Salon double - Entretiens http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/319/0 fr Entretien avec Rodney Saint-Éloi, des éditions Mémoire d’encrier http://salondouble.contemporain.info/antichambre/entretien-avec-rodney-saint-loi-des-ditions-m-moire-d-encrier <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/landry-pierre-luc">Landry, Pierre-Luc </a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/logo_0.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/logo_0.jpg" alt="132" title="" width="580" height="57" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Afin d'aborder la rentrée littéraire automnale, Salon Double a mené une série d'entretiens avec plusieurs éditeurs afin de découvrir leur historique, leurs politiques éditoriales et leurs vues plus larges sur la littérature contemporaine. La série se poursuit par un entretien avec Rodney Saint-Éloi, directeur général et fondateur des éditions Mémoire d’encrier.</p> <p style="text-align: justify;"><strong><a href="http://memoiredencrier.com/">Mémoire d’encrier</a> est une maison généraliste. Nous publions des auteurs de la diversité: corpus amérindiens, caribéens, québécois, africains, et ceci dans des genres différents, roman, essai, poésie, chronique, jeunesse. Nous avons à cœur d’établir la relation, d’être dans les bruits du monde. Nous sommes établis à Montréal, mais le souffle du monde est là et nous tentons de bousculer les frontières, en mettant sur le même plan les imaginaires du monde. Nous créons ainsi des passerelles pour mieux se voir et se toucher. Car à quoi sert le livre s’il ne nous aide pas à mieux vivre? Nous regardons le monde dans sa complexité, avec l’élégance qu’il faut pour suivre le vol d’un oiseau. C’est la mission. Nous voulons être vivants et la seule manière possible reste le livre et la nécessité de comprendre et de débattre. Donner sens aux rencontres, aux résonances et&nbsp;aux multiples choses qui nous font signe. </strong><strong>Comme le formule si bien l’essayiste Édouard Glissant qui évoque le grand cri du monde, la totalité-monde. Selon lui, sont nécessaires «la rencontre, l’interférence, le choc, les harmonies et les disharmonies entre les cultures, dans la totalité réalisée du monde-terre.»</strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>Pierre-Luc Landry [PLL] : </strong></span>Qu’est-ce qui a motivé, en 2003, votre décision de fonder une nouvelle maison d’édition? Est-ce que vous sentez que votre maison a permis de combler un vide qui existait sur la scène littéraire contemporaine?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>Rodney Saint-Éloi [RSE] : </strong></span>Je suis haïtien, avec un bagage symbolique qui est minorisé ici. Je suis issu d’une vision de la littérature qui veut changer le monde. En tant qu’écrivain, je crois que les mots sont capables d’inventer la vie, de changer les choses. L’énergie nécessaire pour faire face aux enjeux auxquels fait face l’humain passe d’abord par les mots. Il nous faut donc trouver les mots pour le dire. L’enjeu est de nommer et de comprendre. Nous sommes ici passés à côté des conditions d’existence, noire, amérindienne. Nous avons perdu le sens d’un dialogue avec l’autre sans que ce soit formaté par les préjugés. Le vide, c’est cette absence d’altérité, qui nous fait découvrir l’autre avec de gros clichés, sans aller dans le sens profond des choses. Les livres que j’écris ou édite font partie de ce combat pour le sens.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL: </strong></span>Quelle politique éditoriale vous êtes-vous donnée, quelle ligne directrice ou vision de la littérature vous oriente? Est-ce que votre politique éditoriale a changé depuis le début de vos activités?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE: </strong></span>Le combat est le sens. Un sens de la diversité. Un sens de l’autre. Un sens du différent. Des passerelles pour le dialogue. Être ensemble. On connaît mieux Haïti en lisant <em><a href="http://memoiredencrier.com/gouverneurs-de-la-rosee/">Gouverneurs de la rosée</a> </em>de Jacques Roumain, <em>Anthologie secrète</em> de <a href="http://memoiredencrier.com/anthologie-secrete-3/">Davertige</a> ou de <a href="http://memoiredencrier.com/anthologie-secrete/">Franketienne</a>. L’imaginaire du pays nous aide à entrer dans le réel. S’il faut aller vers les autres, le meilleur chemin reste la culture. Le monde arabe me devient plus transparent à la lecture de Mahmoud Darwich. Notre politique éditoriale se définit simplement avec le mot OSER… C’est encore Darwich qui disait qu’«aucun peuple n’est plus petit que son poème.» Nous osons avec un certain nombre d’auteurs que les gens ne connaissent pas ici. Nous osons en éditant des auteurs amérindiens, sénégalais, haïtiens, etc. Nous osons croire que la littérature est cet ensemble de voix solitaires qui cherchent résonnance. Nous osons... C’est cette audace qui s’appelle édition… sans laquelle aucune voix, aucun ton, aucun langage ne semble possible. &nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL: </strong></span>Mémoire d’encrier publie de la fiction, mais aussi des chroniques, des essais, de la poésie et des beaux-livres. Ainsi, on peut affirmer qu’il s’agit d’une maison «&nbsp;généraliste&nbsp;», mais dont la production témoigne quand même d’une grande cohésion et de beaucoup de cohérence. Que pensez-vous de ce constat?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE:&nbsp; </strong></span>Nous sommes cohérents puisque nous sommes dans une vision de la relation qui englobe la totalité de l’être. Nous ne discriminons pas… nous sommes dans une quête de sens, qui se reconnaît dans des genres différents. Nous sommes curieux… et nous avons la responsabilité d’accompagner certaines voix, puisque nous sommes les seuls à pouvoir comprendre le sous-texte. Qu’est ce qui se cache derrière la chronique d’un musicien haïtien noir, aveugle, vivant à Montréal? Ou encore derrière une jeune femme amérindienne Natasha Kanapé Fontaine, qui chante sa chanson: demain nous serons encore là… et qui écrit son recueil de poèmes pour dire <em><a href="http://memoiredencrier.com/nentre-pas-dans-mon-ame-avec-tes-chaussures/">N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures</a></em>. Cette fragilité, cette nécessité de la conquête de soi et du territoire nous concernent. Je suis personnellement sensible à ces appels. Je dis oui. Parce que je sais qu’il y a des milliers de gens qui se posent ces mêmes questions. Parce que je sais que la littérature doit participer à la construction sociale. C’est une responsabilité de se mettre à l’écoute des voix singulières. De témoigner d’une grande liberté de choix, d’être dans la bibliodiversité.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/ame_0.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/ame_0.jpg" alt="123" title="" width="185" height="300" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL:&nbsp; </strong></span>Comment peut-on assurer sa diffusion et sa survie quand on est un «petit» joueur dans le monde de l’édition québécoise,&nbsp;où quelques groupes d’éditeurs obtiennent pratiquement toute la visibilité, tant en librairie que dans les médias? Quel rôle joue le numérique dans votre stratégie de commerce?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE: </strong></span>Petite édition… je veux être une petite édition. C’est aussi un privilège de lire tout ce que je publie. De ne pas réduire le livre à un simple produit. D’avoir l’illusion que le livre que j’édite va trouver échos chez un lecteur. Et ces mots vont se démultiplier. Ces phrases vont aider ce lecteur&nbsp;à devenir sujet, à se mettre debout. C’est un privilège de pouvoir éditer de la poésie et d'être indépendant. Ne pas être à l’ordre du monde. Quel bonheur d’être debout dans l’angoisse et la beauté du monde. Nous sommes debout à chercher le sens, le langage. Nous devons faire la route avec certains mots comme éthique, vertu, poésie… Nous devons aller à contre-courant. Car, il nous faut résister. Il nous faut hurler. Il y a partout des voix qui se lèvent. Des voix qui disent non. C’est confortable tout cela…</p> <p style="text-align: justify;">Pour le numérique, on s’y met doucement, cela fait deux ans, sans répondre au harcèlement du marché. Tout notre catalogue sera numérisé à compter de 2013. Certains de nos titres sont déjà en version numérique. Néanmoins, ce qui nous interpelle c'est l’intelligence du monde. Le numérique est un support, seulement un support. Ça ne rend pas le monde plus nuancé et plus remarquable. Il nous faut trouver le livre, la pensée, le poème… l’important est le livre.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL:&nbsp; </strong></span>On a le sentiment que le milieu littéraire québécois est très petit, et encore plus quand on se concentre sur ceux qui s’éloignent des pratiques littéraires à vocation commerciale et optent pour une vision plus rigoureuse, plus audacieuse de l’écriture. Quelle importance a la communauté, celle des auteurs, des autres éditeurs, des libraires, pour vous?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE: </strong></span>Toute la chaîne du livre est à considérer. Peut-être que&nbsp;la cohésion manque. La subvention prend peut-être une part trop importante dans la réflexion sur la place du livre dans notre société. Il faudrait peut-être faire avec moins de prudence… aller plus loin. Je suis souvent étonné devant la puissance de certaines petites structures éditoriales québécoises indépendantes. Et je veux citer en poésie Le Noroît, Les Écrits des forges, Les Herbes Rouges, et en littérature générale, Le Quartanier, Marchands de feuille, La Peuplade, Lux, Écosociété, Remue-ménage… Ce sont de véritables éditeurs qui aident à mieux lire le monde…</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/ours_2.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/ours_2.jpg" alt="129" title="" width="185" height="300" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL:&nbsp; </strong></span>Votre maison fait une grande place aux exilés, aux auteurs venus d’ailleurs, aux marginaux, aux francophones qui écrivent de l’extérieur du Québec et de la France. Ce choix éditorial — car on devine qu’il s’agit bel et bien d’un choix — s’explique comment? Par des affinités toutes personnelles avec ces auteurs et leurs littératures, ou encore par un désir plus «&nbsp;altruiste&nbsp;» de faire une place à ceux qui n’en ont pas, dans notre milieu quand même assez restreint?