Salon double - Flux http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/295/0 fr Une littérature qui ne se possède pas http://salondouble.contemporain.info/antichambre/une-litt-rature-qui-ne-se-poss-de-pas <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/paquet-amelie">Paquet, Amélie </a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-text field-field-soustitre"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> Réflexions sur le blogue littéraire </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Hackers create the possibility of new things entering the world. Not always great things, or even good things, but new things.<br />McKenzie Wark,<em> A Hacker Manifesto</em></span><br /><br />Le 8 mai dernier, j’étais présente à une consultation du Conseil des arts et des lettres du Québec à la Grande bibliothèque de Montréal qui avait lieu en parallèle avec le Forum sur la création littéraire. Cette consultation était une première étape en vue de formuler des propositions qui seront remises à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine St-Pierre, afin d’aider le milieu littéraire à s’ajuster aux nouvelles technologies. Des gens différents étaient conviés à cette rencontre : des éditeurs, des universitaires, des écrivains, des poètes performeurs et hypermédiatiques, des directeurs de revues culturelles, etc. J’étais invitée à cet événement pour faire entendre le point de vue des blogueurs littéraires. L’invitation était étonnante au premier abord, puisqu’elle suppose que le blogue littéraire serait désormais reconnu par les institutions culturelles, ce qui n’est pas encore tout à fait vrai même s’il y a une certaine avancée de côté. L’invitation me gênait aussi; si je l’acceptais, cela voulait dire que je me sentais d’une certaine manière capable de représenter les blogueurs, ce qui n’est pas le cas. Si ma pratique du blogue, qui a commencé en 2002 sur la plateforme Livejournal<a name="renvoi1"></a><strong><a href="#note1"><strong>[1]</strong></a></strong>, est restée en marge du milieu, je peux toutefois dire que je suis une grande lectrice de blogues. À mes yeux, cette position de lectrice me conférait donc une pertinence. Les blogueurs ne me connaissent pas nécessairement, mais moi, je les connais bien. J’aime même plusieurs blogueurs que je lis depuis de nombreuses années sans que ceux-ci n’en savent rien.<br /><br />Bien des idées concernant l’avenir de la littérature au Québec ont été échangées lors de cette consultation, mais malheureusement, il a été assez peu question des blogues. Les propositions des intervenants à cette rencontre visaient surtout à soutenir l’industrie du livre ainsi qu’à soutenir les écrivains, les vrais écrivains —ceux qui sont publiés sur papier ou ceux dont les performances sont reconnues par le milieu littéraire. Ne faisant pas partie de l’industrie, ne jouissant pas de la reconnaissance documentée des livres papier, le blogue n’était pas concerné par toutes les propositions. Je suis rentrée chez moi en me disant avec regret que j’avais manqué une occasion en or de défendre mes idées au sujet des blogues. Je peux néanmoins essayer de me reprendre ici, sur le site de <em>Salon double</em>, en faisant ce qui me convient le mieux, c’est-à-dire en publiant un texte sur Internet. J’aimerais proposer, dans ce cadre, une réflexion sur les blogues littéraires qui m’apparaît essentielle en ce moment parce qu’ils sont de plus en plus amenés à être reconnu par les institutions culturelles. Je désire donner corps à plusieurs observations que j’ai en tête depuis longtemps à propos des blogues littéraires. Ces observations, même si je les avais prononcées lors de la consultation, je crois qu’elles n’auraient pas pu être entendues, parce qu’elles remettent en question plusieurs prémisses sur lesquelles le Conseil des arts et des lettres du Québec est fondé. J’énonce maintenant ces réflexions en tant que blogueuse, bien sûr, mais surtout en tant que lectrice de blogues littéraires.<br /><br /><strong><span style="color: rgb(128, 128, 128);">La littérature hors de ses gonds</span></strong></p> <p><br />L’écrivaine américaine Kathy Acker a écrit un article en 1995 portant sur les liens entre la littérature et Internet : «Writing, Identity and Copyright in the Net Age »<a name="renvoi2"></a><strong><a href="#note2"><strong>[2]</strong></a></strong>. Le texte d’Acker était très en avance sur son temps. D’abord parce qu’en 1995, le réseau Internet venait à peine d’être commercialisé et qu’il était fréquenté surtout par les universitaires, les informaticiens et les <em>geeks</em>. Près du milieu universitaire, Acker, qui est morte en 1997, était à la fine pointe de la technologie. Sa réflexion concernant les possibilités offertes par les nouvelles technologies pour la création littéraire était très avant-gardiste. Encore aujourd’hui, l’essai d’Acker m’apparaît comme un des plus pertinents pour réfléchir à Internet. En évoquant sa lecture d’Hannah Arendt, Acker écrit ces trois mots très importants : «Writing masters nothing»<a name="renvoi3"></a><strong><a href="#note3"><strong>[3]</strong></a></strong>. Il faut entendre cette phrase dans tous ses sens possibles. Pour Acker, si la littérature ne peut pas nous protéger de la souffrance inhérente au vivre ensemble, elle permet toutefois de donner sens à nos vies qui seraient sinon incohérentes. Même si l’écrivain joue un rôle important pour donner une cohérence à nos expériences du monde par le biais des récits qu’il produit, il ne contrôle pas le mouvement sémantique qu’il provoque. Dans une certaine mesure, son écriture le dépasse lui-même. Il n’est pas entièrement maître de ses écrits, puisqu’il ne connaît pas consciemment tout ce qui est l’origine de son texte et qu’il ne contrôle pas tous les effets qu’il produira. Acker va plus loin : «If we look at the literary industry today, writing is in trouble»<a name="renvoi4"></a><strong><a href="#note4"><strong>[4]</strong></a></strong>. La littérature est en danger parce que l’industrie la contraint à se maîtriser. Remettant en question la notion d’identité telle qu’elle est communément conçue, elle postule que l’écrivain n’est peut-être pas le seul auteur de son œuvre. Cette idée remet en question celle du copyright. Pour Acker, l’écrivain ne possède pas son texte. Fondée sur la reprise et sur le détournement, toute son œuvre littéraire est construite pour défendre cette idée, qu’on pense par exemple à <em>Great Expectations</em> (1983) qui reprend à sa manière le roman de Charles Dickens ou à <em>Don Quixote : Which Was a Dream</em> (1986), qui met en scène une nouvelle Don Quichotte, héroïne féminine, inspirée de Cervantès.