Salon double - Poésie http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/352/0 fr État plus que critique http://salondouble.contemporain.info/article/etat-plus-que-critique <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/lefort-favreau-julien">Lefort-Favreau, Julien</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/hors-les-murs-perspectives-decentrees-sur-la-litterature-quebecoise-contemporaine">Hors les murs : perspectives décentrées sur la littérature québécoise contemporaine</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p>Il est certes utile de s'interroger sur la place que peut avoir la littérature dans l'espace public en des termes quantitatifs. Voilà une démarche qui nécessiterait des données empiriques, chiffres à l'appui, chronomètre à la main, décompte de mots dans les colonnes des journaux<em>.</em> Nous ne parviendrions toutefois qu'à une réponse partielle, qui laisserait en plan toute la question de la <em>qualité </em>de la place de la littérature au Québec. Partons plutôt de l'idée qu'il importe de mesurer la portion congrue accordée à la critique, notamment parce qu'il s'agit d'un agent à notre avis indispensable dans la formation d'une vie littéraire digne de ce nom, mais également parce qu'elle constitue un antagoniste nécessaire à la vitalité des débats esthétiques. Ou pour le dire autrement: comment penser que la littérature peut s'inscrire dans le vie sociale sans médiation, sans avoir été préalablement <em>reçue. </em>Un champ sans ces tensions et sans ces médiations marque le triomphe d'une industrie culturelle. En lisant le récent <em>Ismes </em>d'Anna Boschetti<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a>, on voit bien l'importance déterminante de la critique dans la formation des différentes avant-gardes des 19e et 20e siècle. Mais est-ce à dire que ce rôle serait périmé et appartiendrait à une époque révolue? Au Québec, il n’est pourtant pas si loin le temps où les critiques, qu'ils soient universitaires ou médiatiques, ou même les deux à la fois (pensons à Gilles Marcotte), avaient encore un rôle prescripteur qui dépassait largement la logique de consommation culturelle. Il est évidemment tentant de pronostiquer le déclin inéluctable des choses. Mais cette vision téléologique supposerait un âge d'or passé. Je ne sais pas si cet éden critique a déjà existé mais, chose sûre, les problèmes avaient déjà commencé en 1992, lorsque le documentariste Marcel Jean signe <em>État critique</em><a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><sup>[2]</sup></a><em>.</em></p> <p>Dans ce film disponible pour gratis sur le site de l'ONF, on aborde au moins trois problèmes. Marcel Jean s'intéresse d'abord aux rapports pour le moins compliqués entre artistes et critiques. S'il s'agit d'un enjeu quelque peu anecdotique, les interventions geignardes de Sylvie Drapeau, Michel Tremblay ou André Brassard ont le mérite de mettre en évidence une frilosité du milieu culturel qui a fini, sur la longue durée, tuer la possibilité pour les critiques les plus exigeants de pratiquer leur métier en toute liberté. Force est de constater que de ce côté-là, les choses n'ont pas guère changé, la litanie des artistes incompris jouant encore assez régulièrement sur nos ondes. Cette manière qu'ont plusieurs artistes bien de chez nous d'opposer création et critique révèle un anti-intellectualisme qui ne favorise pas exactement une hauteur dans les débats.</p> <p>Le deuxième aspect du film est toutefois plus intéressant pour notre propos. En effet, Marcel Jean se demande quels sont les critères discriminatoires nous permettant d'identifier le métier de critique. Claude Gingras, critique musical de <em>La Presse</em>, et Robert Lévesque, alors directeur des pages culturelles du <em>Devoir</em>, sont interrogés. On y suit également René Homier-Roy, Chantal Jolis et Nathalie Petrowski, notamment sur le plateau de <em>La Bande des Six,</em> émission souvent évoquée avec bienveillance comme un exemple réussi de critique culturelle télévisée. Ceux qui sont maintenant respectés pour leur esprit critique apparaissent, avec le recul, aussi pitoyables que les chroniqueurs d'aujourd'hui dont il peut nous arriver de ricaner entre amis. Homier-Roy et Jolis qui plantent un film de Léa Pool (pauvre Patricia Tulasne qui en prend pour son rhume) avec des arguments d'une très grande faiblesse intellectuelle (sur le mode: «On n’y <em>croit</em> pas») n'est pas un spectacle particulièrement édifiant, même vingt ans plus tard. <em>A contrario, </em>la vigueur critique de Lévesque et Gingras laisse songeur et nous fait regretter une époque où il y avait davantage de fonds disponibles dans les médias écrits et électroniques. Il n'existe maintenant que très peu de critiques qui peuvent pleinement se consacrer à leur mériter, et approfondir leur champ de compétence sur plusieurs décennies. Le film de Jean expose avec beaucoup de clarté un divorce qui est alors en train de se produire, et qui est maintenant totalement accompli, entre les critiques dits professionnels et les pigistes, qui, pour être bon joueur,&nbsp; n'ont pas les moyens matériels de s'extraire du dilettantisme.</p> <p>Le troisième problème exposé par le film s'incarne en la personne de Jean Larose, autrement plus combattif alors que sort son essai <em>L'amour du pauvre. </em>On le voit, en entrevue et sur le plateau de <em>La Bande des Six,</em> tenter de démonter la vaste fraude idéologique que constitue la critique littéraire (ou plus largement culturelle) à la télévision, mettant en cause le triomphe du j'aime/j'aime pas, réflexe qui ne s'appuie ni sur une connaissance historique, ni sur une mise à distance des objets convoqués. Mais plus encore, Larose, qui n'est par ailleurs pas exactement vierge de toute dérive idéologique, fait preuve d'une grande acuité en ce qui concerne le rapport entre la critique et le public. En s'attaquant à l'ensemble du <em>dispositif </em>critique télévisuel, qui ne laisse aucune place à la réflexion et à l'explication des œuvres d'art, la présumée volonté populiste de s'adresser au grand public se transforme en dialogue de sourds où plus personne ne semble s'adresser à quiconque. Larose cerne bien le phénomène: on présume toujours que le public ne s'intéresse pas aux choses «sérieuses», à la réflexion, à la critique informée — on leur en sert donc une version diluée.</p> <p>En 1991-1992, le mal est déjà fait. On parle certes encore de littérature à la télévision, mais on en parle si mal qu'il serait plutôt malvenu d'être nostalgique. Vérification faite, ce n'est donc pas il y a vingt ans que l'air était plus respirable. Quarante ans peut-être? Ça reste à voir. Le champ était passablement exigu dans les années soixante. M'est avis qu'il n'était pas toujours évident de parler sérieusement de littérature sans piler sur l'orteil de son voisin.</p> <p>Les médias électroniques sont incontestablement en déclin. Mais ce n'est certainement pas un déclin qui ne concerne que la littérature et il me semble de peu d'utilité de le déplorer, ou à tout le moins de le déplorer à l'infini. La fermeture de la Chaîne culturelle était une bêtise. Mais on se rend compte qu'elle ne visait pas tant à ostraciser la culture ou la littérature qui y prenait tant de place; elle faisait partie d'un plus vaste sabordage, dans lequel la science ou l'information internationale sont au final tout aussi perdants.</p> <p>La bataille doit se mener sur plusieurs fronts. D'une part, il y a un combat politique à mener pour éviter la précarisation absolue de tous les métiers intellectuels, parmi lesquels on retrouve les journalistes et les critiques. Il serait candide de croire que les débats intellectuels sont indépendants des conditions de vie matérielles de ses différents protagonistes. L'autre bataille à mener fait écho aux propos de Larose dans <em>État critique </em>et concerne la possibilité d'offrir en quelque sorte une voie intermédiaire entre la critique spécialisée universitaire et la critique «promotionnelle». Ce créneau, jadis occupé par la Chaîne Culturelle, existe toujours dans la presse écrite anglo-saxonne. Il n'y pas de&nbsp; raisons pour qu'aucun équivalent à la <em>New York Review of Books </em>se retrouve au Québec, quitte à en adapter les dimensions ou la fréquence à notre marché. Il est nécessaire de multiplier les initiatives, sur diverses plates-formes, afin de résister à cet amenuisement de la parole critique. La bonne santé de la littérature québécoise semble faire consensus (nombre de nouvelles maisons d'édition ont fait leur apparition durant les dix dernières années ainsi que plusieurs auteurs de talent). Le milieu n'est donc pas sclérosé et présente des signes certains de vitalité. Pourtant, tout ce renouveau n'est que trop rarement accompagné par une pensée critique élaborée, qui tenterait d'identifier les nouvelles voix, de dénoncer les impostures intellectuelles, de baliser les pratiques émergentes, de circonscrire l'impact des mutations technologiques ou institutionnelles. Sans cet apport inestimable, il est à redouter que le champ ne soit dominé que par des intérêts mercantiles. Il ne faudrait pas sous-estimer l'ampleur des guerres idéologiques qui font rage dans le monde du livre<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><sup>[3]</sup></a>.</p> <div><br clear="all" /><br /> <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a> Anna Boschetti, <em>Ismes, </em>Paris, CNRS éditions, 2014.</p> </div> <div id="ftn2"> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><sup><sup>[2]</sup></sup></a> Marcel Jean, <em>État critique, </em>ONF, 1992, 53 minutes.</p> </div> <div id="ftn3"> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a> Voir à ce propos:&nbsp; André Schiffrin, <em>L'édition sans éditeurs, </em>Paris, La fabrique, 1999; <em>Le contrôle de la parole, </em>Paris, La fabrique, 2005, <em>L'argent et les mots</em>, La fabrique, 2010.</p> </div> </div> <p>&nbsp;</p> Québec Poésie Récit(s) Nouvelles Roman Théâtre Wed, 22 Oct 2014 14:21:06 +0000 Julien Lefort-Favreau 882 at http://salondouble.contemporain.info Comment les médias parlent-ils de littérature? http://salondouble.contemporain.info/article/comment-les-medias-parlent-ils-de-litterature <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/dionne-charles-0">Dionne, Charles</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/hors-les-murs-perspectives-decentrees-sur-la-litterature-quebecoise-contemporaine">Hors les murs : perspectives décentrées sur la littérature québécoise contemporaine</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p>La définition de l’objet «littérature» construite par les acteurs du champ médiatique serait-elle insatisfaisante? La littérature aurait-elle perdu toute sa place chez les médias&nbsp; dits conventionnels?</p> <p>Aborder cette impression de vide&nbsp;littéraire m’a inévitablement fait réfléchir à ce qu’est le <em>conventionnel</em> chez les médias; s’il existe, même, considérant l’investissement du web et des réseaux sociaux opéré par les chaînes télé et radio; si le <em>non conventionnel</em> existe encore; s’il n’est pas disparu avec l’ouverture des blogues, des pages Facebook et des comptes Twitter de <em>V télé</em> et de l’émission <em>Les Chefs</em>. Si la convention appelle le conformisme alors que le non conventionnel agirait sans ces règles ou sans toujours s’y soumettre, il faut maintenant se demander à quel genre de conformisme nous avons affaire dans les médias.</p> <p>Le média <em>plus</em> conventionnel&nbsp;serait, selon ma définition non scientifique, celui grâce auquel on peut apprécier un contenu disponible à un rythme régulier sans avoir à interagir avec un écran, c’est-à-dire qu’après avoir syntonisé une station, ouvert un document papier ou cliqué sur le titre d’un article numérique sur son fil Facebook, il ne reste qu’à écouter ou à lire. À première vue, une certaine idée de passivité se dégage de cette catégorie. On attend de ce type de média qu’il nous informe ou qu’il commente des sujets précis en matière de littérature: nouvelle parution, critique de livre et entrevue avec un auteur par exemple. Télévision, radio, journaux, revues, sites web culturels qui s’inscrivent dans ce type de tradition médiatique semblent appartenir à cette catégorie.</p> <p>De l’autre côté, le média <em>moins</em> conventionnel&nbsp;serait celui qui sait aussi agir autrement (ou mieux, qui agit toujours d’une manière différente): rendant disponible du contenu de manière ponctuelle sans respecter un horaire précis; il produit selon l’urgence et l’instantané autant que selon la fermentation lente des idées qui lui est permise, faute de limites de mots et de date de tombée. On attend, entre autres, de ce type de média qu’il ne répète pas une information disponible chez un média conventionnel et qu’à travers chacun de ses contenus se lise aussi une signature bien reconnaissable: humour, contenu de marge, etc. Média natif du web, fanzine ou blogue qui n’est pas le pendant web d’un autre média viennent tout de suite en tête.</p> <p>La séparation n’est évidemment pas simple. Je la trouve même impossible à réaliser. Mais il me semble possible de dégager des concepts généraux. Ces deux catégories sont des vases communicants: un internaute n’est pas moins passif en lisant sur lapresse.ca une entrevue avec un auteur qu’en lisant sur un blogue une liste des dix meilleures façons, selon l’œuvre de Bukowski, de boire en bobettes un scotch dans un motel sale. Mais c’est peut-être plutôt dans la manière dont on traite la littérature dans un média par rapport à un autre qui peut servir de séparation entre le <em>plus</em> conventionnel et le <em>moins</em> conventionnel. Il me semble que la manière dont les destinataires entretiennent une conversation avec le contenu et ses auteurs permet de réfléchir au concept du conventionnel chez les médias: s’agit-il uniquement d’un simple like, d’un retweet, d’un partage avec le message «Lawl!» en guise de statut Facebook ou est-ce une habitude sur ce média d’entamer une discussion de fond sans limites de mots ou de nombre de réponses entre les lecteurs et les auteurs?</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Médias conventionnels et littérature</strong></span></p> <p>Reste que règne un format connu sur les ondes télé et radio: l’émission littéraire. À la télévision québécoise se partagent le temps d’antenne les émissions <em>Tout le monde tout lu</em> (MATV), <em>Lire</em> (ARTV), <em>La bibliothèque de…</em> (Canal Savoir) et <em>Le Club</em> (Bazzo.tv). À la radio québécoise se partagent les ondes quinze émissions littéraires<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a> dont <em>Plus on est de fou plus on lit</em> (RC), <em>Dans le champ lexical</em> (CIBL<em>), Tout nouveau tout biblio</em> (CIAX) et <em>Encrage</em> (CKRL). Le mot d’ordre est souvent la légèreté et le partage d’expériences personnelles&nbsp; de lecture.</p> <p>Les journaux, les revues, les blogues et les médias web, de leur côté, publient actualité, critiques et chroniques littéraires. Se lisent le cahier <em>Livres</em> tiré les fins de semaine par <em>Le</em> <em>Devoir</em>, le cahier «&nbsp;Culture&nbsp;» de <em>La Presse</em>, les articles de voir.ca, les revues <em>Spirale</em>, <em>Entre les lignes</em>, <em>Liberté</em>, <em>Nouveau projet</em>, <em>Lettres québécoises</em>, les articles des <em>bangbangblog.com</em>, etc.</p> <p>Rapidement, l’abondance d’émissions et de médias installe l’idée que la littérature (et même la <em>vraie</em>) est très présente dans les médias. À cet effet, <em>Toutes mes solitudes</em> de Marie-Christine Lemieux Couture publié aux éditions <em>Ta Mère</em> a fait l’objet d’une chronique à <em>Bazzo.TV</em>, tout comme certains livres de Nelly Arcand, de Jean Simon Desrochers et de Catherine Mavrikakis, par exemple. Le premier est publié par une jeune et petite maison d’édition de la <em>marge</em>, les autres sont issues de la littérature enseignée et étudiée à l’université. On ne parle donc pas, dans ces médias, uniquement de l’essai qui a gagné le «&nbsp;prix du public&nbsp;»&nbsp; au Salon du livre 2013 de Ricardo<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title="">[2]</a>, loin de là.</p> <p>Pourtant, la forme qui entoure ces contenus, elle, est plutôt figée. Que ce soit à la télévision ou à la radio, par exemple, le contenu produit autour de la littérature reste principalement de l’ordre du club de lecture où l’on livre ses impressions personnelles et où parfois des gens issus de la périphérie culturelle (les <em>personnalités</em>) sont invités à participer, ce qui a amené certains commentateurs du milieu littéraire à parler de <em>gildorisation</em> de la littérature (en référence au comédien/chanteur Gildor Roy, participant au club de lecture à Bazzo.tv). Il s’agit d’inviter un intervenant à poser un regard néophyte sur le monde du livre et à jouer le rôle de critique.</p> <p>Mais qu’on se console: c’est une tendance générale. <em>Rotten Tomatoes</em>, par exemple, et <em>IMBD</em> servent à hiérarchiser l’importance des films, mais utilisent principalement l’opinion du public sous la forme de commentaires anonymes pour le faire.</p> <p>Et qu’on comprenne que plusieurs acteurs très pertinents travaillent dans le cadre d’émissions culturelles: Bertrand Laverdure, Alain Farah, Fabien Cloutier, Pascale Navarro, etc.</p> <p>Comme je l’ai annoncé en début d’article, il&nbsp; est très difficile de répondre à la question de la place de la <em>littérature</em> dans&nbsp; les médias.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Médias </strong><strong><em>moins</em></strong><strong> conventionnels et littérature</strong></span></p> <p>De leur côté, témoignant d’une pluralité des approches en matière de littérature, les médias <em>moins</em> conventionnels s’inscrivent, eux, dans une tendance au contenu de niche. En musique, des sites comme <em>10kilos.us</em> s’intéressent uniquement au rap contemporain; en cinéma, <em>Hors Champ</em> publie un contenu critique de fond uniquement; etc. Ainsi, des sites comme <em>Baise livres, Littéraire après tout, Salon double</em>, <em>Cousin de personne</em> ou <em>Poème sale</em> vont tous parler de littérature à leur manière, sans vraiment avoir de visibilité ou de pendant chez les médias conventionnels. Ces médias sont exclusivement accessibles sur le Web. <em>Littéraire après tout</em> utilise l’humour pour commenter le milieu littéraire; <em>Salon Double</em> s’intéresse aux articles de fond; et <em>Poème sale</em> publie directement de la poésie et commente l’actualité en riant de son lectorat, par exemple. La signature d’un média <em>moins</em> conventionnel apparaît à la première lecture.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Une posture de la littérature</strong></span></p> <p>Pour éviter de reprendre les poncifs qui entourent les citations de Marshall McLuhan, je dirai que le format choisi par les différents médias révèle une posture par rapport à la littérature. Si l’humour et l’autodérision de <em>Littéraire après tout</em> et <em>Poème sale</em> viennent calmer le jeu de la lourde artillerie universitaire, le club de lecture dans le format actuel génère l’idée que lire, c’est principalement faire partie d’un grand groupe de lecture mondial dans lequel l’impression personnelle sert de baromètre; que théorie et critique littéraire n’ont plus de place dans ce qu’on considère être la littérature; que n’importe qui a la compétence d’agir en tant que critique littéraire; mais, surtout, que le débat sur la présence, sur l’absence et sur la nuance du rôle du critique littéraire est terminé: plus personne n’a besoin de se faire dire ce qui est bon pour soi.</p> <p>Néanmoins, un déplacement s’est opéré en matière de littérature chez les médias <em>plus</em> conventionnels. <em>Zone d’écriture</em>, la plateforme web de <em>Radio-Canada</em> dédiée à la littérature, n’existe plus. Claude Deschênes a démissionné de son poste de journaliste culturel chez RC, car, selon lui, il n’y a plus assez de place pour la culture en ondes. Sa solution: créer un blogue. Le cahier<em> Auto</em> est beaucoup plus gros que le cahier <em>Culture</em> dans <em>La Presse</em>. Le cahier <em>Livre</em>s du <em>Devoir</em> n’est publié que les fins de semaine. Tout semble indiquer que la littérature est laissée au territoire vierge du Nouveau Monde du Web.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Rejoindre un public</strong></span></p> <p>La réception des textes ou des <em>productions</em> des blogues est un peu différente de celle des médias <em>plus</em> conventionnels. S’il s’agit pour une chaîne déjà existante d’ajouter une émission littéraire au programme, le bassin de destinataires potentiels existe d’office, ce qui n’est pas le cas lors de la création d’un blogue. Pour le blogue, l’idée est donc de rejoindre un public qui n’a jamais visité ce site web, qui ne connait pas encore son existence. Dans tous les cas, l’objectif est identique: rejoindre le plus grand nombre de personnes, tous les intérêts confondus. Simplement, chez les blogues, tout est à faire, chaque fois, pour attirer leurs lecteurs; c’est une éternelle <em>tabula rasa</em>.