Salon double - ABDELMOUMEN, Mélikah http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/431/0 fr Fiction de la vérité, vérité de la fiction http://salondouble.contemporain.info/antichambre/fiction-de-la-verite-verite-de-la-fiction <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/dulong-annie">Dulong, Annie</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-text field-field-soustitre"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> Écrire le 11 septembre </div> </div> </div> <p>Des hommes et des femmes se sont rendus travailler. Devant leur ordinateur, un caf&eacute; &agrave; la main, ils ont commenc&eacute; leur journ&eacute;e, sous le soleil que ceux disposant d&rsquo;une fen&ecirc;tre ont probablement admir&eacute;. Il &eacute;tait encore t&ocirc;t. Je suppose que ceux qui &eacute;taient d&eacute;j&agrave; au travail avaient plus &agrave; prouver que ceux qui arriveraient plus tard, vers 9h. Dans les corridors, devant les distributrices, dans les ascenseurs, les discussions devaient &ecirc;tre ordinaires, les m&ecirc;mes que partout ailleurs, sur l&rsquo;actualit&eacute;, sur les &eacute;missions et spectacles vus la veille, sur les enfants, les patrons, le travail &agrave; accomplir. Les courriers circulaient. Ce n&rsquo;&eacute;tait qu&rsquo;une journ&eacute;e comme les autres.</p> <p>Et puis ces gens ordinaires, ni plus pacifistes, ni plus belliqueux que leurs voisins, se sont retrouv&eacute;s transform&eacute;s, en quelques instants, en h&eacute;ros, en victimes ou en martyres. Ils sont devenus, &agrave; cause des &eacute;v&eacute;nements, une communaut&eacute;, voire une fraternit&eacute;. Mais que dit-on lorsqu&rsquo;un avion s&rsquo;encastre sur son lieu de travail ?</p> <p>Tout commence &agrave; d&eacute;raper lorsque surgissent des questions &eacute;tranges, des doutes sur la possibilit&eacute; m&ecirc;me de certains &eacute;nonc&eacute;s. De questions en apparence inutiles, en ce qu&rsquo;elles me confinent &agrave; l&rsquo;anecdotique, je me retrouve ainsi &eacute;gar&eacute;e dans des v&eacute;rifications &laquo;scientifiques&raquo;, des enqu&ecirc;tes presque. Seulement voil&agrave;: tout en cherchant &agrave; gauche et &agrave; droite, je sens bien que je m&rsquo;&eacute;loigne, que la question n&rsquo;est qu&rsquo;un pare-feu peut-&ecirc;tre, un garde-fou. Alors je me dis que ce moment d&eacute;nonce quelque chose: une faille dans la transformation de la mati&egrave;re, la crainte du regard des autres, ces m&eacute;chants autres qui pourraient commettre le crime irr&eacute;parable de se reconna&icirc;tre dans ce qui est &eacute;crit, ou de poser des questions obligeant &agrave; faire des liens entre les choses, &agrave; rompre la fronti&egrave;re fragile entre la fiction et la r&eacute;alit&eacute;.&nbsp;</p> <p>De la v&eacute;rit&eacute; &agrave; la fiction, de la fiction &agrave; la r&eacute;alit&eacute;, l&rsquo;&eacute;criture semble ainsi &eacute;tablir les fronti&egrave;res pour mieux les brouiller. Peut-&ecirc;tre vient-il toujours un moment, lorsqu&rsquo;on &eacute;crit, o&ugrave; l&rsquo;on s&rsquo;interroge sur la v&eacute;rit&eacute;. Mais il s&rsquo;agit d&rsquo;une v&eacute;rit&eacute; relative, li&eacute;e davantage &agrave; une v&eacute;rit&eacute; de l&rsquo;exp&eacute;rience qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;authenticit&eacute; des faits. Le principe m&ecirc;me de la fiction, son exigence, semble nous placer &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur des choses, dans la distance n&eacute;cessaire &agrave; la transformation du mat&eacute;riau. Mais que se passe-t-il lorsque la distance n&eacute;cessaire nous semble hors d&rsquo;atteinte?</p> <p>Le 11 septembre 2001, seule avec des millions de t&eacute;l&eacute;spectateurs, j&rsquo;ai assist&eacute; en direct aux attaques sur le World Trade Center. Les images des avions heurtant les tours ont fait le tour du monde quelques fois et ont &eacute;t&eacute; r&eacute;p&eacute;t&eacute;es au point o&ugrave; il me semble presque y avoir &eacute;t&eacute; et pouvoir sentir l&rsquo;odeur de la fum&eacute;e, de la poussi&egrave;re et de la chair br&ucirc;l&eacute;e.