plus. Nous postulerons que les inscriptions, les marques, les mutations sur les corps témoignent d’une faille, d’un sentiment de vide, d’un aspect non représentable du corps humain qui propulse les protagonistes dans leur condition de marginal ou de solitaire désabusé. Dans un même ordre d’idée, après que Clay soit tombé inconscient suite à son passage à tabac par les policiers, il rêve (on le remarque par l’irrégularité des lignes qui bordent les cases,) et se voit couché sur son lit. La première case du rêve montre un petit bibelot que Clay semble regarder (on ne voit pas son visage) une main sur le sexe. Cette petite figurine rappelle la Vénus de Willendorf, quoique le visage de celle-ci soit habituellement caché. La case suivante montre ce dernier en train de regarder des photos pornographiques. Cette représentation des corps expose deux canons de beauté totalement différents. La première case présente une femme obèse symbolisant la fertilité et la vie, la seconde case exhibe des femmes aguichantes présentées par des titres aussi éloquents que «Slutty Garbage» ou encore «Shaved and oiled secretaries». Ceci témoigne de la volonté de Daniel Clowes de situer son protagoniste principal dans une réalité en distorsion par la juxtaposition des corps qui s’opposent.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove003.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 110"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove003.jpg" alt="41" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 110" width="522" height="810" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 110</span></span></span></p> <p>En représentant un corps souffrant, violé, mutant ou à l’article de la mort, l’auteur porte un regard en abyme par le biais de son alter ego qu’il insère à l’intérieur de son œuvre (le réalisateur des <em>snuff movies</em>). Comme si d’une certaine manière les corps en souffrance agissaient en miroir, reflétant les maux dont les structures, les institutions et les individus sont atteints. Ce rapport malaisé aux corps, dans l’œuvre de Clowes, témoigne d’autant plus de sujets laissés pour compte dans leur désir de parvenir à se saisir de l’objet de leur fantasme. Le langage subversif dans le texte et les images de <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> permet à cette beauté froide d’éclore, empêchant au lecteur, pris au corps par le corps de l’œuvre, de la refermer sur elle-même. Nous sommes témoins et voyeurs impuissants, tout comme les protagonistes, des obsessions de ce bédéiste qui s’encrent toujours déjà d’une réalité témoin, elle aussi, d’un réel en souffrance et d’une perte de sens du côté du lecteur.&nbsp;&nbsp;</p> <p><em>Les </em><em>directeurs du dossier</em><em> tiennent à remercier chaleureusement Alvin Buenaventura, agent de Daniel Clowes, qui leur a accordé une autorisation de reproduction d'extraits des oeuvres de ce dernier.</em></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p>BROWNING, Tod, <em>Freaks</em>, Metro-Goldwym Mayor, 1932</p> <p>CLOWES, Daniel,<em> Like a Velvet Glove Cast in Iron</em>, Seattle, Fantagraphics, 1993.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a name="note1"></a><a href="#renvoi1">[1]</a> Long Métrage de Tod Browning sorti en 1932. Met en scène un cirque composé de monstres de foire. Hans, lilliputien, reçoit un héritage et un complot malsain s’élabore pour le lui substituer.</p> <p><a name="note2"></a><a href="#renvoi2">[2] </a>« Le&nbsp;snuff movie&nbsp;(ou&nbsp;snuff film) est un&nbsp;film, généralement&nbsp;pornographique, qui met en scène la&nbsp;torture&nbsp;et le&nbsp;meurtre&nbsp;d'une ou plusieurs personnes. Dans ces films clandestins, la victime est censée ne pas être un&nbsp;acteur,&nbsp;mais une personne véritablement assassinée. » Source : « Snuff Movie », dans<em> Wikipédia</em>, en ligne: <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Snuff_movie">http://fr.wikipedia.org/wiki/Snuff_movie</a> [consulté le 10 décembre 2011]</p> <p><a name="note3"></a><a href="#renvoi3">[3]</a> Je paraphrase ici les propos du réalisateur Srđan Spasojević recueillis lors de la première Canadienne du film <em>A Serbian Film </em>présenté lors du festival Fantasia à l’été&nbsp;2010.