Salon double - Mystère
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frL'auréole profanée du désir
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<a href="/equipe/herve-martin">Hervé, Martin</a> </div>
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<a href="/biblio/lage-de-rose">L'Âge de Rose</a> </div>
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<p style="text-align: justify;">De livre en livre, l’œuvre érigée par l’écrivain français Claude Louis-Combet témoigne d’une présence fantasmatique. La déchirure, fondamentale pour lui, se loge au sein d’une enfance hantée par le désir incestueux qu’il convoque inlassablement, terreau d’un mythique <em>commencement</em>. À cette blessure souveraine à laquelle il s’arrime s’ajoute, comme le surplis d’une cicatrice rouverte, la plaie de la vocation sacerdotale répudiée et du renoncement à Dieu. Désormais, «l’écriture, pour lui, [tient] lieu de contemplation, de méditation, de prière» (Louis-Combet, 1998: 349) et la spiritualité devient ce creuset où, par les mythes, les fantasmes et les rêves, se forge au fil des textes sa voix singulière, celle du <em>mythobiographe</em> qui scrute dans le miroir de l’imaginaire collectif les angoisses qui le travaillent. L’écriture combetienne se déploie à partir d’un matériau légendaire et biblique dont elle tire des réinterprétations traversées de ses idées fixes: par elle seule l’écrivain peut poursuivre le dialogue silencieux et vital qu’il a instauré avec l’énigme de son origine fracturée. Loin des querelles de chapelles et des débats sur ce que <em>doit</em> <em>être</em> la littérature contemporaine, il poursuit inlassablement sa marche sur son chemin intime.</p>
<p style="text-align: justify;"><br />Fort d’une culture profondément catholique, Claude Louis-Combet trouve notamment dans les <em>Vies des saints</em> les ressources à un travail de conciliation du «scandale de l’amour mystique [et du] scandale du désir charnel» (Louis-Combet, 2002: 144) . Avec <em>L’Âge de Rose</em>, paru chez son éditeur José Corti en 1997, il s’y consacre avec la plus ferme intention, relisant et réécrivant à l’aune de ses propres obsessions l’existence de sainte Rose de Lima, première sanctifiée du Nouveau Monde, qui vécut au Pérou de 1586 à 1617 et fut canonisée en 1671. Pour ce faire, il suit les traces d’une hagiographie anonyme publiée à Avignon, au XIXe siècle: des extraits de cette modeste biographie ornent ainsi chaque début de chapitre et forment le point de départ de sa rêverie d’écriture. La Rose de Claude Louis-Combet, à l’instar des autres figures féminines de mystiques qu’il a peintes dans <em>Marinus et Marina</em>, <em>Mère des croyants</em>, ou encore, <em>Magdeleine, à corps et à Christ</em>, trône sous les cariatides du péché de chair et du miracle. L’auteur n’a cure des faits et événements attendus de la vie de la vierge: il – ou plutôt son alter-ego dans le livre justement nommé le <em>narrateur </em>– s’attache non pas à la destinée séculière de la future sainte mais à son sentiment de faute originelle à expier dans les mutilations et l’ascèse intérieure. Afin de racheter les offenses des pécheurs, en premier lieu sa mère habitée d’une tendre sensualité, Rose inflige de nombreux tourments à son corps honni et creuse toujours plus en elle afin de devenir le calice qui recueillera les larmes de son Dieu Crucifié. La narration est ainsi polarisée entre les personnages de la mère et de la fille, l’une incarnant la volupté enfin assouvie tandis que l’autre cultive une inertie volontaire. Cependant cet article s’attachera plutôt à saisir les enjeux de la distorsion contemporaine d’un écrit hagiographique et les moyens et stratégies que l’auteur élabore pour s’accaparer un modèle de sainteté issu du canon ecclésiastique.</p>
<p style="text-align: justify;"><br />Au regard de la typologie dressée dans l’ouvrage de Jean-Pierre Albert, <em>Le sang et le Ciel</em>, la Rose combetienne capitalise la majeure partie des caractéristiques propres aux saintes vierges et martyres du christianisme: sentiment aigu du dualisme entre la chair déniée et l’esprit glorifié, volonté de souffrir selon le modèle de l’<em>Imitatio Christi</em>, beauté suscitant la concupiscence des hommes et devenant donc objet de meurtrissure, refus du mariage et entrée dans un ordre qui consacrent le primat de la virginité, vertu première parmi les attributions sanctifiantes des figures féminines de l’idéal chrétien. Toutes ces qualités