&nbsp;</p> <p>Dans les jours et les semaines qui ont suivi, malgr&eacute; la multitude des images (ou &agrave; cause d&rsquo;elles), l&rsquo;&eacute;criture m&rsquo;&eacute;tait impossible. Le territoire de l&rsquo;expression &eacute;tait satur&eacute; par le t&eacute;moignage, le fait v&eacute;cu. Plus tard viendrait la fiction, me suis-je dit, lorsque la poussi&egrave;re serait retomb&eacute;e et que les voix des victimes et des survivants ne transformeraient plus toute tentative d&rsquo;expression en profanation. L&rsquo;image leur appartenait, d&rsquo;ailleurs : pouvoir extr&ecirc;me de la victime, capable, au nom du respect et du deuil, de faire retirer toute repr&eacute;sentation ne correspondant pas &agrave; l&rsquo;image qu&rsquo;elle se fait de sa propre exp&eacute;rience, comme l&rsquo;ont fait les familles des pompiers d&eacute;c&eacute;d&eacute;s.</p> <p>M&ecirc;me maintenant, neuf ans plus tard, si les &eacute;v&eacute;nements continuent de m&rsquo;habiter, d&rsquo;intervenir r&eacute;guli&egrave;rement dans ma r&eacute;flexion, le passage &agrave; la fiction me demande &agrave; chaque instant un travail d&rsquo;&eacute;quilibriste entre le r&eacute;el des faits et l&rsquo;espace de l&rsquo;imaginaire. Pourtant, un corpus de romans s&rsquo;est constitu&eacute; au cours des derni&egrave;res ann&eacute;es: c&rsquo;est donc dire que le passage &agrave; la fiction est &laquo;possible&raquo;. Mais quel espace reste-t-il pour la fiction lorsque l&rsquo;imaginaire est obstru&eacute; par un surplus d&rsquo;images et de chiffres? &Agrave; quelle transformation faut-il parvenir pour passer des chiffres &agrave; une histoire? Comment concilier ce qui <em>doit</em> &ecirc;tre dit avec ce qui <em>peut</em> &ecirc;tre dit? De quelle &laquo;v&eacute;rit&eacute;&raquo; s&rsquo;agit-il de rendre compte, puisque ce qui est vrai pour moi ne l&rsquo;est pas n&eacute;cessairement pour l&rsquo;autre? Au fond, la question &agrave; poser demeure celle de la distance juste : quand, comment et avec quels mots peut-on &eacute;crire les &eacute;l&eacute;ments qui nous semblent les plus fondamentaux dans notre atelier?&nbsp;</p> <p><em>Ce texte aurait pu s&rsquo;intituler <strong>Words written in dus</strong><strong>t</strong>. Mais peut-&ecirc;tre aurait-ce &eacute;t&eacute; trop. Trop appuy&eacute;.<br /> </em><em><br /> Pourtant, il s&rsquo;agit un peu de cela : les traces.<br /> </em><br /> Des hommes et des femmes se sont rendus travailler. Voil&agrave; le point de d&eacute;part. Le moment avant que tout bascule. Voil&agrave; d&rsquo;o&ugrave; part ou devrait partir le r&eacute;cit. Peut-&ecirc;tre un nom: Paul, John, Jane, Leah. La couleur de leur complet ou de leur tailleur. Le poids du porte-documents. La commande de caf&eacute;, dans le petit bistro &agrave; la sortie du m&eacute;tro. Les conversations anodines, autour du d&eacute;jeuner, ou le silence. Les gestes du quotidien, cr&egrave;me &agrave; raser, d&eacute;odorant, chemise, bas. Le visage ferm&eacute; du changeur dans le m&eacute;tro, son histoire &agrave; lui. Mais &eacute;crire ces d&eacute;tails, ce serait d&eacute;j&agrave; s&rsquo;approprier quelque chose. La difficult&eacute; de raconter, pourtant, pr&eacute;f&egrave;re ne pas nommer, ne pas pr&eacute;ciser. Peut-&ecirc;tre parce que, d&egrave;s lors qu&rsquo;il s&rsquo;agit de raconter <em>cela</em>, ces &eacute;v&eacute;nements, il est in&eacute;vitable de rencontrer cette sensation: peu importe ce que j&rsquo;&eacute;crirai, au fond. Peu importe comment je le dirai, avec quel mot, comment je d&eacute;crirai ces vies, ces moments, ces instants. Mon lecteur saura, sans m&ecirc;me que je le dise, que mes personnages, si cela en est vraiment, sont condamn&eacute;s. Il saura que si je dis que le soleil brille, ce sera pour marquer le contraste avec ce qui s&rsquo;en vient.