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE:&nbsp;</strong></span>J’aime bien ce vers de Pablo Neruda qui dit: «Nous demandons une patrie pour l’humilié»<em>.</em> Je viens d’une histoire de grande violence. La blessure est encore vive. Je suis ancré dans des histoires étouffées, marginalisées… Je viens d’un ensemble de voix et de langues condamnées au silence. D’où la volonté d’aller vers ce qui est en marge, vers ce qui est à émerger. Donner voix aux voix cachées. Donner corps aux corps écorchés. Le corpus est une question d’affinités personnelles. Dis-moi ce que tu lis, ce que tu édites, et je te dirai qui tu es. Je suis dans l’imaginaire du guerrier, qui est un imaginaire complexe, qui défriche, découvre et partage. En fait, les auteurs que je publie sont pour la plupart des amis, avec qui je partage un certain nombre de convictions, d’idées et de valeurs. Ils me représentent quelque part. Ils grandissent mon moi, me prolongeant. Je me reconnais dans ce qu’ils sont. Ils sont ce que je désire. Leur voix est fragile, leur idée généreuse, et des fois ils n’ont aucun territoire. Ce sont de véritables guerriers. Leurs livres sont des <em>armes miraculeuses</em>, pour reprendre l’expression de Césaire.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL:&nbsp; </strong></span>Qu’est-ce qui vous intéresse dans une écriture ou un projet, qui vous amène à choisir un texte&nbsp;en particulier parmi les manuscrits que vous recevez?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE:&nbsp; </strong></span>Le sens, surtout! L’idée que le ton est neuf. Et qu’il y a là une voix singulière qui attend d’être lue. C’est également la cohérence avec&nbsp;le catalogue. Je publie une jeune auteure Libanaise Hyam Hared, <em>Esthétique de la prédation</em>. J’ai lu et relu son texte, au moins cinq fois, et sa voix est restée en moi, sa question être dans son je/jeu, dans un collectif et dans un monde miné par la guerre et la peur. Cette relation de l’individu au collectif éclaire ma propre histoire. Donc, je choisis ce texte, parce que j’aimerais partager cet amour-là. Que d’autres prolongent le geste et découvrent ce frisson.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL: </strong></span>Quels sont vos coup de cœur et coup de gueule du moment, par rapport à la situation littéraire ou aux derniers événements littéraires au Québec?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE: </strong></span>Mes coups de cœur, j’aime bien ce mot… le cœur y est toujours dans le métier. La passion de bousculer la pratique… j’ai beaucoup aimé le roman de Jocelyne Saucier, <em>Il pleuvait des oiseaux (XYZ),</em> le recueil de poèmes de Louise Dupré, <em>Plus haut que les flammes</em> (Le Noroît). Coup de gueule: il y a une petite république littéraire qui se regarde le nombril, il faut sortir la littérature du Plateau Mont-Royal pour mieux la nourrir, ça sent des fois trop le bas de laine… le territoire est si vaste, nous devrions apprendre à ouvrir les fenêtres pour pouvoir fixer l’horizon… cela paraît si petit si mesquin si entre-nous et si simpliste que cela fait de la peine… c’est le même prix: rêver, imaginer le monde ou s’enfermer dans les petites rues étroites de l’imaginaire…</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/controverse_1.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/controverse_1.jpg" alt="130" title="" width="201" height="300" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL: </strong></span>Y a-t-il des nouveautés que vous aimeriez nous présenter? Des livres que vous avez publiés qui n’ont pas reçu autant d’attention que vous auriez souhaité et dont vous aimeriez parler?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE:&nbsp; </strong></span>Pour les nouveautés, je suis très sensible à la collection poésie de Mémoire d’encrier, avec notamment Jean Désy, <em><a href="http://memoiredencrier.com/chez-les-ours/">Chez les ours</a></em>, et Natasha Kanapé Fontaine, <em>N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures.</em> Il y a quelques titres qui échappent complètement aux lecteurs. J’ai édité le plus important livre sur Cuba, <em><a href="http://memoiredencrier.com/controverse-cubaine-entre-le-tabac-et-le-sucre/">Controverse cubaine entre le tabac et le sucre</a></em> de Fernando Ortiz. Cet essai qui a marqué l'anthropologie, et qui est à l'origine de la transculture, raconte l’histoire du monde à travers celle de deux produits: le tabac et le sucre. C’est un livre, à mon sens, fondamental. Il y a aussi les grands auteurs publiés chez Mémoire d’encrier, Jacques Roumain, Davertige, Franketienne, Ida Faubert, etc., qui attendent leurs lecteurs.</p> <p style="text-align: justify;">La meilleure qualité pour un éditeur est la patience. Alors, je vis dans l'intelligence, la beauté et la patience.</p> Afrique Amérindien Caraïbes Chronique Jeunesse Québec Entretiens Essai(s) Poésie Roman Thu, 13 Dec 2012 17:10:23 +0000 Pierre-Luc Landry 641 at http://salondouble.contemporain.info Entretien avec La Peuplade http://salondouble.contemporain.info/antichambre/entretien-avec-la-peuplade <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/voyer-marie-helene">Voyer, Marie-Hélène</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-filefield field-field-image"> <div class="field-label">Image:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <div class="filefield-file"><img class="filefield-icon field-icon-image-jpeg" alt="icône image/jpeg" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/all/modules/contrib/filefield/icons/image-x-generic.png" /><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/Image pour page éditeur.jpg" type="image/jpeg; length=1851247">Image pour page éditeur.jpg</a></div> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p><strong>La Peuplade édite des ouvrages de littérature canadienne francophone actuelle. La maison publie de la poésie contemporaine, du roman ainsi que des entretiens sur les arts. Soucieuse d’enrichir son catalogue d’œuvres originales et fortes, la jeune maison d’édition demeure réceptive à la publication d’autres genres littéraires, notamment les essais en sciences humaines et sur les arts visuels. La maison publie des auteurs issus de l’ensemble du territoire. Elle propose une littérature de découverte et se tourne naturellement vers la nouvelle génération d’écrivains, vers les auteurs émergents.</strong><br /><br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>Salon Double [SD] -</strong></span> Qu’est-ce qui a motivé votre décision de fonder une nouvelle maison d’édition ? Est-ce que vous sentez que votre maison d’édition a permis de combler un manque dans la scène littéraire contemporaine ?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>La Peuplade [LP] - </strong></span>C’était en 2005, nous arrivions au Lac-St-Jean, la région choisie pour l’achat d’une maison sur le territoire. L’idée en tête : créer un projet artistique tout en faisant le pari de la vie en région. Un matin, la une du cahier <em>Livres</em> du journal <em>Le Devoir</em> annonçait l’acquisition de Sogides par Quebecor. Ça été un déclencheur pour nous : il fallait contrer le grand par le petit et redonner leurs lettres de noblesse à Roland Giguère (Éditions Typo, l’Hexagone), à Gaston Miron (l’Hexagone), et les autres (chez VLB) qui devaient se retourner dans leurs tombes – ou dans leurs salons. À la création de La Peuplade en 2006, nous ne pouvions nous imaginer ce chemin que nous allions parcourir et cette réelle place que nous allions occuper dans le paysage éditorial et littéraire québécois. La reconnaissance s’est vite fait sentir, par des recensions dans les médias, par des commentaires opportuns, par les réussites de chaque jour. Nous avons lancé la maison au Pied de Cochon le 6 juin 2006 et, déjà, la curiosité était piquée. Je ne saurais dire quelle est la nature du manque que nous comblons maintenant, mais nous avons amené sur l’échiquier des pions uniques, authentiques, à têtes rêveuses.<br /><br /><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/BUC_FINAL_300%20-%20copie%20600%20ko.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/BUC_FINAL_300%20-%20copie%20600%20ko.jpg" alt="116" title="" width="345" height="552" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><span style="color:#696969;"><strong>[SD] -</strong></span> Quelle politique éditoriale vous êtes-vous donnés, quelle ligne directrice ou vision de la littérature vous oriente ? Est-ce que votre politique éditoriale a changé depuis le début de vos activités ?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[LP] - </strong></span>Au départ, il a été clair que nous allions nous concentrer sur des collections de littérature précises : la poésie et la fiction. Nous avions également envie de développer l’entretien littéraire comme genre pratiquement inexistant au Québec, sinon avec les journaux ou avec le travail de Jean Royer. Deux livres d’entretien ont été réalisés – le premier sur le travail de l’écrivain Hervé Bouchard et le second sur le travail du cinéaste Hugo Latulippe. Ce sont des livres complexes à faire et ils ont pour but d’immortaliser, dans le temps et dans la mémoire collective, les démarches et les idées de créateurs importants qui, même si l’on peut juger – ou non – qu’ils ne le sont pas au moment de l’entretien, marquent ou marqueront leur époque dans leur pratique respective.<br /><br />La Peuplade choisit le texte avant tout. La seule façon d’aborder la littérature est de le faire à partir du texte. C’est ce qui prime. Il arrive aussi qu’une autre question se pose, une fois qu’un texte avec des qualités exceptionnelles ait été déniché : « Est-ce que ça vient chez La Peuplade ? » La Peuplade a son identité propre, des goûts personnels.<br /><br />L’idée que l’art doit peupler le territoire s’inscrit également dans notre politique éditoriale, idée que nous gardons comme cap et qui nous ramène inlassablement à nos origines. Nous occupons le territoire. Nous désirons éviter la centralisation du savoir, des pratiques, des arts, du succès. Établie en région, notre maison est sans frontières.