<br /><br /><strong><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Le nouveau territoire</span></strong></p> <p><br />Internet offre plusieurs nouvelles possibilités pour la littérature. La plus importante de celles-ci est que la littérature pourrait, grâce à Internet, tenter de s’échapper de l’industrie du livre et ainsi du copyright : «As it now stands, the literary industry depends upon copyright. But not literature.»<a name="renvoi5"></a><strong><a href="#note5"><strong>[5]</strong></a></strong> Acker adopte ici une posture qui s’apparente à celle des pirates informatiques. L’hacktivisme politique<a name="renvoi6"></a><strong><a href="#note6"><strong>[6]</strong></a></strong> existe depuis les premiers réseaux informatiques. Les hackers, qui ne sont pas des crackers<a name="renvoi7"></a><strong><a href="#note7"><strong>[7]</strong></a></strong>, se servent du piratage informatique de manière engagée afin de lutter contre ceux qui veulent contrôler les réseaux. Les hackers militent donc activement pour la libre circulation des idées et des contenus afin de mettre en échec toutes formes de propriétés privées. Ils piratent des œuvres, non pas dans le but de nuire aux artistes, mais parce qu’ils pensent que la libre circulation des produits culturels est plus importante que tout. Par exemple, un réseau de pirates cinéphiles travaille dans l’ombre à la préservation et à la distribution de milliers de films importants dans l’histoire du cinéma<a name="renvoi8"></a><strong><a href="#note8"><strong>[8]</strong></a></strong>. Les films qui ne sont pas toujours rentables pour l’industrie ne sont souvent pas bien conservés, ni distribués. On sait que l’industrie du DVD a décidé de constituer des zones commerciales. Ces zones commerciales font que certains films importants du cinéma français ne sont pas distribués en Amérique du Nord parce qu’il ne serait pas payant de le faire sur un territoire principalement anglophone. La circulation des films repose entièrement sur une logique capitaliste et non sur une logique qui viserait à faire la promotion de la culture artistique.<br /><br /><strong><span style="color: rgb(128, 128, 128);">La liberté du blogue</span></strong></p> <p><br />Au moment où Acker rédigeait son texte, le copyright était plus rare sur Internet et l’esprit de la culture libre qui a entrainé la fondation de <em>Wikipédia</em>, par exemple, commençait tout juste à se répandre. Même si aujourd’hui Internet a un peu changé, le blogue littéraire est une forme encore libre des marchés économiques et a tout intérêt, à mon avis, à préserver cette liberté, à ne pas entrer dans les rangs du capitalisme. Il y a si peu de choses qui échappent encore aux lois économiques. Si le blogue parvient à le faire, c’est déjà une nouvelle importante pour l’avenir de la littérature, pour une littérature qui ne se possède pas. Dans cet esprit, Internet est encore un territoire neuf à explorer pour les écrivains, un territoire où la liberté peut encore être conquise et, surtout, où elle pourrait peut-être être préservée. Acker ne propose pas de formes particulières que la littérature sur Internet pourrait prendre. Elle souligne seulement qu’il est cohérent pour les écrivains de chercher à s’imposer sur le territoire inédit de la toile. De toute évidence, le blogue peut être une forme qui permette de renouer avec l’idée de la phrase «writing masters nothing». Selon moi, le blogue n’a pas besoin d’être publié sur papier pour acquérir une valeur littéraire. La transposition sur papier du blogue peut même être moins intéressante que la version en ligne. La version papier peut être utile pour conserver les textes, pour les consulter et pour les relire. Je ne nie pas du tout le plaisir et l’utilité du livre papier. Je crois toutefois que le blogue littéraire doit, en plus de préserver à tout prix sa liberté, rester ce qu’il est, c’est-à-dire un genre fragmentaire, imparfait, précaire. Cette fragilité assumée lui confère paradoxalement une grande force dans le monde d’aujourd’hui. Il occupe une place que les autres formes littéraires, le roman, la poésie, le théâtre, l’essai, ne peuvent pas, ou ne peuvent plus prendre. Se présenter dans le monde comme vulnérable est en soi un grand acte de courage. De ce point de vue, le blogue littéraire est un genre courageux. Il a les tempes assez solides pour se montrer aux autres sans être appuyé par l’industrie du livre.<br /><br /><strong><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Des textes de trop</span></strong></p> <p><br />Quand j’ai commencé l’écriture de mon blogue, je ne pensais pas à ma démarche. Je ne pensais pas faire un travail d’écriture. Je cherchais seulement une manière d’entrer en contact avec des gens. Le blogue était pour moi comme une bouteille que je lançais à la mer. J’imaginais qu’un internaute inconnu passerait un jour lire mes textes. Ce qui est fascinant, c’est que je n’allais jamais savoir qui m’avait lue, ni à quelle occasion, mais je pouvais me dire que cela arriverait peut-être; ce petit espoir, si mince, me permettait déjà de me sentir un peu moins seule dans le monde. Dans ses premiers balbutiements à la fin des années 1990 et aux débuts des années 2000, le blogue d’avant la lettre prenait la forme de journaux intimes anonymes ou signés sous pseudonymes. Les auteurs n’étaient pas nécessairement des jeunes écrivains; souvent, même, il s’agissait de gens qui n’avaient autrement pas la chance d’écrire et qui partageaient des moments importants de leur vie avec des inconnus à l’intérieur des petites communautés comme celle de Livejournal. Dans ce blogue anonyme, il y avait une sorte de clandestinité qui était propice aux confidences, aux échanges. Sans réfléchir ni théoriser leurs démarches, les blogueurs de l’époque croyaient que le partage de l’expérience était possible entre les êtres humains, même avec des inconnus sur Internet. En laissant un texte disponible sur le Web, ils confiaient à Internet une missive sans destinataire prédéterminé. Puisque ces blogueurs n’étaient pas des aspirants écrivains, on peut se demander si ces blogues étaient des blogues littéraires. Cela dépend évidemment de notre point de vue sur ce qui définit la littérarité, mais selon le mien, oui, il s’agissait bel et bien de littérature. La littérature peut nous raconter des histoires, éveiller notre curiosité, nous dégouter de notre vie, nous inspirer, aiguiser notre regard vers les autres, nous aider à prendre conscience de nous-mêmes et de notre place dans le monde, susciter en nous des émotions, stimuler notre imagination… Je pense aussi et surtout que la littérature sert à maintenir le contact entre les individus d’une communauté et que ce contact peut être maintenu grâce aux libres partages des expériences. L’écrit, par la forme qu’il adopte, permet un partage de certaines réalités au cœur de nos expériences qui ne seraient pas racontables à l’oral. Il y a aussi dans ces petites histoires individuelles laissées partout sur le Web quelque chose de superflu. Évidemment, on ne pourra pas toutes les lire, il y a en trop. La littérature, c’est aussi ça : être de trop, être superflu, être inutile dans un monde administré tourné vers la rentabilité. Le blogue me parait à cet égard être bel et bien tributaire d’une logique propre à l’activité littéraire et un refuge de choix pour la littérature de demain.