&nbsp;</p> <p>Si au moins il avait plu cette journ&eacute;e-l&agrave;. Mais, l&agrave; encore, ne pourrait-on pas attribuer cette pluie d&rsquo;automne &agrave; une volont&eacute; de faire plus sombre que n&eacute;cessaire, d&rsquo;ajouter au tragique en donnant aux visages hagards un air d&eacute;tremp&eacute;?</p> <p>Vous voyez. Peu importe la couleur que je donnerai &agrave; ces personnages, peu importe comment je les v&ecirc;tirai. Vous saurez que je parle de leurs derniers moments. Ou des derniers instants avant que leur vie ne bascule parce que quelque part, au milieu du d&eacute;sert, des hommes se sont dit pourquoi ne pas leur donner enfin une le&ccedil;on.</p> <p>Mais peut-&ecirc;tre le probl&egrave;me est-il d&rsquo;un autre ordre. Peut-&ecirc;tre, seulement peut-&ecirc;tre, le probl&egrave;me vient-il de l&rsquo;exc&egrave;s. M&eacute;likah Abdelmoumen, dans son roman <em>Alia</em>, &eacute;crit: &laquo;J&rsquo;ai tout imagin&eacute;. C&rsquo;est &ccedil;a. &Ccedil;a ne peut &ecirc;tre que &ccedil;a. J&rsquo;ai brod&eacute;. Brod&eacute; quelque chose de fou sur quelque chose de vrai. Ai-je jamais su faire autre chose?&raquo; Est-ce la peur de se faire accuser d&rsquo;exag&eacute;ration qui rend muet? Mais comment une telle accusation serait-elle de toute fa&ccedil;on possible devant quelque chose qui, comme le 11 septembre, d&eacute;passe toute imagination?</p> <p>&laquo;Nous n&rsquo;avons qu&rsquo;une ressource avec la mort, &eacute;crit Ren&eacute; Char: Faire de l&rsquo;art avant elle&raquo;. Ces mots, plac&eacute;s en exergue d&rsquo;un manuscrit achev&eacute; et envoy&eacute; &agrave; un &eacute;diteur le jour o&ugrave; un homme, sur une route, un soir d&rsquo;automne, s&rsquo;est pench&eacute; dans sa voiture et ne s&rsquo;est relev&eacute; que trop tard pour &eacute;viter le camion qui venait droit sur lui. Ces mots de Char me hantent. Bien s&ucirc;r, pour &ecirc;tre honn&ecirc;te, il me faudrait dire qu&rsquo;ils me suivaient depuis longtemps. Mais jamais, jusqu&rsquo;au lendemain de ce jour d&rsquo;automne, ils n&rsquo;avaient fait autant sens. Jamais je n&rsquo;avais si bien compris leur in&eacute;luctabilit&eacute;, leur cruaut&eacute; m&ecirc;me. Mais ce n&rsquo;est pas encore le bon mot. Il faut encore s&rsquo;approcher un peu, doucement.&nbsp;</p> <p><em>Un soir d&rsquo;automne, un homme s&rsquo;est pench&eacute; dans sa voiture. Sur la route, apr&egrave;s, il n&rsquo;y eut que l&rsquo;ombre de traces de freinage, et les copeaux laiss&eacute;s par le camion qui, venant vers l&rsquo;homme, s&rsquo;est lentement couch&eacute; dans un foss&eacute;. </em></p> <p>Non, pas tout de suite.</p> <p>Je dois admettre, avouer, presque comme une faute: avant le 11 septembre (qui, dans mon esprit, n&rsquo;a pas besoin de l&rsquo;ann&eacute;e, comme si tous les 11 septembre renvoyaient maintenant &agrave; celui-l&agrave;), les tours du World Trade Center n&rsquo;avaient jamais retenu mon attention. Je les savais pr&eacute;sentes, du moins il me semble. Je les voyais parfois, comme images, dans des films ou encore des s&eacute;ries t&eacute;l&eacute;vis&eacute;es, en arri&egrave;re-plan. Je les savais, je crois, repr&eacute;sentatives de New York, mais elles concernaient, de par leur nom, le commerce, et le commerce ne m&rsquo;int&eacute;resse pas. Cette remarque, m&ecirc;me si elle r&eacute;v&egrave;le ma na&iuml;vet&eacute; ou mon ignorance, n&rsquo;est pas gratuite. Je ne connais maintenant New York et ses tours d&eacute;funtes que par les &eacute;v&eacute;nements du 11 septembre. Par leur ruine, autrement dit.