sont attribuées à l’héroïne du livre; pourtant un décalage advient et le contrat de lecture hagiographique s’en trouve corrompu. Les souffrances de la sainte, selon le principe que «le martyre, la maladie, la vie claustrale: tels sont les creusets dans lesquels Dieu, selon un lieu commun chéri des hagiographes, épure l’or de la sainteté» (Albert, 1998: 19), sont restituées avec un luxe de précision qui répond plutôt ici à une obsession de l’auteur, obsession pour la volupté qu’il croit soluble dans l’imaginaire de sainteté chrétien. Entre les mains de Claude Louis-Combet, l’hagiographie est à la fois pervertie et perversion. Dans un même mouvement, les dimensions tant virile qu’historique sont mises à distance tandis qu’éclot un monde de rêve et de fiction où le narrateur finit par rejoindre sa créature textuelle.<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>Dépouiller pour sanctifier</strong></span><br />L’exil du masculin est la nécessaire et première séparation dans le récit. Avec ses troupes armées, le père, nommé le Capitan, s’enfonce toujours plus loin dans les touffeurs moites de la forêt péruvienne, porté par une démesure qui le dépasse et le pousse en avant. Presque sans visage, il se dissout pour ainsi dire dès les premières pages, pages qui n’omettent pas pour autant cette sentence terrible résonnant d’un bout à l’autre du texte: «Que l’on n’oublie pas, toutefois, avant de tourner la page, que Gaspard Florès est le père et qu’il marche en tête de toutes les ombres» (p. 17). Après avoir hanté à quelques reprises la maison familiale, sanctuaire des femmes, il laisse en héritage à sa fille un frère, Carlos, qui finit par s’abîmer dans la mer, élément liquide et féminin. Les hommes sont ainsi les grands absents du récit. Seule exception: le saint Dom Claudius, qui vit son ermitage à demi enterré dans le sol et que Rose va visiter dans la montagne. Ses fonctions sacrales et prophétiques justifient sa présence dans la narration, sans compter qu’il est ce saint-in-utero, plongé par le bas corporel dans l’humus, presque asexué: son phallus est étouffé dans les profondeurs humides de la terre, autre élément féminin. Le monde masculin est donc aboli, ses personnages insatiables et mouvants sont oblitérés afin que s’entende l’échange immobile des femmes dans une Lima extirpée de l’Histoire. En effet, rien dans la tâche que le narrateur s’impose ne ressemble au sacerdoce de l’historien. À rebours des sources hagiographiques qui la dépeignent agitée et luxueuse, Lima se profile dans le livre comme une ville silencieuse où la vie est mélancolique. La voix du texte va jusqu’à congédier les anecdotes et les événements non teintés d’expérience mystique ou sensuelle qui égrènent le chapelet des jours: «L’histoire de Rose ne saurait avoir les caractères d’une histoire. Il ne s’y passe rien de remarquable» (p. 184).</p>
<p style="text-align: justify;">Sans orthodoxie ou volonté de reconstitution historique, la prose se ramifie hors du domaine profane. Afin de s’approprier toujours plus la figure de Rose par l’écriture, le poétique vient même se substituer au surnaturel propre aux actions des saints. Les miracles abondent dans la vie de la vierge péruvienne: les biographies sont toutes unanimes à ce sujet. Ici cependant, la question de la qualité surnaturelle de l’héroïne paraît secondaire. Le lien qu’elle entretient avec le Ciel prend plutôt la forme d’une intériorisation profonde et les formes miraculeuses qui naissent ont bien plus l’allure d’une rêverie du monde que de prodiges divins. Ses miracles s’infusent dans la langue même et acquièrent un pouvoir nominal. Au-delà de ses propres hallucinations, Rose est le réceptacle de manifestations vitales et fertiles, elle communique au monde le mystère floral qui couronne son nom. Ainsi en va-t-il de son incroyable naissance, durant laquelle sa mère Maria de l’Oliva enfante sans douleur dans l’herbe humide du jardin. Alors que pointe la tête de l’enfant, elle arrache de sa vulve une rose noire au cœur rouge. Au même instant retentit le chœur des femmes de Lima en liesse, célébrant le retour des fleurs qui se sont toutes épanouies dans la ville. Autre signe miraculeux attaché au nom de Rose: lors de ses allers et venues à sa cahute dans le fond du jardin, les plantes se penchent et saluent son passage. Sans oublier également l’odeur délicieuse et florale que dégage son corps à l’approche du trépas, gage de son <em>odeur de sainteté</em>, ou la fleur baptismale, noire et rouge encore, qui éclot devant le regard attendri de sa mère au cours de la toilette mortuaire. Les miracles se convertissent en des manifestations poétiques, des rêveries d’une écriture onomastique qui révèle:</p>