</p> <p>Néanmoins, le public d’un blogue comme <em>Poème sale</em> me semble assez différent, du moins, du point vue de ses habitudes virtuelles: la recherche active de contenu <em>versus</em> la réception passive du contenu d’une programmation télé ou radio; l’implication prolongée dans une toujours potentielle discussion de fond <em>versus</em> l’écoute et les partages/retweets dirigés. C’est donc en s’intéressant à un sujet spécifique (la poésie contemporaine) d’une manière précise (l’ironie) que Fabrice et moi visons, somme toute, un public qui ne retrouve pas l’expérience d’information qu’il cherche chez les médias actuels. Nos articles et les poèmes que nous publions se retrouvent dans un espace mitoyen, entre notre désir de rejoindre des lecteurs et le désir de certains lecteurs d’être rejoints.</p> <p>Pour ce faire, les outils que nous choisissons et qui nous sont extrêmement utiles pour maximiser notre potentiel de lecture se trouvent évidemment sur le web. Facebook et Twitter sont à la fois des moyens de transmission (partages et retweets d’un article) et de discussion (commentaires sous un article et échange de tweets). Nous n’avons pas d’espaces publicitaires pour inviter les lecteurs à se rendre sur notre site et ne produisons pas d’annonces pour la télé et la radio. Mais je crois que même si nous tentions l’aventure marketing, nous ne serions pas vus par les bonnes personnes. Qui écoute encore la télé?</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Figure du critique</strong></span></p> <p>Dans le milieu littéraire, c’est un truisme qui s’approche de l’insulte à l’intelligence que d’annoncer la disparition de la figure du critique, mais, selon moi, le sujet fait émerger une autre figure, celle du lecteur.</p> <p>Je connais le travail extraordinaire que font les revues littéraires et les sites web qui y sont dévoués, mais l’image construite autour du concept de critique littéraire est complètement désarticulée. Le débat littéraire n’existe pas; les critiques sont neutres ou démesurément dithyrambiques; et le champ lexical du style des auteurs tourne complètement à vide (un style incisif, coup de poing, dîtes-vous). Je ne sais pas si les médias nés du web y pourront quelque chose. Nous utilisons la forme sans limites que nous avons en publiant des articles qui dépassent largement la limite papier habituelle, mais comme l’exprimait Julien Lefort-Favreau<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a>, le lecteur/critique capable de lire une revue littéraire en entier et de tenir une discussion littéraire sans utiliser sans cesse la métaphore de la madeleine de Proust me semble très romantique, mais bien peu présente hors des murs des universités.</p> <p>Pour moi, tout est parti de ce constat: en pleine fin de baccalauréat en littérature, je sentais la vie littéraire se resserrer autour de mes travaux de fin de session et de mes soirées passées au local étudiant de mon département. Où allait la littérature en dehors des mémoires, des thèses et des tablettes des centres de recherche? Nulle part.</p> <p>Quelque chose d’extrêmement heureux s’est produit, pourtant, depuis trois ans: jamais je n’ai vu autant d’événements littéraires. Tout le monde s’y met: librairies, éditeurs, auteurs, producteurs d’événement, universités, galeries. Les réseaux sociaux sont un mécanisme d’encouragement et d’invitations de masse. Être témoin d’une vie littéraire donne envie d’y participer et d’en être un acteur.</p> <p>Fabrice et moi cherchions la littérature de notre époque, nous voulions la lire et la faire lire. Il me semble que jamais elle n’a autant pris la parole.</p> <p>(Fin heureuse)</p> <div> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a> UNEQ, en ligne: <a href="http://www.uneq.qc.ca/ecrivains/la-grille-horaire-des-emissions-litteraires-a-la-radio-et-a-la-television">http://www.uneq.qc.ca/ecrivains/la-grille-horaire-des-emissions-litteraires-a-la-radio-et-a-la-television</a>, (Page consultée le 20 septembre 2013).</p> </div> <div id="ftn2"> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title="">[<sup>2</sup>]</a> Le livre «La mijoteuse - de la lasagne à la crème brûlée» a remporté le prix du grand public Salon du livre de Montréal /La Presse dans la catégorie Vie pratique/Essai en 2013.</p> </div> <div id="ftn3"> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a> Lors de la table ronde <em>Hors les murs</em>:<em> perspectives décentrées sur la littérature québécoise contemporaine</em> tenue le 18 octobre 2013 à la librairie Olivieri.</p> </div> </div> <p>&nbsp;</p> Québec Poésie Récit(s) Nouvelles Roman Théâtre Wed, 22 Oct 2014 14:03:30 +0000 Charles Dionne 881 at http://salondouble.contemporain.info Vendre le livre sans parler de littérature. Le cas du Salon du livre de Montréal et des émissions littéraires télévisées. http://salondouble.contemporain.info/article/vendre-le-livre-sans-parler-de-litterature-le-cas-du-salon-du-livre-de-montreal-et-des <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/letendre-daniel">Letendre, Daniel</a> </div> <div class="field-item even"> <a href="/equipe/savoie-bernard-chloe">Savoie-Bernard, Chloé</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/hors-les-murs-perspectives-decentrees-sur-la-litterature-quebecoise-contemporaine">Hors les murs : perspectives décentrées sur la littérature québécoise contemporaine</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p>L’un des lieux communs propagés par les «intellectuels» — universitaires, écrivains et autres spécialistes — est l’amenuisement de la place laissée à l’art dans la sphère publique: diminutions des subventions, disparition des formes d’expressions artistiques dans les médias de masse, etc. On expose chiffres, données, sondages pour convaincre de la véracité de ces propos qui dévoilent, en même temps qu’une insatisfaction quant au traitement public des arts, l’inquiétude de leur survivance. Si le travail des artistes est diffusé avec moins d’ampleur, en effet, ceux-ci ne sont-ils pas relégués à une certaine marge, voire à l’anonymat? Les discours entourant la littérature apparaissent, au Québec comme à l’étranger<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a>, métonymiques de ceux qui concernent l’art. Or pour le dire avec Dominique Viart, «[d]ans le seul univers culturel, les articles et pamphlets sur la “crise” de la littérature et son “déclin” ne datent pas d’aujourd’hui<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><sup><sup>[2]</sup></sup></a>». Dans le même esprit que celui de ces remarques, il observe que «la fin nous accompagne depuis le commencement. Elle est notre avenir, elle est notre angoisse<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a>.»</p> <p>Cette angoisse naît, d’une part, de la valeur symbolique que l’on attribue à la littérature, souvent placée dans un statut d’exception. Il découle de cette quasi sacralisation la volonté d’assurer coûte que coûte la vitalité et le rayonnement maximum de la littérature et donc, aussi, une éternelle insatisfaction. D’autre part, les racines de cette angoisse se nourrirait également&nbsp; d’un paradoxe qui s’établit entre ce crépuscule de la littérature qu’on ne cesse de dénoncer et la réalité indéniable de la présence du livre dans l’espace public au Québec. Le cœur de la littérature est loin d’avoir cessé de battre, en témoignent&nbsp;le foisonnement des blogues littéraires et les multiples chroniques littéraires publiées dans tous les magazines grand public. C’est à cet écart entre discours et réalité que nous nous attacherons. Les émissions de télévision dédiées à la littérature et les Salon du livre — plus spécifiquement le Salon du livre de Montréal&nbsp; (SLM) —, parce qu’ils sont largement publicisés, se sont révélés les lieux de diffusion possédant la meilleure visibilité. En ce sens, ils constituent les objets d’études que nous privilégierons dans le cadre de cet article pour répondre à la question qui nous occupe: de quoi parle-t-on, lorsqu’on parle de «littérature québécoise»?</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Le texte en vedette(s) </strong></span></p> <p>Le Festival international de littérature de Montréal, fondé par l’Union des écrivains du Québec en 1994, a pour objectif de faire la promotion de la littérature sous la forme de spectacles et autres évènements où la matière textuelle est mis de l’avant. Le SLM se présente sous d’autres auspices puisqu’il indique, dès son nom, qu’il n’est pas dédié à la littérature, mais bien à l’objet-livre, monnaie d’échange qui permet d’accéder, après l’acquisition du livre, au littéraire. L’aspect commercial de l’évènement se révèle dès qu’on souhaite entrer dans l’enceinte de la Place Bonaventure, où il a lieu chaque année: on doit débourser le coût d’un billet pour être admis au Salon du livre. D’entrée de jeu, le ton est donné.</p> <p>Le mandat du SLM, affirme sa directrice, est de «contribuer au dynamisme du monde de l’édition<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><sup><sup>[4]</sup></sup></a>». Présentée de cette manière, la visée de l’événement semble d’abord commerciale, le «monde de l’édition&nbsp;» étant le versant monétaire du livre. La qualité, voire le type de <em>textes</em> passe au second plan lorsque vient le temps, pour les organisateurs, de réfléchir à la composition des séances de dédicace et autres tables rondes qui sont parmi les évènements les plus populaires — c’est-à-dire générant le plus d’entrées payantes — du SLM. Les écrivains, non les textes, sont choisis pour attirer les gens. Les mots cèdent leur place aux vedettes littéraires. Comme le remarque Bourdieu, «aujourd’hui, de plus en plus, le marché est reconnu comme instance légitime de légitimisation<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><sup><sup>[5]</sup></sup></a>». S’il y eut des époques où être populaire était mal vu par les écrivains, qui concevaient le succès monétaire comme une forme de prostitution intellectuelle pour se soumettre aux lois du marché, depuis une quarantaine d’années, c’est <em>a contrario</em> la quantité de livres vendus qui construit la crédibilité d’un auteur. Il n’est ainsi pas fortuit que le&nbsp; conseil d’administration du SLM soit composé de gens dont le métier est de participer à l’essor commercial du livre, soit des libraires, des éditeurs et des distributeurs.</p> <p>De son côté, Radio-Canada, financée par le Ministère du Patrimoine Canadien possède le mandat, selon la loi sur la radiodiffusion de 1991, de «contribuer activement à l'expression culturelle et à l'échange des diverses formes qu'elle peut prendre<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><sup><sup>[6]</sup></sup></a>»; Télé-Québec, subventionnée par le Ministère de la culture et de la communication, est aussi tenue de mettre l’accent sur une programmation culture<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><sup><sup>[7]</sup></sup></a>. Jusqu’au milieu des années 2000, la programmation des deux chaînes généralistes a conjugué émissions culturelles&nbsp; —&nbsp; ou de variétés — possédant un volet littéraire à des émissions uniquement consacrées à la littérature. Aujourd’hui, il n’existe plus d’émissions strictement littéraires. Les segments dédiés à la littérature sont insérés à des émissions cherchant à rejoindre un public large. Souvent sous un format «clip», ces chroniques font, pour le dire avec Bourdieu, que «la limitation du temps impose au discours des contraintes telles qu’il est peu probable que quelque chose puisse se dire.<a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><sup><sup>[8]</sup></sup></a>»</p> <p>On a varié les formules, les animateurs, les tons, les plages de programmation, tout en désavouant de plus en plus une télévision ayant un parti pris pour l’intellectualisme et l’analyse de fond. La présentation de l’émission <em>Sous les jaquettes</em>, animée par Marie Plourde à TVA en 2005, nous la vendait comme une «émission qui parle de livres, mais sans être une émission littéraire<a href="#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><sup><sup>[9]</sup></sup></a>». Jean Barbe, de son côté souhaitait « parler de littérature avec le ton des émissions sportives » à son émission <em>Tout le monde tout lu</em>, toujours diffusée à MaTV. Ce désinvestissement intellectuel se remarque aussi dans le choix des animateurs des défuntes émissions littéraires: Sylvie Lussier et Pierre Poirier, par exemple, vétérinaires de profession, étaient à la barre de <em>M</em><em>’</em><em>as tu lu</em>, diffusé à Télé-Québec de 2004 à 2005. Leur notoriété tenait auparavant à la scénarisation d’émissions jeunesse et de téléromans n’ayant rien à voir avec la littérature, comme <em>B</em><em>ê</em><em>tes pas b</em><em>ê</em><em>tes plus</em> et <em>4 et demi</em>. Ce qui était vrai au début des années 2000 l’est encore aujourd’hui: la peur du discours informé sur la littérature dirige toujours les segments qui l’ont pour objet. En témoigne, toujours à Télé-Québec, les membres du «Club de lecture» de l’émission <em>Bazzo.tv</em>, qui sont issus de tous horizons. Si Pascale Navarro détient une maîtrise en littérature et une solide expérience dans le domaine culturel, ayant entre autres été responsable de la section «Livres» à l’hebdomadaire <em>Voir</em>, on ne peut pas en dire autant de ses collègues, comme le comédien devenu politicien Pierre Curzi ou encore l’animateur Vincent Gratton. Le choix de ces intervenants apparait symptomatique d’une tendance plus large: l’autorité du sujet d’énonciation sur une matière ou un autre provient davantage de son capital symbolique dans le champ médiatique que de ses connaissances réelles du contenu qu’il formule. La <em>personae </em>des critiques littéraires télévisuels, comme celle des écrivains invités sur un plateau télé ou au SLM, prime sur l’objet littéraire et sur les textes. Tant du côté des émissions littéraires que de celui du SLM, la littérature est considérée comme une force d’attraction pour le public, et non pour ce qu’elle est: une forme d’art. L’expérience esthétique que la littérature offre au lecteur est reléguée au second rang, loin derrière sa valeur économique potentielle pour l’industrie culturelle.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>La litt</strong><strong>é</strong><strong>rature comme app</strong><strong>â</strong><strong>t</strong></span></p> <p>«[C]e n'est pas le salon de la littérature, c'est celui du&nbsp;livre<a href="#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><sup><sup>[10]</sup></sup></a>», dixit Jean-Claude Germain, président d’honneur du SLM de 1990 à 1998. Cette simple phrase résume parfaitement la confusion qui règne au Salon du livre, comme à la télévision, quant à la réalisation du mandat fixé. Si les incohérences des émissions littéraires télévisées tiennent davantage au médium — nous y reviendrons —, celles mises en lumière par Germain au sujet du SLM ont plus à voir avec la composition du champ littéraire lui-même. Divisé en une sphère de grande production, fondée sur la reconnaissance économique, puis une autre de diffusion restreinte, où les pairs sont les juges de la valeur d’une oeuvre<a href="#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><sup><sup>[11]</sup></sup></a>, le champ littéraire inclus également les lieux de diffusion que sont le SLM et la télévision. Alors que le FIL s’installe dans l’espace mitoyen dessiné par l’entrecroisement du champ de production restreinte et celui de grande production, le Salon du livre, lui, n’a pas à prendre position puisque le <em>livre</em> et les auteurs sont à l’honneur et non le texte, la littérature<a href="#_ftn12" name="_ftnref12" title=""><sup><sup>[12]</sup></sup></a>.</p> <p>Les liens entre les différents actants de la scène du livre au SLM n’est pourtant pas aussi simple qu’il en paraît au premier abord. La plus grande confusion règne quant au statut des écrivains qui y sont invités. Leur présence à la Place Bonaventure dépend de l’équilibre entre les capitaux symbolique et économique amassés. Sans succès public l’écrivain n’a, aux yeux des organisateurs, aucun pouvoir d’attraction. Or une fois dans l’enceinte du SLM, le symbolique acquis au fil des ventes de livres se met au service de l’économique, l’écrivain étant sur place pour deux raisons: susciter des entrées payantes et faire vendre des livres. Les séances de signatures et les rencontres de type «confidences d’écrivain» participent à cette transformation du symbolique en économique. Passé la guérite, l’écrivain perd une part de son capital symbolique pour devenir, en priorité, le producteur d’un bien culturel. Bien que le texte ait attiré le public vers les guichets du SLM, c’est le livre, objet de papier et d’encre nécessitant une dépense, qui a le pouvoir de permettre le face à face entre le lecteur et l’écrivain lors des séances de signature. De même, les rencontres avec les auteurs sont orientées vers leur vie personnelle, leurs habitudes d’écriture, les contraintes de la vie d’écrivain et très rarement vers le texte lui-même, l’expérience esthétique qu’il condense et propose<a href="#_ftn13" name="_ftnref13" title=""><sup><sup>[13]</sup></sup></a>.</p> <p>La soumission du symbolique à l’économique englobe également le «mode de production» de la littérature, c’est-à-dire les règles et codes d’écriture qui définissent les genres. En choisissant d’honorer tel ou tel écrivain, le SLM donne son appui à certains genres plutôt qu’à d’autres. C’est sans surprise que le roman prend la pôle position des modes de production privilégiées par les organisateurs du SLM. Si l’on s’en tient seulement aux invités d’honneur québécois, 54 % d’entre eux sont romanciers, alors que leurs plus proches rivaux, les poètes, forment 12,5 % des invités. Selon les mots écrits en 1995 par Mario Cloutier, alors journaliste au <em>Devoir</em>, «pour attirer [l]e public, qui s'ignore parfois, le roman sert toujours d'appât<a href="#_ftn14" name="_ftnref14" title=""><sup><sup>[14]</sup></sup></a>». En apparence anodine, cette citation révèle de manière précise la logique qui sous-tend l’usage de la littérature pour le SLM: elle est un <em>leurre</em> pour un public qui, si ce n’étaient de ces écrivains vedettes, se préoccuperait sans doute peu de ce salon. La mise en évidence de la littérature au SLM n’est pas au service des textes et de l’art, mais bien à celui de l’industrie.</p> <p>L’incongruité entre la mission des émissions littéraires télévisées et sa concrétisation est moins pernicieuse: elle tient davantage à une réalité du champ médiatique. La télévision appartient à ce qu’on appelle communément un «média de masse», une voie de communication qui peut rejoindre et influencer un très grand nombre de gens en même temps. La télévision est le plus efficace de ces médias puisqu’elle répond parfaitement aux quatre traits essentiels des médias de masse définis par Marshall McLuhan<a href="#_ftn15" name="_ftnref15" title=""><sup><sup>[15]</sup></sup></a>: la communication à sens unique, l’unilatéralité du message, l’indifférenciation et la linéarité de l’information. Toute personne regardant la télé — mais il faudrait maintenant revoir ces conclusions à l’ère des médias sociaux —, qu’il soit spécialiste ou non, est inclus dans l’entité «spectateur». L’écueil rencontré par les émissions littéraires télévisées n’est pas le fait, comme le laisse entendre le lieu commun, de l’écart entre la culture de masse, dont la télé serait le mode de diffusion privilégié, et la «haute culture» dont la littérature ferait partie<a href="#_ftn16" name="_ftnref16" title=""><sup><sup>[16]</sup></sup></a>; il tient plutôt à l’indistinction entre la masse à laquelle s’adresse la télévision, et le lecteur, à la fois unique et multiple, concerné par le livre lu. Impliqué dans sa lecture, le lecteur ne trouve aucune trace de cette expérience dans le compte rendu qui lui est fait d’un livre à la télévision, qu’il soit produit par un spécialiste ou non. À l’opposé, il trouvera un intérêt à entendre parler l’auteur du livre, non seulement parce qu’il possède une réserve plus ou moins élevée de capital symbolique, mais parce que l’expérience de la lecture peut trouver une forme d’élucidation dans l’expérience de l’écriture. C’est d’ailleurs ce qu’ont compris les dirigeants de Radio-Canada, comme le rapporte Guylaine O’Farrell, porte-parole de Radio-Canada en 2006: «On pense que c'est plus intéressant pour le public d'avoir une émission culturelle dans laquelle on parle de livres, comme <em>Tout le monde en parle</em>, <em>La Fosse aux Lionnes</em>, <em>Bons Baisers de France</em>, etc. Des auteurs y sont souvent invités.» Or les émissions énumérées ici n’ont rien de culturelles: elles appartiennent à la catégories des émissions de variétés, des «talk show» où les invités partagent anecdotes et autres expériences personnelles. On n’y parle pas littérature, mais vie d’auteur, tout comme les intervieweurs se restreignent souvent à l’expérience d’écriture des auteurs lorsque vient le temps, au Salon du livre, de le rassembler pour une table ronde. Notons par ailleurs que les écrivains invités dans les émissions culturelles sont souvent les mêmes: on peut penser à Dany Laferrière, qui poursuit depuis les années 80 une carrière médiatique importante en tant que chroniqueur dans différentes émissions de Télé-Québec et&nbsp; de Radio-Canada. Plus que son travail d’écrivain, par ailleurs légitimé par plusieurs instances, c’est davantage sa personnalité médiatique, charismatique, qui est recherchée par les producteurs qui se l’arrachent. Autre exemple du rabattement du texte sur la personnalité de son auteur: le passage polémique de Nelly Arcan sur le plateau de <em>Tout le monde en parle</em>, où Guy A. Lepage l’interrogeait sur des sujets qui n’avaient rien à voir avec son œuvre, se penchant plutôt sur ses vêtements révélateurs et son passé de prostituée. Parce la littérature ne passe pas à la télévision, on en fait donc un spectacle.