<br /><br /><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/BEANTE%20COUV_FINAL%20-%20copie.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/BEANTE%20COUV_FINAL%20-%20copie.jpg" alt="117" title="" width="580" height="928" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><span style="color:#696969;"><strong>[SD] -</strong></span> Qu’est-ce qui vous intéresse dans une écriture ou un projet, vous amène à choisir un texte en particulier parmi les&nbsp; manuscrits que vous recevez?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[LP] - </strong></span>Il n’y a pas de livre sans écrivain. Dans un premier temps, l’écriture doit être celle d’un écrivain, car celui-ci fabrique, avec le temps, la littérature. Nous nous attardons à priori à la démarche de l’auteur d’un manuscrit proposé, nous questionnons les motivations de l’auteur d’un projet, nous voulons en savoir plus sur ce qui est imaginé pour le futur. Choisir un texte dans le but d’en faire un livre signifie choisir de marcher dans un sillon – tracé ou à tracer – en compagnie de l’éclaireur dudit chemin, aux côtés d’un artiste de la littérature.<br /><br />Aussi, nous regarderons consciencieusement l’écriture, l’indicateur premier de la maîtrise que l’auteur a de son art. La maîtrise de la langue permet à l’écrivain de développer de grandes qualités comme la nuance, le raffinement, la précision. Les mots justes ouvrent la voie aux idées les plus alambiquées. Nous recherchons des écrivains qui sont des passionnés de la langue, bien avant l’idée de l’utiliser pour écrire un livre. Nous recherchons des gens curieux, qui veulent apprendre, qui veulent aller plus loin, qui veulent prendre part à un échange sur le texte – la matière –, qui veulent contribuer à faire d’un texte le meilleur livre. Le processus de publication nécessite de la générosité.<br /><br /><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/couverture_coit300%20-%20copie.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/couverture_coit300%20-%20copie.jpg" alt="118" title="" width="580" height="772" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><span style="color:#696969;"><strong>[SD] -</strong></span> Comment peut-on assurer sa diffusion et sa survie quand on est un « petit » joueur dans le monde de l’édition québécois, où quelques groupes d’éditeurs obtiennent pratiquement toute la visibilité, tant en librairie que dans les médias? Quel rôle joue le numérique dans votre stratégie de commerce ?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[LP] - </strong></span>Le « petit » joueur ou la petite boîte d’édition doit trouver, avant tout, le distributeur québécois qui sera le plus à même de défendre et de diffuser ses collections. Chaque distributeur a ses forces et ses spécialités. En dehors de cela, chaque maison d’édition doit élaborer ses stratégies de médiatisation et de représentation du travail de ses auteurs, grâce à quoi petite maison deviendra grande. Ce n’est pas la visibilité qui est le plus difficile à obtenir, mais la légitimité et la reconnaissance du contenu. Quand la place est taillée à même l’arbre, quand on juge votre travail désormais nécessaire, tout est possible. Il faut alors s’organiser.<br /><br />S’organiser sur tous les plans. Penser à tout, à tous les intervenants de la chaîne du livre. Être toujours en avance. Peser les mots. Être acteurs. Être joueurs. Pour le numérique, il a fallu rapidement devenir un joueur. Prendre la place du marché qui nous était offerte. Rapidement, on est devenu joueur et, progressivement, La Peuplade apprivoise sa nouvelle peau, en proposant ses nouveautés en numérique, en numérisant peu à peu son fond, en réfléchissant sur les avenues, sur l’avenir du numérique et comment l’aborder. Rien ne sert de courir, il faut partir à point. Nous avons envie d’aborder le livre numérique différemment que le livre papier (encore, pour nous, l’objet parfait que nous aimons profondément).<br /><br /><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/PE_COUV_FINAL.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/PE_COUV_FINAL.jpg" alt="119" title="" width="580" height="928" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><span style="color:#696969;"><strong>[SD] -</strong></span> On a le sentiment que le milieu littéraire québécois est très petit, et encore plus réduit quand on se concentre sur ceux qui s’éloignent de pratiques littéraires à vocation commerciale et optent pour une vision plus rigoureuse, plus audacieuse de l’écriture. Quelle importance a la communauté, celle des auteurs, des autres éditeurs, des libraires, pour vous ?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[LP] - </strong></span>Le milieu littéraire québécois est peuplé de gens inspirants et formidables. On fait sa rencontre et on n’a plus envie de le quitter. On souhaite l’enrichir et le développer. En effet, le milieu est petit et tout le monde vient à se connaître. En vivant loin de Montréal – le lieu de toutes les rencontres –, La Peuplade n’est parfois pas à jour dans ses relations avec les communautés d’auteurs, d’éditeurs et de libraires. Or, cela est garant de l’indépendance que nous recherchons dans l’exercice de notre métier. C’est d’abord et avant tout une indépendance de choix qui guide notre travail. Les écrits que nous choisissons nous transportent suffisamment pour s’imaginer les défendre pour toujours (du moins, le temps d’un contrat !). Les auteurs qui viennent vers La Peuplade nous adoptent pour notre rigueur et notre passion, peu importe la distance qui nous sépare.<br /><br />À cet égard, il faut ajouter que <em>rigueur</em> ne s’oppose pas nécessairement à <em>commercial</em>. Quelle maison d’édition espère entasser ses livres dans un entrepôt ? Vouloir vendre des livres n’est pas un mal. Vendre un livre signifie que celui-ci sera lu par une personne de plus et non destiné au pilonnage, pratique que nous dénonçons. &nbsp;<br /><br /><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/Wigrum-Cover---copie-1-600-ko.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/Wigrum-Cover---copie-1-600-ko.jpg" alt="120" title="" width="580" height="871" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[SD] -</strong></span> Quels sont vos coup de cœur et coup de gueule du moment, par rapport à la situation littéraire ou aux derniers événements littéraires au Québec ?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[LP] - </strong></span>Le texte demeure, pour nous, central. Il en est autrement dans les médias. Par exemple, les livres à l’émission <em>Tout le monde en parle</em> sont tout à fait éclipsés de la table, alors qu’à priori ils sont l’objet de l’invitation de l’écrivain. En matière d’art littéraire, cette puissante équipe de télévision passe la plupart du temps à côté de l’essentiel. Comme il aurait été intéressant que Guy A. Lepage demande à Vickie Gendreau : « Pourquoi écrire un livre quand on est condamnée à mourir ? »… Ce n’est malheureusement pas sous cet angle qu’on aborde d’habitude la littérature et l’écriture dans les médias québécois.<br /><br />Sur une note plus positive, nous voulons souligner les nouvelles maquettes de livres de nombreux éditeurs québécois. Depuis 2000, on a vu l’apparition de plusieurs maisons d’édition, ce qui n’a pas été sans transformer le milieu éditorial québécois. L’émergence conduit au progrès, au renouvellement de tous.<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[SD] -</strong></span> En tant que maison d’édition située loin de la métropole, pensez-vous que la réalité montréalaise éclipse celle du reste du Québec, tant dans le circuit littéraire que dans les oeuvres qui sont publiées actuellement ? Ou qu’il y a un retour du balancier (voir numéro de <em>Liberté</em> et certains de leurs propres auteurs).<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[LP] - </strong></span>Montréal est Montréal. Québec est Québec. St-Fulgence-de-l’Anse-aux-Foins est St-Fulgence-de-l’Anse-aux-Foins. Il n’en tient qu’aux écrivains de rendre lisibles les histoires qui se dissimulent dans les paysages. La Peuplade croit sincèrement que l’art doit peupler le territoire, jusque dans les villages. Nous résistons aux phénomènes qui voudraient exclure, ou simplement oublier, d’autres réalités. La métropole génère évidemment bien des trajectoires, mais on gagne toujours à élargir les horizons.<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[SD] -</strong></span>&nbsp; Alors qu’une maison d’édition choisit habituellement une police de caractère unique pour toutes ses œuvres afin de contribuer à se faire une « image de marque », vous semblez choisir une nouvelle typographie pour chaque œuvre. Comment se déroule ce processus ? En collaboration avec l’écrivain ou selon votre propre choix ?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[LP] - </strong></span>L’image de marque de La Peuplade se situe principalement dans ses couvertures, puisque chaque œuvre qui les orne est celle d’un artiste contemporain québécois qui reçoit le manuscrit après qu’il ait été sélectionné pour publication. Nous avons, jusqu’à maintenant, privilégié le dessin. Le dessin est la base des arts visuels. Il n’est pas rare que l’artiste produise plus d’une œuvre.<br /><br />La typographie vient s’ajouter ensuite, une fois que l’œuvre finale a été approuvée par les éditeurs et par l’auteur.</p> <p style="text-align: justify;"><em>Pour en savoir plus :</em> <a href="http://www.lapeuplade.com/">http://www.lapeuplade.com/</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="http://salondouble.contemporain.info/intersections-et-collisions">Lisez la brève à propos du recueil Point d'équilibre de Mélissa Verreault ici. </a><br />&nbsp;</p> Québec Entretiens Écrits théoriques Poésie Récit(s) Nouvelles Roman Tue, 04 Dec 2012 17:00:20 +0000 Marie-Hélène Voyer 644 at http://salondouble.contemporain.info Entretien avec Élise Bergeron, des Éditions du remue-ménage http://salondouble.contemporain.info/antichambre/entretien-avec-lise-bergeron-des-ditions-du-remue-m-nage <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/bergeron-marie-andr-e">Bergeron, Marie-Andrée</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-filefield field-field-image"> <div class="field-label">Image:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <div class="filefield-file"><img class="filefield-icon field-icon-image-png" alt="icône image/png" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/all/modules/contrib/filefield/icons/image-x-generic.png" /><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/remue-ménage.png" type="image/png; length=3735">remue-ménage.png</a></div> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p style="text-align: justify;">Afin d'aborder la rentrée littéraire automnale, Salon Double a mené une série d'entretiens avec plusieurs éditeurs afin de découvrir leur historique, leurs politiques éditoriales et leurs vues plus larges sur la littérature contemporaine. La série se poursuit par un entretien avec les Éditions du remue-ménage. Élise Bergeron a accepté de répondre à nos questions.