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<p style="text-align: justify;"><br />quelque chose aussi – comme un principe – qui entrait dans le sens de son propre nom de fleur (<em>Rosa purissima</em>) [et qui] agissait dans l’infinie ténuité des êtres végétaux afin de les pousser à leur accomplissement. (p. 178)</p>
</blockquote>
<p style="text-align: justify;"><br />Le nom recèle une capacité d’évocation et d’incarnation. Ainsi, le miracle théologique se mue en miracle d’écriture qui justifie le recours, dans le texte, au merveilleux à l’œuvre dans toute existence vouée au sacré. La pertinence de la présence divine n’est pas vraiment questionnée puisque le système des symboles charriés par la langue se substitue aux puissances du surnaturel chrétien. Chez celui qui a trouvé dans la littérature une suppléante à la prière, le signe divin se transforme inévitablement en poétisation du monde. Afin que s’ouvre la sainte fleur, le récit prend donc soin d’exclure les figures susceptibles de nuire à son épanouissement en terre combetienne.<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>En s’approchant en écrivant</strong></span><br />À l’orée du texte se tient le narrateur, voix de l’auteur qui répugne à se nommer et à relater explicitement son existence, marqué qu’il est depuis l’enfance par ce onzième commandement: <em>Tu ne parleras pas de toi-même</em>. Son ambition est de prendre à rebours le travail de l’hagiographe de 1835. Il le raille et le fustige, médisant sur son œuvre qu’il compare non pas au tracé d’une plume mais à celle d’un manche à balai. Toutefois, il faut leur reconnaître à tous deux une certaine parenté de fait: ce sont des anonymes, ils sont loin de la sphère onomastique tandis que Rose en est le noyau. Tout consiste alors pour le narrateur à s’emparer de Rose, quitte à ployer le récit attesté par le canon historique, à faire croître dans ces fractures les racines de ses fantasmes et de ses cauchemars. Comme il le déclare: «A chacun la Rose qui lui est nécessaire» (p. 273). Sa transgression hagiographique est pleinement avouée et assumée. Néanmoins, le motif de son héroïne lui échappe par moments et il avoue son impuissance à le transcrire. Dans une divagation à l’approche de la mort, Rose, couchée telle la Vierge Marie, grosse du sang christique et sujette à des visions prophétiques, rejoint <em>in fine</em> le cœur du livre et «Dom Claudius-ex-utero», qui n’est autre que le narrateur enfin baptisé. Le personnage rêve de son créateur, incarnant ici la parfaite réflexivité du miroir où l’un et l’autre se reconnaissent. De la source hagiographique, le narrateur se déprend très vite: il ne la constate que pour s’en détacher et toucher enfin, dans le rythme si particulier de son écriture, le cœur de la sainte qu’il traque au fil des pages:</p>
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<p style="text-align: justify;"><br />je prétends que, dans le récit d’une vie, il s’agit, pour l’auteur, de pousser le plus loin possible son identification au personnage qu’il a choisi d’évoquer […] afin qu’on ne sache plus de qui l’on parle et qui parle: le biographe et son cœur, le saint et son âme, le texte et sa logique. (p. 71 – 72).</p>
</blockquote>
<p style="text-align: justify;"><br />C’est finalement là toute l’entreprise<em> mythobiographique</em>, où les événements de l’existence du personnage sont recouverts de l’ombre de l’écrivain et où se lit pour ce dernier la mise en mots d’une expérience intérieure.</p>
<p style="text-align: justify;"><br />Le créateur finit par exister à son tour dans les creux du texte et aux confins d’un temps perpétuellement suspendu. Car le présent apparaît vierge, presque une atemporalité dont les événements de la vie quotidienne sont tus pour permettre l’émergence des visions qui habitent l’héroïne. Tant dans la prière que lorsqu’elle s’affaire aux activités du monde matériel, couture ou ravaudage, son âme se tient «en abîme de présence. Cela durait un temps indéterminé, sans rapport avec le jour ou la nuit qui se déroulait» (p. 120). Les réalités du monde s’éloignent d’elle à mesure qu’elle se creuse pour épouser la Passion. La vie de Rose se calque sur le temps de ses visions, elle s’y installe plus <em>réellement</em> que dans le présent. Dans un article revenant sur les motifs à l’origine de son livre, Claude Louis-Combet dit ceci:</p>