<br /><br /><strong><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Rater notre chance</span></strong></p> <p><br />Je ne suis pas une personne nostalgique. J’ai trop à vivre et à découvrir encore pour regretter le passé. Je dois toutefois avouer que parfois en observant Internet se développer j’ai l’impression que nous sommes passés à côté. Aujourd’hui, nous avons de nouveaux professionnels, des spécialistes des réseaux sociaux qui nous expliquent le jeu à jouer pour devenir une célébrité sur le Web ou pour faire de l’argent. Peu à peu, l’esprit de la culture libre, l’esprit des hackers, semble disparaître progressivement d’Internet. À chaque fois que la culture libre fait un pas en arrière, je me dis que nous avons raté notre chance. Internet aurait pu sauver le monde, mais il ne le sauvera pas. Les blogues littéraires ne pourront rien pour le sort du monde. Je crois qu’ils ont néanmoins tout intérêt à préserver l’esprit de la culture libre. La bonne littérature ne se possède pas, elle est donc entièrement liée à la pensée de la culture libre. Quand j’étais jeune et encore un peu naïve, je connaissais un homme qui avait publié un roman. Il m’avait donné un exemplaire. Ça me gênait un peu parce que je l’avais lu et ne l’aimais pas du tout. Lorsqu’il m’a demandé ce que j’avais pensé de son livre, j’avais répondu que je l’avais prêté à ma mère qui l’avait beaucoup aimé et qui l’avait prêté à une de ses collègues de travail qui l’avait aussi beaucoup apprécié. Ma manœuvre était malhonnête, mais ça m’évitait de mentir. Ma mère avait réellement aimé son livre. Il m’a répondu sur un ton très sérieux : «Pourquoi tu lui as prêté? Elle aurait pu l’acheter». Il n’avait pas l’air heureux de savoir que quelqu’un avait lu et aimé son livre. Peut-être qu’il se doutait que je n’aimais pas son livre et qu’il voulait se venger en étant bête avec moi. Mais je ne crois pas, j’avais été assez habile pour détourner le sujet. Je crois qu’il devait seulement penser qu’en tant que jeune femme réservée je n’osais pas lui dire que j’aimais son livre. «Elle aurait pu l’acheter». Ce jour-là, j’ai compris que les écrivains n’étaient pas tous comme je le pensais. Et du coup, je me suis sentie encore plus seule. J’avais envie de lui hurler à la tête qu’il était déjà chanceux que ma mère ait été touchée pour son livre, que ça valait tellement plus que le 1$ de droit d’auteur qu’il aurait pu encaisser si je n’avais pas prêté mon exemplaire. Il s’en foutait bien que quelqu’un soit touché par son histoire, il ne voulait qu’accumuler ses ridicules droits d’auteur à coup de 1$. Un dollar, ce n’est pas grand chose, mais c’est déjà une valeur d’échange, quelque chose de mesurable sur lequel tout le monde s’entend. Lorsque cette histoire est arrivée, je venais tout juste d’ouvrir mon blogue. Si j’avais pu trouver un formulaire attestant que je renonçais à tout jamais à d'éventuels droits d’auteur, je l’aurais signé.</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><strong><a name="note1"></a><a href="#renvoi1">[1]</a></strong>Livejournal est un réseau social fondé en 1999 par Brad Fitzpatrick. Les membres sont liés entre eux par un profil et un blogue. Créé en 2004, Facebook, réseau très populaire aujourd’hui, est basé sur le même principe, mais le profil est placé complètement à l’avant scène en laissant de côté le blogue.&nbsp;</p> <p><strong><a name="note2"></a><a href="#renvoi2">[2]</a></strong>&nbsp;L’article est publié dans le recueil d’essais &nbsp;Bodies of Work, New York, Serpent's Tail, 1996. Il est aussi disponible en ligne sur le site de JSTOR et offert en téléchargement gratuit pour les étudiants par le biais de leurs universités : <a href="http://www.jstor.org/pss/1315246.. " title="http://www.jstor.org/pss/1315246.. ">http://www.jstor.org/pss/1315246.. </a></p> <p><strong><a name="note3"></a><a href="#renvoi3">[3]</a></strong>Kathy Acker, « Writing, Identity, and Copyright in the Net Age », <em>The Journal of the Midwest Modern Language Association</em>, volume 28, numéro 1, printemps 1995, p.94.</p> <p><strong><a name="note4"></a><a href="#renvoi4">[4] </a></strong><em>Ibid</em>., p. 94.</p> <p><strong><a name="note5"></a><a href="#renvoi5">[5]</a></strong>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 96.</p> <p><strong><a name="note6"></a><a href="#renvoi6">[6]</a></strong> Au sujet de l’hacktivisme politique et de son histoire, je recommande les lectures suivantes : McKenzie Wank, <em>A Hacker Manifesto</em>, Cambridge, Harvard, 2004; Otto von Busch &amp; Karl Palmas, <em>Abstract hacktivism : the making of a hacker culture</em>, London et Istanbul, 2006; Éric Dagiral, « Pirates, hackers, hacktivistes: déplacements et dilution de la frontière électronique », <em>Critique</em>, Editions de Minuit, Juin-Juillet 2008, pp. 480-495; Razmag Reucheyan, « Philosophie politique du pirate », <em>Critique</em>, Editions de Minuit, Juin-Juillet 2008, pp. 458-469; Tim Jordan, <em>Activism! Direct action, hacktivism and the future of society</em>, London, Foci, 2002; Tim Jordan and Paul A. Taylor, <em>Hacktivism and Cyberwars. Rebels with a cause?</em>, London, Routledge, 2004; metac0m, « What is Hacktivism? », décembre 2003, en ligne: <a href="http://www.thehacktivist.com/?pagename=hacktivism" title="http://www.thehacktivist.com/?pagename=hacktivism">http://www.thehacktivist.com/?pagename=hacktivism</a> (consulté le 27 mai 2010).</p> <p><strong><a name="note7"></a><a href="#renvoi7">[7]</a></strong> Le cracker se sert du piratage dans le simple but de détruire des sites Web.