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Engagées à rendre aux féministes une voix pour porter leurs revendications et leur culture, <a href="http://www.editions-rm.ca/">les Éditions du remue-ménage</a> remplissent depuis trois décennies une fonction critique et éditoriale en partie fondatrice d’un mouvement en constante redéfinition.&nbsp; Rencontre avec Élise Bergeron, féministe, militante et éditrice depuis 10 ans aux Éditions du remue-ménage.</strong><br /><br /><strong><span style="color:#696969;">Marie-Andrée Bergeron [MAB]</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> En quelle année la maison d’édition a-t-elle été fondée, par qui, pour quels motifs?<br /><br /><strong><span style="color:#696969;">Élise Bergeron [EB] —</span></strong> En 1976, par un collectif de femmes. C’était dans la mouvance de la Librairie des femmes et les filles se sont dit : « Pourquoi on n’aurait pas une maison d’édition faite par les femmes, pour les femmes ».</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/f%C3%A9minismes%20%C3%A9lectriques.png" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/f%C3%A9minismes%20%C3%A9lectriques.png" alt="76" title="" width="263" height="330" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Est-ce que vous sentez que votre maison d’édition a permis –et permet toujours– de combler un manque sur la scène littéraire?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Totalement. Il y a eu quelques maisons d’édition féministes indépendantes dans les années 1970 ailleurs au Canada, surtout dans le milieu anglophone, mais il n’y en a presque plus. Elles ont pour la plupart été rachetées par des grands groupes. Des maisons d’édition qui produisent juste des textes féministes, ça n’existe plus et donc c’est clair que si à l’époque, c’était déjà important, ce l’est d’autant plus aujourd’hui. Il faut que ça existe pour publier des textes qui ne sont pas nécessairement mis de l’avant chez les autres éditeurs. Encore aujourd’hui, c’est important et je me le fais dire chaque fois que je fais des présentations des textes de remue-ménage. Il y a des textes féministes qui paraissent chez d’autres éditeurs, mais c’est vraiment minuscule, c’est une goutte d’eau dans l’océan alors je pense que c’est vraiment pertinent que remue-ménage continue d’exister.<br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Sur le plan littéraire, considérez-vous que remue-ménage a joué un rôle dans l’émergence de l’écriture des femmes au Québec, avec des publications des textes de <a href="http://www.editions-rm.ca/auteure.php?id=556">Nicole Brossard</a> par exemple?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">— </span></strong>Oui. Les premiers textes que remue-ménage a publiés étaient des pièces de théâtre, mais du théâtre très militant ; ensuite, nous avons publié plusieurs poètes comme<a href="http://www.editions-rm.ca/auteure.php?id=326"> Louise Warren</a>, <a href="http://www.editions-rm.ca/auteure.php?id=331">Louise Dupré</a>, <a href="http://www.editions-rm.ca/auteure.php?id=555">Louise Cotnoir</a> et des essais littéraires, plus formels, comme Nicole Brossard, dont on a réédité le recueil d’essais la <em><a href="http://www.editions-rm.ca/livre.php?id=1245">Lettre aérienne</a></em> dernièrement.<br /><br />&nbsp;<span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/la%20lettre%20a%C3%A9rienne.jpeg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/la%20lettre%20a%C3%A9rienne.jpeg" alt="72" title="" width="265" height="451" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Pourquoi vous êtes-vous éloignées de la sphère plus strictement littéraire?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> En ce qui concerne la poésie, principalement pour des raisons économiques malheureusement. C’est aussi une question de circonstances. Les auteures qui étaient dans notre entourage étaient de plus en plus des chercheures. Francine Pelletier, au colloque du 20e anniversaire de Polytechnique, a offert à cette question une piste de réflexion intéressante. Après la tuerie de Polytechnique, en 1989, c’est comme si les féministes s’étaient un peu repliées sur elles-mêmes et avaient pris le parti de travailler dans des sphères plus spécifiques et donc de s’attaquer à des choses plus circonscrites. Je pense que ça paraît dans notre catalogue aussi. Dans ces années-là, on a publié des textes plus pointus en sociologie, en histoire, en science politique et donc moins de textes qui parlent du féminisme et du mouvement plus largement, ce que permet la littérature, je pense. On s’est dès lors plutôt attaqué à des sujets précis comme la violence conjugale par exemple. Les filles se sont mises à travailler dans des champs d’études plus « terrain », d’une part, mais c’est aussi comme si on avait décidé de cibler des sujets, des lieux où on voulait que les choses changent, plutôt que d’investir l’imaginaire et l’espace créatif. Avec Polytechnique, c’est comme si les féministes s’étaient fait dire « taisez-vous », et elles se sont peut-être dit on va être moins sur la place publique, on va être plus en arrière pour faire bouger les choses, mais pas nécessairement comme les poètes et les artistes le font, c’est-à-dire à travers l’investissement d’un lieu où on entend plus distinctement leur voix.</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/mots%20de%20d%C3%A9sordre.png" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/mots%20de%20d%C3%A9sordre.png" alt="77" title="" width="257" height="324" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> On peut donc dire que c’est en quelque sorte un retrait de la Cité, des champs culturels et artistiques.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Il y en a plusieurs qui ont continué, mais ce n’était pas l’effervescence qu’on avait connu, avec des artistes comme Jovette Marchessault par exemple, une artiste à laquelle est dédiée une de nos publications de la rentrée 2012, d’ailleurs.<br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Quelle politique éditoriale vous êtes-vous donnée à la base? Qu’en est-il maintenant?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Ça n’a pas changé vraiment. Chez remue-ménage, l’idée a toujours été donner la parole aux femmes, à « toutes les femmes », pas seulement les artistes ou les chercheures. Au début, il y a eu des textes qui allaient dans ce sens-là comme <em><a href="http://www.editions-rm.ca/livre.php?id=1052">La vie d’une femme avec un alcoolique</a></em>, <a href="http://www.editions-rm.ca/livre.php?id=1155"><em>Il n’y a pas lieu, madame</em></a> sur la médicalisation. L’Agenda des femmes c’est un espace pour ça aussi. Il y a en même temps des textes de chercheures, des textes plus universitaires, plus théoriques. Maintenant on ne fait plus de témoignage, mais on collabore beaucoup avec des groupes qui travaillent sur le terrain comme le Regroupement des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, des organismes comme La Rue des femmes et qui donnent la parole à des femmes qui travaillent plus sur le terrain et aussi des chercheures en études féministes dans différentes disciplines spécifiques.</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/la_vie_dune_femme_avec.jpeg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/la_vie_dune_femme_avec.jpeg" alt="73" title="" width="265" height="428" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/il_ny_a_pas_lieu_madame.jpeg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/il_ny_a_pas_lieu_madame.jpeg" alt="74" title="" width="265" height="420" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Qu’est-ce qui vous intéresse dans un projet et qui vous amène à choisir un texte?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> C’est sûr que comme tous les éditeurs, on cherche des plumes, on cherche des voix, des gens qui ont quelque chose à dire et qui le disent bien. Évidemment la politique éditoriale commande une sensibilité féministe; il faut un biais féministe, ça c’est clair.<br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Comment peut-on assurer sa diffusion et sa survie quand on est un «petit» joueur dans le monde de l’édition québécois, où quelques groupes d’éditeurs obtiennent pratiquement toute la visibilité, tant en librairie que dans les médias?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">— </span></strong>Le fait d’avoir une politique éditoriale féministe est un couteau à double tranchant, c’est-à-dire que, d’une part, ça nous garantit un lectorat de chercheur.es et de gens qui sont intéressés par le féminisme. Ce lectorat est circonscrit : on sait où sont nos lectrices qui constituent de fait un bassin plus ou moins acquis parce qu’on est les seules à publier des textes sur ces sujets-là. Ensuite, d’un point de vue plus éditorial, je pense que de plus en plus les groupes d’édition deviennent tellement gigantesques et prennent de plus en plus des décisions sur la seule base des profits ou des bénéfices économiques et donc vont publier plus d’exemplaires du même titre pour inonder le marché avec un best-seller. Ultimement, ils finissent par produire moins de contenu; or, nous on peut investir cet interstice-là. Ça nous garantit une originalité. On prend plus de risques que les grands groupes et prendre des risques, ça peut être extrêmement payant, pas nécessairement financièrement, mais du point de vue de la critique, du succès d’estime. On prend donc plus de risque à publier des gens moins connus, des sujets moins mainstream: c’est vrai qu’on peut se planter, mais on peut aussi avoir un grand succès, même un succès commercial. Car les gens cherchent ça aussi. Les gens ne veulent pas juste lire Harry Potter.