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<p style="text-align: justify;"><br /><em>Âge de Rose</em> était à prendre au sens de ces grandes étendues temporelles, plus mythiques qu’historiques, que l’esprit humain a conçu sous le nom d’<em>âge d’or</em>, <em>âge de fer</em>, les cristallisant en quelque sorte autour d’un élément hautement symbolique (Louis-Combet, 2002: 150).</p>
</blockquote>
<p style="text-align: justify;"><br />La réalité historique est donc seconde dans la diégèse car la trame dans laquelle s’étend l’histoire de la sainte de Lima est un vaste champ de temporalité presque mythique où peuvent s’entremêler le spirituel et le charnel. Dans un rêve prophétique, l’héroïne embrasse les visages des Rose qui fleuriront à sa suite: les célèbres Rosa Bonheur et Rosa Luxembourg, mais aussi toutes les autres, les oubliées et les inconnues. À l’encontre de l’histoire des biographes et du temps de l’histoire se déploie un temps de la dévotion qui bat au pouls du temps de l’écriture.</p>
<p style="text-align: justify;">La distance abolie, le narrateur peut alors s’approcher au plus près de la vierge et de l’amante. Il souhaite déceler, sous la terre rugueuse du renoncement, le limon fertile de sa féminité qu’il sait toujours vivace et palpitante: «De quelle obscurité rigoureusement propre à l’homme que je suis, la jeune Rosa Florès, future sainte Rose de Lima, est-elle la métaphore ?» (p. 59). Pour lui, l’objectif est de contempler dans la vie de Rose son propre accablement, ce péché qui inaugure sa blessure originelle. Il y a la séparation d’avec la mère tout d’abord, comme Rose qui résiste jusqu’à sa mort à la tentation dissolvante de regagner le sein maternel, puis celle d’avec Dieu, le narrateur ayant renoncé à sa vocation et à sa croyance. Cependant, chez lui que la foi a déserté, s’impose la nécessité de témoigner de l’existence spirituelle d’une sainte. À défaut de prier, il ne peut désormais qu’écrire et, s’il choisit Rose, c’est avec le souhait d’éclairer une figure de fascination qui est comme une invitation à la rêverie. Pour lui, il s’agit de:</p>
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<p style="text-align: justify;"><br />m’approprier une modeste image sainte, à la surcharger de mes traits, à la triturer, à la dénaturer, à la violer véritablement, à seule fin d’en tirer un récit […] l’énigme perpétrée d’une histoire, dont j’ai tout lieu de penser que je suis le sujet. (p. 124)</p>
</blockquote>
<p style="text-align: justify;"><br />Sans espoir néanmoins d’identité ou de salut: l’écriture n’a pas vocation de réconforter ou de gracier, mais elle œuvre plutôt à la redécouverte d’un fond d’angoisse et de désir, à la prise de conscience d’une faute fondamentale pour le créateur et son personnage. Grande est la distance entre eux, distance à la mesure de Dieu assurément, ce Christ tant désiré pour l’une et perdu à jamais pour l’autre. Rose demeure cette altérité indépassable en son auréole de sainteté. Son mystère, à l’issue du livre, semble donc entier. Mais ce personnage est aussi une femme pleine d’une sensualité exaltée dans son âme mais réprouvée dans son corps car pour elle «le monde perçu, muable et poreux, reste un tableau des passions» (De Certeau, 1982: 360). Cette figure, dans son paradoxe, le narrateur la fantasme indéfiniment. Et même s’il avoue ne pouvoir s’identifier totalement à elle et à l’énigme indéchiffrable qu’est sa vision du sacré, il partage avec son héroïne un même souhait d’absolu: celui de la conciliation impossible des sens terrestres et de la spiritualité.<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>La sainte mythobiographique</strong></span></p>
<p style="text-align: justify;">Après les nombreux sévices qu’elle s’est infligée tout au long de son existence, Rose trouve enfin la paix dans la mort, prémisse à sa longue existence post-mortem comme sainte de l’Eglise catholique et d’Amérique du Sud. Cependant, jusqu’au dernier mot du texte, jamais la grâce ne semble totalement acquise pour l’héroïne : l’absence qu’elle a patiemment fouaillée en elle n’est peut-être qu’à la hauteur du siège vide des cieux. Seule certitude: la Rose profilée dans ces pages est celle de Claude Louis-Combet. À travers les motifs du père perdu et de l’intense relation maternelle, motifs totalement imaginés et assumés comme tels par le narrateur, cette