</p> <p>Si l’impression tenace des universitaires et écrivains ne passe pas l’épreuve des faits — la littérature n’a en effet jamais disparu de la sphère publique et des lieux de diffusion de masse, au contraire —, force est de constater qu’il y a tout de même confusion dans les lieux de grande diffusion sur l<em>’</em><em>objet</em> désigné comme «littérature». Tant les émissions littéraires que les Salons du livre présentent sous cette appellation l’une ou l’autre de ses dimensions: le livre, l’écrivain, le processus d’écriture, etc. Or cette métonymie ne devrait-elle pas réjouir les passionnés? Comme le dit l’adage: «Parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en!» On peut déplorer la transformation en spectaculaire de la littérature ou encore sa soumission aux lois économiques, mais il faut tout de même reconnaître qu’elle occupe un espace privilégié dans le milieu culturel, espace auquel n’ont droit ni la danse ni les arts visuels. Si on persiste à insérer des segments sur la littérature dans les émissions de variétés, à faire une large place aux écrivains dans les Salons du livre, c’est peut-être qu’on considère la littérature non seulement comme un argument de vente, mais comme une donnée essentielle de la culture. C’est une bonne nouvelle.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> <div><br clear="all" /><br /> <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a> Pensons notamment au débat qui a opposé Donald Morrisson et Antoine Compagnon, alors que le premier arguait que la culture en France ne possédait plus l’aura de lustre qui l’auréolait depuis plusieurs siècles, thèse que réfute le second. Leurs réflexions sont présentées de façon simultanée dans <em>Que reste-il de la culture fran</em><em>ç</em><em>aise </em>suivi de <em>Le souci de la grandeur</em>, Paris, Denoël, 2008.</p> </div> <div id="ftn2"> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><sup><sup>[2]</sup></sup></a>Dominique Viart, «Les menaces de Cassandre et&nbsp;le&nbsp;présent de la littérature. Arguments et enjeux des discours de la fin» dans Dominique Viart (dir.), <em>Fins de la litt</em><em>é</em><em>rature, esth</em><em>é</em><em>tique de la fin</em>, Paris, Armand Colin, page.</p> </div> <div id="ftn3"> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a> <em>Idem</em>.</p> </div> <div id="ftn4"> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><sup><sup>[4]</sup></sup></a>&nbsp;Communiqué&nbsp;de&nbsp;presse&nbsp;«Thème&nbsp;du&nbsp;Salon»&nbsp;2010.&nbsp;En&nbsp;ligne&nbsp;:&nbsp;<a href="http://www.salondulivredemontreal.com/dossierdepresse_2010.asp">http://www.salondulivredemontreal.com/dossierdepresse_2010.asp</a>. (Page consultée le 10 septembre 2014)</p> </div> <div id="ftn5"> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><sup><sup>[5]</sup></sup></a> Pierre Bourdieu, <em>Sur la t</em><em>é</em><em>l</em><em>é</em><em>vision</em>, Paris, Éditions Raisons d’agir, 2008 (1996), p. 28</p> </div> <div id="ftn6"> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><sup><sup>[6]</sup></sup></a> Mission de CBC/Radio-Canada, en ligne : <a href="http://www.cbc.radio-canada.ca/fr/rendre-des-comptes-aux-canadiens/lois-et-politiques/programmation/politique-des-programmes/1-1-1/">http://www.cbc.radio-canada.ca/fr/rendre-des-comptes-aux-canadiens/lois-et-politiques/programmation/politique-des-programmes/1-1-1/</a>. (Page consultée le 7 septembre 2014)</p> </div> <div id="ftn7"> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><sup><sup>[7]</sup></sup></a> Tout sur Télé-Québec, en ligne: <a href="http://www.telequebec.tv/corporatif/?section=presentationprojetemission">http://www.telequebec.tv/corporatif/?section=presentationprojetemission</a>. Dernière consultation le 7 septembre 2014. (Page consultée le 7 septembre 2014)</p> </div> <div id="ftn8"> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><sup><sup>[8]</sup></sup></a>Pierre Bourdieu, <em>op.cit.</em>, p.13.</p> </div> <div id="ftn9"> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><sup><sup>[9]</sup></sup></a>Steve Proulx, <em>Bons baisers de France</em>, <a href="http://voir.ca/chroniques/angle-mort/2005/05/12/bons-baisers-de-france-cellule-antigang-sous-les-jaquettes-defi-guerrier-miss-america-2/">http://voir.ca/chroniques/angle-mort/2005/05/12/bons-baisers-de-france-cellule-antigang-sous-les-jaquettes-defi-guerrier-miss-america-2/</a>, (page consultée le 5 septembre 2014).</p> </div> <div id="ftn10"> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><sup><sup>[10]</sup></sup></a> Cité par Mario Cloutier, «Salon du livre. Le livre, ça se mange&nbsp;!», <em>Le Devoir</em>, mercredi 8 novembre 1995, p. A3.</p> </div> <div id="ftn11"> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><sup><sup>[11]</sup></sup></a> Sur la composition du champ littéraire, voir Pierre Bourdieu, <em>Les r</em><em>è</em><em>gles de l</em><em>’</em><em>art. Gen</em><em>è</em><em>se et structure du champ litt</em><em>é</em><em>raire</em>, Paris, Seuil, 1992.</p> </div> <div id="ftn12"> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><sup><sup>[12]</sup></sup></a> On ne peut évidemment soustraire le FIL du champ économique : certains spectacle sont payants, et parfois à un prix non négligeable. Néanmoins, si le SLM vend des livres, le FIL vend des textes (et du spectacle).</p> </div> <div id="ftn13"> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13" title=""><sup><sup>[13]</sup></sup></a> On peut trouver les enregistrement des «Confidences d’écrivain» de 2005 à 2013 sur le site Internet du SLM, en ligne : <a href="http://www.salondulivredemontreal.com/invites.asp?annee=2005">http://www.salondulivredemontreal.com/Invites.asp?Annee=2005</a></p> </div> <div id="ftn14"> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14" title=""><sup><sup>[14]</sup></sup></a> Mario Cloutier, «Salon du livre. Le livre, ça se mange!», <em>loc. cit</em>.</p> </div> <div id="ftn15"> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15" title=""><sup><sup>[15]</sup></sup></a> Marshall McLuhan, <em>Pour comprendre les m</em><em>é</em><em>dias. Les prolongements technologiques de l</em><em>’</em><em>homme</em>, trad. de Jean Paré, Montréal, HMH, 1968 [1964].</p> </div> <div id="ftn16"> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16" title=""><sup><sup>[16]</sup></sup></a> Cette idée reçue a la couenne dure, non seulement dans le discours des dirigeants d’entreprises médiatiques et animateurs d’émission littéraires, mais également chez les universitaires occupés de littérature. Si les premiers disent ouvertement considérer la littérature comme un loisir, ou vouloir faire un émission littéraire aux allures d’«une émission sportive», pour rapporter de nouveau les propos de Jean Barbe, les seconds s’interrogent sérieusement à savoir si «la grande littérature, celle qui se trouve marquée du sceau de la durabilité, pourra […] survivre dans ce marché de consommation rapide.» (Denis St-Jacques)</p> </div> </div> <p>&nbsp;</p> Québec Sacré Société de consommation Sociologie Essai(s) Poésie Récit(s) Nouvelles Roman Théâtre Wed, 22 Oct 2014 13:47:51 +0000 Chloé Savoie-Bernard 880 at http://salondouble.contemporain.info Les poètes amérindiens sur la place publique http://salondouble.contemporain.info/article/les-poetes-amerindiens-sur-la-place-publique <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/lamy-jonathan">Lamy, Jonathan</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/hors-les-murs-perspectives-decentrees-sur-la-litterature-quebecoise-contemporaine">Hors les murs : perspectives décentrées sur la littérature québécoise contemporaine</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p style="text-align: right;"><em>Je suis sur la place publique avec les miens </em></p> <p style="text-align: right;"><em>la poésie n’a pas à rougir de moi</em></p> <p style="text-align: right;">- Gaston Miron</p> <p>&nbsp;</p> <p>Les poètes amérindiens sont de plus en plus présents sur la place publique du Québec et d’ailleurs. Depuis quelques années, leurs «poèmes rouges», pour reprendre le titre d’un recueil de Jean Sioui, colorent l’espace poétique francophone. La poésie rougit désormais de leur présence. À l’instar des publications autochtones qui se multiplient, les poètes des Premières Nations sont invités de façon croissante à prendre la parole dans différents événements littéraires, culturels et citoyens, de même que dans les médias, où il est de plus en plus question d’eux.</p> <p>Le nombre d’écrivains autochtones ayant publié un livre de poésie en langue française est plutôt restreint, mais augmente rapidement. Depuis 2010, on compte seize recueils, signés par sept auteurs: Joséphine Bacon, Marie-Andrée Gill, Natasha Kanapé Fontaine, Rita Mestokosho, Virginia Pésémapéo Bordeleau, Louis-Karl Picard-Sioui et Jean Sioui<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a>. Ces derniers occupent depuis peu une place non négligeable dans l’agora littéraire du Québec, fruit d’un désir évident (mais somme toute récent) d’entendre la parole poétique amérindienne (ou, plus généralement, ce que les Amérindiens ont à dire). Si les occasions de lire les productions des poètes des Premières Nations (dans des livres, des revues ou des blogues) sont en hausse, les opportunités de les entendre («<em>live</em>» ou par le biais de vidéos le web) s’accroissent de même, et peut-être davantage. Par ailleurs, les Amérindiens se dotent de leurs propres lieux de diffusion, tels que les Éditions Hannenorak, le Salon du livre des Premières Nations de Wendake, ou encore les soirées <em>Art+culture autochtone</em>, organisées mensuellement par le Cercle des Premières Nations de l’UQAM.&nbsp;</p> <p>Ainsi, les poètes amérindiens, longtemps absents du paysage littéraire québécois, lisent de plus en plus leurs textes en public, et ce, dans une variété également croissante de contextes. Ils prennent le micro dans des festivals internationaux ou marginaux, des salons du livre, des lancements, des soirées de poésie ou de slam, des événements multidisciplinaires ou citoyens, dans des cafés, des bars, des librairies, des bibliothèques, à la radio, et même dans la rue lors de manifestations. Plusieurs de ces lectures ont été filmées et peuvent être vues sur des sites de partage de vidéos tels que YouTube. La diffusion de la poésie amérindienne investit ainsi différentes scènes et divers supports, particulièrement depuis les dernières années, développant une forme de nomadisme littéraire multidisciplinaire.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Poètes-ambassadeurs</strong></span></p> <p>Rita Mestokosho et Joséphine Bacon ont longtemps été les seules poètes amérindiennes à occuper une certaine place dans l’espace public. Cette dernière était connue pour son travail à l’Office national du film, mais surtout pour les chansons qu’elle a écrites pour Chloé Ste-Marie. Rita Mestokosho, pour sa part, a signé un des premiers livres de poésie autochtone en français,<em> Eshi uapataman Nukum/Comment je perçois la vie grand-mère</em>, qui fut réédité avec une préface l’écrivain français et prix Nobel de littérature Jean-Marie Le Clézio, en 2010. La même année, Joséphine Bacon remportait le Prix des lecteurs du marché de la poésie de Montréal pour son premier recueil, <em>Bâtons à message/Tshissinuatshitakana</em>. Ces deux cautions de l’institution littéraire ont contribué de façon significative à la reconnaissance et à l’essor de la poésie amérindienne.</p> <p>Marquée notamment par la parution de l’anthologie <em>Littérature amérindienne du Québec: Écrits de langue française</em> (2004), préparée par Mauricio Gatti, puis par le recueil de correspondances <em>Aimititau! Parlons-nous!</em> (2008), initié par Laure Moralli, l’émergence de ce corpus se préparait depuis quelques années, mais la présence publique des poètes amérindiens demeurait relativement rare. Il faut dire que la participation des poètes dans les festivals, dont le nombre a par ailleurs augmenté au cours des dernières années (participant de ce qu’on pourrait presque appeler une <em>festivalisation</em> de la littérature au Québec), est très souvent reliée à leurs publications et épouse habituellement la logique du marché du livre: ils sont invités lorsqu’ils ont un livre récent à vendre. Le nombre de lectures effectuées par des auteurs autochtones a ainsi augmenté avec le nombre de titres publiés. Deux poètes faisaient ainsi partie de la programmation du Festival international de la poésie de Trois-Rivières en 2010 (Joséphine Bacon et Rita Mestokosho), alors qu’ils étaient quatre en 2013 (Marie-Andrée Gill, Natasha Kanapé Fontaine, Louis-Karl Picard-Sioui et Jean Sioui).</p> <p>Auparavant, Rita Mestokosho avait notamment participé au Festival international de littérature de Montréal en 1999, au Festival des étonnants voyageurs de Saint-Malo en 2001 et au Festival Voix d’Amériques en 2003. Depuis 2009, elle s’est rendue en Suède à trois reprises, récitant notamment ses poèmes à la Maison des écrivains de Stockholm, à l’Université de Stockholm et au LittFest d’Umea. La poète innue se voit fréquemment invitée en France, offrant un récital au Centre culturel canadien à Paris en 2011, participant au Printemps des poètes à La Rochelle en 2013 (et profitant du voyage pour donner une causerie-lecture à la Bibliothèque Gaston-Miron à Paris), puis, à l’automne de la même année, au Festival Voix au chapitre, à Lille. Elle est, jusqu’à présent, la poète amérindienne comptant le plus grand nombre de participations à l’international.</p> <p>L’implication de Rita Mestokosho pour la cause environnementale, et plus particulièrement pour la sauvegarde de la rivière La Romaine, sur la Côté-Nord, en fait une personnalité dont on parle dans les médias, que ce soit <em>La Presse</em><a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><sup><sup>[2]</sup></sup></a> ou <em>L’itinéraire</em><a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a>, particulièrement depuis la publication d’une lettre signée par Le Clézio dans <em>Le Monde</em> en juillet 2009, qui se termine par un poème de l’écrivaine innue<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><sup><sup>[4]</sup></sup></a>. Depuis, deux émissions de télévision française se sont intéressées à Rita Mestokosho: «Espace francophone» sur France 3 (avril 2012) et&nbsp; «Destination francophonie» à TV5 (juin 2013)<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><sup><sup>[5]</sup></sup></a>. À chaque fois, elle agit comme ambassadrice de la culture innue.</p> <p>Rita Mestokosho et Joséphine Bacon ont souvent partagé les mêmes scènes: elles étaient entre autres de la première édition du festival Innucadie, à Natashquan, en 2006, et elles participeront au Festival América, à Vincennes, en septembre 2014. Elles ont toutes deux pris part au Festival international de poésie de Medellin, en Colombie, l’une en 2012, l’autre en 2014<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><sup><sup>[6]</sup></sup></a>. Ne jouissant pas, de son côté, d’un appui similaire à ceux de Jean-Marie Le Clézio et de Chloé Ste-Marie, Jean Sioui n’a pas présenté autant de lectures publiques que ses consœurs, bien qu’il soit le plus prolifique des poètes amérindien<strike>ne</strike>s avec six recueils à son actif. Il a néanmoins pris part au Festival international de poésie de Namur, en Belgique en 2008, au Marché de poésie de Montréal, la même année, et aux Correspondances d’Eastman en 2009. Son implication dans le milieu littéraire des Premières Nations s’avère tout de même considérable, puisqu’il a cofondé le Cercle d’écriture de Wendake, les Éditions et le café-librairie Hannenorak, de même que le Salon du livre de Wendake, favorisant la venue et la diffusion de nouvelles voix poétiques autochtones.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Une nouvelle génération</strong></span></p> <p>En 2009, quatre poètes autochtones (Joséphine Bacon, Rita Mestokosho, Louis-Karl Picard-Sioui et Jean Sioui) présentaient une dizaine de lectures publiques (lors d’événements avec programmation) par année. Ce nombre est resté à peu près stable en 2010 et 2011 mais a grimpé à près de quarante en 2012 avec l’arrivée de Marie-Andrée Gill, Natasha Kanapé Fontaine et Virginia Pésémapéo Bordeleau qui, bien qu’ayant participé auparavant à quelques lectures, publiaient toutes trois cette année-là leur premier recueil. En 2013, il y eut plus de cinquante lectures de la part des sept poètes amérindiens mentionnés au début de ce texte, et presque autant de janvier à septembre 2014. Celles-ci se répartissent à peu près également (environ un quart des lectures par zone géographique) entre Montréal, la région de Québec, le reste de la province et à l’étranger.</p> <p>Jusqu’en 2011, il n’y avait que Rita Mestokosho et Jean Sioui (à une reprise) à avoir présenté des lectures à l’extérieur du Québec. Par la suite, Joséphine Bacon a lu ses textes au Salon du livre de Toronto en 2012, aux Rencontres québécoises en Haïti en 2013 et au Festival international de poésie Medellin en 2014. Virginia Pésémapéo Bordeleau a également pris part au Salon du livre de Toronto en 2012, de même qu’en 2013, ainsi qu’au Salon du livre de Dieppe la même année. Toujours en 2013, elle s’est rendue à Tahiti pour l’événement Lire en Polynésie, en compagnie de Louis-Karl Picard-Sioui. Ce dernier participait à la deuxième édition, en janvier 2014, du Manitoba Indigenous Writers Festival, à laquelle était également conviée Natasha Kanapé Fontaine. Celle-ci prenait aussi part, cet été, au Festival amérindien de Nièvre, en France, alors que Jean Sioui participait au Banff Summer Festival. Cet automne (2014), Joséphine Bacon et Rita Mestokosho seront au Festival América, à Vincennes, tandis que Natasha Kanapé Fontaine se rendra en Nouvelle-Calédonie pour l’événement Poémart.</p> <p>La présence des poètes amérindiens francophones au Canada anglais, dans les Antilles, en Amérique du Sud et en Océanie constitue un phénomène récent, qui témoigne de la mise en place de réseaux nouveaux entre peuples et poètes autochtones à l’échelle internationale. Dans l’espace canadien, les auteurs et éditeurs amérindiens tentent de briser la barrière des «deux solitudes» et de développer un dialogue «inter-nations». Les échanges entre peuples premiers tendent à prendre des proportions mondiales, particulièrement depuis la Déclaration des Nations Unies pour les droits des peuples autochtones, en 2007. Par exemple, des poètes indigènes provenant de différents continents se rassemblent au Festival international de poésie de Medellin, en Colombie. L’exposition <em>Sakahan</em>, organisée à l’été 2013 par le Musée des beaux-arts du Canada, témoigne également de cette globalisation artistique autochtone.</p> <p>Au Québec, plusieurs événements littéraires ont récemment invité des poètes amérindiens ou ont programmé des spectacles collectifs où il était possible d’entendre plusieurs d’entre eux. Premier festival littéraire à programmer autant de poètes autochtones dans la même année, l’édition inaugural du festival Québec en toutes lettres, en 2010, comptait sur la présence de Joséphine Bacon, Marie-Andrée Gill, Louis-Karl Picard Sioui et Jean Sioui, avec une soirée intitulée «Paroles indigènes» et une table ronde sur la relève autochtone et québécoise. En 2011, les Correspondances d’Eastman réaccueillaient Jean Sioui, accompagné cette année-là de Joséphine Bacon. Cette dernière participait également au Festival acadien de poésie de Caraquet, qui a aussi reçu Natasha Kanapé Fontaine en 2013 et Marie-Andrée Gill en 2014.</p> <p>Dans la ville de Québec, des événements organisés par les Productions Rhizome ont compté sur la présence de Rita Mestokosho, Louis-Karl Picard-Sioui Marie-Andrée Gill et Natasha Kanapé Fontaine, alors que Jean Sioui et Louis-Karl Picard Sioui ont tous deux participé à deux reprises aux Vendredis de poésie du TAP dans les dernières années. Depuis 2012, les soirées mensuelles Vivement poésie, à Montréal, ont permis d’entendre Joséphine Bacon et Natasha Kanapé Fontaine, alors que Marie-Andrée Gill se produit régulièrement dans les soirées multidisciplinaires 3REG, à Chicoutimi.</p> <p>Certaines activités découlent plus ou moins directement du dynamisme et de l’implication de Mémoire d’encrier, éditeur qui a fait paraître jusqu’à présent sept recueils de poésie autochtone, deux recueils à deux voix, de même que les collectifs <em>Aimititau! Parlons-nous!</em> et <em>Les bruits du monde</em>. Ce dernier titre est accompagné d’un cd et a fait l’objet d’un spectacle présenté à cinq reprises en 2011-2012&nbsp;: au Salon du livre de Rimouski, à Québec la muse (le Festival littéraire du Salon du livre de Québec), au Festival de poésie de Montréal, au Festival international de la littérature de Montréal (qui a présenté «Femmes de la tierra» en 2013 et qui présentera «Mingan, mon village» en 2014) et enfin à Sept-Îles.