&nbsp;</p> <p>Un autre lieu occupe cet espace dans mon imaginaire. Au moment de commencer ma ma&icirc;trise, je n&rsquo;&eacute;crivais plus. Je voulais, bien s&ucirc;r, mais je n&rsquo;&eacute;crivais pas. J&rsquo;y suis revenue non par les mots, mais par une trace laiss&eacute;e dans mon imaginaire par un &eacute;v&eacute;nement lointain. Je me souvenais, enfant, avoir entendu, au journal t&eacute;l&eacute;vis&eacute;, ou dans les conversations des gens autour de moi, qu&rsquo;une &eacute;glise montr&eacute;alaise avait br&ucirc;l&eacute;. Et cette &eacute;glise existait encore, dix ans plus tard, du moins en tant que ruine. C&rsquo;est par elle que je suis revenue. Par les images que j&rsquo;ai ramen&eacute;es d&rsquo;elle. Par la photo, en somme. Je suis partie un apr&egrave;s-midi d&rsquo;automne, peut-&ecirc;tre parce que j&rsquo;&eacute;tais pass&eacute;e par l&agrave; quelques jours auparavant, peut-&ecirc;tre parce qu&rsquo;un vague souvenir me sugg&eacute;rait d&rsquo;aller y voir. J&rsquo;ai&nbsp; emprunt&eacute; la rue Sherbrooke. &Agrave; ma droite, il y avait l&rsquo;h&ocirc;pital Notre-Dame, &agrave; ma gauche l&rsquo;&eacute;trange statue phallique &agrave; la m&eacute;moire de Charles de Gaulle. J&rsquo;ai parcourue la ville, lentement, sans trop savoir o&ugrave; se trouvait ce que je cherchais, du moins pendant un temps, jusqu&rsquo;&agrave; ce que, pr&egrave;s de la rue St-Denis, je sois interrompue dans ma marche par une &eacute;trange rencontre. Au milieu d&rsquo;un terrain vague mais cl&ocirc;tur&eacute;, il y avait un arbre. Au pied de l&rsquo;arbre, dans un fouillis d&rsquo;herbes folles, j&rsquo;ai aper&ccedil;u un objet qui ne faisait aucun sens: une chaise de m&eacute;tal pliante, d&rsquo;un jaune flamboyant. Peut-&ecirc;tre est-ce &agrave; ce moment que l&rsquo;&eacute;criture a recommenc&eacute;, lorsque j&rsquo;ai actionn&eacute; le d&eacute;clencheur.&nbsp;</p> <p>J&rsquo;ai continu&eacute; ma route. Aux coins des rues Clark et Sherbrooke gisaient les restes d&rsquo;une &eacute;glise incendi&eacute;e. Les ouvertures des fen&ecirc;tres avaient &eacute;t&eacute; placard&eacute;es, puis recouvertes d&rsquo;affiches publicitaires. En faisant le tour de l&rsquo;&eacute;glise, j&rsquo;ai vu, au milieu des herbes et des arbres tr&egrave;s minces, qu&rsquo;il y avait &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur un vieux fauteuil. Au lieu de sugg&eacute;rer l&rsquo;abandon, il &eacute;voquait une habitation : quelqu&rsquo;un, ou quelques personnes, avaient &eacute;lu domicile dans ces ruines sans toit.&nbsp;</p> <p>Je connaissais &agrave; peine Montr&eacute;al et j&rsquo;ai voulu retrouver l&rsquo;&eacute;glise. Et je l&rsquo;ai retrouv&eacute;e comme on revient sur un lieu qui nous a marqu&eacute;. Pourtant, je n&rsquo;en savais pas le nom. Peut-&ecirc;tre ai-je voulu m&rsquo;approprier la ville par l&rsquo;un des souvenirs que j&rsquo;en avais. Car il me semblait me souvenir qu&rsquo;une femme avait intentionnellement mis le feu &agrave; l&rsquo;&eacute;glise. Pour l&rsquo;enfant effray&eacute;e par le feu que j&rsquo;&eacute;tais, seule cette information comptait. Peut-&ecirc;tre, alors, v&eacute;rifier mes souvenirs, leur justesse, &eacute;tait-il sans importance. M&ecirc;me si j&rsquo;avais tort, ultimement, sur les causes de l&rsquo;incendie.</p> <p>Sauf que maintenant, je m&rsquo;interroge. Que l&rsquo;&eacute;glise ait br&ucirc;l&eacute;, cela semble tout aussi certain que le fait qu&rsquo;elle a &eacute;t&eacute; d&eacute;truite depuis, et son site transform&eacute; en h&ocirc;tel de luxe. De ces faits, je suis certaine. Mais qu&rsquo;en est-il de l&rsquo;histoire de l&rsquo;&eacute;glise en elle-m&ecirc;me? Elle a &eacute;t&eacute; incendi&eacute;e, oui, mais par qui ou par quoi? Elle a &eacute;t&eacute; d&eacute;truite, il me semble longtemps apr&egrave;s l&rsquo;incendie, mais pourquoi ce d&eacute;lai? Qu&rsquo;est-il advenu de ce qu&rsquo;elle contenait? Et des fid&egrave;les qui devaient tout de m&ecirc;me s&rsquo;y pr&eacute;senter? Je n&rsquo;avais aucune image de cette &eacute;glise avant l&rsquo;incendie, elle n&rsquo;existait que comme ruine. L&rsquo;&eacute;glise, en somme, n&rsquo;existait pas en tant que r&eacute;alit&eacute;, mais parce qu&rsquo;elle avait r&eacute;pondu &agrave; quelque chose, &agrave; un besoin d&rsquo;images. Alors voil&agrave; : &agrave; quoi me sert de savoir que l&rsquo;incendie qui a ravag&eacute; la Holy Trinity Greek Orthodox Church le 16 janvier 1986 &eacute;tait accidentel? Cette connaissance modifie-t-elle, ou aurait-elle modifi&eacute;, la place de l&rsquo;&eacute;glise br&ucirc;l&eacute;e dans mon imaginaire?