sainte vie revisitée explore les catacombes de la jeunesse de l’écrivain: comme le mentionne son ouvrage autobiographique <em>Le recours au mythe</em>, Claude Louis-Combet ne connut pas non plus son père, Capitan disparu, et fut élevé dans la sphère étouffante de deux femmes, sa grand-mère pieuse et dévote, à l’instar de la tante de Rose, Isabelle Herrera, et sa mère surtout, gouvernée par ses sens tout comme Maria de l’Oliva. De sa mère lui vient cette conscience sensible d’un désir qu’il éclaire à la lumière chrétienne comme la faute de chair, qu’il tâche d’expier dans son parcours de séminariste. Le poids de la culpabilité est cependant trop lourd et, inconciliables, son goût de Dieu et sa volupté l’amènent à la rupture où il renie le premier pour mieux embrasser la seconde. C’est alors par l’écriture pervertie de l’hagiographie qu’il cherche à ouvrir toujours plus largement l’entaille de la nuit énigmatique du sexe:</p>
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<p style="text-align: justify;"><br />A travers les biographies hagiographiques, je ne perdais jamais de vue mon projet initial, qui consistait surtout à évaluer la perte que j’avais subie en reniant ma foi et à rechercher, dans l’ordre charnel, des équivalences et des compensations pour un tel sacrifice. (Louis-Combet, 1998: 337)</p>
</blockquote>
<p style="text-align: justify;">Dans cette nouvelle variation autour d’une virginale figure, Claude Louis-Combet convertit la Sainte Rose de Lima en sainte Rose de sexe et de texte.</p>
<p style="text-align: justify;"> </p>
<p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>Bibliographie</strong></span></p>
<p style="text-align: justify;">ALBERT, Jean-Pierre (1997), <em>Le sang et le Ciel. Les saintes mystiques dans le monde chrétien</em>, Paris, Aubier, coll. «Historique.<br /><br />DE CERTEAU, Michel (1982), <em>La Fable mystique: XVIe-XVIIe siècle</em>, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque des histoires».<br /><br />LOUIS-COMBET, Claude (1997), <em>L’Âge de Rose</em>, Paris, José Corti, coll. «Domaine français».<br /><br />LOUIS-COMBET, Claude (1998). <em>Le recours au mythe</em>, Paris, José Corti, coll. «Domaine français».<br /><br />LOUIS-COMBET, Claude (2002). «En marge de <em>L’Âge de Rose</em>», dans <em>L’homme du texte</em>, Paris, José Corti, coll. «En lisant, en écrivant».</p>
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<a href="/equipe/boulanger-julie">Boulanger, Julie</a> </div>
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<a href="/biblio/highwater">Highwater</a> </div>
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<!--break--><!--break--><p>À Highwater, tout prolifère. Les ouvriers ont quitté depuis longtemps la mine, centre mythique du récit, «plusieurs maisons des mineurs d’alors se sont effondrées.» (p.13) Et pourtant, toute vie ne s’en est pas allée. De nouvelles existences, animales et humaines, plus clandestines mais toujours palpables, se sont installées au milieu des ruines. C’est à Highwater, semble-t-il (rien ne se donne aisément dans le roman), que la narratrice commence à appréhender la multiplicité des «vies secrètes de Venise» (p.19), son amoureuse. Venise et la narratrice s’immiscent naturellement dans la faune interlope qui trouve refuge à Highwater. Dans ce lieu intermédiaire où tous les temps sont confondus, la curiosité de la narratrice engendrée par son amour se déploie.</p>
<p class="MsoNormal"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Le théâtre d’ombres</strong></span></p>
<p class="MsoNormal">À travers le corps de son amante, elle cherche à saisir ce que Venise a été. Non, comme il est si facile de le réduire, dans ce mouvement banal de la jalousie qui souhaiterait abolir le passé de l’être aimé –quoique la narratrice évoque, à une seule et unique reprise, cette «[descente] dans le passé de Venise [de] l’escalier de la jalousie» (p.83)–, mais plutôt dans une volonté obsessive de connaissance de chaque parcelle de son existence. Elle ne tente pas moins de s’introduire dans certaines des vies antérieures de son amoureuse, dans lesquelles elle partage soudainement le corps de ses anciennes amantes et anciens amants, non en se substituant à ces corps, mais en s’ajoutant à la scène pour tout vivre à ses côtés:</p>