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Hors-les-murs de la littérature </strong></span></p> <p>Depuis les deux dernières années, on remarque que la parole poétique autochtone déborde du contexte strictement littéraire. À cet égard, Natasha Kanapé Fontaine, que l’on décrit souvent comme une «poète et slammeuse territoriale», a contribué de manière forte à la diffusion scénique de la littérature des Premières Nations. En 2013, en plus d’avoir participé au festival Dans ta tête à Montréal et au Festival du texte court à Sherbrooke, elle a lu ses textes lors du festival Nuit d’Afrique, également à Montréal. L’écrivaine innue a de plus pris part à différents événements citoyens, que ce soit l’événement Masse et médias à la Société des arts technologiques, l’Écofête à Trois-Pistoles et l’Écosphère à Lac-Brome.</p> <p>S’inscrivant en quelque sorte dans la filiation de Rita Mestokosho en tant que poète amérindienne écologiste, Natasha Kanapé Fontaine est également impliquée dans la branche québécoise du mouvement Idle No More. La combinaison de son engagement politique et poétique, de même que sa pratique en poésie et en slam, font d’elle une invitée à la fois prisée et polyvalente. Lors de la première manifestation d’importance liée à Idle No More à se tenir à Montréal, en janvier 2013, elle a récité un poème aux sons des tambours, devant une foule estimée à 1000 personnes. S’exprimant par la parole poétique plutôt que par des discours (et, par le fait même, portant la poésie là où elle ne se trouve généralement pas), elle a également livré une prestation, au 3<sup>e</sup> Forum jeunesse des Premières Nations, en présence de Léo Bureau-Bloin, figure importante du printemps érable et, à ce moment, député du Parti québécois.</p> <p>L’auteur de <em>Manifeste Assi </em>a rencontré une grande variété d’auditoires, auxquels on peut ajouter plusieurs classes de cégep et un grand nombre d’internautes. On peut présentement trouver sur internet environ soixante vidéos dans lesquelles des poètes amérindiens francophones lisent leurs textes, et la première vidéo de Natasha Kanapé Fontaine a avoir été mise en ligne, à l’automne 2012, atteint actuellement plus de 2000 vues<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><sup><sup>[7]</sup></sup></a>. Ces différentes lectures contribuent à défiger les idées préconçues que l’on peut entretenir envers les Premières Nations en général, en les associant non pas à un passé lointain mais à des pratiques résolument contemporaines. Même si certaines personnes ne soupçonnent pas l’existence de ce corpus particulier qu’est la poésie amérindienne, ou entretiennent des doutes quant à sa qualité littéraire, les poètes autochtones du Québec font petit à petit leur place. Ils sont de plus en plus reconnus, que ce soit par des prix (Marie-Andrée Gill a remporté le Prix de poésie du Salon du livre du Saguenay-Lac-St-Jean et a été finaliste au Prix du gouverneur général en 2013 pour son recueil <em>Béante</em>, alors que Natasha Kanapé Fontaine s’est méritée, la même année, le Prix de la Société des écrivains francophones d’Amérique) ou par des invitations dans des événements littéraires et culturels au Québec et à l’étranger.</p> <p>Le caractère multidisciplinaire des pratiques des auteurs amérindiens contribue également à leur visibilité et à la diversité des scènes qu’ils investissent. Si Natasha Kanapé Fontaine fait également du slam, ce sera l’art visuel et l’art de performance pour Louis-Karl Picard-Sioui, le roman et la peinture pour Virginia Pésémapéo Bordeleau, le conte pour Joséphine Bacon et le chant au tambour pour Rita Mestokosho. L’exposition <em>Nomades / Matshinanu</em>, qui met en espace les poèmes de Joséphine Bacon, accompagnés de photographies d’archives et de branches d’arbres, fut présentée à la Grande bibliothèque de Montréal en 2010-2011. Elle a depuis été montrée au Musée des Abénakis à Odanak, au Centre des congrès et à la Bibliothèque Gabrielle-Roy à Québec, à la Maison de la culture de Beloeil, au Willson Center à Washington, au Manoir de Kernault en France et à l’église de Natashquan.</p> <p>Les occasions d’entrer en contact avec la poésie amérindienne se multiplient et les moyens de le faire sont également de plus en plus diversifiés. S’il n’y avait, voilà dix ans, que l’anthologie de Mauricio Gatti, un essai de Diane Boudreau et six recueils sur lesquels il était difficile de mettre la main, il n’en va plus de même aujourd’hui. On croise les poètes des Premières Nations sur différentes scènes et on retrouve leurs publications en librairie, dans les bibliothèques et sur des blogues (Natasha Kanapé Fontaine tient le sien<a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><sup><sup>[8]</sup></sup></a> alors que Marie-Andrée Gill collabore fréquemment à celui de Poème sale).</p> <p>La prise de parole des poètes amérindiens rejoint un souci grandissant, de la part des Québécois, de prendre en compte les Premières Nations. Cette préoccupation, plus qu’un enjeu de rectitude politique, participe d’une volonté de co-présence identitaire dans ce territoire partagé qu’est le Québec. Opérant un changement dans les relations culturelles de la Belle Province, elle concourt de ce que l’on pourrait nommer une «Paix des Braves» symbolique, souhaitant établir un dialogue de nation à nation, comme le faisait l’entente du même nom signée par les Cris et le gouvernement québécois, ainsi que la chanson, qui porte également ce titre, du rappeur algonquin Samian avec le groupe Loco Locass. Dans cette éthique de l’échange, les poètes des Premières Nations sont sur la place publique, teintant progressivement de rouge la littérature québécoise et élargissant sans cesse ce que peut être, dans son actualité, sa vivacité, son oralité, sa multidisciplinarité et sa diversité, la poésie amérindienne.</p> <div><br clear="all" /><br /> <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a> Joséphine Bacon,<em> Nous sommes tous des sauvages</em> (avec José Acquelin), Montréal, Mémoire d’encrier, 2011 et <em>Un th</em><em>é </em><em>dans la toundra</em>, Montréal, Mémoire d’encrier, 2013&nbsp;; Marie-Andrée Gill,<em> B</em><em>é</em><em>ante</em>, Chicoutimi, La Peuplade, 2012 et <em>Motel TV couleur</em> (avec Max-Antoine Guérin), Chicoutimi, [compte d’auteur], 2014&nbsp;; Natasha Kanapé Fontaine,<em> N</em><em>’</em><em>entre pas dans mon </em><em>â</em><em>me avec tes chaussures</em>, Montréal, Mémoire d’encrier, 2012 et <em>Manifeste Assi</em>, Montréal, Mémoire d’encrier, 2014&nbsp;; Rita Mestokosho,<em> Eshi uapataman Nukum / Comment je per</em><em>ç</em><em>ois la vie grand-m</em><em>è</em><em>re</em>, Göteborg (Suède), Beijbom Books, 2010 [1995], <em>Uashtessiu / lumi</em><em>è</em><em>re d</em><em>’</em><em>automne</em> (avec Jean Désy), Montréal, Mémoire d’encrier, 2010 et <em>N</em><em>é</em><em>e de la pluie et de la terre,</em> Paris, Éditions Bruno Doucet, 2014&nbsp;; Virginia Pésémapéo Bordeleau,<em> De rouge et de blanc</em>, Montréal, Mémoire d’encrier, 2012&nbsp;; Louis-Karl Picard-Sioui, <em>Au pied de mon orgueil</em>, Montréal, Mémoire d’encrier, 2011, <em>De la paix en jach</em><em>è</em><em>re</em>, Wendake, Hannenorak, 2012 et <em>Les grandes absences</em>, Montréal, Mémoire d’encrier, 2013&nbsp;; Jean Sioui, <em>Je suis </em><em>Î</em><em>le</em>, Québec, Cornac, 2010, <em>Avant le gel des visages</em>, Wendake, Hannenorak, 2012 et <em>Entre moi et l'arbre</em>, Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2013. À cela s’ajoutent un collectif: Francine Chicoine (dir.), <em>S</em><em>’</em><em>agripper aux fleurs (ha</em><em>ï</em><em>kus)</em>, Éditions David, 2012&nbsp;; une anthologie: Susan Ouriou (dir.), <em>Languages of Our Land: Indigenous Poems and Stories from Qu</em><em>é</em><em>bec / Langues de notre terre: Po</em><em>è</em><em>mes et r</em><em>é</em><em>cits autochtones du Qu</em><em>é</em><em>bec</em>, Banff, Banff Center Press, 2014 et deux dossiers dans des revues: «La poésie amérindienne», dans <em>Exit</em>, no. 59, 2010 et «Premières Nations du Québec», dans <em>Hopala! </em>(Bretagne), no. 43, 2013.</p> </div> <div id="ftn2"> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><sup><sup>[2]</sup></sup></a> Patrick Lagacé, «La poétesse, la rivières et les saumons», En ligne: <a href="http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/patrick-lagace/200908/10/01-891418-la-poetesse-la-riviere-et-les-saumons.php">http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/patrick-lagace/200908/10/01-891418-la-poetesse-la-riviere-et-les-saumons.php</a>, (Consultée le 28 septembre 2014).</p> </div> <div id="ftn3"> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a> Soraya Elbekalli, «Rita, fille de la terre, soeur des rivières», En ligne: <a href="http://itineraire.ca/143-article-rita-fille-de-la-terre-soeur-des-rivieres-edition-du-mercredi-1er-aout-2012.html">http://itineraire.ca/143-article-rita-fille-de-la-terre-soeur-des-rivieres-edition-du-mercredi-1er-aout-2012.html</a> (Consultée le 28 septembre 2014).</p> </div> <div id="ftn4"> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><sup><sup>[4]</sup></sup></a> Jean-Marie Le Clézio, «Quel avenir pour la Romaine&nbsp;?», En ligne: <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2009/07/01/quel-avenir-pour-la-romaine-par-jean-marie-g-le-clezio_1213943_3232.html">http://www.lemonde.fr/idees/article/2009/07/01/quel-avenir-pour-la-romaine-par-jean-marie-g-le-clezio_1213943_3232.html</a>, (Consultée le 28 septembre 2014).</p> </div> <div id="ftn5"> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><sup><sup>[5]</sup></sup></a> «Destination Nathasquan», En ligne: <a href="http://tvfrancophonie.org/h264/52">http://tvfrancophonie.org/h264/52</a> et <a href="http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/Revoir-nos-emissions/Destination-Francophonie/Episodes/p-25608-Destination-Nitassinan.htm">http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/Revoir-nos-emissions/Destination-Francophonie/Episodes/p-25608-Destination-Nitassinan.htm</a>, (Consultée le 28 septembre 2014).</p> </div> <div id="ftn6"> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><sup><sup>[6]</sup></sup></a> En ligne: <a href="http://www.youtube.com/watch?v=KCJOnDfzL2Y">www.youtube.com/watch?v=KCJOnDfzL2Y</a> et <a href="http://www.youtube.com/watch?v=810Pl0dhzqk">www.youtube.com/watch?v=810Pl0dhzqk</a>, (Consultées le 28 septembre 2014).</p> </div> <div id="ftn7"> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><sup><sup>[7]</sup></sup></a> En ligne: <a href="https://www.youtube.com/watch?v=YnYXhm3c9Gw">https://www.youtube.com/watch?v=YnYXhm3c9Gw</a>, (Consultée le 29 septembre 2014).</p> </div> <div id="ftn8"> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><sup><sup>[8]</sup></sup></a> Natasha Kanapé Fontaine, «Innu Assi», <a href="http://natashakanapefontaine.wordpress.com">http://natashakanapefontaine.wordpress.com</a>, (Consultée le 15 septembre 2014) (auparavant&nbsp;: <a href="http://mamawolfunderline.wordpress.com">http://mamawolfunderline.wordpress.com</a>)</p> </div> </div> <p>&nbsp;</p> Amérindien Autochtone Identité Québec Poésie Tue, 21 Oct 2014 17:46:54 +0000 Jonathan Lamy 879 at http://salondouble.contemporain.info Du cahier de sports au cahier des arts: la poésie dans Le Journal de Montréal et Le Devoir http://salondouble.contemporain.info/article/du-cahier-de-sports-au-cahier-des-arts-la-poesie-dans-le-journal-de-montreal-et-le-devoir <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/beaulieu-april-joseane">Beaulieu-April, Joséane</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/hors-les-murs-perspectives-decentrees-sur-la-litterature-quebecoise-contemporaine">Hors les murs : perspectives décentrées sur la littérature québécoise contemporaine</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p>Dans <em>Le Devoir</em> du 25 août dernier, Claude Paradis atteste qu’il est «découragé du peu d’attention des médias à l’égard de la poésie». Jean-François Caron partage cet avis, et entame son dossier de la revue <em>Lettres Qu</em><em>é</em><em>b</em><em>é</em><em>coises</em> de l’automne 2014 en affirmant qu’elle est «marginalisée dans les médias». Ces deux déclarations pourraient refléter l’opinion qu’ont les acteurs du milieu de la littérature sur le traitement réservé à ce genre littéraire: la poésie n’occuperait pas une place suffisante sur la scène médiatique. Qu’en est-il, plus précisément, dans le journalisme écrit? La poésie est-elle occultée par nos grands quotidiens? Une recherche à partir de la base de données <em>Eureka</em><a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a> permet de constater qu’entre 2009 et 2013 inclusivement, 808 articles du <em>Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em> et 1851 articles du <em>Devoir </em>contiennent le mot «poésie». On pourrait donc croire que cette discipline fait couler beaucoup d’encre. Cela dit, notre expérience de lecture de ces journaux nous invite à être prudents. Il est, en effet, peu probable que l’utilisation de ce terme soit synonyme d’une importante présence d’articles à thématiques littéraires. À quoi donc fait-on référence lorsqu’on a recours au lexème «poésie»<em>, </em>si ce n’est à la poésie?&nbsp;</p> <p>Pour répondre à cette question, nous nous aiderons de logiciels de lecture assistée par ordinateur, qui octroient de nouvelles méthodes d’accès au contenu signifiant de corpus de textes imposants comme le nôtre. L’application de méthodes informatiques, même les plus simples à un vaste corpus permet entre autres d’étudier la forme d’un langage, les collocations lexicales et les idiosyncrasies. Notre intuition est qu’il n’y a pas de véritable discours sur la poésie et que ce terme sert plutôt à annoncer des événements annuels ou à décrire un objet très loin de l’écriture poétique. Nous verrons si nous pouvons la confirmer, l’appuyer, l’infirmer ou encore la nuancer à l’aide de cette méthodologie particulière.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>L’analyse des premières données</strong></span></p> <p>L’analyse du corpus commence lorsque que les données sont recueillies. Cette simple recension permet de constater que notre lexème apparaît deux fois plus souvent dans les pages du <em>Devoir</em> que dans <em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>. Cela ne peut que confirmer l’expérience que nous avons de ces journaux. <em>Le Devoir </em>possède un cahier dédié à la littérature (ce qui n’est pas le cas du <em>Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>) où il tend à accorder une place significative à la poésie.</p> <p align="center">&nbsp;</p> <p align="center"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/10/image1.png" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="image1"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/10/image1.png" alt="165" title="image1" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style="" width="400" height="208"/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>image1</span></span></span></p> <p>On peut aussi noter une augmentation du nombre d’articles où apparait le terme «poésie» à travers les années. Cependant, vu le petit intervalle temporel de notre étude, nous nous abstiendrons pour l’instant d’en tirer des conclusions. Étant donnée cette relative régularité, nous pourrions supposer que le vocable «poésie» apparaît surtout lorsqu’on parle d’événements d’envergure ayant lieu chaque année, par exemple&nbsp;le <em>Festival international de po</em><em>é</em><em>sie de Trois-Rivi</em><em>è</em><em>res</em>, le <em>March</em><em>é</em> <em>de la po</em><em>é</em><em>sie de Montr</em><em>é</em><em>al</em> ainsi que les nominations pour certains prix de poésie.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>À partir des collocations</strong></span></p> <p>Plusieurs opérations peuvent être exécutées très facilement par le logiciel <em>AntConc</em><a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><sup><sup>[2]</sup></sup></a>. Nous ne nous servirons que d’une option de ce programme&nbsp;: la recherche de cooccurrences<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a> (ou collocations) à partir d’un mot pivot (poésie).</p> <p>Le logiciel offre de repérer les lexèmes les plus fréquemment utilisés à proximité du mot qui fait l’objet de notre recherche. Il est suggéré de déterminer la distance de recherche à gauche et à droite de notre pivot. Cette distance est déterminante pour le résultat des données. Nous optons ici pour cinq termes antérieurs à «poésie» et cinq termes le suivant. À partir de nos demandes, <em>AntConc</em> génère un tableau où il est possible d'observer la fréquence d’apparition de chaque lexème (à gauche, à droite et générale). On peut classer les mots selon des données statistiques ou par ordre de fréquence. Nous choisissons cette dernière option. Pour ne pas se retrouver seulement avec les vocables les plus utilisés dans la langue française (parfois appelé mots vides en documentation, mots grammaticaux ou mots-outils), on utilise une <em>stoplist</em>. Il s’agit d’une liste de lexèmes qui, à cause de leur charge signifiante maigre ou de leur grande fréquence dans l’ensemble des textes de langue française, rendent difficile la collation des données. <em>AntConc </em>possède une option semi-automatisée qui permet de bloquer la lecture de ces mots.</p> <p>La recherche de cooccurrences à partir du lexème «poésie» est donc appliquée sur l’ensemble de notre corpus.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/10/image2.png" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="image2"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/10/image2.png" alt="166" title="image2" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style="" width="250" height="313"/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>image2</span></span></span></p> <p>La fréquence des vocables «festival» et «prix» semblent confirmer l’une de nos hypothèses, c’est-à-dire que le terme «poésie» sert à annoncer des événements annuels. La cooccurrence de ce terme et de notre mot pivot apparaît effectivement dans les expressions «Festival International de poésie de Trois-Rivières» et «Le Festival de poésie de Montréal». Nous voyons aussi fréquemment la mention du «Festival international de Jazz de Montréal», ce qui est cohérent étant donné l’importance que la musique semble prendre dans l’ensemble des articles. Comment doit-on interpréter le fait que le lexème «musique» se retrouve en première place? Il est à noter que le lexème «spectacle» revient 52 fois à proximité de notre terme&nbsp;; «jazz», 44 fois. L’utilisation de «spectacle» dans nos grands quotidiens est sans doute liée à la scène musicale. Pour en savoir plus, nous devons commencer une lecture plus approfondie du corpus.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Les contextes d’apparition dans les cahiers culturels</strong></span></p> <p>Comme tous les grands quotidiens, <em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em> et <em>Le Devoir</em> organisent leurs articles en carnets thématiques. Nous nous aiderons de cette séparation pour observer différents contextes d’apparitions du mot poésie.</p> <p>Nous commencerons par les articles provenant des cahiers purement littéraires et ceux sur la culture en générale. <em>Le Devoir</em> possède un carnet consacré à la littérature, «Livres», qui n’apparaît pas quotidiennement, mais au moins hebdomadairement. Ces cahiers dédiés sont certes beaucoup moins nombreux dans <em>Le</em> <em>Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, où la culture se trouve pêle-mêle dans les cahiers «Weekend» et «Arts et Spectacle». Dans ces cahier, ainsi que dans le cahier «Culture» du <em>Devoir</em>, on trouve des articles sur la littérature, le cinéma, la musique, les arts visuels, la danse, l’opéra, etc.</p> <p>Sur nos 2659 articles contenant le mot poésie, 143 sont des critiques de recueils de poèmes. Majoritairement écrits par Hugues Corriveau, ce 5,4% de notre corpus se compose des rares articles parlant véritablement de poésie, c’est-à-dire des textes. On ne peut pas en dire autant des autres articles que l’on retrouve dans les sections «Culture» de nos journaux. Sans traverser l’ensemble des textes, nous nous concentrerons sur les thèmes les plus fréquents, la musique et le théâtre.</p> <p>8% des articles portent exclusivement sur la musique. Si l’on observe les contextes d’apparition du lexème «poésie»<em>, </em>on remarque quelques contextes récurrents. D’abord, comme on pouvait s’y attendre, la musique elle-même (même sans paroles) est souvent décrite comme de la poésie. On parle de «poésie sonore» (<em>Le Devoir</em>, 15 février 2010, B8), on décrit un concert en disant qu’il contient des «moments de poésie et de magie sonore» (<em>Le Devoir</em>, 10 juillet 2010, E4). Si ce n’est pas la musique elle-même, ce sont des textes des chansons dont il est question. On lit des commentaires sur cette «grande chanson, empreinte de poésie» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al, </em>3 octobre 2009, W42) ou «cette poésie chantée» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 16 juillet 2011, W60). À de rares occasions, il est réellement question de poésie, par exemple lorsque «la poésie alliée à la musique classique trouvera tout son sens le samedi 29 septembre dans le cadre du Festival international de poésie» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 21 avril 2012, W48.). Le terme «poésie» revient majoritairement pour catégoriser un type de musique ou de texte. L’objet auquel les journalistes font référence est imprécis et dépend de l’auteur, mais il s’agit dans la plupart des cas d’œuvres qu’on juge intéressantes. La poésie est liée à la musique lorsque cette dernière semble atteindre une justesse qu’on peine à nommer autrement.