</p> <p><strong><a name="note8"></a><a href="#renvoi8">[8]</a></strong> Bien sûr, plusieurs bibliothèques et cinémathèques s’attaquent déjà à cette tâche, mais les pirates le font dans un autre esprit.</p> <p>&nbsp;</p> http://salondouble.contemporain.info/antichambre/une-litt-rature-qui-ne-se-poss-de-pas#comments ACKER, Kathy Blogue littéraire BUSCH, Otto von Canada Culture de l'écran Culture Geek Culture libre Cyberespace DAGIRAL, Éric Droit d'auteur Flux Hacktivisme politique JORDAN, Tim Journaux et carnets PALMAS, Karl Pirate Résistance culturelle REUCHEYAN, Razmag TAYLOR, Paul A. WARK, McKenzie Mon, 20 Jun 2011 18:25:51 +0000 Amélie Paquet 354 at http://salondouble.contemporain.info Le cyberespace : principes et esthétiques http://salondouble.contemporain.info/antichambre/le-cyberespace-principes-et-esthetiques <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/gervais-bertrand">Gervais, Bertrand</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-text field-field-soustitre"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> Réflexions sur le contemporain VII </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><div> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><br /> </span></div> <div class="rteright">The future has already arrived. It's just not evenly distributed yet.<br /> - William Gibson.</div> <div class="rteright">&nbsp;</div> <p>L&rsquo;un des ph&eacute;nom&egrave;nes les plus marquants de l&rsquo;&eacute;poque contemporaine est la cr&eacute;ation et le d&eacute;veloppement du r&eacute;seau Internet et de l&rsquo;espace virtuel qu&rsquo;il g&eacute;n&egrave;re, le cyberespace. Ce r&eacute;seau a provoqu&eacute; une acc&eacute;l&eacute;ration de la transition que nous connaissons d&rsquo;une culture du livre &agrave; une culture de l&rsquo;&eacute;cran, en surd&eacute;terminant la dimension interactive de ce m&eacute;dia et en reliant cet &eacute;cran &agrave; une toile de plus en plus complexe et dense d&rsquo;informations. Mais &agrave; quelle exp&eacute;rience nous soumet au juste le cyberespace? Quels en sont les principaux traits? J&rsquo;en &eacute;tablirai quatre &ndash; ce sont la <em>traduction</em>, la <em>variation</em>, la <em>labilit&eacute;</em> et <em>l&rsquo;oubli</em> &ndash;&nbsp;et t&acirc;cherai de les d&eacute;finir. </p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Le cyberespace, un mythe d&rsquo;origine</strong></span></p> <p>Le cyberespace est l&rsquo;environnement culturel et artistique soutenu par Internet en tant qu&rsquo;infrastructure technologique. Cet environnement technologique est d&eacute;centralis&eacute;. Il est fait pour r&eacute;sister aux hi&eacute;rarchies simplifiantes et se pr&eacute;sente comme un lieu, initialement du moins, d&eacute;hi&eacute;rarchis&eacute; et d&eacute;cloisonn&eacute;. S&rsquo;il est en train de se transformer en un immense magasin, o&ugrave; tout est offert, de la brocante sur ebay aux corps &eacute;rotis&eacute;s des sites pornos, il est aussi, et doit continuer &agrave; &ecirc;tre, une agora et un espace de diffusion litt&eacute;raire et artistique.</p> <p>Le terme est apparu dans <em>Neuromancer</em>, le roman de science-fiction de William Gibson, paru en 1984. Le cyberespace repr&eacute;sentait pour Gibson une hallucination partag&eacute;e, une repr&eacute;sentation graphique de donn&eacute;es: </p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">A consensual hallucination experienced daily by billions of legitimate operators, in every nation, by children being taught mathematical concepts... A graphic representation of data abstracted from the banks of every computer in the human system. Unthinkable complexity. Lines of light ranged in the nonspace of the mind, clusters and constellations of data. Like city lights, receding<a href="#note1a"><strong>[1]</strong></a>.</span><br /> &nbsp;</div> <p>Comme les lumi&egrave;res d&rsquo;une ville qui se retirent&hellip; Thomas Pynchon avait d&eacute;crit au d&eacute;but de <em>The Crying of Lot 49</em> (1966), la ville et ses lumi&egrave;res comme un circuit &eacute;lectronique. Gibson a pris le contre-pied de cette description (au c&oelig;ur du d&eacute;veloppement du postmodernisme litt&eacute;raire am&eacute;ricain) et a pouss&eacute; l&rsquo;image aux limites de la perception. Les circuits s&rsquo;&eacute;vanouissent et il ne reste plus que le contour de cette figure, signe instable, mais combien d&eacute;sirable. Une ville imaginaire, comme un vaste r&eacute;seau de signes et de liens&hellip;</p> <p>Le cyberespace engage &agrave; un imaginaire technologique et il permet de penser l&rsquo;&eacute;lectrification de l&rsquo;iconotexte, de pousser la fiction, les modalit&eacute;s de la repr&eacute;sentation et les jeux de la parole, du langage et de l&rsquo;image hors des sentiers battus, dans un espace encore &agrave; d&eacute;fricher. Il est aussi en ce sens une nouvelle fronti&egrave;re, ce qui requiert&nbsp;: l&rsquo;exploration de moyens in&eacute;dits et de strat&eacute;gies originales de repr&eacute;sentation&nbsp;; l&rsquo;exploitation d&rsquo;une ressource qui vient &agrave; peine d&rsquo;appara&icirc;tre et dont l&rsquo;importance est de plus en plus grande&nbsp;; le d&eacute;veloppement d&rsquo;un nouveau langage capable de s&rsquo;adapter &agrave; cette r&eacute;alit&eacute; virtuelle&nbsp;; et le d&eacute;ploiement de nouvelles structures sociales et communicationnelles, d&rsquo;une nouvelle identit&eacute;. L&rsquo;exploration du cyberespace est d&rsquo;ailleurs d&eacute;crite comme une navigation. Une qu&ecirc;te sur un territoire dont les dimensions &eacute;chappent &agrave; une saisie traditionnelle, car il est une pure construction conceptuelle, un espace imaginaire. Un territoire, de plus, qui va du monde virtuel en bon et due forme, &agrave; l&rsquo;image de <em>Second Life</em>, aux agoras num&eacute;riques et autres lieux de partage tels que Myspace, Facebook, Youtube, Flick&rsquo;r, etc.