</p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Quel rôle joue le numérique dans votre stratégie de commerce?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> C’est une place inévitable que nous commande le marché. On prend le virage numérique assez lentement, à la hauteur de nos moyens. On pense que dans la mesure où on est à peu près la seule maison d’édition féministe dans la francophonie, le passage vers le numérique peut nous permettre de rejoindre un lectorat hors Québec, par exemple. Ensuite, on a de plus en plus de jeunes lectrices qui lisent peut-être davantage sur les iPad et autres liseuses. On envie que les nouveautés soient disponibles en format numérique, mais on en profite aussi pour rééditer certains titres qui seraient dispendieux à republier et réimprimer et que le format numérique permet de re-diffuser à moindre coût. C’est une façon de redonner un second souffle à certains ouvrages pour les garder vivants.<br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Quelle importance Les éditions du remue-ménage accordent-elles à la « communauté littéraire », celle des auteurs, des autres éditeurs, des libraires? De quelles façons vous inscrivez-vous dans ce réseau-là et pourquoi, le cas échéant, est-il important de vous y inscrire?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Dans la mesure où on est des petits, c’est plaisant de faire partie d’un groupe et de créer des solidarités. Par contre on choisit notre gang. Il y a des alliances qui se font plus naturellement que d’autres. On réseaute avec les éditeurs engagés, ceux qui font de la critique sociale, comme Écosociété et Lux par exemple. C’est hyper stimulant parce qu’on partage des infos, un bassin de lecteurs et lectrices. En ce qui concerne les auteur.es, ce sont aussi nos lecteurs et lectrices ; elles se nourrissent les unes des autres et même si parfois dans le mouvement féministe tout le monde n’est pas d’accord, mais le fait d’être ensemble ça compte beaucoup.<br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Quels sont vos coup de cœur et coup de gueule du moment, par rapport à la situation littéraire ou aux derniers événements littéraires au Québec?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Mon coup de cœur revient à des espaces comme <a href="http://fermaille.com/">Fermaille</a> par exemple, aux autres initiatives qui ont gravité autour du mouvement étudiant, de la grève. Les voix qui sont sorties de ça, pour nous, c’est extrêmement stimulant. La place que les jeunes féministes ont prise dans tout ça, c’est clair qu’on trouve ça vraiment enthousiasmant. Ça fait plaisir.<br /><br />Je suis franchement déçue du peu de place qu’on a accordé à la culture dans la dernière course électorale. On nous parle de souveraineté, de notre culture, mais pas de culture.</p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> De quelles manières voulez-vous investir le milieu pour les années à venir?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Nous c’est sûr qu’on n’a pas l’intention de changer notre ligne éditoriale, on veut continuer à faire des textes féministes et on pense qu’il y a toujours de la place pour le faire. Cette place-là est aussi nécessaire et urgente qu’il y a 36 ans. On n’a pas l’intention de changer notre façon de faire. On n’a pas l’intention de faire partie d’un grand groupe, on veut rester indépendantes. &nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/agenda%20des%20femmes.png" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/agenda%20des%20femmes.png" alt="75" title="" width="215" height="331" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Comment se renouveler après plus de 36 ans d’existence?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Ce sont les auteures qui le font. La condition des femmes évolue avec le temps, ça change et on suit l’air du temps, on suit l’époque et les préoccupations des femmes. Dans ce sens-là, on n’a pas besoin de chercher à se renouveler : la vie le fait pour nous. Les domaines de recherche évoluent, nous on suit ça de près. On continue de se coller au mouvement des femmes, et à ce mouvement qui émerge. Il ne s’agit pas juste de suivre le mouvement des femmes, mais les femmes. Les jeunes féministes de CLASSE, celles qui ont participé à la grève, elles ont fait ça seules. Elles sont parties évidemment des acquis, mais nous on les regarde aller et on les suit.&nbsp; On reste au fait de ce qui est en émergence et on veut pouvoir servir ça. Mais il y a aussi des organismes comme La Centrale qui se re-questionnent, se re-positionnent et qui ont redéfini leurs objectifs. Pour nous aussi c’est important de rester ouvertes à l’autocritique.<br />&nbsp;</p> Entretiens Écrits théoriques Essai(s) Poésie Récit(s) Nouvelles Roman Wed, 03 Oct 2012 14:08:41 +0000 Marie-Andrée Bergeron 594 at http://salondouble.contemporain.info Entretien avec Mathieu Arsenault http://salondouble.contemporain.info/antichambre/entretien-avec-mathieu-arsenault <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/salon-double">Salon double</a> </div> <div class="field-item even"> <a href="/equipe/arsenault-mathieu">Arsenault, Mathieu</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-text field-field-soustitre"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> L’Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <div class="rtecenter"><img alt="" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/Antichambre/boitier-face.jpg" /></div> <p>Il remet des trophées à des œuvres actuelles qu’il juge marquantes, des prix prestigieux qui font bien des jaloux tel le fameux <em>Bouillon de poulet pour fuck all</em> qui a été décerné cette année à Simon Paquet pour son roman <em>Une vie inutile</em>. Visiblement animé par le désir de participer à l’élaboration d’une communauté littéraire active et vivante qui ne se résumerait pas à la circulation de livres, Mathieu Arsenault est un acteur important des soirées de poésie et de divers événements littéraires qui ont lieu à Montréal. Ses livres sont porteurs d’une liberté langagière et intellectuelle que peu d’auteurs se permettent aujourd’hui, malmenant aussi bien la syntaxe que les idées reçues. Son premier livre de fiction, <em>Album de finissants</em> (2004), propose une série de fragments polyphoniques posant un regard sagace sur l’école, qui apparaît être bien davantage une «fabrique de gens compétents pour la vie professionnelle» qu’un lieu de formation de citoyens lucides et libres-penseurs. Son livre <em>Vu d’ici</em> (2008) poursuit l’exploration des différents flux idéologiques qui parcourent l’esprit de nos contemporains, s’attardant cette fois à la culture populaire, notamment au pouvoir hypnotique de la télévision et des désirs serviles que celle-ci véhicule, induisant l’inertie crasse des sujets dépolitisés. Mathieu Arsenault a aussi publié un essai, <em>Le lyrisme à l’époque de son retour</em> (2007), où il analyse la dialectique de l’innovation et de la tradition qui traverse la production contemporaine en prenant pour exemple la question de la résurgence du lyrisme. Ce livre, qu’il qualifie lui-même d’autothéorie, ou encore d’autobiographie théorique, parvient à joindre avec finesse des questions théoriques à l’expérience concrète que nous avons de la littérature aujourd’hui. Et c’est ultimement la question de la possibilité d’une communauté littéraire qui surgit de sa réflexion&nbsp;: «Quand je me pose la question de la possibilité de dire ‘je’ aujourd’hui, c’est une communauté que je cherche, la possibilité de créer des communautés dans un système historiquement répressif.» Mathieu Arsenault collabore également de façon régulière à la revue <em>Spirale</em>, en plus d’être l’un des membres fondateurs du magazine <em>OVNI</em>. Depuis 2008, il propose ses réflexions sur la culture populaire actuelle dans son blogue <a href="http://doctorak-go.blogspot.com/"><em>Doctorak, GO!</em></a>. Il passe aujourd’hui au Salon pour nous entretenir de l’Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle, un projet qu’il a mis en branle en 2009.<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Salon double —</strong></span> À Salon double, nous cherchons des façons de mettre en valeur et de commenter la littérature contemporaine. Nous sommes intéressés par ta série de «15 publications intéressantes 2010 selon l'Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle», publiée sur ton blogue&nbsp;<a href="http://doctorak-go.blogspot.com/"><em>Doctorak, GO!</em></a>, parce que tu y valorises aussi, à ta façon, des œuvres québécoises qui ont été plus ou moins ignorées en 2010. Alors que les critiques des médias&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;collectionnent tous les mêmes cartes d’écrivains au style de jeu plus ou moins convenu, tu sembles avoir un penchant pour les jeunes recrues qui tentent d’imposer de nouvelles manières de concevoir la joute littéraire. La liste d’œuvres que tu proposes, plutôt éclectique, montre bien qu’il existe une relève. On y retrouve des romans, de la poésie, de la bande dessinée, des textes inclassables, des textes publiés en fanzines... Selon quels critères avez-vous constitué cette liste? Désiriez-vous mettre en lumière des mouvements ou des tendances particulières dans la littérature québécoise contemporaine?