</p> <p>Ce n&rsquo;est pas une question gratuite: autant le 11 septembre me semble inapprochable parce que la somme des images et des informations est vertigineuse, parce que je ne sais plus ce qui est, dans mes souvenirs, construction directement li&eacute;e aux images des m&eacute;dias, et souvenir (mais peut-on avoir un souvenir d&rsquo;un lieu o&ugrave; nous ne sommes jamais all&eacute;s?), autant cette fameuse &eacute;glise me semble condamn&eacute;e (ce n&rsquo;est peut-&ecirc;tre pas si mal) &agrave; n&rsquo;exister que comme ruine.&nbsp;</p> <p>Depuis le 11 septembre, je lis, regarde, accumule des informations. Peut-&ecirc;tre est-ce maladif. Peut-&ecirc;tre n&rsquo;est-ce qu&rsquo;une mani&egrave;re d&rsquo;entretenir quelque chose, ce quelque chose que je ne comprends pas bien et qui fait que, le 11 septembre 2001, mon appr&eacute;hension du monde a enti&egrave;rement chang&eacute;. Seulement voil&agrave;: devant la fiction, je demeure perplexe. Ou plut&ocirc;t, j&rsquo;ai peine &agrave; accepter le pacte de la fiction, ce qui me fait normalement croire ce que je lis tout en sachant que ce n&rsquo;est pas vrai. J&rsquo;ai du mal &agrave; d&eacute;tacher cette fiction du documentaire, de l&rsquo;historique, des informations accumul&eacute;es au cours des ann&eacute;es.&nbsp;</p> <p>En lisant, par exemple, <em>A disorder peculiar to the country (Un d&eacute;sordre am&eacute;ricain)</em>, de Ken Kalfus, il y eut ce moment proche de la frustration, lorsque je me suis rendu compte qu&rsquo;il se d&eacute;tachait de la r&eacute;alit&eacute; &mdash;donc, dans une mauvaise ad&eacute;quation de la v&eacute;rit&eacute;. Que pour le &laquo;bien de la fiction&raquo; comme on dirait le bien de la patrie, il se permettait de d&eacute;placer la chronologie, l&rsquo;ordre des &eacute;v&eacute;nements, entre autres de tuer Saddam Hussein un peu trop vite et un peu trop joyeusement. Le livre, alors, m&rsquo;est tomb&eacute; des mains. Je l&rsquo;ai fini, bien s&ucirc;r, je suis ent&ecirc;t&eacute;e, mais cette d&eacute;couverte a enti&egrave;rement chang&eacute; mon rapport au livre. Jusqu&rsquo;&agrave; ce moment, Kalfus avait construit sa fiction en oscillant entre le d&eacute;lire de personnages qui se d&eacute;testent et l&rsquo;historique: la poussi&egrave;re, la prise de conscience de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, la fuite hors des tours, la menace de l&rsquo;anthrax, la parano&iuml;a s&rsquo;installant &agrave; New York venaient ainsi appuyer l&rsquo;ironie des personnages. L&rsquo;encadrant. La savoureuse sc&egrave;ne o&ugrave; le personnage de Marshall, debout dans la cuisine, essaie de se faire sauter avec une bombe artisanale, en d&eacute;clarant qu&rsquo;Allah est grand pendant que sa future ex-&eacute;pouse essaie de voir pourquoi la bombe ne d&eacute;tonne pas, cette sc&egrave;ne, bref, n&rsquo;aurait pas &eacute;t&eacute; aussi r&eacute;ussie si elle n&rsquo;avait &eacute;t&eacute; appuy&eacute;e par une justesse des faits, ou &agrave; tout le moins leur vraisemblance. Changer la donne, &agrave; quelques pages de la fin, pour se d&eacute;barrasser de Hussein et permette l&rsquo;apoth&eacute;ose finale d&rsquo;un d&eacute;nouement &agrave; l&rsquo;am&eacute;ricaine d&eacute;truisait ce fin &eacute;quilibre. Rompait le pacte de lecture.