<p class="MsoNormal rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">À mesure que ma bouche rencontrait de nouvelles bouches sous les pins, que ma bouche rencontrait de nouvelles gorges, des torses nouveaux, à mesure que ma bouche, ouverte maintenant, s’attardait aux chattes soyeuses, sous les pins d’une côte escarpée en bordure de la mer, je descendais dans les eux profondes de Venise et parcourais les lieux secrets, couverts d’une mousse épaisse, de la fin de son adolescence. Je parcourais la peau d’un garçon d’alors et les fesses caressées dans la chaleur étouffante malgré l’ombre épaisse de l’appartement aux volets clos. Après, je fumais moi aussi contre lui. (p.81)</span></p>
<p class="MsoNormal">Son propre passé –qui n’apparaît que par de furtives évocations<a name="_ftnref" href="#_ftn1">[1]</a>, au contraire de celui de Venise décrit avec force détails–, sa propre existence est ainsi augmenté, épaissi par toutes ces mystérieuses vies de Venise. </p>
<p class="MsoNormal">Le mystère auquel la narratrice tente d’accéder ne repose pas dans un au-delà de l’expérience sensible ni dans une psyché insaisissable. Les sentiments et motivations de Venise ne sont jamais mis de l’avant. Elle nous est révélée par ses actions et surtout par ses corps à corps, souvent brutaux, qui l’unissent à la narratrice ou à ces amantes et amants qu’elles partagent toutes les deux. La sexualité apparaît ainsi dans le roman comme le lieu privilégié de révélation de l’être, à travers une illustration souvent crue et spectaculaire ­–les scènes où des amants s’offrent volontairement au regard d’autrui sont nombreuses­– et, pourtant, radicalement opposée à la pornographie. La sexualité, omniprésente dans <em>Highwater</em>, restitue un voile désormais aboli par les représentations mécanisées de la pornographie, construite selon le principe que tout est montré et qu’il n’y a rien d’autre à découvrir que cet emboîtement d’organes. Au contraire, dans le roman de Duhamel-Noyer, le moment où l’on aperçoit cet entrechoquement des sexes n’est pas présenté comme la fin mais plutôt comme le début de la traversée de différentes strates d’intériorité.</p>
<p class="MsoNormal">Du reste, la narratrice se place en porte-à-faux de son époque en prenant le parti de la dissimulation, comme elle le fait lors de la première visite de Venise dans son studio, alors qu’elle lui cache un martinet : «Je le cachais, parce que je gardais pour moi encore la prolifération des programmes qui se continuaient dans ma tête, et plus que tout de ces choses, je détestais la sexualité assumée comme facteur d’épanouissement.» (p. 142) Les esprits obtus s’empresseront de dénoncer la contradiction apparente entre cette déclaration et l’abondance de scènes sexuelles dans le roman. C’est mésestimer la conception de la littérature qui sous-tend l’œuvre : celle d’un espace qui, d’un même souffle, permet de divulguer et de préserver le secret. La «sexualité assumée comme facteur d’épanouissement» constitue, rappelons-le, l’un des leitmotiv du mouvement <em>queer</em>. Pour être acceptée l'homosexualité a dû s'exposer, être fière d'elle-même. La sexualité fut revendiquée par les homosexuels comme un enjeu sur la scène politique, ce qui les contraignit tous, dans un second temps, à souscrire à cette équation entre la vie privée et la sphère publique, et leur déroba la possibilité même d’une vie privée. La narratrice s’oppose radicalement à cette équation en exprimant un goût pour la clandestinité, pour cette clandestinité propre à l'amour, et un désir de mystère dans un monde contemporain où la scène privée tend à s’évanouir. Par ailleurs, nous rappelle ainsi la narratrice, l’homosexualité, en criant haut et fort son existence, a proclamé un épanouissement qui ne va pas de soi. L'homosexuel découvre le secret des chairs au même titre que les autres; la femme ne connaît pas d’entrée de jeu tous les secrets du sexe féminin. Le contact avec une autre femme offre peut-être la possibilité d’aller plus avant dans ce mystère.</p>
<p class="MsoNormal">Certaines scènes du roman sont particulièrement portées par l’esprit de découverte qui caractérise le rapport à la sexualité de la narratrice, comme cette scène où elle entrevoit les ombres énigmatiques de corps en plein ébat:</p>
<p class="MsoNormal rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">D’où j’étais, je pouvais voir une silhouette enfoncer un membre bien découpé dans une autre silhouette et je m’étais approchée davantage pour quitter le théâtre d’ombres et ses personnages héraldiques figés comme des marionnettes trop stylisées, pour retrouver plus de chair, même si je ne voyais plus que des morceaux maintenant, agités de saccades, la peau moite, et puis un harnais qui tenait ce que j’avais d’abord pris pour un sexe gorgé de sang. (p. 22-23) </span></p>