<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Mathieu Arsenault —</strong></span> Le projet de l’Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle est de prendre le contrepied de l’image médiatique de la littérature québécoise actuelle, qui construit un programme finalement assez réducteur dans ses propositions esthétiques: du roman, du roman, du roman, avec «du souffle», de la «maîtrise» et, assez souvent, une retenue, un art de la concision. Mais ce programme est assurément moins dommageable que le public qu’il associe à la littérature. Car ce public est en déclin, il vieillit sans se renouveler et s’accroche à une idée du littéraire qui lui appartient, mais qui ne se renouvelle pas nécessairement. Quand on parle de relève dans les médias, c’est d’ordinaire à ceci qu’on fait référence: l’espoir que survive ce rapport à la littérature et les pratiques qui lui sont associées. Mais cette idée de la relève n’incarne qu’une forme parmi d’autres de rapport à la tradition littéraire. Pour cette raison, ce à quoi nous travaillons, ce n’est pas à identifier des tendances émergentes en littérature québécoise. Notre projet serait plutôt d’inventer un public, de trouver à quoi ressemble le désir de notre époque pour la chose littéraire. Le public que nous cherchons ne ressemble pas à celui plein de révérence des années 80, ni à celui presque inexistant des années 90. Les littéraires d’aujourd’hui sont plus éclectiques dans leurs goûts. Ils sont peut-être détachés d’une manière salutaire de l’industrie du livre, du système des rentrées littéraires et de la promotion médiatique. Même si ce ne sont pas toujours des livres, ils lisent globalement plus, sans discrimination.<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Salon double —</strong></span> Votre projet vient en effet combler un vide dans l’espace littéraire québécois. Il répond à un désir de renouveau de l’espace littéraire qui semble partagé par plusieurs. Pourrais-tu nous parler de la façon dont il a vu le jour? Comment fonctionne l’attribution des prix de l’Académie? As-tu établi des critères précis pour la sélection des œuvres récompensées?<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Mathieu Arsenault —</strong></span> J’ai fondé l’Académie à l’hiver 2009 lors d’<a href="http://doctorak-go.blogspot.com/2009/01/les-prix-de-lacademie-de-la-vie.html">une note</a> au ton humoristique sur <a href="http://doctorak-go.blogspot.com"><em>Doctorak, GO!</em></a> Lucide et amusé, je voulais illustrer ma conviction que mon travail n’était pas trop fait pour remporter des prix en faisant croire en blague que même si je fondais une académie, les honneurs finiraient par m’échapper. J’avais établi une liste de livres de récipiendaires faite de livres que j’avais lus dans l’année et que j’avais trouvés curieux ou intéressants. Cette note a été très populaire, pas parce qu’elle était drôle ou particulièrement bien tournée, mais parce qu’on y mentionnait des livres qui n’apparaissaient nulle part ailleurs sur le Web, sinon sur le site de leurs éditeurs. Et, qui plus est, certains auteurs ont été très flattés que je leur remette un prix, même si c’était sans prétention. L’année suivante, j’ai voulu pousser l’exercice plus loin en organisant un gala. Catherine Cormier-Larose, organisatrice de lectures hors pair, est alors entrée au «comité», et nous avons décidé ensemble des prix à remettre. Grâce à elle, le gala a pris la forme d’une soirée de lecture originale un peu trash et faussement officielle, dans l’esprit de la liste des prix. L’Académie a pris avec elle une direction plus convaincante, elle lit beaucoup et possède un excellent jugement. Pour l’édition de cette année, Vickie Gendreau s’est jointe à son tour au comité, car elle confectionne les trophées. Ces trophées prennent le contrepied des statuettes de gala&nbsp;: ils sont uniques, chacun illustrant une image, une scène ou une phrase tirée du livre primé.<br /><br /> Ce que j’aime de ce projet, c’est que nous essayons de maintenir délibérément le flottement entre la parodie d’académie et l’institution sérieuse. Si nous essayons de garder le côté mordant des prix, nous effectuons maintenant la sélection avec plus de sérieux qu’au début, car d’une part, nous sentons un réel engouement de la communauté littéraire pour notre entreprise et d’autre part, on y voit également l’occasion de donner une représentation des différentes potentialités de forme et de contenus littéraires propres à notre époque.<br /><br /> Le choix des textes se fait&nbsp;en comité. On y discute non seulement de ce qu’on a lu mais aussi des livres dont on a entendu parler et que nous nous promettons de lire. Il arrive souvent que nous nous emportions à cause de véritables injustices, des livres extraordinaires qui n’auront de visibilité nulle part. Et ce n'est même pas une question d’injustice à l’égard de leur auteur, c'est une injustice à l’égard de notre époque. Beaucoup de prix travaillent à la perpétuation d’une image conventionnelle de la littérature, à entretenir une sorte de synthèse la plus réussie de formes du roman ou de la poésie qui datent au mieux d’une quinzaine d’années. De notre côté, on aime mieux les livres un peu chambranlants qui pointent vers les potentialités de notre époque. Tu sais, tu lis un texte et tu te dis&nbsp;que c'est étrange de ne pas retrouver plus souvent cette forme, ce langage, ce sujet tellement il appartient à l’expérience de notre époque?<br /><br /> Par ailleurs, le nom ridiculement long d’«Académie de la vie littéraire au tournant du vingt et unième siècle» est ironiquement sentencieux, mais il reflète aussi ce désir de répondre à la nécessité qu’il existe une communauté littéraire vivante, que les auteurs se rencontrent, prennent la mesure de la diversité et comprennent qu’ils ne sont pas seuls dans leur volonté de s’inscrire dans leur époque. Nous sommes fatigués de ces auteurs qui s’imaginent avoir inventé la roue faute d’avoir convenablement lu leurs contemporains.<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Salon double —</strong></span> Il est intéressant que tu retournes la question des tendances émergentes en insistant sur «le désir de notre époque pour la chose littéraire.»&nbsp; Les œuvres qui ont été sélectionnées par l’Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle témoignent certes d’une belle diversité, mais on y trouve tout de même des textes qui se revendiquent en tant que roman. Pensons par exemple à <em>Une vie inutile</em> de Simon Paquet, ou encore à <em>Épique</em> de William S. Messier. Depuis la mise en ligne de Salon double, nous avons accueilli des lectures critiques portant essentiellement sur le roman, alors que l’essai, la nouvelle et la poésie sont largement sous représentés. Cela porte à croire que nos contemporains, du moins ceux qui gravitent autour du monde académique, s’intéressent toujours au roman et y voient une pratique importante qui mérite l’attention. Pourrais-tu expliquer davantage ta pensée sur l’écriture romanesque? Pourquoi les romans de Simon Paquet et de William S. Messier sont-ils de bons textes à tes yeux?<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Mathieu Arsenault —</strong></span> Nous n'avons a priori rien contre le roman. Le 20e siècle a donné des romans fascinants de Proust à Don DeLillo, des expériences d'écriture qui ont véritablement pris la mesure de ce dont était capable la forme romanesque. Mais cette volonté de travailler cette forme est peu suscitée aujourd'hui. Les médias, les librairies et le grand public n’ont qu’un intérêt très marginal pour ce travail, ce qui pousse les romanciers à chercher la maîtrise et la retenue dans le style comme dans la structure. Cela dit, des textes comme ceux de Simon Paquet et William S. Messier trouvent un usage, une justification au roman. Le roman de Paquet essaie de donner une structure à un florilège de mots d'esprit absurdes et désespérés, et celui de Messier prend le prétexte du roman pour inscrire la tradition du conte traditionnel dans le réalisme d'un quotidien contemporain. Les romanciers qui nous intéressent se posent des questions, assez indépendamment finalement des critères de maîtrise et de l'actualité de leur sujet. Il importe peu qu'un roman soit mal ficelé, qu'il finisse en queue de poisson, qu'il soit trop long ou surchargé s'il recèle un dispositif esthétique cohérent.<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Salon double —</strong></span> Pour désigner cette communauté qui se constitue autour de la&nbsp;littérature, tu parles d'un public plutôt que de lecteurs. Le choix&nbsp;paraît mûrement réfléchi. Il suggère le rassemblement et l'événementiel. Si la vie littéraire est partagée par ce public, leur&nbsp;relation à la littérature déborderait donc d'une relation strictement livresque. Les rassemblements littéraires que l'on connaît&nbsp;aujourd'hui sous le nom de Salon du livre sont en réalité des foires&nbsp;commerciales où l'objet-livre prend complètement le dessus sur la&nbsp;littérature. Pour l'Académie de la vie littéraire au tournant du 21e&nbsp;siècle, y a-t-il une littérature hors du livre, hors du marché du&nbsp;livre? Qui constituerait ce public à inventer?<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Mathieu Arsenault —</strong></span>&nbsp;&nbsp;«Une littérature hors du livre». La formule est intéressante, à une époque où, justement, le livre est en phase de dématérialisation. Et en effet, les textes littérairement intéressants ne sont pas toujours confinés au livre. La littérature à venir se prépare peut-être dans le fanzine, dans la lecture publique, dans la note de blogue. C'est-à-dire que les oeuvres à venir ne seront peut-être pas des fanzines et des blogues, mais elles seront imprégnées de toutes les expérimentations qu'ils auront permises.&nbsp;Cette année, nous avons surtout donné des prix à des livres publiés, mais j'aimerais bien qu’on puisse remettre bientôt des prix pour des personnages inventés sur Facebook ou Twitter.&nbsp; J’aimerais aussi amener au-devant de la scène toute cette culture d’essais plus lyriques au ton vraiment dynamique que la pratique du blogue est en train de développer.<br /><br /> Mais cela dit, la distinction entre public et lecteurs excède aussi la question du format de l'imprimé. Parler de lecteurs et de lectorat revient à parler encore depuis cette configuration de la littérature comme production culturelle. La configuration que nous cherchons est plus proche d'une communauté, et je pense que nous ne sommes pas les seuls à chercher cela. Tout le monde appelle, recherche des communautés littéraires. Elles passent par le livre, oui, mais elles passent aussi par leur circulation, par le discours, par la critique et le commentaire. C'était un peu le projet derrière les cartes critiques d'auteurs que nous avons imprimées: faire circuler des auteurs par le biais des cartes qu'on pourrait garder dans sa poche, avec une photo devant et une critique derrière.