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Principes</strong></span></p> <p>La m&eacute;taphore fondatrice du cyberespace n&rsquo;est pas la racine, mais le rhizome, le r&eacute;seau, la multiplication des relations et des connexions (ne serait-ce qu&rsquo;en termes techniques o&ugrave; c&rsquo;est la redondance qui assure la p&eacute;rennit&eacute; du r&eacute;seau). La dynamique des relations n&rsquo;y est pas fond&eacute;e sur la tradition, l&rsquo;identit&eacute;, la p&eacute;rennit&eacute; et la m&eacute;moire, mais sur la traduction, la variation, la labilit&eacute; et l&rsquo;oubli. Ces quatre principes dessinent une exp&eacute;rience singuli&egrave;re et voient &agrave; l&rsquo;apparition de modes de lecture, de spectature et de navigation soumis &agrave; des ajustements in&eacute;dits. </p> <p>Par <strong>traduction</strong>, il faut entendre non seulement la pratique d&rsquo;&eacute;criture qui consiste &agrave; faire passer un texte d&rsquo;une langue &agrave; une autre, mais d&rsquo;abord et avant tout la pratique culturelle qui consiste &agrave; &ecirc;tre en pr&eacute;sence de traductions, de textes et d&rsquo;&oelig;uvres ayant migr&eacute; d&rsquo;une culture &agrave; une autre, et &agrave; &ecirc;tre confront&eacute; &agrave; une diversit&eacute; langagi&egrave;re, culturelle et formelle. C&rsquo;est une attitude qui est vis&eacute;e&nbsp;: non pas un regard tourn&eacute; vers le pass&eacute; (dans la perspective de la tradition), mais une ouverture &agrave; l&rsquo;autre. </p> <p>Dans la traduction, ce ne sont pas la temporalit&eacute; ou encore la stratification qui illustrent le mieux les relations entre les textes, mais le d&eacute;ploiement, la copr&eacute;sence sur un m&ecirc;me territoire, f&ucirc;t-il virtuel comme le cyberespace. Si la tradition joue avant tout sur une seule langue, qui a un r&ocirc;le identitaire, et en fonction de laquelle les autres langues et cultures sont subordonn&eacute;es, la traduction repose sur un nivellement des cultures ou, plut&ocirc;t, sur une oscillation dans le jeu des hi&eacute;rarchies. Les relations ne sont pas fixes ou &eacute;tablies de fa&ccedil;on durable, mais en mouvance continuelle, au gr&eacute; des rapprochements, des itin&eacute;raires personnels. Les hyperliens et la fa&ccedil;on dont Internet est structur&eacute; surd&eacute;terminent cette attitude. De fait, la traduction comme pratique culturelle implique une sp&eacute;cialisation et une individualisation des connaissances et des savoirs&nbsp;: une actualisation chaque fois singuli&egrave;re d&rsquo;une partie du r&eacute;seau. Si notre identit&eacute; en sort de toute fa&ccedil;on assur&eacute;e, ce n'est pas par r&eacute;p&eacute;tition du m&ecirc;me, mais par confrontation &agrave; l'autre, par contraste ou compl&eacute;mentarit&eacute;, et ultimement par ses propres strat&eacute;gies d&rsquo;appropriation. </p> <p>La traduction permet d&rsquo;accepter le flux d&rsquo;information, c&rsquo;est-&agrave;-dire de l&rsquo;ins&eacute;rer dans un processus d&rsquo;interpr&eacute;tation et de transformation. En termes m&eacute;taphoriques, on peut dire qu&rsquo;elle se d&eacute;finit non pas tant comme une digue, qui retient &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur ce qui ne peut &ecirc;tre accept&eacute;, que comme un marais qui s&rsquo;enfle et se r&eacute;sorbe au gr&eacute; des flux et des reflux. </p> <p>Par <strong>variation</strong>, on doit comprendre ces rapports identitaires pr&eacute;caris&eacute;s et relativis&eacute;s rendus possibles par le virtuel, o&ugrave; les avatars et les pseudonymes s&rsquo;imposent, une identit&eacute; avant tout enfil&eacute;e comme un masque. Ce n&rsquo;est pas tant une forme de l&rsquo;intimit&eacute; que l&rsquo;on retrouve dans Internet, que d&rsquo;extimit&eacute;, pour reprendre le n&eacute;ologisme de Michel Tournier, et conceptualis&eacute; par Serge Tisseron (<em>L&rsquo;intimit&eacute; surexpos&eacute;e</em>, Paris, Ramsay, 2001). L&rsquo;extimit&eacute; est l&rsquo;interface entre soi et l&rsquo;autre que l&rsquo;on retrouve exploit&eacute;e de fa&ccedil;on importante dans l&rsquo;environnement virtuel qu&rsquo;est le cyberespace. C&rsquo;est une identit&eacute; num&eacute;rique et cybern&eacute;tique, au sens d&rsquo;une identit&eacute; provisoire &eacute;tablie et mise en partage en situation de communication, surtout si cette situation se d&eacute;ploie en un r&eacute;seau entier. L&rsquo;identit&eacute; est &laquo;&nbsp;le produit du flux des &eacute;v&eacute;nements quotidiens dont le Sujet mobilise certains &eacute;l&eacute;ments dans la perspective de constituer une repr&eacute;sentation&nbsp;&raquo; (F. Georges, <em>Identit&eacute;s virtuelles. Les profils utilisateurs du Web 2.0</em>, Paris, Les &Eacute;ditions Questions th&eacute;oriques 2010, p. 46). Or, ce flux, dans le cyberespace, n&rsquo;est plus une m&eacute;taphore permettant de conceptualiser le mouvement et les processus en acte, il s&rsquo;impose comme une r&eacute;alit&eacute; ph&eacute;nom&eacute;nologique. De nombreux artistes web jouent avec cette identit&eacute;-flux qui appara&icirc;t de plus en plus comme un troisi&egrave;me terme venant complexifier l&rsquo;opposition &eacute;tablie par Paul Ric&oelig;ur entre identit&eacute;-ips&eacute;it&eacute; et identit&eacute;-m&ecirc;met&eacute; (<em>Soi-m&ecirc;me comme un autre</em>, Paris, Seuil, 1990). Au couple oppositionnel du propre (ips&eacute;) et du semblable (m&ecirc;me), r&eacute;pond l&rsquo;identit&eacute;-flux en continuelle ren&eacute;gociation. C&rsquo;est une identit&eacute; diff&eacute;rentielle, en processus permanent d&rsquo;ajustement. </p> <p>La <strong>labilit&eacute;</strong> permet de souligner le caract&egrave;re &eacute;ph&eacute;m&egrave;re des iconotextes et des &oelig;uvres qu&rsquo;on trouve dans le cyberespace, ainsi que la pr&eacute;carit&eacute; des lectures et spectatures qu&rsquo;on y pratique, li&eacute;e entre autres au caract&egrave;re pr&eacute;-d&eacute;termin&eacute; des hyperliens. Les pages-&eacute;crans se succ&egrave;dent sans ordre pr&eacute;&eacute;tabli et initialement partag&eacute; et s&rsquo;exp&eacute;rimentent sur le mode d&rsquo;une v&eacute;ritable d&eacute;rive num&eacute;rique. Cette d&eacute;rive est occasionn&eacute;e par le caract&egrave;re fragmentaire du cyberespace. L&rsquo;exp&eacute;rience &agrave; laquelle il nous convie&nbsp;est celle d&rsquo;une ligne bris&eacute;e que notre navigation r&eacute;pare, le temps d&rsquo;un passage. Entre deux pages-&eacute;crans, entre deux n&oelig;uds r&eacute;unis par un hyperlien, il y a un vide que rien ne permet de s&eacute;miotiser ou de constituer symboliquement. C&rsquo;est un espace non signifiant, sans v&eacute;ritable forme&nbsp;: une distance qui n&rsquo;en est pas une. Et quand une page-&eacute;cran appara&icirc;t, c&rsquo;est sur le mode de la r&eacute;v&eacute;lation, un mode propice &agrave; l&rsquo;&eacute;blouissement.