</p> <p>Les critiques de théâtre forment 5,8% du corpus. En leur appliquant la même méthode que pour les articles de la section «Musique<em>»</em><em>, </em>on arrive à des résultats semblables. On peut considérer la poésie comme un élément du spectacle théâtral et dire que, sur scène, «le roman noir se mêle à la poésie et le beau voisine avec l'horreur&nbsp;» (<em>Le Devoir</em>, 14 avril 2009, B8) ou que la mise en scène est d’une «poésie surréalisante» (<em>Le Devoir</em>, 10 janvier 2009, E1). Plus souvent, ce sont les textes qui «portent en eux une singulière poésie» (<em>Le Devoir</em>, 11 janvier 2010, B10). Notre corpus contient aussi de nombreuses mentions du spectacle de Loui Mauffette, <em>Po</em><em>é</em><em>sie, sandwichs et autres soirs qui penchent, </em>qui semble avoir bénéficié d’une couverture médiatique impressionnante. De nouveau, le terme poésie sert à décrire de façon positive ce dont il est question.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Les contextes d’apparition dans les cahiers à thématique sportive et décorative</strong></span></p> <p>Il est ensuite difficile de résister à l’envie d’aller voir du côté des sports, où le lexème poésie se retrouve tout de même une trentaine de fois! Il s’agit d’une infime partie de notre corpus, mais les contextes méritent malgré tout d’être observés.</p> <p>Nous relevons 28 utilisations du mot «poésie». Ce sont les journalistes Jean Dion, du <em>Devoir,</em> et Alain Bergeron, du <em>Journal de Montr</em><em>é</em><em>al,</em> qui se partagent la majorité des occurrences.</p> <p>Jean Dion a parfois tendance à utiliser le mot «poésie» pour parler du sport lorsqu’il semble atteindre une forme de perfection. Il ose même par moments y aller de comparaisons surprenantes: «cela n'est sans nous rappeler un peu la poésie de Blaise Cendrars, qui traduisait une appréhension fiévreuse de l'univers» (<em>Le Devoir</em>, jeudi 21 juin 2012, B6). Ce qui est particulier, c’est qu’au travers de ses chroniques, il réussit à transmettre théories et opinions sur la poésie et ses pratiquants: «Le poète est, par nature, détaché de ces choses. Il vit dans son propre univers, où les mots ont une autre signification que celle à laquelle on s'attend et où ça rime, quoique pas nécessairement» (<em>Le Devoir</em>, mardi 27 octobre 2009, B6); ou encore «on sait pertinemment que la poésie ne sert à rien sauf à se faire des accroires à propos de la banalité substantielle de toute chose» (<em>Le Devoir</em>, jeudi 5 mars 2009, B6); dernier exemple:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p>il est vrai que nous avons besoin d'une commission d'enquête publique, et même de plusieurs commissions d'enquête publiques […], mais ce n'est pas en lisant de la poésie que vous l'apprendrez. D'ailleurs, au lieu de lire de la poésie, vous devriez aller vous faire vacciner (<em>Le Devoir</em>, 27 octobre 2009, B6).</p> </blockquote> <p>Cette idée de la poésie comme fondamentalement compliquée et inutile revient dans les articles d’autres journalistes sportifs. L’exemple le plus révélateur se trouve dans un article de Jean-François Chaumont, du <em>Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>: «Les Kings n'ont pas l'intention d'offrir une poésie sur glace. Le jeu simple et efficace restera toujours la meilleure arme de Darryl Sutter» (<em>Le</em> <em>Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 3 juin 2012, p. 102).</p> <p>Alain Bergeron, du <em>Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, possède un étrange tic de langage. Lorsqu’il utilise le terme «poésie», c’est dans l’intention de décrire un discours qu’il vient de rapporter. Les propos qu’il évoque, le plus souvent des commentaires de sportifs, sont dénués de toute trace de poéticité. Ce qui est propre à ce journaliste est plutôt l’utilisation de l’expression incorrecte «en poésie»: «écrit en poésie le champion olympique» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 24 octobre 2012, p.97); «nous a raconté en poésie» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 4 août 2012, p. 117); « a remercié presque en poésie le double médaillé des Mondiaux » (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 28 septembre 2013, p.135); «nous dit en poésie cette ex-athlète de niveau international» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 28 avril 2013, p.92). Contrairement à Jean Dion, il ne cherche pas à définir la poésie, mais à souligner des événements qui la font surgir… c’est-à-dire les discours des sportifs lorsqu’ils deviennent sentimentaux.</p> <p>On rencontre aussi des occurrences du terme «poésie» dans les cahiers liés aux plaisirs de la table et de la décoration. Sans surprise, nous avons droit à quelques commentaires sur la «poésie&nbsp;de la nature»: «Tous ces paysages printaniers inspirent la poésie, l'amour» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 19 mai 2009, p. 45). Les objets décoratifs se font eux aussi poèmes: «Pour un peu de poésie dans votre quotidien, ce crochet en forme d'oiseaux se greffe facilement à n'importe quelle pièce de votre maison. 17 $ chez Zone» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 16 janvier 2010, p.H38), et «[p]our un brin de poésie olfactive, un petit pschitt de parfum d'ambiance distillera sa fragrance exquise lorsque la brise gonflera votre plein jour» (<em>Le Journal de Montr</em><em>é</em><em>al</em>, 21 février 2009, p. H3). On retrouve les mêmes clichés dans les articles sur les restaurants: «le chef Pouran Singh Mehra cuisine comme une invention et dose ses épices avec discernement et poésie» (<em>Le Devoir</em>, 29 novembre 2013, p. B7).</p> <p>Ces utilisations, sans s’équivaloir, se ressemblent. Le mot «poésie» est toujours connoté positivement et devient synonyme de beauté, d’élégance, de fantaisie, de finesse. Il est d’un superflu tout à fait désirable… et consommable.</p> <p>La place manque malheureusement pour multiplier les explorations de ce genre, mais nous percevons bien la pertinence de l’étude de grands corpus avec l’assistance de logiciels de lecture. Une simple recherche des collocations nous mène en peu de temps sur la piste des habitudes langagières de nos journalistes. On constate que le terme «poésie», quand il ne signifie pas la forme d’écriture qu’il désigne, devient synonyme de beauté, d’élégance, d’originalité, de complexité ou même, dans certains cas, d’inutilité. On le surcharge de significations et celles-ci finissent par lui donner une connotation positive ou négative qui ne lui appartient pas d’emblée. Son dessein devient de servir la description d’un objet autre. La poésie se réduit à une caractéristique et on met de côté le concept de cette forme d’écriture singulière, forme qui n’a rien à voir avec la chimie des parfums d’ambiance.</p> <p>On ne peut plus nier que la poésie, en tant que genre littéraire occupe une place minime dans nos journaux. On nous parle de chansons poétiques, de textes de théâtres poétiques, de la nature poétique, des objets décoratifs poétiques et occasionnellement, de lectures et de recueils de poésie.</p> <p>Pour ce qui est des événements de plus grande envergure, on ne peut qu’espérer que les journalistes continuent de s’y intéresser au même titre qu’ils s’intéressent au théâtre et aux concerts. Les grands quotidiens étant très lus, ils permettent à cette sous-culture littéraire de ne pas se refermer définitivement sur elle-même et ses initiés.</p> <div> <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a> <em>Eureka.cc </em>est une base de données multidisciplinaire qui rend possible l’accès à des revues, journaux et magazines du monde entier en texte intégral. L’information est souvent accessible le jour même de sa parution ce qui est très pratique pour les recherches sur le discours contemporain autour d’un concept particulier.</p> </div> <div id="ftn2"> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><sup><sup>[2]</sup></sup></a> <em>AntConc </em>est un logiciel gratuit et téléchargeable d’analyse textuelle développé par M.Laurence Anthony, professeur à l’université de Waseda, au Japon.</p> </div> <div id="ftn3"> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a> Les premiers algorithmes permettant de relever les cooccurrences d’un texte ont été mis au point il y a plus de 60 ans déjà par Firth (1951) et Harris (1957).</p> </div> </div> <p>&nbsp;</p> Critique littéraire Industrie littéraire Québec Revue Poésie Tue, 21 Oct 2014 17:11:08 +0000 Joséane Beaulieu-April 876 at http://salondouble.contemporain.info Entretien avec Rodney Saint-Éloi, des éditions Mémoire d’encrier http://salondouble.contemporain.info/antichambre/entretien-avec-rodney-saint-loi-des-ditions-m-moire-d-encrier <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/landry-pierre-luc">Landry, Pierre-Luc </a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/logo_0.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/logo_0.jpg" alt="132" title="" width="580" height="57" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Afin d'aborder la rentrée littéraire automnale, Salon Double a mené une série d'entretiens avec plusieurs éditeurs afin de découvrir leur historique, leurs politiques éditoriales et leurs vues plus larges sur la littérature contemporaine. La série se poursuit par un entretien avec Rodney Saint-Éloi, directeur général et fondateur des éditions Mémoire d’encrier.</p> <p style="text-align: justify;"><strong><a href="http://memoiredencrier.com/">Mémoire d’encrier</a> est une maison généraliste. Nous publions des auteurs de la diversité: corpus amérindiens, caribéens, québécois, africains, et ceci dans des genres différents, roman, essai, poésie, chronique, jeunesse. Nous avons à cœur d’établir la relation, d’être dans les bruits du monde. Nous sommes établis à Montréal, mais le souffle du monde est là et nous tentons de bousculer les frontières, en mettant sur le même plan les imaginaires du monde. Nous créons ainsi des passerelles pour mieux se voir et se toucher. Car à quoi sert le livre s’il ne nous aide pas à mieux vivre? Nous regardons le monde dans sa complexité, avec l’élégance qu’il faut pour suivre le vol d’un oiseau. C’est la mission. Nous voulons être vivants et la seule manière possible reste le livre et la nécessité de comprendre et de débattre. Donner sens aux rencontres, aux résonances et&nbsp;aux multiples choses qui nous font signe. </strong><strong>Comme le formule si bien l’essayiste Édouard Glissant qui évoque le grand cri du monde, la totalité-monde. Selon lui, sont nécessaires «la rencontre, l’interférence, le choc, les harmonies et les disharmonies entre les cultures, dans la totalité réalisée du monde-terre.»</strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>Pierre-Luc Landry [PLL] : </strong></span>Qu’est-ce qui a motivé, en 2003, votre décision de fonder une nouvelle maison d’édition? Est-ce que vous sentez que votre maison a permis de combler un vide qui existait sur la scène littéraire contemporaine?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>Rodney Saint-Éloi [RSE] : </strong></span>Je suis haïtien, avec un bagage symbolique qui est minorisé ici. Je suis issu d’une vision de la littérature qui veut changer le monde. En tant qu’écrivain, je crois que les mots sont capables d’inventer la vie, de changer les choses. L’énergie nécessaire pour faire face aux enjeux auxquels fait face l’humain passe d’abord par les mots. Il nous faut donc trouver les mots pour le dire. L’enjeu est de nommer et de comprendre. Nous sommes ici passés à côté des conditions d’existence, noire, amérindienne. Nous avons perdu le sens d’un dialogue avec l’autre sans que ce soit formaté par les préjugés. Le vide, c’est cette absence d’altérité, qui nous fait découvrir l’autre avec de gros clichés, sans aller dans le sens profond des choses. Les livres que j’écris ou édite font partie de ce combat pour le sens.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL: </strong></span>Quelle politique éditoriale vous êtes-vous donnée, quelle ligne directrice ou vision de la littérature vous oriente? Est-ce que votre politique éditoriale a changé depuis le début de vos activités?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE: </strong></span>Le combat est le sens. Un sens de la diversité. Un sens de l’autre. Un sens du différent. Des passerelles pour le dialogue. Être ensemble. On connaît mieux Haïti en lisant <em><a href="http://memoiredencrier.com/gouverneurs-de-la-rosee/">Gouverneurs de la rosée</a> </em>de Jacques Roumain, <em>Anthologie secrète</em> de <a href="http://memoiredencrier.com/anthologie-secrete-3/">Davertige</a> ou de <a href="http://memoiredencrier.com/anthologie-secrete/">Franketienne</a>. L’imaginaire du pays nous aide à entrer dans le réel. S’il faut aller vers les autres, le meilleur chemin reste la culture. Le monde arabe me devient plus transparent à la lecture de Mahmoud Darwich. Notre politique éditoriale se définit simplement avec le mot OSER… C’est encore Darwich qui disait qu’«aucun peuple n’est plus petit que son poème.» Nous osons avec un certain nombre d’auteurs que les gens ne connaissent pas ici. Nous osons en éditant des auteurs amérindiens, sénégalais, haïtiens, etc. Nous osons croire que la littérature est cet ensemble de voix solitaires qui cherchent résonnance. Nous osons... C’est cette audace qui s’appelle édition… sans laquelle aucune voix, aucun ton, aucun langage ne semble possible. &nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL: </strong></span>Mémoire d’encrier publie de la fiction, mais aussi des chroniques, des essais, de la poésie et des beaux-livres. Ainsi, on peut affirmer qu’il s’agit d’une maison «&nbsp;généraliste&nbsp;», mais dont la production témoigne quand même d’une grande cohésion et de beaucoup de cohérence. Que pensez-vous de ce constat?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE:&nbsp; </strong></span>Nous sommes cohérents puisque nous sommes dans une vision de la relation qui englobe la totalité de l’être. Nous ne discriminons pas… nous sommes dans une quête de sens, qui se reconnaît dans des genres différents. Nous sommes curieux… et nous avons la responsabilité d’accompagner certaines voix, puisque nous sommes les seuls à pouvoir comprendre le sous-texte. Qu’est ce qui se cache derrière la chronique d’un musicien haïtien noir, aveugle, vivant à Montréal? Ou encore derrière une jeune femme amérindienne Natasha Kanapé Fontaine, qui chante sa chanson: demain nous serons encore là… et qui écrit son recueil de poèmes pour dire <em><a href="http://memoiredencrier.com/nentre-pas-dans-mon-ame-avec-tes-chaussures/">N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures</a></em>. Cette fragilité, cette nécessité de la conquête de soi et du territoire nous concernent. Je suis personnellement sensible à ces appels. Je dis oui. Parce que je sais qu’il y a des milliers de gens qui se posent ces mêmes questions. Parce que je sais que la littérature doit participer à la construction sociale. C’est une responsabilité de se mettre à l’écoute des voix singulières. De témoigner d’une grande liberté de choix, d’être dans la bibliodiversité.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/ame_0.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/ame_0.jpg" alt="123" title="" width="185" height="300" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL:&nbsp; </strong></span>Comment peut-on assurer sa diffusion et sa survie quand on est un «petit» joueur dans le monde de l’édition québécoise,&nbsp;où quelques groupes d’éditeurs obtiennent pratiquement toute la visibilité, tant en librairie que dans les médias? Quel rôle joue le numérique dans votre stratégie de commerce?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE: </strong></span>Petite édition… je veux être une petite édition. C’est aussi un privilège de lire tout ce que je publie. De ne pas réduire le livre à un simple produit. D’avoir l’illusion que le livre que j’édite va trouver échos chez un lecteur. Et ces mots vont se démultiplier. Ces phrases vont aider ce lecteur&nbsp;à devenir sujet, à se mettre debout. C’est un privilège de pouvoir éditer de la poésie et d'être indépendant. Ne pas être à l’ordre du monde. Quel bonheur d’être debout dans l’angoisse et la beauté du monde. Nous sommes debout à chercher le sens, le langage. Nous devons faire la route avec certains mots comme éthique, vertu, poésie… Nous devons aller à contre-courant. Car, il nous faut résister. Il nous faut hurler. Il y a partout des voix qui se lèvent. Des voix qui disent non. C’est confortable tout cela…</p> <p style="text-align: justify;">Pour le numérique, on s’y met doucement, cela fait deux ans, sans répondre au harcèlement du marché. Tout notre catalogue sera numérisé à compter de 2013. Certains de nos titres sont déjà en version numérique. Néanmoins, ce qui nous interpelle c'est l’intelligence du monde. Le numérique est un support, seulement un support. Ça ne rend pas le monde plus nuancé et plus remarquable. Il nous faut trouver le livre, la pensée, le poème… l’important est le livre.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL:&nbsp; </strong></span>On a le sentiment que le milieu littéraire québécois est très petit, et encore plus quand on se concentre sur ceux qui s’éloignent des pratiques littéraires à vocation commerciale et optent pour une vision plus rigoureuse, plus audacieuse de l’écriture. Quelle importance a la communauté, celle des auteurs, des autres éditeurs, des libraires, pour vous?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE: </strong></span>Toute la chaîne du livre est à considérer. Peut-être que&nbsp;la cohésion manque. La subvention prend peut-être une part trop importante dans la réflexion sur la place du livre dans notre société. Il faudrait peut-être faire avec moins de prudence… aller plus loin. Je suis souvent étonné devant la puissance de certaines petites structures éditoriales québécoises indépendantes. Et je veux citer en poésie Le Noroît, Les Écrits des forges, Les Herbes Rouges, et en littérature générale, Le Quartanier, Marchands de feuille, La Peuplade, Lux, Écosociété, Remue-ménage… Ce sont de véritables éditeurs qui aident à mieux lire le monde…</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/ours_2.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/ours_2.jpg" alt="129" title="" width="185" height="300" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL:&nbsp; </strong></span>Votre maison fait une grande place aux exilés, aux auteurs venus d’ailleurs, aux marginaux, aux francophones qui écrivent de l’extérieur du Québec et de la France. Ce choix éditorial — car on devine qu’il s’agit bel et bien d’un choix — s’explique comment? Par des affinités toutes personnelles avec ces auteurs et leurs littératures, ou encore par un désir plus «&nbsp;altruiste&nbsp;» de faire une place à ceux qui n’en ont pas, dans notre milieu quand même assez restreint?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE:&nbsp;</strong></span>J’aime bien ce vers de Pablo Neruda qui dit: «Nous demandons une patrie pour l’humilié»<em>.</em> Je viens d’une histoire de grande violence. La blessure est encore vive. Je suis ancré dans des histoires étouffées, marginalisées… Je viens d’un ensemble de voix et de langues condamnées au silence. D’où la volonté d’aller vers ce qui est en marge, vers ce qui est à émerger. Donner voix aux voix cachées. Donner corps aux corps écorchés. Le corpus est une question d’affinités personnelles. Dis-moi ce que tu lis, ce que tu édites, et je te dirai qui tu es. Je suis dans l’imaginaire du guerrier, qui est un imaginaire complexe, qui défriche, découvre et partage. En fait, les auteurs que je publie sont pour la plupart des amis, avec qui je partage un certain nombre de convictions, d’idées et de valeurs. Ils me représentent quelque part. Ils grandissent mon moi, me prolongeant. Je me reconnais dans ce qu’ils sont. Ils sont ce que je désire. Leur voix est fragile, leur idée généreuse, et des fois ils n’ont aucun territoire. Ce sont de véritables guerriers. Leurs livres sont des <em>armes miraculeuses</em>, pour reprendre l’expression de Césaire.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL:&nbsp; </strong></span>Qu’est-ce qui vous intéresse dans une écriture ou un projet, qui vous amène à choisir un texte&nbsp;en particulier parmi les manuscrits que vous recevez?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE:&nbsp; </strong></span>Le sens, surtout! L’idée que le ton est neuf. Et qu’il y a là une voix singulière qui attend d’être lue. C’est également la cohérence avec&nbsp;le catalogue. Je publie une jeune auteure Libanaise Hyam Hared, <em>Esthétique de la prédation</em>. J’ai lu et relu son texte, au moins cinq fois, et sa voix est restée en moi, sa question être dans son je/jeu, dans un collectif et dans un monde miné par la guerre et la peur. Cette relation de l’individu au collectif éclaire ma propre histoire. Donc, je choisis ce texte, parce que j’aimerais partager cet amour-là. Que d’autres prolongent le geste et découvrent ce frisson.