</p> <p>Pour pr&eacute;parer ce texte, je suis rest&eacute;e des heures devant des images. Je ne sais pas ce que je cherchais. &Agrave; bousculer quelque chose, &agrave; forcer ma pens&eacute;e &agrave; s&rsquo;organiser, &agrave; se trouver un noyau. Images du 11 septembre. Images des tours, des avions. Visages blanchis par la poussi&egrave;re. Images, aussi, de cette &eacute;glise br&ucirc;l&eacute;e. Comme s&rsquo;il s&rsquo;agissait de donner &agrave; mon esprit un coup, un &eacute;lan. Comme s&rsquo;il s&rsquo;agissait, en regardant ces images d&rsquo;une mani&egrave;re aussi obstin&eacute;e, de retrouver quelque chose que j&rsquo;y aurais &eacute;gar&eacute;. Et je repense &agrave; ce personnage de Ken Kalfus qui, apr&egrave;s avoir r&eacute;ussi &agrave; sortir vivant des tours, cherche sa propre image dans les photographies du 11 septembre. Parce qu&rsquo;il cherche une trace de ce qui lui est arriv&eacute;. Parce qu&rsquo;il veut se prouver, peut-&ecirc;tre, que ce dont il se souvient a bel et bien exist&eacute;.&nbsp;</p> <p>Mais le hic, c&rsquo;est que je n&rsquo;y &eacute;tais pas. Pas plus que je n&rsquo;&eacute;tais &agrave; l&rsquo;&eacute;glise lorsqu&rsquo;elle a flamb&eacute;. Ce n&rsquo;est donc pas ma propre exp&eacute;rience de ces &eacute;v&eacute;nements que je veux retrouver. &nbsp;</p> <p>Je sais seulement une chose: derri&egrave;re ces &eacute;l&eacute;ments qui habitent mon atelier imaginaire, le peuplent, voire le parasitent, s&rsquo;agite autre chose que je ne parviens pas encore &agrave; nommer. Pourtant, j&rsquo;ai l&rsquo;impression que je ne peux faire autrement que parler de ces &eacute;l&eacute;ments. La certitude que je ne peux que les &eacute;crire. Et l&rsquo;intuition que, peut-&ecirc;tre, je n&rsquo;en ai pas le droit.</p> <p>Je ne sais trop o&ugrave; je m&rsquo;en vais avec tout &ccedil;a. Ce n&rsquo;est pas que je veuille le fragment. Peut-&ecirc;tre est-ce plut&ocirc;t qu&rsquo;il me faut, comme une arch&eacute;ologue, d&eacute;gager lentement, &agrave; petits coups de brosse, les &eacute;l&eacute;ments qui constituent cet &eacute;trange site de mon atelier imaginaire. Car le seul endroit o&ugrave; je puisse me tenir, en ce moment, se trouve &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur. &Agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur des choses. &Agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur des lieux. Comme mes photographies de la ville : elles me placent toutes (ou presque) dehors, devant des immeubles, parfois un peu de biais. Et c&rsquo;est l&agrave; le plus &eacute;trange : qu&rsquo;il s&rsquo;agisse d&rsquo;approcher les ruines ou de photographier la surhabitation qu&rsquo;est la ville, je ne suis jamais qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur. Et ce n&rsquo;est pas si terrible. Du moins, cela ne me semble pas vraiment un manque : je n&rsquo;ai pas besoin d&rsquo;aller &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur, pas plus que je n&rsquo;ai ressenti le besoin d&rsquo;entrer dans l&rsquo;&eacute;glise en ruine, ou de me d&eacute;placer pour aller voir, de mes yeux, Ground Zero. Il me suffit de regarder les choses. Peut-&ecirc;tre de les imaginer.</p> <p>Mais je vais encore trop vite.</p> <p>Ils s&rsquo;appelaient Noah, Ahmed, Leah, John. Ils n&rsquo;avaient d&rsquo;autre point commun que de se trouver au m&ecirc;me endroit. Ou plut&ocirc;t, au m&ecirc;me moment. Le 11 septembre 2001, &agrave; New York, quelque part dans le World Trade Center. Pour les raconter, il me faut les nommer, oui, et les v&ecirc;tir, et leur donner une histoire, faite d&rsquo;anecdotes. Leur donner un paysage, qui nous permettra &agrave; tous de croire les conna&icirc;tre. Mais je n&rsquo;ai pas, pour les raconter, de latitude. Ma m&eacute;moire est satur&eacute;e. Avant le 11 septembre, ils n&rsquo;existaient pas pour moi, ni plus ni moins que n&rsquo;importe quel autre habitant de n&rsquo;importe quel autre pays. Comme le d&eacute;tail d&rsquo;une tapisserie que je n&rsquo;aurais jamais pris la peine d&rsquo;approcher. Je les savais l&agrave;, mais d&rsquo;un savoir vague, et davantage en tant que groupe qu&rsquo;en tant qu&rsquo;individus. Les approcher, donc, ce serait in&eacute;vitablement avoir recours &agrave; ce que j&rsquo;ai lu et vu depuis. Ce serait transformer mon r&eacute;cit en r&eacute;cit historique, chercher des preuves, des faits, m&rsquo;appuyer sur des images photographiques et des documentaires.