<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Salon double —</strong></span> Tu laisses entendre que l’avenir de la littérature passe peut-être par les différentes marges de la production imprimée et contrôlée par le monde de l’édition traditionnelle, que ce soit par les blogues ou par les fanzines. Nous accordons aussi beaucoup d’importance aux blogues à Salon double et nous avons ajouté cette année sur notre site une section qui recense les billets de nos collaborateurs. Il se dégage de ces pratiques une cohérence qui nous apparaît forte, par exemple par le travail plus ou moins important de l’oralité, ou encore par une volonté de mise à distance du supposé nombrilisme des blogueurs, à propos desquels on affirme souvent qu’ils sont l’incarnation du narcissisme de notre époque. Ces blogues possèdent un lectorat important, peut-être même plus important que celui des livres qui se trouvent sur les tablettes de nos librairies. Pour certains, le statut des blogues pose tout de même problème. Pour assurer la pérennité de ces écritures, il faudrait, dit-on, que le monde de l’édition intervienne d’une façon ou d’une autre. Les Éditions Leméac ont tenté d’imprimer certains blogues, mais ceux-ci ont rapidement décidé de mettre fin à cette collection. Alors que nous observons une littérature Web en pleine effervescence, le directeur de cette maison d’édition, Jean Barbe, y voit plutôt une perte de temps : «Les blogues ont leurs limites, disait-il en 2009, et c’est beaucoup d’énergie créatrice qui n’est pas consacrée à la littérature<strong><a href="#note1a">[1]</a><a name="note1aa"></a>.</strong>» Cette réaction montre bien le fossé qui sépare la culture de l’imprimé et la culture numérique, une forme de culture légitime et une culture qu’on pourrait qualifier de sauvage. Es-tu d’avis qu’un système d’édition et de légitimation est nécessaire sur le Web? N’y a-t-il pas là un danger de dénaturer ces écritures?<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Mathieu Arsenault —</strong></span> En effet, le réseau de l’imprimé n’a jusqu’ici considéré que très timidement la scène littéraire du blogue. Mais je ne sais pas s’il faut en imputer la faute aux résistances des éditeurs traditionnels, car le passage de l’entrée de blogue au livre est plus difficile qu’il n’y paraît. Cette entrée qui paraissait infiniment spirituelle, pertinente et vivifiante dans un flux RSS peut étonnamment paraître bête, rien de plus qu’amusante et relever de la redite une fois imprimée. Il faut aussi considérer comment la forme du blogue a évolué rapidement et en marge de plusieurs manières d’écrire qui n’ont pas immédiatement rapport avec le littéraire, comme le journal intime ou le commentaire d’actualité, en plus de développer sa propre forme qui ne pourrait plus aujourd'hui faire l’économie des hyperliens, des vidéos et des images qu’elle intègre. Par exemple, une des grandes libérations que la rédaction de blogue a pu faire subir à ma manière d’écrire vient directement de l’hyperlien. Si je veux faire un rapprochement entre la philosophie de Blanchot et le forum d’image de <a href="http://www.4chan.org/"><em>4chan</em></a>, je dois évoquer les concepts de mèmes, de trollage, mentionner certaines polémiques et certains événements qui d’ordinaire échappent, mais alors complètement, aux littéraires à qui je m’adresse. Si je devais ouvrir une parenthèse explicative pour chacun de ces éléments, le rythme de mon essai se trouverait ralenti et me pousserait subrepticement vers une forme de dissertation sans doute «cool» mais scolaire. L’hyperlien permet de redonner une sorte de fierté et d’ouverture à l’essai qui s’adresse au public indépendamment de l’étendue de ses connaissances. Comme si le texte lui disait&nbsp;: «je ne vulgariserai pas parce que je sais que tu prendras les moyens de suivre le propos si le sujet t’intéresse». L’hyperlien trouve d’autres usages ailleurs, cela peut être vrai aussi pour l’intégration des images et de la vidéo ou encore le système de commentaires.<br /><br /> C'est la raison pour laquelle les seuls blogues imprimables présentement sont ceux qui font le moins usage des spécificités techniques du blogue comme les essais en bloc de Catherine Mavrikakis ou les <a href="http://www.mereindigne.com/"><em>Chroniques d'une mère indigne</em></a> et d’<a href="http://taxidenuit.blogspot.com/"><em>Un taxi la nuit</em></a>. On ne mesure pas encore pour cette raison les substantielles innovations de style et de rythme qui apparaissent en marge du réseau littéraire reconnu qu’aucune forme imprimée ne saurait encore contenir aisément. Il faut encore savoir bricoler son chemin vers le roman, la poésie et l’essai pour les faire passer à l’écrit en plus de combattre les réticences des comités éditoriaux traditionnels à qui manquent les références pour saisir la pertinence de cette manière d’écrire pour notre époque.<br /><br /> Mais les expérimentations textuelles hors des formes conventionnelles ne se sont pas non plus arrêtées au blogue. Beaucoup de blogueurs ont depuis quelque temps déserté la scène pour Facebook ou Twitter où s’intensifie la proximité du texte avec l’immédiateté des communications. Les créations littéraires faites à partir de Facebook (la création de personnages qui interagissent avec le public par exemple) sont d’une nature si différentes qu’il est pour le moment difficile de savoir si un archivage et une recontextualisation de leur expérience esthétique sont possibles. Je veux dire&nbsp;par là que certaines expériences d’écriture sur Facebook ont indéniablement des caractéristiques littéraires, mais pas celle de la durée dans le temps. Si les blogues étaient déjà limite en ce qui concerne leur publication, ces nouvelles expérimentations s’éloignent encore plus de tout ce que représente le livre. Ma conception du littéraire est aussi mise à l’épreuve devant les poussées du numérique!<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Salon double —</strong></span> Avant de terminer cet entretien, nous aimerions parler un peu d’un prix spécial que vous avez remis cette année au recueil posthume de Geneviève Desrosiers : <a href="http://www.oiedecravan.com/cat/catalogue.php?v=t&amp;id=16&amp;lang=fr"><em>Nombreux seront nos ennemis</em></a>. Publié une première fois en 1999&nbsp;par l'Oie de Cravan, il a été réédité en 2006 par le même éditeur. La poésie de Desrosiers se démarque par sa force mélancolique et par son absence de compromis. Comment lis-tu le vers «Tu verras comme nous serons heureux» répété à plusieurs reprises dans le poème «Nous»? Dans le texte de présentation du prix, on note «l'humour ironique» très présent dans le recueil, mais pourrait-on aussi lire derrière cette ironie une trace d'espoir?<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Mathieu Arsenault </strong><strong>—</strong></span> Qu’est-ce que l’ironie? Dans notre compréhension ordinaire, l’ironie apparaît presque indissociable du sarcasme et du cynisme parce que nous considérons comme un signe d’agression la rupture qu’elle instaure dans la communication. Mais il m’apparaît que le sens de l’ironie est en train de changer présentement. Quand la distinction entre la communication publique et la communication privée s’amenuise, et quand le moralisme exacerbé du grand public fait en sorte de rendre suspects les énoncés qui s’éloignent des formules creuses et dominantes, l’ironie apparaît comme un espace intime aménagé dans l’aire ouverte des échanges quotidiens, un espace où l’intention et le sens n’apparaissent qu’à ceux qui connaissent intimement les modulations du ton et de la pensée de l’interlocuteur ironique. Comme posture langagière, l’ironie est d’une immense importance, et seule la poésie me semble à même de la mettre convenablement en scène comme expérience. La poésie de Geneviève Desrosiers me semble annoncer cette période où le poème ne requiert plus l’adhésion de son lecteur ni par un «nous» national ou humaniste, ni par une expérience subjective si singulière qu’elle se refuse à la communication. <a href="http://www.lequartanier.com/catalogue/occidentales.htm"><em>Les occidentales</em></a> de Maggie Roussel m’apparaît être un accomplissement de cette posture propre à notre époque.<br /><br /> Faire apparaître ce genre de filiation est une des choses qui me tient le plus à cœur dans le projet de l’Académie de la vie littéraire. Nous ne voudrions pas devenir une tribune de plus pour la diffusion des publications courantes. Car l’actualité littéraire est aussi constituée de ces œuvres qui reviennent d’on ne sait trop où et dont on découvre la pertinence à la lumière de ce qui s’écrit aujourd'hui, de l’évolution de la sensibilité et des manières de lire. Par exemple, l’année dernière, nous donnions le prix à <em>On n’est pas des trous de cul</em> de Marie Letellier, une ethnographie de la misère urbaine fascinante surtout pour les retranscriptions d’entrevues que le livre contient. Ce livre n’a jamais été réédité et nous lui avons donné un prix parce que j’en ai entendu parler de manière passionnée à plusieurs reprises dans des circonstances différentes. Ce n’est que tout récemment que m’est apparue une esquisse d’interprétation à cet engouement: le déclin de l’intérêt pour la lecture de fiction québécoise me semble en train d’ouvrir le champ au documentaire écrit, sous la forme de l’autobiographie, de l’essai lyrique ou, comme dans le cas du livre de Letellier, au document qui présente une réalité crue dans une langue brute. Ces œuvres à la redécouverte discrète mais intense trouvent difficilement leur espace. Souvent, elles n’ont pas le raffinement esthétique qui leur permettrait d’apparaître sur la scène de la recherche universitaire. Elles n’ont peut-être pas non plus un potentiel commercial qui justifierait leur réédition ou leur remise en circulation dans l’espace médiatique.<br /><br /> Ce qui est amusant avec un projet comme l’Académie, c'est de chercher à faire plus que la célébration et la diffusion de la production annuelle. Nous construisons un récit sur le thème de la sensibilité littéraire de notre époque.<br /> <a href="#note1aa"><br /> </a></p> <hr /> <p><a href="#note1aa"><br /> </a> <strong><a href="#note1aa">1</a>. </strong>Cité dans Annick Duchatel, «C’est écrit dans la blogosphère», <em>Entre les lignes : le plaisir de lire au Québec</em>, vol. 6, no 1 (2009), p. 20.