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL: </strong></span>Quels sont vos coup de cœur et coup de gueule du moment, par rapport à la situation littéraire ou aux derniers événements littéraires au Québec?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE: </strong></span>Mes coups de cœur, j’aime bien ce mot… le cœur y est toujours dans le métier. La passion de bousculer la pratique… j’ai beaucoup aimé le roman de Jocelyne Saucier, <em>Il pleuvait des oiseaux (XYZ),</em> le recueil de poèmes de Louise Dupré, <em>Plus haut que les flammes</em> (Le Noroît). Coup de gueule: il y a une petite république littéraire qui se regarde le nombril, il faut sortir la littérature du Plateau Mont-Royal pour mieux la nourrir, ça sent des fois trop le bas de laine… le territoire est si vaste, nous devrions apprendre à ouvrir les fenêtres pour pouvoir fixer l’horizon… cela paraît si petit si mesquin si entre-nous et si simpliste que cela fait de la peine… c’est le même prix: rêver, imaginer le monde ou s’enfermer dans les petites rues étroites de l’imaginaire…</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/controverse_1.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/21/controverse_1.jpg" alt="130" title="" width="201" height="300" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>PLL: </strong></span>Y a-t-il des nouveautés que vous aimeriez nous présenter? Des livres que vous avez publiés qui n’ont pas reçu autant d’attention que vous auriez souhaité et dont vous aimeriez parler?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>RSE:&nbsp; </strong></span>Pour les nouveautés, je suis très sensible à la collection poésie de Mémoire d’encrier, avec notamment Jean Désy, <em><a href="http://memoiredencrier.com/chez-les-ours/">Chez les ours</a></em>, et Natasha Kanapé Fontaine, <em>N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures.</em> Il y a quelques titres qui échappent complètement aux lecteurs. J’ai édité le plus important livre sur Cuba, <em><a href="http://memoiredencrier.com/controverse-cubaine-entre-le-tabac-et-le-sucre/">Controverse cubaine entre le tabac et le sucre</a></em> de Fernando Ortiz. Cet essai qui a marqué l'anthropologie, et qui est à l'origine de la transculture, raconte l’histoire du monde à travers celle de deux produits: le tabac et le sucre. C’est un livre, à mon sens, fondamental. Il y a aussi les grands auteurs publiés chez Mémoire d’encrier, Jacques Roumain, Davertige, Franketienne, Ida Faubert, etc., qui attendent leurs lecteurs.</p> <p style="text-align: justify;">La meilleure qualité pour un éditeur est la patience. Alors, je vis dans l'intelligence, la beauté et la patience.</p> Afrique Amérindien Caraïbes Chronique Jeunesse Québec Entretiens Essai(s) Poésie Roman Thu, 13 Dec 2012 17:10:23 +0000 Pierre-Luc Landry 641 at http://salondouble.contemporain.info Entretien avec La Peuplade http://salondouble.contemporain.info/antichambre/entretien-avec-la-peuplade <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/voyer-marie-helene">Voyer, Marie-Hélène</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-filefield field-field-image"> <div class="field-label">Image:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <div class="filefield-file"><img class="filefield-icon field-icon-image-jpeg" alt="icône image/jpeg" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/all/modules/contrib/filefield/icons/image-x-generic.png" /><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/Image pour page éditeur.jpg" type="image/jpeg; length=1851247">Image pour page éditeur.jpg</a></div> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p><strong>La Peuplade édite des ouvrages de littérature canadienne francophone actuelle. La maison publie de la poésie contemporaine, du roman ainsi que des entretiens sur les arts. Soucieuse d’enrichir son catalogue d’œuvres originales et fortes, la jeune maison d’édition demeure réceptive à la publication d’autres genres littéraires, notamment les essais en sciences humaines et sur les arts visuels. La maison publie des auteurs issus de l’ensemble du territoire. Elle propose une littérature de découverte et se tourne naturellement vers la nouvelle génération d’écrivains, vers les auteurs émergents.</strong><br /><br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>Salon Double [SD] -</strong></span> Qu’est-ce qui a motivé votre décision de fonder une nouvelle maison d’édition ? Est-ce que vous sentez que votre maison d’édition a permis de combler un manque dans la scène littéraire contemporaine ?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>La Peuplade [LP] - </strong></span>C’était en 2005, nous arrivions au Lac-St-Jean, la région choisie pour l’achat d’une maison sur le territoire. L’idée en tête : créer un projet artistique tout en faisant le pari de la vie en région. Un matin, la une du cahier <em>Livres</em> du journal <em>Le Devoir</em> annonçait l’acquisition de Sogides par Quebecor. Ça été un déclencheur pour nous : il fallait contrer le grand par le petit et redonner leurs lettres de noblesse à Roland Giguère (Éditions Typo, l’Hexagone), à Gaston Miron (l’Hexagone), et les autres (chez VLB) qui devaient se retourner dans leurs tombes – ou dans leurs salons. À la création de La Peuplade en 2006, nous ne pouvions nous imaginer ce chemin que nous allions parcourir et cette réelle place que nous allions occuper dans le paysage éditorial et littéraire québécois. La reconnaissance s’est vite fait sentir, par des recensions dans les médias, par des commentaires opportuns, par les réussites de chaque jour. Nous avons lancé la maison au Pied de Cochon le 6 juin 2006 et, déjà, la curiosité était piquée. Je ne saurais dire quelle est la nature du manque que nous comblons maintenant, mais nous avons amené sur l’échiquier des pions uniques, authentiques, à têtes rêveuses.<br /><br /><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/BUC_FINAL_300%20-%20copie%20600%20ko.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/BUC_FINAL_300%20-%20copie%20600%20ko.jpg" alt="116" title="" width="345" height="552" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><span style="color:#696969;"><strong>[SD] -</strong></span> Quelle politique éditoriale vous êtes-vous donnés, quelle ligne directrice ou vision de la littérature vous oriente ? Est-ce que votre politique éditoriale a changé depuis le début de vos activités ?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[LP] - </strong></span>Au départ, il a été clair que nous allions nous concentrer sur des collections de littérature précises : la poésie et la fiction. Nous avions également envie de développer l’entretien littéraire comme genre pratiquement inexistant au Québec, sinon avec les journaux ou avec le travail de Jean Royer. Deux livres d’entretien ont été réalisés – le premier sur le travail de l’écrivain Hervé Bouchard et le second sur le travail du cinéaste Hugo Latulippe. Ce sont des livres complexes à faire et ils ont pour but d’immortaliser, dans le temps et dans la mémoire collective, les démarches et les idées de créateurs importants qui, même si l’on peut juger – ou non – qu’ils ne le sont pas au moment de l’entretien, marquent ou marqueront leur époque dans leur pratique respective.<br /><br />La Peuplade choisit le texte avant tout. La seule façon d’aborder la littérature est de le faire à partir du texte. C’est ce qui prime. Il arrive aussi qu’une autre question se pose, une fois qu’un texte avec des qualités exceptionnelles ait été déniché : « Est-ce que ça vient chez La Peuplade ? » La Peuplade a son identité propre, des goûts personnels.<br /><br />L’idée que l’art doit peupler le territoire s’inscrit également dans notre politique éditoriale, idée que nous gardons comme cap et qui nous ramène inlassablement à nos origines. Nous occupons le territoire. Nous désirons éviter la centralisation du savoir, des pratiques, des arts, du succès. Établie en région, notre maison est sans frontières.<br /><br /><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/BEANTE%20COUV_FINAL%20-%20copie.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/BEANTE%20COUV_FINAL%20-%20copie.jpg" alt="117" title="" width="580" height="928" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><span style="color:#696969;"><strong>[SD] -</strong></span> Qu’est-ce qui vous intéresse dans une écriture ou un projet, vous amène à choisir un texte en particulier parmi les&nbsp; manuscrits que vous recevez?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[LP] - </strong></span>Il n’y a pas de livre sans écrivain. Dans un premier temps, l’écriture doit être celle d’un écrivain, car celui-ci fabrique, avec le temps, la littérature. Nous nous attardons à priori à la démarche de l’auteur d’un manuscrit proposé, nous questionnons les motivations de l’auteur d’un projet, nous voulons en savoir plus sur ce qui est imaginé pour le futur. Choisir un texte dans le but d’en faire un livre signifie choisir de marcher dans un sillon – tracé ou à tracer – en compagnie de l’éclaireur dudit chemin, aux côtés d’un artiste de la littérature.<br /><br />Aussi, nous regarderons consciencieusement l’écriture, l’indicateur premier de la maîtrise que l’auteur a de son art. La maîtrise de la langue permet à l’écrivain de développer de grandes qualités comme la nuance, le raffinement, la précision. Les mots justes ouvrent la voie aux idées les plus alambiquées. Nous recherchons des écrivains qui sont des passionnés de la langue, bien avant l’idée de l’utiliser pour écrire un livre. Nous recherchons des gens curieux, qui veulent apprendre, qui veulent aller plus loin, qui veulent prendre part à un échange sur le texte – la matière –, qui veulent contribuer à faire d’un texte le meilleur livre. Le processus de publication nécessite de la générosité.<br /><br /><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/couverture_coit300%20-%20copie.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/couverture_coit300%20-%20copie.jpg" alt="118" title="" width="580" height="772" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><span style="color:#696969;"><strong>[SD] -</strong></span> Comment peut-on assurer sa diffusion et sa survie quand on est un « petit » joueur dans le monde de l’édition québécois, où quelques groupes d’éditeurs obtiennent pratiquement toute la visibilité, tant en librairie que dans les médias? Quel rôle joue le numérique dans votre stratégie de commerce ?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[LP] - </strong></span>Le « petit » joueur ou la petite boîte d’édition doit trouver, avant tout, le distributeur québécois qui sera le plus à même de défendre et de diffuser ses collections. Chaque distributeur a ses forces et ses spécialités. En dehors de cela, chaque maison d’édition doit élaborer ses stratégies de médiatisation et de représentation du travail de ses auteurs, grâce à quoi petite maison deviendra grande. Ce n’est pas la visibilité qui est le plus difficile à obtenir, mais la légitimité et la reconnaissance du contenu. Quand la place est taillée à même l’arbre, quand on juge votre travail désormais nécessaire, tout est possible. Il faut alors s’organiser.<br /><br />S’organiser sur tous les plans. Penser à tout, à tous les intervenants de la chaîne du livre. Être toujours en avance. Peser les mots. Être acteurs. Être joueurs. Pour le numérique, il a fallu rapidement devenir un joueur. Prendre la place du marché qui nous était offerte. Rapidement, on est devenu joueur et, progressivement, La Peuplade apprivoise sa nouvelle peau, en proposant ses nouveautés en numérique, en numérisant peu à peu son fond, en réfléchissant sur les avenues, sur l’avenir du numérique et comment l’aborder. Rien ne sert de courir, il faut partir à point. Nous avons envie d’aborder le livre numérique différemment que le livre papier (encore, pour nous, l’objet parfait que nous aimons profondément).<br /><br /><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/PE_COUV_FINAL.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/PE_COUV_FINAL.jpg" alt="119" title="" width="580" height="928" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><span style="color:#696969;"><strong>[SD] -</strong></span> On a le sentiment que le milieu littéraire québécois est très petit, et encore plus réduit quand on se concentre sur ceux qui s’éloignent de pratiques littéraires à vocation commerciale et optent pour une vision plus rigoureuse, plus audacieuse de l’écriture. Quelle importance a la communauté, celle des auteurs, des autres éditeurs, des libraires, pour vous ?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[LP] - </strong></span>Le milieu littéraire québécois est peuplé de gens inspirants et formidables. On fait sa rencontre et on n’a plus envie de le quitter. On souhaite l’enrichir et le développer. En effet, le milieu est petit et tout le monde vient à se connaître. En vivant loin de Montréal – le lieu de toutes les rencontres –, La Peuplade n’est parfois pas à jour dans ses relations avec les communautés d’auteurs, d’éditeurs et de libraires. Or, cela est garant de l’indépendance que nous recherchons dans l’exercice de notre métier. C’est d’abord et avant tout une indépendance de choix qui guide notre travail. Les écrits que nous choisissons nous transportent suffisamment pour s’imaginer les défendre pour toujours (du moins, le temps d’un contrat !). Les auteurs qui viennent vers La Peuplade nous adoptent pour notre rigueur et notre passion, peu importe la distance qui nous sépare.<br /><br />À cet égard, il faut ajouter que <em>rigueur</em> ne s’oppose pas nécessairement à <em>commercial</em>. Quelle maison d’édition espère entasser ses livres dans un entrepôt ? Vouloir vendre des livres n’est pas un mal. Vendre un livre signifie que celui-ci sera lu par une personne de plus et non destiné au pilonnage, pratique que nous dénonçons. &nbsp;<br /><br /><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/Wigrum-Cover---copie-1-600-ko.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/Wigrum-Cover---copie-1-600-ko.jpg" alt="120" title="" width="580" height="871" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[SD] -</strong></span> Quels sont vos coup de cœur et coup de gueule du moment, par rapport à la situation littéraire ou aux derniers événements littéraires au Québec ?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[LP] - </strong></span>Le texte demeure, pour nous, central. Il en est autrement dans les médias. Par exemple, les livres à l’émission <em>Tout le monde en parle</em> sont tout à fait éclipsés de la table, alors qu’à priori ils sont l’objet de l’invitation de l’écrivain. En matière d’art littéraire, cette puissante équipe de télévision passe la plupart du temps à côté de l’essentiel. Comme il aurait été intéressant que Guy A. Lepage demande à Vickie Gendreau : « Pourquoi écrire un livre quand on est condamnée à mourir ? »… Ce n’est malheureusement pas sous cet angle qu’on aborde d’habitude la littérature et l’écriture dans les médias québécois.<br /><br />Sur une note plus positive, nous voulons souligner les nouvelles maquettes de livres de nombreux éditeurs québécois. Depuis 2000, on a vu l’apparition de plusieurs maisons d’édition, ce qui n’a pas été sans transformer le milieu éditorial québécois. L’émergence conduit au progrès, au renouvellement de tous.<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[SD] -</strong></span> En tant que maison d’édition située loin de la métropole, pensez-vous que la réalité montréalaise éclipse celle du reste du Québec, tant dans le circuit littéraire que dans les oeuvres qui sont publiées actuellement ? Ou qu’il y a un retour du balancier (voir numéro de <em>Liberté</em> et certains de leurs propres auteurs).<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[LP] - </strong></span>Montréal est Montréal. Québec est Québec. St-Fulgence-de-l’Anse-aux-Foins est St-Fulgence-de-l’Anse-aux-Foins. Il n’en tient qu’aux écrivains de rendre lisibles les histoires qui se dissimulent dans les paysages. La Peuplade croit sincèrement que l’art doit peupler le territoire, jusque dans les villages. Nous résistons aux phénomènes qui voudraient exclure, ou simplement oublier, d’autres réalités. La métropole génère évidemment bien des trajectoires, mais on gagne toujours à élargir les horizons.<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[SD] -</strong></span>&nbsp; Alors qu’une maison d’édition choisit habituellement une police de caractère unique pour toutes ses œuvres afin de contribuer à se faire une « image de marque », vous semblez choisir une nouvelle typographie pour chaque œuvre. Comment se déroule ce processus ? En collaboration avec l’écrivain ou selon votre propre choix ?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>[LP] - </strong></span>L’image de marque de La Peuplade se situe principalement dans ses couvertures, puisque chaque œuvre qui les orne est celle d’un artiste contemporain québécois qui reçoit le manuscrit après qu’il ait été sélectionné pour publication. Nous avons, jusqu’à maintenant, privilégié le dessin. Le dessin est la base des arts visuels. Il n’est pas rare que l’artiste produise plus d’une œuvre.<br /><br />La typographie vient s’ajouter ensuite, une fois que l’œuvre finale a été approuvée par les éditeurs et par l’auteur.</p> <p style="text-align: justify;"><em>Pour en savoir plus :</em> <a href="http://www.lapeuplade.com/">http://www.lapeuplade.com/</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="http://salondouble.contemporain.info/intersections-et-collisions">Lisez la brève à propos du recueil Point d'équilibre de Mélissa Verreault ici. </a><br />&nbsp;</p> Québec Entretiens Écrits théoriques Poésie Récit(s) Nouvelles Roman Tue, 04 Dec 2012 17:00:20 +0000 Marie-Hélène Voyer 644 at http://salondouble.contemporain.info Entretien avec Les Éditions David http://salondouble.contemporain.info/antichambre/entretien-avec-les-ditions-david <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/fontille-brigitte">Fontille, Brigitte</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-filefield field-field-image"> <div class="field-label">Image:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <div class="filefield-file"><img class="filefield-icon field-icon-image-png" alt="icône image/png" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/all/modules/contrib/filefield/icons/image-x-generic.png" /><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/ditions david.png" type="image/png; length=7399">ditions david.png</a></div> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p style="text-align: justify;">Afin d'aborder la rentrée littéraire automnale, Salon Double a mené une série d'entretiens avec plusieurs éditeurs afin de découvrir leur historique, leurs politiques éditoriales et leurs vues plus larges sur la littérature contemporaine. La série se poursuit par un entretien avec Les éditions David. Marc Haentjens a accepté de répondre à nos questions.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Les <a href="http://editionsdavid.com/">Éditions David</a> sont une maison d’édition littéraire établie à Ottawa depuis 1993. La maison publie des textes de création (romans, nouvelles, poésie) ainsi que des études et essais traitant de la littérature canadienne-française. La maison accueille en priorité des auteurs francophones de l’Ontario mais aussi des auteurs d’autres régions du Canada. Son catalogue compte aujourd’hui près de 250 titres, répartis à travers huit collections.<br /><br />Les œuvres de création représentent le volet le plus porteur de la maison d’édition avec cinq collections principales :<br /><br />-&nbsp;&nbsp; &nbsp;trois collections de prose: la collection <em>Voix narratives</em>, composée de romans, nouvelles et récits, la collection <em>Indociles</em>, ouverte à des romans de facture plus contemporaine, et la collection <em>14/18 </em>dirigée vers le public adolescent (14 ans et plus);<br /><br />-&nbsp;&nbsp; &nbsp;deux collections de poésie : la collection Voix intérieures, ouverte à des textes de poésie actuelle, et la collection <em>Voix intérieures – Haïku</em>, une collection de « niche » dédiée spécifiquement à la publication de textes liés à ce genre poétique (dans ses différentes variations: haïku, renku et, récemment, haïbun).<br /><br />Les ouvrages de réflexion continuent néanmoins d’alimenter quelques collections axées sur la connaissance et l’étude de la littérature francophone au Canada : la collection <em>Voix savantes</em>, réunissant des études et des essais collectifs, la collection <em>Voix retrouvées</em>, accueillant des éditions critiques de textes anciens ou oubliés, et la collection <em>Voix didactiques</em> consacrée à des auteurs de littérature jeunesse.<br /><br />À travers ce programme, la maison d’édition veut contribuer à l’expression d’une littérature originale qui reflète les diverses réalités de la francophonie canadienne. Elle souhaite aussi développer un lectorat – et un lectorat critique - susceptibles d’apprécier et de suivre cette littérature.