&nbsp;</p> <p>Pourtant, la v&eacute;rit&eacute;, je veux bien. Je veux bien miser sur une sorte de v&eacute;rit&eacute;. Croire ce que j&rsquo;&eacute;cris, le croire non par une adh&eacute;sion aveugle, mais croire que quelque part, loin derri&egrave;re, au moment d&rsquo;&eacute;crire, cette chose, cette histoire, cette anecdote a un fond de v&eacute;rit&eacute;. Non pas la v&eacute;rit&eacute; des faits. Mais la v&eacute;rit&eacute; de l&rsquo;exp&eacute;rience, peut-&ecirc;tre, ou de la sensation. La r&eacute;ponse de l&rsquo;&eacute;criture &agrave; quelque chose qui, &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de moi, aurait besoin d&rsquo;&ecirc;tre exprim&eacute;, mais sans n&eacute;cessairement avoir besoin d&rsquo;&ecirc;tre nomm&eacute;.</p> <p>Le 11 septembre, les &eacute;glises en ruine, l&rsquo;homme sur la route. Je construis mon rapport &agrave; ces &eacute;l&eacute;ments &agrave; partir d&rsquo;un point d&rsquo;observation insoutenable, celui de la destruction. New York et ses tours d&eacute;funtes ne m&rsquo;int&eacute;ressent pratiquement que pour et par la destruction des tours. Le jour m&ecirc;me de leur destruction, &agrave; ce moment pr&eacute;cis. L&rsquo;&eacute;glise en ruine arr&ecirc;te mon regard en l&rsquo;&eacute;tat, apr&egrave;s l&rsquo;incendie et des ann&eacute;es d&rsquo;abandon. Son histoire, les enjeux entourant sa destruction, tout cela ne compte pas: elle n&rsquo;existe dans mon imaginaire que d&eacute;truite et habit&eacute;e par les oiseaux, et j&rsquo;y retourne, m&ecirc;me maintenant, alors qu&rsquo;elle n&rsquo;existe plus et a &eacute;t&eacute; remplac&eacute;e par un h&ocirc;tel hideux, j&rsquo;y retourne, donc, chaque fois que s&rsquo;agite mon monde int&eacute;rieur, chaque fois qu&rsquo;il est confront&eacute; &agrave; une destruction. Et l&rsquo;homme sur la route? Il est vraiment trop t&ocirc;t. Je n&rsquo;ai pas d&rsquo;images de cela, du jour m&ecirc;me, ou j&rsquo;en ai trop, et je n&rsquo;ai, comme repr&eacute;sentation, que ce que j&rsquo;y ai vu quelques jours plus tard, l&rsquo;&eacute;crasement des gerbes de ma&iuml;s, le d&eacute;sordre autour de la croix tout juste install&eacute;e, l&rsquo;eau accumul&eacute;e dans un foss&eacute;.&nbsp;</p> <p>J&rsquo;essaie, je le sens bien, de construire quelque chose. De me reconstruire, ou de constituer un espace au sein duquel je pourrais exister. Mais ma m&eacute;moire est satur&eacute;e: trop de chiffres, de dates, de lieux, d&rsquo;images. Trop de sens possibles. Je n&rsquo;ai, pour me d&eacute;gager, que la possibilit&eacute; d&rsquo;accumuler moi-m&ecirc;me les fragments, comme une r&eacute;ponse &agrave; cette autre accumulation qui me rend muette. Au fond, peut-&ecirc;tre s&rsquo;agit-il d&rsquo;&eacute;loigner une v&eacute;rit&eacute; pour en trouver une autre: &eacute;loigner la v&eacute;rit&eacute; v&eacute;rifiable des chiffres et des images, pour retrouver une v&eacute;rit&eacute; qui serait de l&rsquo;ordre de l&rsquo;exp&eacute;rience, de la justesse. Je sais que cette seconde v&eacute;rit&eacute; n&rsquo;est pas v&eacute;rifiable et infaillible. Qu&rsquo;elle peut, d&egrave;s lors, &ecirc;tre contest&eacute;e, remise en cause, confront&eacute;e. M&eacute;likah Abdelmoumen &eacute;crit, je vous le rappelle: &laquo;J&rsquo;ai brod&eacute;. Brod&eacute; quelque chose de fou sur quelque chose de vrai.&raquo; Et si, justement, telle &eacute;tait ma seule possibilit&eacute;? R&eacute;imaginer ces &eacute;l&eacute;ments qui me semblent trop vrais pour &ecirc;tre habitables? Peut-&ecirc;tre n&rsquo;est-ce jamais que cela.