<br />&nbsp;</p> http://salondouble.contemporain.info/antichambre/entretien-avec-mathieu-arsenault#comments Blogue littéraire Communauté littéraire Contre-culture Critique littéraire Cyberespace DESROSIERS, Geneviève Dialogue médiatique Engagement Événement Fiction Hypermédia Ironie Journaux et carnets LALONDE, Pierre-Léon LETELLIER, Marie Média MESSIER, William S. Québec Réalisme Résistance culturelle ROUSSEL, Maggie Style Entretiens Bande dessinée Écrits théoriques Essai(s) Poésie Récit(s) Roman Tue, 31 May 2011 02:40:51 +0000 Salon double 347 at http://salondouble.contemporain.info Pierre Michon, roi et bouffon http://salondouble.contemporain.info/lecture/pierre-michon-roi-et-bouffon <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/lepage-mahigan">Lepage, Mahigan</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/le-roi-vient-quand-il-veut-propos-sur-la-litterature">Le Roi vient quand il veut. Propos sur la littérature</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p align="justify">Pierre Michon occupe une place &agrave; part dans l&rsquo;espace litt&eacute;raire de la France contemporaine; une place &agrave; la fois &eacute;lev&eacute;e et solitaire, royale: un tr&ocirc;ne. &Agrave; l&rsquo;occasion, rare comme il se doit, le roi descend de son tr&ocirc;ne &ndash; pour faire le bouffon! Cette phrase de Balzac, plac&eacute;e en exergue de <em>Trois auteurs</em> (Verdier, 1997), r&eacute;sume bien l&rsquo;affaire: &laquo;Tu pourras &ecirc;tre un grand &eacute;crivain, mais tu ne seras jamais qu&rsquo;un petit farceur&raquo;.</p> <p align="justify">&Agrave; la parution des <em>Vies minuscules</em> (Gallimard, 1984), un cercle assez restreint d&rsquo;admirateurs, compos&eacute; d&rsquo;intellectuels et d&rsquo;universitaires, intronise Michon et lui fait la cour. Depuis, on lui rend des hommages dignes de sa souveraine condition: il n&rsquo;y a qu&rsquo;&agrave; voir avec quelle emphase certains interlocuteurs du <em>Roi vient quand il veut</em> pr&eacute;sentent l&rsquo;&eacute;crivain&hellip;</p> <p align="justify">Parmi les pairs, la pose est reconnue comme telle et accept&eacute;e, voire encourag&eacute;e, sourire en coin. Surtout depuis que l&rsquo;arr&ecirc;t a &eacute;t&eacute; prononc&eacute;, &agrave; l&rsquo;occasion d&rsquo;une &eacute;mission sur les auteurs contemporains de la regrett&eacute;e <em>Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;elle dit Zazie?</em>, il y a une dizaine d&rsquo;ann&eacute;es: &laquo;Au fond, Michon, c&rsquo;est le roi!&raquo;</p> <p align="justify">Au cours des ann&eacute;es, le roi est descendu de son tr&ocirc;ne une trentaine de fois pour satisfaire ses admirateurs et rappeler &agrave; leur bon souvenir le visage du petit farceur; cela donne maintenant <em>Le Roi vient quand il veut</em>, un recueil d&rsquo;entretiens l&eacute;g&egrave;rement retouch&eacute;s par l&rsquo;auteur et r&eacute;unis par Agn&egrave;s Castiglione (avec la participation de Pierre-Marc de Biasi). On rompt ainsi, d&rsquo;une fa&ccedil;on quelque peu oblique, avec une disette de cinq ans, Michon n&rsquo;ayant rien fait para&icirc;tre depuis <em>Abb&eacute;s</em> et <em>Corps du roi</em> (Verdier, 2002).</p> <p align="justify">Disons-le d&rsquo;embl&eacute;e: le travail d&rsquo;&eacute;dition n&rsquo;est pas parfait.&nbsp;La disparit&eacute; des formes et des formats d&rsquo;entretiens est assez d&eacute;rangeante : plusieurs pr&eacute;sentations sont trop longues (on aurait pu choisir d&rsquo;&eacute;liminer toutes les pr&eacute;sentations &agrave; peu de frais) et certains entretiens r&eacute;alis&eacute;s par courrier ou par courriel, ne comptant qu&rsquo;une ou deux questions, ressemblent moins &agrave; des entretiens qu&rsquo;&agrave; des textes brefs d&rsquo;auteur sur sujet impos&eacute;. Une autre critique, plus personnelle celle-l&agrave;: pourquoi avoir masqu&eacute; les noms des interlocuteurs de Michon? Quand je lis un entretien, j&rsquo;aime bien savoir qui pose les questions.</p> <p align="justify">La pr&eacute;face de l&rsquo;auteur, &laquo;Le gu&eacute;ridon et le dieu bleu&raquo;, donne le ton. Michon y parle des entretiens men&eacute;s dans l&rsquo;&icirc;le de Jersey de septembre 1853 &agrave; d&eacute;cembre 1855: Victor Hugo interviewant Shakespeare, Galil&eacute;e, l&rsquo;Oc&eacute;an, Mo&iuml;se, J&eacute;sus-Christ, la Mort et d&rsquo;autres. &laquo;C&rsquo;est le meilleur recueil d&rsquo;entretiens que je connaisse&raquo; (p. 7), affirme Michon, mi-figue mi-raisin. On peut bien rire d&rsquo;Hugo devant sa table tournante, mais n&rsquo;a-t-il pas raison de &laquo;pr&eacute;f&egrave;re[r] s&rsquo;entretenir avec des morts comp&eacute;tents plut&ocirc;t qu&rsquo;avec des imb&eacute;ciles vivants?&raquo; (p. 8). &laquo;Nous posons &agrave; n&rsquo;importe quel <em>&eacute;crivain</em>, c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; l&rsquo;heure qu&rsquo;il est tout le monde, les questions que Hugo posait, lui, &agrave; qui de droit, &agrave; qui pouvait lui r&eacute;pondre, &agrave; J&eacute;sus ou Galil&eacute;e&raquo; (p. 9). Michon bondit dans la danse: il s&rsquo;abaisse, se disant possiblement imb&eacute;cile, ou du moins <em>tout le monde</em>, peut-&ecirc;tre m&ecirc;me pas un <em>&eacute;crivain</em>; mais en m&ecirc;me temps il s&rsquo;&eacute;l&egrave;ve, car c&rsquo;est lui, c&rsquo;est Hugo &ndash; c&rsquo;est <em>la litt&eacute;rature en personne</em> qui parle aux grands morts. Si je suis un imb&eacute;cile, dit-il en somme, vous l&rsquo;&ecirc;tes encore plus de m&rsquo;interviewer moi; personnellement je n&rsquo;interroge que les morts.</p> <p align="justify">Pour dire vrai, cette posture n&rsquo;est pas &eacute;trang&egrave;re &agrave; la litt&eacute;rature m&ecirc;me telle que la con&ccedil;oit et la pratique Michon. Sa prose exigeante, on l&rsquo;a beaucoup dit, travaille &agrave; tenir les extr&ecirc;mes: le haut et le bas, le grand et le petit, le divin et le vulgaire, le classique et le barbare, la Belle Langue et le patois. L&rsquo;ombre de la Creuse natale plane sur l&rsquo;auteur et sur son &oelig;uvre. Comme &agrave; Pierre Bergounioux, &eacute;crivain fr&egrave;re originaire de la Corr&egrave;ze, la litt&eacute;rature appara&icirc;t d&rsquo;abord comme une impossibilit&eacute; ou une imposture. &Eacute;crire sera donc, pour Michon, un effort pour concilier la complexion rurale et l&rsquo;id&eacute;e tr&egrave;s &eacute;lev&eacute;e que l&rsquo;on se fait de la Litt&eacute;rature depuis la rel&eacute;gation d&rsquo;origine. Le <em>tour de force</em> de Michon &ndash; <em>Le Bruit et la fureur</em> fran&ccedil;ais &ndash;, &ccedil;&rsquo;aura &eacute;t&eacute; les <em>Vies minuscules</em>. C&rsquo;est de ce livre dont il est le plus souvent question dans le recueil. Michon entretient lui-m&ecirc;me le culte, parlant volontiers des <em>Vies minuscules</em> comme d&rsquo;un miracle impossible, accompli: le r&eacute;cit d&rsquo;une d&eacute;gradation retourn&eacute;e en &eacute;l&eacute;vation.</p> <p align="justify">Le probl&egrave;me, c&rsquo;est que le roi vient quand il veut: le miracle ne se reproduit pas, ou ne se commande pas. Depuis les <em>Vies minuscules</em>, Michon a donn&eacute; d&rsquo;excellents textes, plus courts et plus obliques, sur des sujets en apparence moins personnels. Dans <em>Le Roi vient quand il veut</em>, il classe lui-m&ecirc;me ces textes en trois groupes: 1- les textes sur des artistes (<em>Vie de Joseph Roulin</em>, Verdier, 1988, <em>Ma&icirc;tres et serviteurs</em>, Verdier, 1990, <em>Le Roi du bois</em>, Verdier, 1996), 2- les textes &laquo;historiques&raquo; (<em>L&rsquo;Empereur d&rsquo;Occident,</em> Fata Morgana, 1989, <em>La Grande Beune</em>, Verdier, 1996, <em>Mythologies d&rsquo;hiver</em>, Verdier, 1997, <em>Abb&eacute;s</em>, Verdier, 2002) et 3- les textes sur des &eacute;crivains (<em>Rimbaud le fils</em>, <em>Trois auteurs</em>, Verdier, 1997, <em>Corps du roi</em>, Verdier, 2002). En exag&eacute;rant un peu la pose, Michon pr&eacute;tend qu&rsquo;il a &eacute;crit tous ces textes simplement &laquo;pour garder la main&raquo; (p. 324), en attendant un nouveau miracle. L&rsquo;ordre chronologique de pr&eacute;sentation des entretiens, s&rsquo;il est attendu, a l&rsquo;avantage de rendre perceptible l&rsquo;&eacute;volution du conflit entre l&rsquo;&eacute;crivain et son &oelig;uvre. On note ainsi une certaine inflexion dans les entretiens des cinq derni&egrave;res ann&eacute;es. Le texte sur <em>Booz endormi</em> de Hugo dans <em>Corps du roi</em> pourrait bien &ecirc;tre un signe avant-coureur du retour du roi:<br /> &nbsp;</p> <p align="justify" class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Il y a <em>Vies Minuscules</em> &ndash; ensuite il y a tout ce qui pr&eacute;c&egrave;de le dernier texte de <em>Corps du roi</em>, dit Michon. Ce texte m&rsquo;a lib&eacute;r&eacute; du long deuil qu&rsquo;a &eacute;t&eacute; <em>Vies minuscules</em>. Parce que j&rsquo;en ai port&eacute; le deuil: je pensais v&eacute;ritablement, l&rsquo;ayant fini, que quelque chose d&rsquo;essentiel allait se passer (<em>rires</em>). Et puis, &eacute;crivant le dernier texte de <em>Corps du roi</em>, je me suis rendu compte que ce qui avait fait <em>Vies minuscules</em>, que je croyais jusque-l&agrave; &ecirc;tre une sorte de plainte familiale, n&rsquo;&eacute;tait que ma propre voix, que c&rsquo;&eacute;tait elle qui importait. C&rsquo;est elle que j&rsquo;ai retrouv&eacute;e &agrave; la fin de <em>Corps du roi</em> &ndash; celle sur laquelle je travaille actuellement, et qui me surprend (p. 324).<br /> </span></p> <p align="justify">Dans le dernier texte de <em>Corps du roi</em>, Michon fait une lecture publique de <em>Booz endormi</em>; il se prend pour le roi de la litt&eacute;rature: il tue Hugo. Le soir, dans un bistrot, il est ivre et triomphant. Il parle fort, il t&acirc;te royalement les fesses de la serveuse: on l&rsquo;expulse, on le jette sur la terrasse. Couch&eacute; sur le dos, <em>d&eacute;tr&ocirc;n&eacute;</em>, il regarde le ciel, ce &laquo;tr&egrave;s grand homme&raquo;: c&rsquo;est lui le vrai roi. Dans sa pirouette, le roi est redevenu bouffon.</p> <p>&nbsp;</p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/pierre-michon-roi-et-bouffon#comments Filiation France Histoire Intertextualité MICHON, Pierre Entretiens Essai(s) Wed, 28 Jan 2009 18:53:00 +0000 Mahigan Lepage 66 at http://salondouble.contemporain.info