</p> <p>Pour Lunenfeld, cette d&eacute;rive num&eacute;rique d&eacute;pend de l&rsquo;esth&eacute;tique du non fini qui pr&eacute;vaut dans le cyberespace&nbsp;: &laquo;&nbsp;la d&eacute;rive num&eacute;rique est toujours dans un &eacute;tat de non fini, parce qu&rsquo;il y a toujours de nouveaux liens &agrave; &eacute;tablir, toujours plus de sites qui apparaissent, et ce qui a &eacute;t&eacute; catalogu&eacute; par le pass&eacute; risque d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; redessin&eacute; au moment d&rsquo;une nouvelle visite<a href="#note2a"><strong>[2]</strong></a>. &raquo; Cette d&eacute;rive num&eacute;rique, expression m&ecirc;me du flux et de son type singulier d&rsquo;exp&eacute;rience, est li&eacute;e &agrave; la situation cognitive qui pr&eacute;domine dans le cyberespace. Naviguer dans Internet, c&rsquo;est non pas tant s&rsquo;inscrire dans un processus de d&eacute;couverte, fond&eacute; sur l&rsquo;enqu&ecirc;te et l&rsquo;&eacute;tablissement d&rsquo;hypoth&egrave;ses, que se rendre disponible &agrave; un &eacute;blouissement, c&rsquo;est-&agrave;-dire se mettre en situation de connaissance par r&eacute;v&eacute;lation, reposant sur une interrogation ponctuelle, voire improvis&eacute;e. Dans un processus de d&eacute;couverte, nous sommes responsables des liens &eacute;tablis entre les &eacute;l&eacute;ments; dans une r&eacute;v&eacute;lation, les liens, et &agrave; plus forte raison les hyperliens, sont &eacute;tablis ind&eacute;pendamment de nous et ils nous sont simplement transmis. La distinction repose sur la forme d&rsquo;agentivit&eacute; en jeu&nbsp;: sommes-nous les ma&icirc;tres d&rsquo;&oelig;uvre ou seulement les man&oelig;uvres de la relation entre les pages visit&eacute;es? L&rsquo;hyperlien, l&rsquo;hypertexte dont il est le fondement et le cyberespace qui en est l&rsquo;expression la plus compl&egrave;te nous classent par d&eacute;finition dans la seconde cat&eacute;gorie, celle des man&oelig;uvres, ce qui explique la logique de la r&eacute;v&eacute;lation et de l&rsquo;&eacute;blouissement dans laquelle ils nous placent.&nbsp; Celle-ci nous incite d&rsquo;ailleurs &agrave; accepter le flux d&rsquo;information comme un spectacle en soi, auquel on consent de se soumettre. </p> <p>Par <strong>oubli</strong>, enfin, il s&rsquo;agit de poser non pas un revers de la m&eacute;moire, une lacune ou une absence, mais un oubli positif, une facult&eacute; de r&eacute;tention active (Gervais, 2008, p. 27 et passim), comme une v&eacute;ritable modalit&eacute; de l&rsquo;agir et un principe d&rsquo;interpr&eacute;tation de l&rsquo;exp&eacute;rience. Cet oubli positif est un musement ou une fl&acirc;nerie, une errance qui ne cherche plus &agrave; &eacute;tablir des liens rationnels entre ses diverses pens&eacute;es, mais qui se contente de l&rsquo;association libre, du jeu des ressemblances, de l&rsquo;avanc&eacute;e subjective. C&rsquo;est la pens&eacute;e en tant que flux ininterrompu,&nbsp; &agrave; moins qu&rsquo;un incident ne vienne en perturber le cours. Ce type d&rsquo;oubli caract&eacute;rise la d&eacute;rive dans le cyberespace, faite de mouvements inconstants et de sauts arbitraires. Pour R&eacute;gine Robin, &laquo;Notre vie &agrave; l&rsquo;&eacute;cran, dans l&rsquo;Internet, nous plonge dans l&rsquo;immat&eacute;rialit&eacute; du support. Non fix&eacute;, transitoire, &eacute;ph&eacute;m&egrave;re, insaisissable, monde du flux, du fluide, parti aussit&ocirc;t que saisi. [&hellip;] &nbsp;Nous serions plong&eacute; dans un &eacute;ternel pr&eacute;sent<a href="#note3a"><strong>[3]</strong></a>.&raquo;</p> <p>L&rsquo;oubli comme modalit&eacute; de l&rsquo;agir ouvre &agrave; une fictionnalisation de l&rsquo;exp&eacute;rience, &agrave; une invention de tous les instants propos&eacute;e comme principe de coh&eacute;rence et comme ontologie. Et l&rsquo;univers d&eacute;r&eacute;alis&eacute; du cyberespace semble un environnement id&eacute;al pour en permettre le d&eacute;ploiement. Il nous dit &agrave; tout le moins que nous existons &agrave; la crois&eacute;e de flux&nbsp;: flux interne de la pens&eacute;e (musement), flux informationnel d&rsquo;un r&eacute;seau accessible depuis un &eacute;cran d&rsquo;ordinateur (cyberespace). Or, il importe dans ce contexte, comme le sugg&egrave;re Chatonsky, &laquo;de voir pour quelle raison aujourd&rsquo;hui le flux de notre conscience est comme r&eacute;v&eacute;l&eacute; par les flux technologiques et de quelle fa&ccedil;on ils sont devenus ins&eacute;parables dans le mouvement m&ecirc;me qui les diff&eacute;rencie<a href="#note4a"><strong>[4]</strong></a>.&raquo; </p> <p>Traduction, variation, labilit&eacute; et oubli&nbsp;: ce sont l&agrave; certains des fondements de notre exp&eacute;rience du cyberespace et de la cyberculture &agrave; laquelle il donne lieu. Ils dessinent une nouvelle r&eacute;alit&eacute; culturelle et sociale, une nouvelle interface, c&rsquo;est donc dire un nouvel imaginaire. </p> <hr /> <a name="note1a"><strong>[1]</strong></a> William Gibson, <em>The Neuromancer</em>, texte disponible en ligne &agrave; l'adresse suivante: <a href="http://project.cyberpunk.ru/lib/neuromancer/" title="http://project.cyberpunk.ru/lib/neuromancer/">http://project.cyberpunk.ru/lib/neuromancer/</a> (site consult&eacute; le 25 octobre 2010). <br /> <a name="note2a"><strong>[2]</strong></a> Peter Lunenfeld, <em>The Digital Dialectif&nbsp;:&nbsp;New Essays on New Media</em>, Massachussetts/London, MIT Press, 1999, p. 10; Je traduis.<br /> <a name="note3a"><strong>[3]</strong></a> R&eacute;gine Robin, <em>La m&eacute;moire satur&eacute;e</em>, Paris, Stock, 2003, p. 412, 415.<br /> <a name="note4a"><strong>[4]</strong></a> Gr&eacute;gory Chantonsky, &laquo;Flux, entre fiction et narration&raquo;, texte disponible en ligne &agrave; l'adresse suivante : <a href="http://incident.net/users/gregory/wordpress/19-flux-entre-fiction-et-narration/" title="http://incident.net/users/gregory/wordpress/19-flux-entre-fiction-et-narration/">http://incident.net/users/gregory/wordpress/19-flux-entre-fiction-et-nar...</a> (site consult&eacute; le 25 octobre 2010). <hr /> http://salondouble.contemporain.info/antichambre/le-cyberespace-principes-et-esthetiques#comments Culture de l'écran Cyberespace Esthétique Flux GERVAIS, Bertrand GIBSON, William Identité Imaginaire médiatique Imaginaire technologique LUNENFELD, Peter Média Oubli PYNCHON, Thomas RICOEUR, Paul ROBIN, Régine TISSERON, Serge Écrits théoriques Mon, 01 Nov 2010 13:20:15 +0000 Bertrand Gervais 281 at http://salondouble.contemporain.info L’entité sentinelle Chloé Delaume http://salondouble.contemporain.info/lecture/l-entite-sentinelle-chloe-delaume <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/gervais-bertrand">Gervais, Bertrand</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/j-habite-dans-la-television">J’habite dans la télévision</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p align="justify">&laquo;Je m&rsquo;appelle Chlo&eacute; Delaume&raquo;, &eacute;crit Chlo&eacute; Delaume dans <em>La derni&egrave;re fille avant la guerre</em>, &laquo;je suis un personnage de fiction, j&rsquo;officie dans les livres dont je suis l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne. Enfin dans la plupart des cas<a name="_ftnref1" title="" href="#_ftn1"><strong>[1]</strong></a>.