</p> <p>Peut-&ecirc;tre l&rsquo;essence m&ecirc;me de mon rapport aux &eacute;v&eacute;nements ne se trouve-t-il pas dans une proximit&eacute; avec les faits et les lieux mais bien dans les sentiments ou impressions laiss&eacute;es par ce jour de septembre: la perte de l&rsquo;innocence, ma pr&eacute;sence p&eacute;trifi&eacute;e sur le fauteuil du salon. Les enjeux &eacute;thiques de cette pr&eacute;sence: serait-il appropri&eacute;, me suis-je demand&eacute; &agrave; un certain moment, de manger des croustilles alors m&ecirc;me que ce que je regarde rel&egrave;ve du document, du m&eacute;morial, et non de la fiction cin&eacute;matographique? Au fond, le 11 septembre n&rsquo;existe peut-&ecirc;tre pas tant en lui-m&ecirc;me que parce qu&rsquo;il a jou&eacute; le r&ocirc;le de r&eacute;v&eacute;lateur, d&rsquo;ouvreur de conscience, et a modifi&eacute; enti&egrave;rement mon rapport au monde, &agrave; la soci&eacute;t&eacute;, &agrave; la politique. En somme, il m&rsquo;a donn&eacute; une voix. Alors que m&rsquo;importe de v&eacute;rifier la v&eacute;rit&eacute; de mes images. C&rsquo;est d&rsquo;une autre v&eacute;rit&eacute; dont il est question, et cette v&eacute;rit&eacute; m&rsquo;appartient. Mes images pourraient &ecirc;tre totalement fausses, cela ne changerait, en somme, absolument rien.&nbsp;</p> <p>Je croyais, en commen&ccedil;ant cet essai, que mon objet serait la v&eacute;rit&eacute;, cette v&eacute;rit&eacute; qui s&rsquo;oppose au mensonge, surtout. Mais c&rsquo;est d&rsquo;une autre v&eacute;rit&eacute; dont il est question. Elle est plus fuyante. Elle n&rsquo;a pas comme rep&egrave;re une approche morale, tranch&eacute;e (le bien et le mal, le noir et le blanc). Je n&rsquo;avais pas acc&egrave;s &agrave; une v&eacute;rit&eacute; fondamentale, qui aurait pu provoquer votre adh&eacute;sion, vous faire dire: oui, c&rsquo;est &ccedil;a. Je n&rsquo;avais, pour parler de la v&eacute;rit&eacute;, que ces quelques images: des hommes et des femmes au travail, quelques copeaux de bois sur la chauss&eacute;e, une &eacute;glise en ruines. Peut-&ecirc;tre ne pouvais-je, pour parler de v&eacute;rit&eacute;, que l&rsquo;approcher, lentement, en &eacute;crivant par fragments, &agrave;-coups, questions.</p> <p>Je suppose seulement ceci: peut-&ecirc;tre, au fond, ce moment dont j&rsquo;ai parl&eacute; au d&eacute;but du texte, ce moment o&ugrave; je me mets &agrave; chercher des r&eacute;ponses, &agrave; explorer les archives des journaux, &agrave; courir apr&egrave;s les documentaires, ce moment o&ugrave; je me mets &agrave; accumuler des faits, &agrave; rechercher &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur une r&eacute;ponse &agrave; ce qui s&rsquo;agite, peut-&ecirc;tre est-ce pr&eacute;cis&eacute;ment l&agrave;, alors qu&rsquo;il me semble m&rsquo;approcher de quelque chose, le toucher presque, peut-&ecirc;tre est-ce l&agrave; que je m&rsquo;en &eacute;loigne. Ou peut-&ecirc;tre, encore, suis-je au seuil d&rsquo;une chose que je ne suis pas certaine de pouvoir nommer, d&rsquo;avoir le courage d&rsquo;approcher. Une chose, non pas un secret, ou un aveu, mais un lieu, qui deviendrait celui d&rsquo;<em>une</em> v&eacute;rit&eacute;, la mienne, en ad&eacute;quation parfaite, pendant quelques instants seulement, avec moi-m&ecirc;me. Et que toutes mes questions, mes doutes, mes errances &eacute;thiques et philosophiques ne sont que des ruses que je me permets: une mani&egrave;re de me tenir, encore une fois, &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur des choses, pour ne pas avancer, ne pas toucher, ne pas dispara&icirc;tre.</p> http://salondouble.contemporain.info/antichambre/fiction-de-la-verite-verite-de-la-fiction#comments ABDELMOUMEN, Mélikah Autofiction Esthétique États-Unis d'Amérique Événement Expérience Fiction KALFUS, Ken Obsession Québec Violence Essai(s) Poésie Roman Wed, 23 Jun 2010 12:26:42 +0000 Annie Dulong 239 at http://salondouble.contemporain.info