</strong><br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>Brigitte Fontille [BF] –</strong></span> Qu’est-ce qui a motivé la décision de fonder une nouvelle maison d’édition? Est-ce que vous sentez que votre maison d’édition a permis de combler un manque dans la scène littéraire contemporaine? Qu’est-ce qui a motivé la création de la collection «Indociles»?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>Marc Haentjens [MH] –</strong></span> Les Éditions David ont été fondées par Yvon Malette en 1993. La motivation souvent invoquée par Yvon était de publier sa thèse de doctorat - une étude sur Gabrielle Roy - que plusieurs maisons d'édition tardaient à accepter. En réalité, plusieurs collègues dans son entourage (Yvon enseignait alors à l'Université d'Ottawa et au Cégep de l'Outaouais) se montraient intéressés à voir naître dans la région une maison avec un profil littéraire au sein de laquelle ils pourraient publier ou collaborer.<br /><br />De fait, la maison a rapidement reçu de nombreuses propositions et, après seulement quelques années, elle publiait en même temps des études littéraires, des romans, des nouvelles et de la poésie. Elle se donnait aussi plusieurs directeurs de collection formant, autour d'Yvon Malette, une équipe éditoriale solide. À son quinzième anniversaire (2008), la maison franchissait la barre des 200 titres, avec une réputation acquise dans le milieu littéraire et universitaire.<br /><br />Le changement de direction, en 2009, a légèrement infléchi l'orientation éditoriale de la maison. Me distançant un peu du milieu universitaire, j'ai surtout cherché depuis quelques années à accentuer la place de la maison dans la vie littéraire environnante, en Ontario notamment. Cela a d'abord conduit à développer une collection pour adolescents, la collection 14/18, qui venait à peine de naître à mon arrivée, et à lui donner une place centrale dans le catalogue; puis à créer, en 2011, une nouvelle collection de romans, la collection Indociles, ouverte à de jeunes auteurs et à des textes de facture plus contemporaine.</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/Jepromets_Ouellet%281%29.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/Jepromets_Ouellet%281%29.jpg" alt="85" title="" width="580" height="975" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>BF –</strong></span> Quelle politique éditoriale vous êtes-vous donnée, quelle ligne directrice ou vision de la littérature vous oriente? Est-ce que votre politique éditoriale a changé depuis le début de vos activités?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>MH –</strong></span> Plusieurs lignes directrices orientent les Éditions David depuis leur création en 1993. Je dirais: un intérêt marqué pour la langue et la littérature, un souci d'excellence et une ouverture à la francophonie canadienne, dans ses différentes manifestations régionales. Ces lignes n'ont pas fondamentalement changé au fil des ans.<br /><br />S'y sont cependant ajoutées ces dernières années quelques autres préoccupations: le dépistage de nouveaux auteurs, un enracinement (ou un ancrage) plus profond en Ontario français et une volonté de développement du lectorat, particulièrement chez les jeunes.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>BF –</strong></span> Qu’est-ce qui vous intéresse dans une écriture ou un projet, vous amène à choisir un texte en particulier parmi les manuscrits que vous recevez? Notamment pour la collection «Indociles».<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>MH –</strong></span> Notre intérêt pour un manuscrit varie évidemment selon les collections. Pour notre collection Voix narratives (romans, nouvelles), l'intérêt et la portée de l'histoire viennent sans doute en premier, suivis de près par la qualité de l'écriture. Travaillant dans un contexte minoritaire, nous sommes toutefois plus portés à accepter des œuvres imparfaites que nous le serions dans un autre contexte, ce qui signifie, bien sûr, d'investir davantage dans un travail d'édition.<br /><br />Pour notre collection Indociles, c'est beaucoup plus le propos, le style ou le ton qui nous intéressent, de même que la nature du commentaire porté sur la société. Nous souhaitons aussi avec cette collection nous permettre d'accueillir de nouveaux auteurs. Enfin, nous sommes concernés par l'accueil que pourrait recevoir l'œuvre chez un lectorat plus jeune.</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/Unjour_Martin%281%29.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/Unjour_Martin%281%29.jpg" alt="87" title="" width="580" height="896" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>BF –</strong></span> Je trouve particulièrement intéressant qu’une des orientations de la collection sur la poésie porte sur le haïku, forme très codifiée. Pourriez-vous nous parlez de l’intérêt que les Éditions David ont manifesté envers cette forme poétique peu commune et qui n’est pas d’ici?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>MH –</strong></span> La collection «Voix intérieures – Haïku» est née aux Éditions David sous l'impulsion de quelques auteurs (Francine Chicoine, André Duhaime, Jeanne Painchaud...) intéressés par cette forme poétique et désireux de la diffuser plus largement au Québec et au Canada. La réalisation de plusieurs recueils collectifs (comme <em>Dire le Nord</em>, <em>Dire la faune</em>, <em>Dire la flore</em>), puis l'institution d'un camp littéraire annuel axé sur le haïku à Baie-Comeau ont alors contribué à développer un vaste réseau de haïkistes qui nourrissent aujourd'hui le catalogue de la collection. Avec tout près de 60 titres publiés, celle-ci représente aujourd'hui une collection unique, au Canada et même au sein de la francophonie. Elle ne cesse par ailleurs de s'enrichir de nouveaux auteurs, mais aussi de nouvelles formes, comme le renku (dialogue entre deux haïkistes) et le haïbun (combinaison de prose et de haïku).</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/Agripper_Collectif_RVB.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/Agripper_Collectif_RVB.jpg" alt="88" title="" width="580" height="943" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>BF –</strong></span> Comment peut-on assurer sa diffusion et sa survie quand on est un « petit » joueur dans le monde de l’édition, où quelques groupes d’éditeurs, notamment québécois, obtiennent pratiquement toute la visibilité, tant en librairie que dans les médias? Quel rôle joue le numérique dans votre stratégie de commerce?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>MH –</strong></span> La diffusion reste évidemment un enjeu de taille. Nous trouvant, par notre taille et notre situation géographique, dans la périphérie de l'industrie du livre, nous&nbsp; devons travailler deux fois plus fort pour réussir à intéresser les médias, les libraires et les autres intervenants de la chaîne du livre. Nous n'y réussissons pas autant que nous l'aimerions, mais nous gagnons quand même notre place et nous réalisons, de temps en temps, quelques bons coups.<br /><br />Le numérique apparaît, dans ce contexte, comme une occasion à saisir. Bien qu'il obéisse lui aussi à des intérêts commerciaux dominants (qu'on pense à Amazon ou à Archambault), il est encore en friche et permet, de ce fait, de se démarquer un peu plus. C'est pourquoi, d'ailleurs, plusieurs maisons d'édition francophones hors Québec (dont la nôtre) sont déjà bien positionnées sur ce marché.</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/Yeuxexil_Resch_RVB%281%29.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/Yeuxexil_Resch_RVB%281%29.jpg" alt="86" title="" width="510" height="840" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>BF –</strong></span> En tant que maison d’édition francophone située hors du Québec, pensez-vous que la réalité montréalaise éclipse celle du reste de la francophonie canadienne, tant dans le circuit littéraire que dans les œuvres qui sont publiées actuellement?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>MH –</strong></span> Il est en effet très difficile d'être inclus ou considéré dans le milieu littéraire québécois quand on est situé à l'extérieur de Montréal (et de Québec). Cette réalité, qui vaut sans doute pour les éditeurs québécois établis «en région», est encore plus sensible pour les éditeurs franco-canadiens qui souffrent en outre d'être perçus - et classés par de nombreux acteurs du livre - comme des&nbsp; éditeurs «étrangers».<br /><br />Pratiquement, cela se traduit par une très grande difficulté à obtenir l'attention des médias, à être invité dans des événements littéraires ou des salons du livre et à obtenir une présence en librairie. Trois conditions presque incontournables pour réussir à intéresser un public lecteur.</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/191/CB-III_Poirier_RVB_2.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/191/CB-III_Poirier_RVB_2.jpg" alt="95" title="" width="580" height="896" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color: rgb(105, 105, 105); "><strong>BF –</strong></span> On a le sentiment que le milieu littéraire francophone hors Québec est exigu, et encore plus réduit quand on se concentre sur ceux qui s’éloignent de pratiques littéraires à vocation commerciale et optent pour une vision plus rigoureuse, plus audacieuse de l’écriture. Quelle importance a la communauté, celle des auteurs, des autres éditeurs, des libraires, pour vous?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>MH –</strong></span> Le milieu du livre est avant tout un écosystème où tous les acteurs sont liés et interdépendants. L'éditeur n'existe qu'à travers des auteurs, mais aussi, pour la diffusion de ses livres, à travers des libraires, des critiques littéraires, des professeurs de littérature, des bibliothécaires, des événements littéraires, des plateformes médiatiques, etc.&nbsp; Or, c'est un fait que cet écosystème est (beaucoup) moins complet dans la francophonie canadienne qu'il ne l'est au Québec et, particulièrement, dans les principales métropoles québécoises.<br /><br />Beaucoup d'énergie est donc mise, dans nos milieux, pour réunir ou aller chercher tous les intervenants en présence et s'efforcer de créer un effet dynamique autour des livres, des auteurs et de la littérature. L'effervescence qu'on peut ressentir dans certains salons du livre, comme ceux de Sudbury, de Hearst, de Toronto (en Ontario), de Shippagan ou de Dieppe (au Nouveau-Brunswick), témoigne de cette cohésion. &nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/ITHURIEL_LAFRAMBOISE_CMYK%281%29.JPG" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/ITHURIEL_LAFRAMBOISE_CMYK%281%29.JPG" alt="90" title="" width="580" height="980" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><br /><span style="color:#696969;"><strong>BF –</strong></span> Quels sont vos coup de cœur et coup de gueule du moment, par rapport à la situation littéraire ou aux derniers événements littéraires dans la francophonie canadienne?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>MH –</strong></span> Le développement de l'édition - et de l'écosystème littéraire - est dans la francophonie canadienne une œuvre de longue haleine. On ne pense donc pas tellement en termes de coups de cœur ou de coups de gueule, mais plutôt en termes de consolidation et de durée.<br /><br />À cet égard, on peut se féliciter de voir comment certaines de nos maisons d'édition ont réussi au fil des ans à se tailler une place dans le milieu du livre. On peut également se réjouir de voir notre bassin d'auteurs s'élargir et se renouveler, en nous apportant des textes d'une diversité et d'une qualité littéraire de plus en plus grandes. Enfin, on peut s'enthousiasmer devant la réaction du public lecteur devant certaines de nos publications.<br /><br />En revanche, il faut malheureusement assumer que ce soit toujours aussi difficile de convaincre les principaux décideurs de la chaîne du livre - à tous les niveaux - de notre bien-fondé. Mais ça, c'est le lot, il faut croire, de nos structures petites et périphériques...</p> <p style="text-align: justify;"><em>Téléchargez en pièce jointe le communiqué de la rentrée littéraire de l'automne 2012 des Éditions David.</em></p> Canada Collectif Écrits théoriques Essai(s) Poésie Récit(s) Roman Tue, 23 Oct 2012 21:07:17 +0000 Brigitte Fontille 606 at http://salondouble.contemporain.info Entretien avec Élise Bergeron, des Éditions du remue-ménage http://salondouble.contemporain.info/antichambre/entretien-avec-lise-bergeron-des-ditions-du-remue-m-nage <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/bergeron-marie-andr-e">Bergeron, Marie-Andrée</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-filefield field-field-image"> <div class="field-label">Image:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <div class="filefield-file"><img class="filefield-icon field-icon-image-png" alt="icône image/png" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/all/modules/contrib/filefield/icons/image-x-generic.png" /><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/remue-ménage.png" type="image/png; length=3735">remue-ménage.png</a></div> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p style="text-align: justify;">Afin d'aborder la rentrée littéraire automnale, Salon Double a mené une série d'entretiens avec plusieurs éditeurs afin de découvrir leur historique, leurs politiques éditoriales et leurs vues plus larges sur la littérature contemporaine. La série se poursuit par un entretien avec les Éditions du remue-ménage. Élise Bergeron a accepté de répondre à nos questions.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Engagées à rendre aux féministes une voix pour porter leurs revendications et leur culture, <a href="http://www.editions-rm.ca/">les Éditions du remue-ménage</a> remplissent depuis trois décennies une fonction critique et éditoriale en partie fondatrice d’un mouvement en constante redéfinition.&nbsp; Rencontre avec Élise Bergeron, féministe, militante et éditrice depuis 10 ans aux Éditions du remue-ménage.</strong><br /><br /><strong><span style="color:#696969;">Marie-Andrée Bergeron [MAB]</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> En quelle année la maison d’édition a-t-elle été fondée, par qui, pour quels motifs?<br /><br /><strong><span style="color:#696969;">Élise Bergeron [EB] —</span></strong> En 1976, par un collectif de femmes. C’était dans la mouvance de la Librairie des femmes et les filles se sont dit : « Pourquoi on n’aurait pas une maison d’édition faite par les femmes, pour les femmes ».</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/f%C3%A9minismes%20%C3%A9lectriques.png" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/f%C3%A9minismes%20%C3%A9lectriques.png" alt="76" title="" width="263" height="330" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Est-ce que vous sentez que votre maison d’édition a permis –et permet toujours– de combler un manque sur la scène littéraire?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Totalement. Il y a eu quelques maisons d’édition féministes indépendantes dans les années 1970 ailleurs au Canada, surtout dans le milieu anglophone, mais il n’y en a presque plus. Elles ont pour la plupart été rachetées par des grands groupes. Des maisons d’édition qui produisent juste des textes féministes, ça n’existe plus et donc c’est clair que si à l’époque, c’était déjà important, ce l’est d’autant plus aujourd’hui. Il faut que ça existe pour publier des textes qui ne sont pas nécessairement mis de l’avant chez les autres éditeurs. Encore aujourd’hui, c’est important et je me le fais dire chaque fois que je fais des présentations des textes de remue-ménage. Il y a des textes féministes qui paraissent chez d’autres éditeurs, mais c’est vraiment minuscule, c’est une goutte d’eau dans l’océan alors je pense que c’est vraiment pertinent que remue-ménage continue d’exister.<br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Sur le plan littéraire, considérez-vous que remue-ménage a joué un rôle dans l’émergence de l’écriture des femmes au Québec, avec des publications des textes de <a href="http://www.editions-rm.ca/auteure.php?id=556">Nicole Brossard</a> par exemple?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">— </span></strong>Oui. Les premiers textes que remue-ménage a publiés étaient des pièces de théâtre, mais du théâtre très militant ; ensuite, nous avons publié plusieurs poètes comme<a href="http://www.editions-rm.ca/auteure.php?id=326"> Louise Warren</a>, <a href="http://www.editions-rm.ca/auteure.php?id=331">Louise Dupré</a>, <a href="http://www.editions-rm.ca/auteure.php?id=555">Louise Cotnoir</a> et des essais littéraires, plus formels, comme Nicole Brossard, dont on a réédité le recueil d’essais la <em><a href="http://www.editions-rm.ca/livre.php?id=1245">Lettre aérienne</a></em> dernièrement.<br /><br />&nbsp;<span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/la%20lettre%20a%C3%A9rienne.jpeg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/la%20lettre%20a%C3%A9rienne.jpeg" alt="72" title="" width="265" height="451" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Pourquoi vous êtes-vous éloignées de la sphère plus strictement littéraire?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> En ce qui concerne la poésie, principalement pour des raisons économiques malheureusement. C’est aussi une question de circonstances. Les auteures qui étaient dans notre entourage étaient de plus en plus des chercheures. Francine Pelletier, au colloque du 20e anniversaire de Polytechnique, a offert à cette question une piste de réflexion intéressante. Après la tuerie de Polytechnique, en 1989, c’est comme si les féministes s’étaient un peu repliées sur elles-mêmes et avaient pris le parti de travailler dans des sphères plus spécifiques et donc de s’attaquer à des choses plus circonscrites. Je pense que ça paraît dans notre catalogue aussi. Dans ces années-là, on a publié des textes plus pointus en sociologie, en histoire, en science politique et donc moins de textes qui parlent du féminisme et du mouvement plus largement, ce que permet la littérature, je pense. On s’est dès lors plutôt attaqué à des sujets précis comme la violence conjugale par exemple. Les filles se sont mises à travailler dans des champs d’études plus « terrain », d’une part, mais c’est aussi comme si on avait décidé de cibler des sujets, des lieux où on voulait que les choses changent, plutôt que d’investir l’imaginaire et l’espace créatif. Avec Polytechnique, c’est comme si les féministes s’étaient fait dire « taisez-vous », et elles se sont peut-être dit on va être moins sur la place publique, on va être plus en arrière pour faire bouger les choses, mais pas nécessairement comme les poètes et les artistes le font, c’est-à-dire à travers l’investissement d’un lieu où on entend plus distinctement leur voix.</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/mots%20de%20d%C3%A9sordre.png" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/mots%20de%20d%C3%A9sordre.png" alt="77" title="" width="257" height="324" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> On peut donc dire que c’est en quelque sorte un retrait de la Cité, des champs culturels et artistiques.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Il y en a plusieurs qui ont continué, mais ce n’était pas l’effervescence qu’on avait connu, avec des artistes comme Jovette Marchessault par exemple, une artiste à laquelle est dédiée une de nos publications de la rentrée 2012, d’ailleurs.<br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Quelle politique éditoriale vous êtes-vous donnée à la base? Qu’en est-il maintenant?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Ça n’a pas changé vraiment. Chez remue-ménage, l’idée a toujours été donner la parole aux femmes, à « toutes les femmes », pas seulement les artistes ou les chercheures. Au début, il y a eu des textes qui allaient dans ce sens-là comme <em><a href="http://www.editions-rm.ca/livre.php?id=1052">La vie d’une femme avec un alcoolique</a></em>, <a href="http://www.editions-rm.ca/livre.php?id=1155"><em>Il n’y a pas lieu, madame</em></a> sur la médicalisation. L’Agenda des femmes c’est un espace pour ça aussi. Il y a en même temps des textes de chercheures, des textes plus universitaires, plus théoriques. Maintenant on ne fait plus de témoignage, mais on collabore beaucoup avec des groupes qui travaillent sur le terrain comme le Regroupement des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, des organismes comme La Rue des femmes et qui donnent la parole à des femmes qui travaillent plus sur le terrain et aussi des chercheures en études féministes dans différentes disciplines spécifiques.</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/la_vie_dune_femme_avec.jpeg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/la_vie_dune_femme_avec.jpeg" alt="73" title="" width="265" height="428" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/il_ny_a_pas_lieu_madame.jpeg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/il_ny_a_pas_lieu_madame.jpeg" alt="74" title="" width="265" height="420" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span><br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Qu’est-ce qui vous intéresse dans un projet et qui vous amène à choisir un texte?