<p class="MsoNormal">Le trajet de la narratrice vers les acteurs de ce «théâtre d’ombres» est significatif du mouvement général de confrontation directe à la chair, premier dévoilement<a name="note2" href="#note2b">[2]</a> qui appelle d’autres mystères qui ne seront pas résolus. Les scènes sexuelles ont ainsi souvent l’apparence d’un rite et sont empreintes d’un caractère sacré : «L’amant du travesti s’enduisait à présent les mains de gel et préparait méticuleusement sa victime. Le fondement de sa victime.» (p. 98) Elles se distinguent radicalement de la pornographie en s’inscrivant dans une logique de transgression –non en raison de leur caractère marginal ou «déviant», mais plutôt en raison de la brutalité qui caractérise la majorité de ces scènes : «Pour discipliner ma gêne, je voulais que soit abolie toute tendresse.» (p. 137) L’aspect brutal des actes dépeints s’associe à la promesse de la découverte d’une intériorité supérieure, dissimulée sous cette violence.</p>
<p class="MsoNormal"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>La mine abandonnée</strong></span></p>
<p class="MsoNormal">Au cœur de cet univers peuplé de mystères<a name="note3" href="#note3b">[3]</a>, de ce «régime des secrets qui régnait aux abords de Highwater» (p.16), un seul d’entre eux engendre une entreprise de déchiffrement : celui de l’intériorité de Venise que la narratrice souhaite percer. En s’attardant à elle, en l’aimant, la narratrice s’aperçoit que quelque chose d’elle lui échappe. Voilà comment naît le mystère, non par une qualité intrinsèque d’un objet, mais par l’attention que lui porte un sujet. Venise est cet être que la narratrice choisit puis tente par mille et un détours de saisir dans son entièreté. L’excursion à Highwater, dernier lieu d’une longue série d’endroits où se sont d’abord croisés leurs chemins puis où elles ont voyagé ensemble, constitue pour la narratrice le début d’une compréhension plus profonde de son amoureuse. La mine abandonnée qu’elle trouve là-bas lui permet de se représenter enfin Venise telle qu’elle s’est révélée à elle. L’image de la mine donne une mesure à l’incommensurable qu’est Venise, dont les vies semblent se multiplier à l’infini comme les insectes de Highwater, et lui propose une technique pour l’appréhender. Le travail des mineurs devient un modèle pour le travail de l’écrivaine : «Je me suis rendu compte que des correspondances se sont tracées entre mon monologue intérieur et la manière dont s’organise la mystérieuse activité humaine qui consiste à extraire des sols diverses matières minérales.» (p. 10) Cette comparaison éloigne ces deux activités humaines de nos conceptions habituelles. Elle remet en question le caractère faussement banal du travail du mineur et définit l’activité de l’écriture d’une manière concrète : travailler la matière. </p>
<p class="MsoNormal">À travers cette analogie, la narratrice met à mal la figure mythique du poète en se représentant elle-même comme un ouvrier dont la fonction est de creuser la matière pour extraire le secret des profondeurs du monde. Dans son roman, Duhamel-Noyer travaille la matière des corps. Le grand secret auquel elle s’attaque est celui du sexe féminin, des «chattes mystérieusement profondes.» (p. 77) Elle évoque ces «femmes à la peau douce [qui] entrouvraient leurs cuisses chaudes sur des sexes secrets que l’on voyait briller par endroits dans le noir de la nuit» (p. 84), elle décrit tout au long du roman les formes et textures de ces sexes en insistant sur leur caractère énigmatique : «L’intérieur du sexe est gainé d’une membrane magique, comme la bouche de Venise, qui s’étire sous la poussée de verges douces.» (p.26) C’est donc en entrant dans les profondeurs de Venise qu’elle pourra circonscrire les profondeurs de son être et, du même coup, saisir une parcelle du présent : «Je caressais dans ma tête les cuisses de Venise, puis l’intérieur de ses cuisses, le sexe ouvert de Venise, puis doucement fermé sur la pulsation anonyme du présent.» (p. 100) Entreprise dérisoire, nous prévient d’emblée la narratrice, puisque «ni les semaines ni les jours ne se laissent circonscrire à un temps présent.» (p.9)</p>
<p class="MsoNormal">Par sa composition complexe, labyrinthique, souterraine, la mine ne constitue pas seulement une image de Venise, mais aussi une image du temps et de l’espace à l’aide de laquelle elle parvient à construire son récit :</p>