&raquo; &Agrave; la fois personnage et auteur de ses romans, Chlo&eacute; Delaume multiplie les jeux de miroirs et les oscillations identitaires. Plus que de l&rsquo;autofiction, sa po&eacute;tique joue sur les ressorts de la m&eacute;tafiction.</p> <p align="justify">Les jeux identitaires&nbsp;sont innombrables dans son &oelig;uvre. Dans <em>La derni&egrave;re fille avant la guerre</em>, titre inspir&eacute; d&rsquo;une chanson du groupe fran&ccedil;ais Indochine, c&rsquo;est un d&eacute;doublement de personnalit&eacute;, compl&eacute;t&eacute; d&rsquo;un complexe sentiment d&rsquo;ali&eacute;nation. &laquo;J&rsquo;ai pour r&eacute;sidence principale un corps de sexe f&eacute;minin fabriqu&eacute; en mars 73. [...] J&rsquo;ai sign&eacute; un contrat avec la fille qui &eacute;tait dedans. Elle ne savait trop quoi en faire, de ce corps qu&rsquo;elle trouvait trop grand<a name="_ftnref2" title="" href="#_ftn2"><strong>[2]</strong></a>.&raquo; Dans l&rsquo;espace ouvert par les pages de ce roman, Chlo&eacute; et une certaine Anne rivalisent pour avoir droit de cit&eacute; et s&rsquo;accaparer le &laquo;je&raquo; permettant d&rsquo;avoir le haut du pav&eacute;.</p> <p align="justify" class="MsoNormal"><em>Corpus Simsi</em>, son roman de 2003, est consacr&eacute; &agrave; la construction de l&rsquo;avatar Chlo&eacute; Delaume, dans le jeu Les Sims et &agrave; l&rsquo;immersion compl&egrave;te de son auteur dans l&rsquo;univers virtuel du jeu. &laquo;Je m&rsquo;appelle toujours Chlo&eacute; Delaume&raquo; y &eacute;crit-elle. &laquo;Je suis interminablement un personnage de fiction. J&rsquo;ai &eacute;t&eacute; expuls&eacute;e du corps que j&rsquo;avais cru faire mien un vendredi spongieux de 2002<a name="_ftnref3" title="" href="#_ftn3"><strong>[3]</strong></a>.&raquo; Elle n&rsquo;y r&eacute;sistera pas et se projettera sur la figure rudimentaire du personnage cr&eacute;&eacute; &agrave; partir des param&egrave;tres habituels du logiciel, son identit&eacute; recueillie par les pixels du jeu de simulation, lors d&rsquo;une &laquo;incarnation virtuellement temporaire&raquo; (c&rsquo;est le sous-titre du livre).</p> <p align="justify" class="MsoNormal">Dans <em>Le cri du sablier</em><a name="_ftnref4" title="" href="#_ftn4"><strong>[4]</strong></a>, mais la m&ecirc;me chose peut &ecirc;tre dite des <em>Mouflettes d&rsquo;Atropos</em><a name="_ftnref5" title="" href="#_ftn5"><strong>[5]</strong></a>, c&rsquo;est l&rsquo;implosion qui menace Chlo&eacute; Delaume, et le langage le rend bien qui se r&eacute;invente aux limites du sens et de la coh&eacute;rence. Mais la sc&egrave;ne primitive qui s&rsquo;y profile est d&rsquo;une telle violence qu&rsquo;on comprend l&rsquo;enfant qu&rsquo;elle &eacute;tait d&rsquo;avoir voulu l&rsquo;oublier et d&rsquo;&ecirc;tre soumise &agrave; un silence qui repr&eacute;sente non pas tant l&rsquo;absence de toute parole que la pr&eacute;sence d&rsquo;une parole irrationnelle, qui montre sans dire et qui ferme les yeux au moment crucial. Si ces romans t&eacute;moignent d&rsquo;une reconqu&ecirc;te du langage, ils attestent aussi des multiples cercles qu&rsquo;il faut emprunter avant d&rsquo;en arriver &agrave; rejoindre le p&ocirc;le d&rsquo;une spirale.</p> <p align="justify" class="MsoNormal">Sur son blogue &agrave; caract&egrave;re litt&eacute;raire, <em>chloedelaume.net,</em> o&ugrave; elle note ses pens&eacute;es et rend disponible ses chantiers sonores, elle flirte avec les formes contemporaines de l&rsquo;extimit&eacute;, n&eacute;ologisme qui rend bien compte des relations d&rsquo;intimit&eacute; ren&eacute;goci&eacute;es dans le cyberespace.</p> <p align="justify" class="MsoNormal rteindent2"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Je m'&eacute;cris depuis huit ans dans des livres publi&eacute;s, propos&eacute;s &agrave; la vente, parfois achet&eacute;s, plus rarement lus. J'y investis temporairement des lieux, des corps, des territoires. [...] Conception franco-libanaise, le n&eacute;ant pour signe particulier. Les locaux &eacute;taient insalubres lorsque j'en ai pris possession.</span><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);">(</span><a title="http://www.chloedelaume.net/bio/index.php" href="http://www.chloedelaume.net/bio/index.php">http://www.chloedelaume.net/bio/index.php</a><span style="color: rgb(128, 128, 128);">)&nbsp;</span></p> <p align="justify" class="MsoNormal">Dans son roman de 2006, <em>J&rsquo;habite dans la t&eacute;l&eacute;vision</em><a name="_ftnref6" title="" href="#_ftn6"><strong>[6]</strong></a>, elle exploite cette fois la dissolution de soi dans la t&eacute;l&eacute;vision. Chlo&eacute; Delaume s&rsquo;y transforme en Sentinelle d&eacute;sincarn&eacute;e habitant cet espace frontalier et essentiellement virtuel qu&rsquo;est le r&eacute;seau t&eacute;l&eacute;visuel.</p> <p align="justify" class="MsoNormal">Le roman n&rsquo;a qu&rsquo;un v&eacute;ritable personnage, si on oublie le poste de t&eacute;l&eacute;vision, aucune intrigue sauf la transmutation de Chlo&eacute; Delaume qui se met &agrave; hanter le r&eacute;seau. Elle commence &agrave; habiter la chose, parce qu&rsquo;elle a d&eacute;cid&eacute; de tenter l&rsquo;exp&eacute;rience&nbsp;de n&rsquo;&eacute;couter que la t&eacute;l&eacute;vision pendant vingt-deux mois.&nbsp;</p> <p align="justify" class="MsoNormal">L&rsquo;exp&eacute;rience est exigeante. Chlo&eacute; Delaume doit adapter son biorythme, modifier ses habitudes et son mode de vie. Elle devient paresseuse, ne veut plus faire le m&eacute;nage de l&rsquo;appartement. Puis elle se met &agrave; parler &agrave; son poste de t&eacute;l&eacute;vision. Elle commence &agrave; avoir continuellement faim, le discours publicitaire s&rsquo;insinue dans ses propres paroles. Elle adopte un vocabulaire qui n&rsquo;est plus le sien, mais celui des &eacute;missions qu&rsquo;elle &eacute;coute. Ses migraines se multiplient. Et son identit&eacute; commence &agrave; vaciller. Apr&egrave;s le premier mois, elle fait un bilan&nbsp;: &laquo;Ce que je vois ce que j&rsquo;entends ce que je dis ce que je pense ce n&rsquo;est d&eacute;j&agrave; plus la m&ecirc;me chose.