</p> Aliénation Altérité Cinéma CLOWES, Daniel Crime États-Unis d'Amérique Mort Obscénité et perversion Pornographie Pouvoir et domination Représentation de la sexualité Représentation du corps Société du spectacle Tabous Violence Bande dessinée Thu, 12 Jul 2012 19:55:06 +0000 Guillaume Beaulieu 545 at http://salondouble.contemporain.info Les mélancomiques http://salondouble.contemporain.info/antichambre/les-m-lancomiques <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/joubert-lucie">Joubert, Lucie</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-text field-field-soustitre"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> ou pourquoi les femmes en littérature ne font pas souvent rire </div> </div> </div> <div class="field field-type-filefield field-field-podcast"> <div class="field-label">Podcast:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <embed height="15" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/luciejoubertmars2012 - copie.mp3" autostart="false"></embed> </div> </div> </div> <div class="field field-type-filefield field-field-image"> <div class="field-label">Image:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <div class="filefield-file"><img class="filefield-icon field-icon-image-jpeg" alt="icône image/jpeg" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/all/modules/contrib/filefield/icons/image-x-generic.png" /><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/lucie_joubert_web_3.jpg" type="image/jpeg; length=136302">lucie_joubert_web.jpg</a></div> </div> </div> </div> <p style="text-align: justify; ">On a beaucoup glosé sur la quasi-absence des femmes humoristes sur les scènes québécoises et françaises. Si la situation évolue depuis quelques années, la question reste toujours d’actualité quand on se tourne vers le texte littéraire. Où sont les auteures comiques? La difficulté à nommer ne serait-ce que quelques noms ou titres de roman comme exemples atteste une apparente et trompeuse rareté du rire féminin. Certes, les auteures qui font œuvre d’humour et d’esprit existent mais elles demeurent (elles et leurs textes) méconnues. Une des raisons qui expliquent ce malentendu se trouve du côté de la <em>nature</em> de l’humour qu’elles mettent de l’avant. En effet, l’esprit féminin puise partiellement, mais souvent, sa source dans une mélancolie née d’une expérience des déterminismes de la condition des femmes: la difficulté à se définir en tant que sujet social, la constatation d’une impuissance à changer le cours des choses, la conscience d’exprimer un point de vue qui ne touchera que la partie congrue d’un public tourné vers les «vraies affaires»</p> <p style="text-align: justify; ">Dans une telle optique, les femmes, en fines observatrices des travers de la société, font preuve d’un humour qui suscite un rire de connivence quelquefois un peu triste, loin des grands éclats en tout cas, mais qui revendique, dans sa lucidité même, la possibilité de changer la défaite en victoire par l’esprit, fût-il marqué par la mélancolie. Cette conférence se veut donc une invitation à relire ou découvrir des auteures comme, entre autres, Benoîte Groult, Christiane Rochefort, Amélie Nothomb, Monique Proulx, Hélène Monette, Marie-Renée Lavoie et Suzanne Myre.</p> <div id="myEventWatcherDiv" style="display:none;">&nbsp;</div> <div id="myEventWatcherDiv" style="display:none;">&nbsp;</div> http://salondouble.contemporain.info/antichambre/les-m-lancomiques#comments Absurde Adultère Aliénation ALLARD, Caroline Altérité Arts de la scène Arts de la scène Autodénigrement Autodérision BADOURI, Rachid BALZANO, Flora BARBERY, Muriel Belgique BEN YOUSSEF, Nabila BESSARD-BLANQUY, Olivier BISMUTH, Nadine BLAIS, Marie-Claire BOOTH, Wayne BOSCO, Monique BOUCHER, Denise Canada CARON, Julie CARON, Sophie Chick litt. / Littérature aigre-douce Condition féminine Conditionnements sociaux Culture populaire CYR, Maryvonne Désillusion Déterminismes Deuil DEVOS, Raymond Dialectisme hommes/femmes DION, Lise DIOUF, Boucar Discrimination Divertissement Études culturelles FARGE, Arlette Féminisme Féminité Femme-objet FEY, Tina France FRÉCHETTE, Carole Freud GAUTHIER, Cathy Genres sexuels GERMAIN, Raphaëlle GIRARD, Marie-Claude GROULT, Benoîte GROULT, Flora Histoire Humour Humour Humour littéraire Identité Improvisation Improvisation Industrie de l'humour Institution Ironie JACOB, Suzanne LAMARRE, Chantal LAMBOTTE, Marie-Claude LARUE, Monique LAVOIE, Marie-Renée LEBLANC, Louise Les Folles Alliées Les Moquettes Coquettes Littérature migrante Marchandisation Maternité Mélancolie MÉNARD, Isabelle MERCIER, Claudine MEUNIER, Claude et Louis SAÏA MONETTE, Hélène MPAMBARA, Michel MYRE, Suzanne NOTHOMB, Amélie OUELLETTE, Émilie Parodie Pastiche PEDNEAULT, Hélène Platon Pouvoir et domination PROULX, Monique Psychanalyse Psychologie Québec Représentation du corps Rire ROBIN, Régine ROCHEFORT, Christiane ROY, Gabrielle Satire Scatologie SCHIESARI, Juliana Séduction SMITH, Caroline Société de consommation Société du spectacle Sociologie Stand up comique Stand up comique STEINER, George Stéréotypes STORA-SANDOR, Judith Télévision Théâtre Théorie du discours Théories de la lecture TOURIGNY, Sylvie Tristesse VAILLANT, Alain VIGNEAULT, Guillaume Viol Violence Roman Théâtre Fri, 09 Mar 2012 14:12:02 +0000 Lucie Joubert 471 at http://salondouble.contemporain.info