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> C’est sûr que comme tous les éditeurs, on cherche des plumes, on cherche des voix, des gens qui ont quelque chose à dire et qui le disent bien. Évidemment la politique éditoriale commande une sensibilité féministe; il faut un biais féministe, ça c’est clair.<br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Comment peut-on assurer sa diffusion et sa survie quand on est un «petit» joueur dans le monde de l’édition québécois, où quelques groupes d’éditeurs obtiennent pratiquement toute la visibilité, tant en librairie que dans les médias?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">— </span></strong>Le fait d’avoir une politique éditoriale féministe est un couteau à double tranchant, c’est-à-dire que, d’une part, ça nous garantit un lectorat de chercheur.es et de gens qui sont intéressés par le féminisme. Ce lectorat est circonscrit : on sait où sont nos lectrices qui constituent de fait un bassin plus ou moins acquis parce qu’on est les seules à publier des textes sur ces sujets-là. Ensuite, d’un point de vue plus éditorial, je pense que de plus en plus les groupes d’édition deviennent tellement gigantesques et prennent de plus en plus des décisions sur la seule base des profits ou des bénéfices économiques et donc vont publier plus d’exemplaires du même titre pour inonder le marché avec un best-seller. Ultimement, ils finissent par produire moins de contenu; or, nous on peut investir cet interstice-là. Ça nous garantit une originalité. On prend plus de risques que les grands groupes et prendre des risques, ça peut être extrêmement payant, pas nécessairement financièrement, mais du point de vue de la critique, du succès d’estime. On prend donc plus de risque à publier des gens moins connus, des sujets moins mainstream: c’est vrai qu’on peut se planter, mais on peut aussi avoir un grand succès, même un succès commercial. Car les gens cherchent ça aussi. Les gens ne veulent pas juste lire Harry Potter.</p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Quel rôle joue le numérique dans votre stratégie de commerce?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> C’est une place inévitable que nous commande le marché. On prend le virage numérique assez lentement, à la hauteur de nos moyens. On pense que dans la mesure où on est à peu près la seule maison d’édition féministe dans la francophonie, le passage vers le numérique peut nous permettre de rejoindre un lectorat hors Québec, par exemple. Ensuite, on a de plus en plus de jeunes lectrices qui lisent peut-être davantage sur les iPad et autres liseuses. On envie que les nouveautés soient disponibles en format numérique, mais on en profite aussi pour rééditer certains titres qui seraient dispendieux à republier et réimprimer et que le format numérique permet de re-diffuser à moindre coût. C’est une façon de redonner un second souffle à certains ouvrages pour les garder vivants.<br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Quelle importance Les éditions du remue-ménage accordent-elles à la « communauté littéraire », celle des auteurs, des autres éditeurs, des libraires? De quelles façons vous inscrivez-vous dans ce réseau-là et pourquoi, le cas échéant, est-il important de vous y inscrire?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Dans la mesure où on est des petits, c’est plaisant de faire partie d’un groupe et de créer des solidarités. Par contre on choisit notre gang. Il y a des alliances qui se font plus naturellement que d’autres. On réseaute avec les éditeurs engagés, ceux qui font de la critique sociale, comme Écosociété et Lux par exemple. C’est hyper stimulant parce qu’on partage des infos, un bassin de lecteurs et lectrices. En ce qui concerne les auteur.es, ce sont aussi nos lecteurs et lectrices ; elles se nourrissent les unes des autres et même si parfois dans le mouvement féministe tout le monde n’est pas d’accord, mais le fait d’être ensemble ça compte beaucoup.<br /><br /><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Quels sont vos coup de cœur et coup de gueule du moment, par rapport à la situation littéraire ou aux derniers événements littéraires au Québec?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Mon coup de cœur revient à des espaces comme <a href="http://fermaille.com/">Fermaille</a> par exemple, aux autres initiatives qui ont gravité autour du mouvement étudiant, de la grève. Les voix qui sont sorties de ça, pour nous, c’est extrêmement stimulant. La place que les jeunes féministes ont prise dans tout ça, c’est clair qu’on trouve ça vraiment enthousiasmant. Ça fait plaisir.<br /><br />Je suis franchement déçue du peu de place qu’on a accordé à la culture dans la dernière course électorale. On nous parle de souveraineté, de notre culture, mais pas de culture.</p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> De quelles manières voulez-vous investir le milieu pour les années à venir?<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Nous c’est sûr qu’on n’a pas l’intention de changer notre ligne éditoriale, on veut continuer à faire des textes féministes et on pense qu’il y a toujours de la place pour le faire. Cette place-là est aussi nécessaire et urgente qu’il y a 36 ans. On n’a pas l’intention de changer notre façon de faire. On n’a pas l’intention de faire partie d’un grand groupe, on veut rester indépendantes. &nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/agenda%20des%20femmes.png" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title=""><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/agenda%20des%20femmes.png" alt="75" title="" width="215" height="331" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#696969;">MAB</span> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Comment se renouveler après plus de 36 ans d’existence?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>EB</strong></span><strong> <span style="color:#808080;">—</span></strong> Ce sont les auteures qui le font. La condition des femmes évolue avec le temps, ça change et on suit l’air du temps, on suit l’époque et les préoccupations des femmes. Dans ce sens-là, on n’a pas besoin de chercher à se renouveler : la vie le fait pour nous. Les domaines de recherche évoluent, nous on suit ça de près. On continue de se coller au mouvement des femmes, et à ce mouvement qui émerge. Il ne s’agit pas juste de suivre le mouvement des femmes, mais les femmes. Les jeunes féministes de CLASSE, celles qui ont participé à la grève, elles ont fait ça seules. Elles sont parties évidemment des acquis, mais nous on les regarde aller et on les suit.&nbsp; On reste au fait de ce qui est en émergence et on veut pouvoir servir ça. Mais il y a aussi des organismes comme La Centrale qui se re-questionnent, se re-positionnent et qui ont redéfini leurs objectifs. Pour nous aussi c’est important de rester ouvertes à l’autocritique.<br />&nbsp;</p> Entretiens Écrits théoriques Essai(s) Poésie Récit(s) Nouvelles Roman Wed, 03 Oct 2012 14:08:41 +0000 Marie-Andrée Bergeron 594 at http://salondouble.contemporain.info Entretien avec Ta mère http://salondouble.contemporain.info/antichambre/entretien-avec-ta-m-re <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/tremblay-gaudette-gabriel">Tremblay-Gaudette, Gabriel</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-filefield field-field-image"> <div class="field-label">Image:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <div class="filefield-file"><img class="filefield-icon field-icon-image-png" alt="icône image/png" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/all/modules/contrib/filefield/icons/image-x-generic.png" /><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/ta mère.png" type="image/png; length=99998">ta mère.png</a></div> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p style="text-align: justify;">Afin d'aborder la rentrée littéraire automnale, Salon Double a mené une série d'entretiens avec plusieurs éditeurs afin de découvrir leur historique, leurs politiques éditoriales et leurs vues plus larges sur la littérature contemporaine. Nous inaugurons cette série par un entretien avec la maison d'édition Ta Mère. Maude Nepveu-Villeneuve a accepté de répondre à nos questions.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Ta Mère est encore jeune, mais elle a beaucoup d'enfants. Née en 2005, la maison d'édition lancera cette année son dix-septième titre (dix-neuvième, si l'on compte les deux numéros de sa collection spéciale Ta Mère Comic). Depuis le début, Ta Mère a à coeur la diffusion d'une littérature audacieuse et originale et le développement d'une relation solide avec le lecteur. La qualité esthétique de l'objet-livre est aussi au centre de ses préoccupations, et une de ses couvertures a notamment été primée lors du concours LUX 2011. Ses livres lui ont valu des nominations, des mentions ou des prix divers dans le monde de l'édition indépendante ainsi qu'une inscription dans la liste préliminaire du Prix des libraires du Québec 2011. Ce festival de tapes dans le dos institutionnelles lui permet d'élargir toujours davantage son lectorat et son réseau de diffusion, de même que sa crédibilité auprès des recherchistes de Radio-Canada.</strong><br /><br /><span style="color:#808080;"><strong>Salon Double </strong></span><span style="color:#808080;"><strong>—</strong></span> Qu’est-ce qui a motivé votre décision de fonder une nouvelle maison d’édition? Est-ce que vous sentez que votre maison d’édition a permis de combler un manque dans la scène littéraire contemporaine?<br /><br /><span style="color:#808080;"><strong>Ta Mère </strong></span><span style="color:#808080;"><strong>—</strong></span><span style="color:#808080;"> </span>Ta Mère est née en 2005, alors que les trois fondateurs (Maxime Raymond, Rachel Sansregret et Guillaume Cloutier, qui est aujourd’hui parti faire de la musique qui sonne bizarre) étaient encore au cégep. À l’origine, c’était pratiquement de la microédition: la première année, nous avons tout fait nous-mêmes. Dès le départ, nous avions l’idée d’être un peu irrévérencieux et ludiques, tout en offrant un contenu sérieux et de qualité. Faire de beaux objets, grâce au travail de Benoit Tardif, qui est devenu directeur artistique depuis, faisait aussi partie de nos objectifs de départ. On pense qu’il y avait et qu’il y a encore de la place dans le paysage éditorial québécois pour un peu plus d’audace.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/c1-pdr-lores.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Partir de Rien, des éditions Ta mère"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/c1-pdr-lores.jpg" alt="65" title="Partir de Rien, des éditions Ta mère" width="500" height="875" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Partir de Rien, des éditions Ta mère</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#808080;"><strong>Salon Double </strong></span><span style="color:#808080;"><strong>—</strong></span> Quelle politique éditoriale vous êtes-vous donnée, quelle ligne directrice ou vision de la littérature vous oriente? Est-ce que votre politique éditoriale a changé depuis le début de vos activités?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#808080;"><strong>Ta Mère </strong></span><span style="color:#808080;"><strong>—</strong></span><span style="color:#808080;">&nbsp; </span>Au commencement, Ta Mère voulait toucher à tout. On voyait la maison d’édition comme un lieu d’exploration et d’apprentissage, sans limites. Maintenant, nous privilégions plutôt les récits longs, peu importe leur genre, à condition qu’ils aient quelque chose d’unique à proposer. Nous aimons bien les nouvelles, aussi, mais il faut que le recueil soit cohérent, ou même conceptuel. Et pour l’instant, nous ne publions plus de poésie. Par contre, ce qui reste depuis le début, c’est un intérêt marqué pour le design. C’est pourquoi nous publions d’autres types de projets, comme notre série de comics.</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/c1-m%C3%A9nagerie-fb.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Ménageries de Ta mère"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/c1-m%C3%A9nagerie-fb.jpg" alt="66" title="Ménageries de Ta mère" width="580" height="757" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Ménageries de Ta mère</span></span></span><br /><br /><span style="color:#808080;"><strong>Salon Double</strong></span><span style="color:#808080;"><strong> —</strong></span> Qu’est-ce qui vous intéresse dans une écriture ou un projet, vous amène à choisir un texte en particulier parmi les&nbsp; manuscrits que vous recevez?<br /><br /><span style="color:#808080;"><strong>Ta Mère </strong></span><span style="color:#808080;"><strong>— </strong></span>Chaque projet est différent, et chaque manuscrit a sa propre façon de nous accrocher. Le point commun, c’est probablement une vision personnelle et singulière du monde et une forme littéraire inventive. Ça prend aussi une certaine dose d’insouciance et d’effronterie, même si le texte lui-même peut être assez sérieux. En gros, nous publions les livres qui nous plaisent assez pour qu’on passe un an à travailler relativement bénévolement dessus.<br /><br /><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/c1-michel-lores.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Michel Tremblay de Ta Mère"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/c1-michel-lores.jpg" alt="67" title="Michel Tremblay de Ta Mère" width="500" height="878" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Michel Tremblay de Ta Mère</span></span></span><br /><span style="color:#808080;"><strong>Salon Double</strong></span><span style="color:#808080;"><strong> —</strong></span> Comment peut-on assurer sa diffusion et sa survie quand on est un «petit» joueur dans le monde de l’édition québécois, où quelques groupes d’éditeurs obtiennent pratiquement toute la visibilité, tant en librairie que dans les médias? Quel rôle joue le numérique dans votre stratégie de commerce?<br /><br /><span style="color:#808080;"><strong>Ta Mère </strong></span><span style="color:#808080;"><strong>—</strong></span><span style="color:#808080;">&nbsp; </span>Le réseau de lecteurs se construit petit à petit, événement par événement, livre par livre, librairie par librairie. Ta Mère a toujours voulu développer une identité forte en tant qu’éditeur, pour créer un lien de confiance avec les lecteurs. C’est comme ça qu’ils en viennent à attendre « le prochain Ta Mère » et qu’ils prennent le risque d’acheter un livre dont ils ne savent pas grand-chose. Twitter, Facebook et les relations avec des blogueurs nous aident beaucoup à créer cette identité, mais le travail visuel de Benoit y est aussi pour beaucoup. Et évidemment, des subventions et un diffuseur, ça aide à sortir du cercle initial de lecteurs, à atteindre de plus gros médias et un public plus large. Nous commençons tout juste à transformer notre catalogue pour les liseuses numériques, ce qui pourrait aussi nous permettre de joindre d’autres lecteurs: on verra bien!<br /><br /><span style="color:#808080;"><strong>Salon Double </strong></span><span style="color:#808080;"><strong>— </strong></span>On a le sentiment que le milieu littéraire québécois est très petit, et encore plus réduit quand on se concentre sur ceux qui s’éloignent de pratiques littéraires à vocation commerciale et optent pour une vision plus rigoureuse, plus audacieuse de l’écriture. Quelle importance a la communauté, celle des auteurs, des autres éditeurs, des libraires, pour vous?<br /><br /><span style="color:#808080;"><strong>Ta Mère </strong></span><span style="color:#808080;"><strong>—</strong></span><span style="color:#808080;"> </span>Tout le monde, dans le milieu, sait que l’édition est un travail difficile et un marché dur à percer. Avec les autres éditeurs qu’on connaît (et on finit tous par se connaître à force de fréquenter les mêmes événements), il y a une sorte d’entraide: on se donne des tuyaux (le nom d’un imprimeur, par exemple) et on s’intéresse à ce que font les autres. Quelques éditeurs indépendants ont aussi créé Dynamo-Machines, dont on fait partie. C’est un organe de diffusion de l’édition indépendante, pour maximiser la diffusion des catalogues et faciliter l’accès des petits éditeurs à des salons qui coûtent cher (dynamomachines.com). On ne sent pas vraiment de compétition directe dans la communauté: le but est de faire rayonner les livres le plus possible, pas de devenir riche.<br /><br /><span style="color:#808080;"><strong>Salon Double </strong></span><span style="color:#808080;"><strong>—</strong></span> Quels sont vos coup de cœur et coup de gueule du moment, par rapport à la situation littéraire ou aux derniers événements littéraires au Québec?<br /><br /><span style="color:#808080;"><strong>Ta Mère </strong></span><span style="color:#808080;"><strong>—</strong></span><span style="color:#808080;"> </span>…quels événements littéraires? Sérieusement, on aime beaucoup tout ce qui se passe en BD en ce moment, ça bouillonne de ce côté-là, avec des gens comme Pow Pow, Colosse, la Mauvaise tête… Et du côté du Quartanier, aussi, il se fait des choses vraiment intéressantes. Ce qu’on n’aime pas: les couvertures de livre fades, qui ne prennent pas de risque; les maisons d’édition qui marchent au cash; tout ce qui ne se réinvente pas.</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/c1-glissade-lowres_0.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Les cicatrisés de Saint-Sauvignac (histoires de glissades d&#039;eau) de Ta Mère"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/c1-glissade-lowres_0.jpg" alt="68" title="Les cicatrisés de Saint-Sauvignac (histoires de glissades d&#039;eau) de Ta Mère" width="500" height="875" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Les cicatrisés de Saint-Sauvignac (histoires de glissades d'eau) de Ta Mère</span></span></span><br /><br /><span style="color:#808080;"><strong>Salon Double </strong></span><span style="color:#808080;"><strong>—</strong></span>&nbsp; Vous multipliez les livres collectifs (<em>Le livre noir de Ta mère</em>, <em>Maison de vieux</em>, <em>Les cicatrisés de Saint-Sauvignac</em>). Qu’est-ce qui vous séduit dans ce type de projet?<br /><br /><span style="color:#808080;"><strong>Ta Mère </strong></span><span style="color:#808080;"><strong>— </strong></span>C’est surtout l’intérêt de travailler avec plusieurs auteurs qu’on aime, et aussi la possibilité d’aborder une thématique sous plusieurs angles différents. On aime voir comment les visions personnelles des auteurs peuvent se juxtaposer et se contredire dans un même livre. Et on aime pouvoir publier quelqu’un qui n’a pas encore écrit de roman ou de recueil à lui tout seul, mais qui peut apporter quelque chose de bon à un collectif.</p> <p style="text-align: justify;"><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/c1-maisondevieux-cover-lores.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Maison de vieux de Ta Mère"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/c1-maisondevieux-cover-lores.jpg" alt="70" title="Maison de vieux de Ta Mère" width="500" height="872" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Maison de vieux de Ta Mère</span></span></span><br /><br /><span style="color:#808080;"><strong>Salon Double </strong></span><span style="color:#808080;"><strong>—</strong></span> Beaucoup de vos livres se concentrent sur une problématique inhabituelle ou pouvant avoir l’air «triviale». Trouvez-vous qu’on a une vision trop sérieuse de la littérature? Qu’est-ce qui vous pousse vers ce genre de concept très éloigné de l’idée de la «Grande littérature»?<br /><br /><span style="color:#808080;"><strong>Ta Mère </strong></span><span style="color:#808080;"><strong>—</strong></span><span style="color:#808080;"> </span>Pour nous, il y a la littérature tout court, la bonne et la mauvaise, mais pas la «grande» et la «petite», la «vraie» et la «fausse». Nous ne sommes pas les premiers à aborder des thématiques triviales: des auteurs qu’on considère comme des «grands» l’ont fait bien avant nous (<em>Madame Bovary </em>et <em>Orgueil et préjugés</em>, c’est quoi, sinon des histoires de triangles amoureux?). Le sujet importe peu, tout est dans la façon d’en parler.<br /><br /><strong>Les prochains titres à paraître de Ta Mère sont:</strong></p> <div><strong><i>Danser a capella</i>, un recueil de monologues dynamiques par Simon Boulerice (à paraître le 25 septembre, lancement le 2 octobre prochain à partir de 19h00, à la Librairie Raffin, 6330 St-Hubert, Montréal);</strong></div> <div><strong><i>Toutes mes solitudes!</i>, un roman de plage pour intellectuels par Marie-Christine Lemieux-Couture (à paraître mi-novembre).</strong></div> <div>&nbsp;</div> <div>Pour en savoir plus: <span><span><a href="http://www.tamere.org/a-paraitre/" target="_blank">http://www.tamere.org/a-<wbr>paraitre/</wbr></a><br /><br /><em>Salon Double remercie Maude Nepveu-Villeneuve d'avoir accepté de répondre à notre questionnaire au nom des Éditions de Ta Mère, et Benoît Tardif, directeur artistique de la maison d'édition, de nous avoir fourni les couvertures des livres afin d'illustrer l'entretien. </em></span></span><br />&nbsp;</div> Canada Québec Poésie Récit(s) Nouvelles Roman Tue, 25 Sep 2012 16:19:46 +0000 Gabriel Gaudette 588 at http://salondouble.contemporain.info