&raquo; (p. 69)&nbsp;</p> <p align="justify" class="MsoNormal">Apr&egrave;s un premier trimestre, et 1451 heures d&rsquo;exposition, elle note des pulsions consommatrices in&eacute;dites, des actes d&rsquo;achat conformes aux messages diffus&eacute;s et une augmentation ainsi qu&rsquo;une red&eacute;finition de ses besoins (p. 104). Elle est atteinte de confusion, retransmet des informations en oubliant que la t&eacute;l&eacute; en est la source et, plus important encore, elle ne produit plus de pens&eacute;es, elle ne fait que relayer des opinions. Et graduellement elle commence &agrave; se prendre pour une sentinelle. Celle qui, par d&eacute;finition, est &agrave; l&rsquo;avant-poste, ce qui, pour la t&eacute;l&eacute;vision, est parfaitement congruent, on en conviendra. &Agrave; la fin du roman, Chlo&eacute; Delaume, mais une Chlo&eacute; Delaume qui n&rsquo;est plus qu&rsquo;un spectre, une pr&eacute;sence dans la t&eacute;l&eacute;vision, explique&nbsp;: &laquo;Je reste errante de cha&icirc;ne en cha&icirc;ne, maillon f&eacute;brile gorg&eacute; de rouille. Je ne manque de rien, bien s&ucirc;r, de rien. J&rsquo;esp&egrave;re diluer mon t&eacute;tanos. J&rsquo;avais un nom, avant. Un corps et un amour. J&rsquo;ai dit &ccedil;a car je m&rsquo;en souviens&nbsp;: ainsi je serai la Sentinelle.&raquo; (p. 164) L&rsquo;entit&eacute; sentinelle Chlo&eacute; Delaume.&nbsp;</p> <p align="justify" class="MsoNormal">Mais pourquoi entreprend-elle une telle exp&eacute;rience? Quel danger nous menace et exige d&rsquo;elle qu&rsquo;elle se transforme en sentinelle? &Agrave; quoi renvoie cette pr&eacute;paration des cerveaux? En fait, Chlo&eacute; Delaume a fait sienne une d&eacute;claration du PDG de TF1, Eric Le Lay, faite en 2004. Adepte du neuromarketing, il aurait d&eacute;clar&eacute;&nbsp;:</p> <p align="justify" class="citation rteindent2"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Il y a beaucoup de fa&ccedil;ons de parler de la t&eacute;l&eacute;vision. Mais dans une perspective &quot;business&quot;, soyons r&eacute;aliste : &agrave; la base, le m&eacute;tier de TF1, c'est d'aider Coca-Cola, par exemple, &agrave; vendre son produit [...] Or pour qu'un message publicitaire soit per&ccedil;u, il faut que le cerveau du t&eacute;l&eacute;spectateur soit disponible. Nos &eacute;missions ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-&agrave;-dire de le divertir, de le d&eacute;tendre pour le pr&eacute;parer entre deux messages. Ce que nous vendons &agrave; Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible.</span><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"> (</span><a href="http://www.nettime.org/Lists-Archives/nettime-fr-0408/msg00017.html">http://www.nettime.org/Lists-Archives/nettime-fr-0408/msg00017.html</a><span style="color: rgb(128, 128, 128);">)</span></p> <p align="justify" class="MsoNormal">Ces propos de Le Lay, abondamment reproduits sur Internet, sont repris par Delaume qui en fait le point de d&eacute;part de son texte. Arm&eacute;e de cette &laquo;citation officielle du biopouvoir&raquo;<a name="_ftnref7" title="" href="#_ftn7"><strong>[7]</strong></a>, elle d&eacute;cide de rendre disponible son temps de cerveau&nbsp; &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision afin d&rsquo;en mieux comprendre les cons&eacute;quences. Elle fait sa propre exp&eacute;rience de neuromarketing, et explore les limites de son esprit soumis au flux constant de l&rsquo;&eacute;cran de t&eacute;l&eacute;vision. &Eacute;ric Le Lay a d&eacute;clar&eacute;&nbsp;: &laquo;La t&eacute;l&eacute;vision, c'est une activit&eacute; sans m&eacute;moire.&raquo; Delaume d&eacute;cide en r&eacute;ponse de devenir la m&eacute;moire de la t&eacute;l&eacute;vision, elle devient cette sentinelle qui l&rsquo;habite et, du m&ecirc;me coup, entreprend de nous en prot&eacute;ger. Si elle habite dans la t&eacute;l&eacute;vision, c&rsquo;est bien parce que, habituellement, la t&eacute;l&eacute;vision nous habite, elle s&rsquo;insinue dans notre esprit et y ouvre un espace de disponibilit&eacute; pr&ecirc;t &agrave; &ecirc;tre envahi, utilis&eacute;, perverti.</p> <p align="justify">Mais, la r&eacute;sistance est d&eacute;j&agrave; commenc&eacute;e&nbsp;: l&rsquo;entit&eacute; sentinelle Chlo&eacute; Delaume est &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre. Elle habite dans la t&eacute;l&eacute; et passe au crible les messages, cherchant &agrave; y d&eacute;busquer le discours l&eacute;nifiant de la doxa populaire.</p> <p align="justify" class="MsoNormal"><a name="_ftn1" title="" href="#_ftnref1">1</a>&nbsp;Paris, <em>Na&iuml;ve</em>, 2007, p. 63. Dans cette collection, intitul&eacute;e &laquo;Na&iuml;ve sessions&raquo;, des auteurs contemporains &eacute;crivent sur leur rapport &agrave; la musique ou sur une figure mythique du rock. Le texte de Delaume porte sur le groupe rock fran&ccedil;ais Indochine.</p> <p align="justify" class="MsoFootnoteText"><a name="_ftn2" title="" href="#_ftnref2">2</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 9.</p> <p align="justify" class="MsoFootnoteText"><a name="_ftn3" title="" href="#_ftnref3">3&nbsp;</a><em>Corpus Sims</em><em>i</em>, Paris, L&eacute;o Scheer, 2003, p. 4.</p> <p align="justify" class="MsoFootnoteText"><a name="_ftn4" title="" href="#_ftnref4">4</a>&nbsp;<em>Le cri du sablier</em>, Paris. Farrago / L&eacute;o Scheer, 2001.</p> <p align="justify" class="MsoFootnoteText"><a name="_ftn5" title="" href="#_ftnref5">5</a>&nbsp;<em>Les mouflettes d&rsquo;Atropos</em>, Paris, Gallimard / Farrago, 2000.</p> <p align="justify" class="MsoFootnoteText"><a name="_ftn6" title="" href="#_ftnref6">6</a>&nbsp;<em>J&rsquo;habite dans la t&eacute;l&eacute;vision</em>, Paris, Gallimard, 2006.</p> <p><a name="_ftn7" title="" href="#_ftnref7">7</a>&nbsp;Tir&eacute; d&rsquo;une entrevue accord&eacute; au magazine, <em>La lettre des p&ocirc;les</em> (lettre d&rsquo;information des p&ocirc;les r&eacute;gionaux d&rsquo;&eacute;ducation artistique et de formation au cin&eacute;ma et &agrave; l&rsquo;audiovisuel), no 5, d&eacute;cembre 2006, non pagin&eacute;.</p> <p>&nbsp;</p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/l-entite-sentinelle-chloe-delaume#comments DELAUME, Chloé Fiction Flux France Identité Média Métafiction Roman Tue, 03 Mar 2009 16:10:00 +0000 Bertrand Gervais 84 at http://salondouble.contemporain.info