<p class="MsoNormal rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">J’ai peine à décrire l’espace dans lequel se meuvent les souvenirs, le labyrinthe intérieur où courent mille galeries, les passerelles tordues par la mémoire et encore, les couloirs oscillant, les corridors effondrés, les salles disparues, j’ai peine à le faire avec ce matériau misérable qu’est la métaphore. Je tentais de mettre un peu d’ordre dans l’invisible de ma tête qui, nuit et jour, m’absorbait. (p. 49)</span></p>
<p class="MsoNormal">Si elle ne peut que se perdre dans ce «labyrinthe intérieur», qui est celui de la mémoire, elle parvient quand même à en définir un tracé à partir duquel s’organise le texte. La mine structure le roman, qui s’ouvre sur un schéma de celle-ci et intitule ses chapitres selon ses parties : après être demeuré à la surface de la mine («Chevalement 01», «Chevalement 02», «Poulies», «Crassier»), on opère un mouvement de plongée vers les galeries («Travers blanc 01», «Skip», «Morts-terrains», «Galerie 01», etc), puis de remontée par la cage d’extraction («Câbles et poulies», «Cage d’extraction»), avant de revenir à la surface («Carreau»). Bien que cet agencement soit très ordonné, le récit ne se déploie pas selon une trajectoire aussi déterminée. Il serait d’ailleurs difficile d’établir un lien clair entre le titre des chapitres et leur contenu. S’il existe, il relève d’un code secret de l’auteure, à jamais inaccessible à ses lecteurs avec lesquels elle n’essaie pas de créer une connivence en leur proposant une énigme à résoudre. Le lecteur se rive à l’impossibilité de percer tous les secrets.</p>
<p class="MsoNormal"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Une transmission imparfaite</strong></span></p>
<p class="MsoNormal">Le lecteur est, de plus, soumis à la lecture imparfaite de Venise que fait la narratrice, aux prises avec ses prétendues carences interprétatives : «Tout se donne comme un hiéroglyphe indéchiffrable et qui ruine mes maigres facultés d’interprétation.» (p. 59) Sans compter qu’à celles-ci s’ajoutent ses présumées lacunes de narratrice : «[la perception temporelle] se déployait suivant un ordre trop complexe pour moi.» (p. 33) Comble de malheur pour le lecteur, les mots lui manquent parfois pour décrire certains éléments de la réalité, nous admet-elle humblement : «Je ne connais pas le nom de ces insectes non plus qui bourdonnent depuis la tombée de la nuit.» (p. 35), «J’avais peine à me rappeler le nom de ce grand hôtel moderne du bord de mer qui compte une vingtaine d’étages et dont les étages ressemblent à des labyrinthes hi-tech.» (p. 25) Nous devons donc nous rendre à l’évidence : au cœur de <em>Highwater</em>, la transmission de l’expérience sera vouée à l’imperfection. L’expérience n’a, du reste, pas besoin d’exactitude. La transmission de l’expérience réussit lorsqu’elle prend acte des failles de celle-ci. Ce que la narratrice entreprend dans <em>Highwater</em>, c’est de nous transmettre l’expérience du mystère, qui n’est rien d’autre qu’une forme d’expérience du monde.</p>
<p class="MsoFootnoteText"><a name="_ftn1" href="#_ftnref"><strong>1</strong></a> «On m’appelait Madame, même très jeune.» (p.32), «[…] j’étais une jeune femme de 17 ans, seule dans Paris le jour et la nuit, et les garçons et les hommes surtout m’accostaient, et les femmes aussi, certaines croyant que j’étais un garçon puisque j’avais l’air autant d’un garçon que d’une fille» (p. 134)</p>
<p class="MsoFootnoteText"><strong><a name="note2b" href="#note2">2</a> </strong>La sexualité est explicitement placée par la narratrice sous le signe de cette succession de voiles: «Il me semblait que le fonctionnement véritable de l’orgasme était ici dévoilé : c’était une succession de paravents voilant l’infini.» (p. 47)</p>
<p class="MsoFootnoteText"><strong><a name="note3b" href="#note3">3</a></strong> Tout au long du roman, divers objets sont marqués du sceau du secret, parmi ceux-ci : «le paysage secret» (p. 21), «le secret des boîtes» (p, 105), «la villa secrète» (p. 127), etc.</p>
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http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-regime-des-secrets#commentsDUHAMEL-NOYER, OlgaExpérienceMystèreQuébecRelations humainesReprésentation de la sexualité Représentation du corps RomanFri, 28 Aug 2009 15:12:00 +0000Julie Boulanger155 at http://salondouble.contemporain.info