Salon double - Obscénité et perversion http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/440/0 fr L'auréole profanée du désir http://salondouble.contemporain.info/lecture/laureole-profanee-du-desir <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/herve-martin">Hervé, Martin</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/lage-de-rose">L&#039;Âge de Rose</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p style="text-align: justify;">De livre en livre, l’œuvre érigée par l’écrivain français Claude Louis-Combet témoigne d’une présence fantasmatique. La déchirure, fondamentale pour lui, se loge au sein d’une enfance hantée par le désir incestueux qu’il convoque inlassablement, terreau d’un mythique <em>commencement</em>. À cette blessure souveraine à laquelle il s’arrime s’ajoute, comme le surplis d’une cicatrice rouverte, la plaie de la vocation sacerdotale répudiée et du renoncement à Dieu. Désormais, «l’écriture, pour lui, [tient] lieu de contemplation, de méditation, de prière» (Louis-Combet, 1998: 349)&nbsp; et la spiritualité devient ce creuset où, par les mythes, les fantasmes et les rêves, se forge au fil des textes sa voix singulière, celle du <em>mythobiographe</em> qui scrute dans le miroir de l’imaginaire collectif les angoisses qui le travaillent. L’écriture combetienne se déploie à partir d’un matériau légendaire et biblique dont elle tire des réinterprétations traversées de ses idées fixes: par elle seule l’écrivain peut poursuivre le dialogue silencieux et vital qu’il a instauré avec l’énigme de son origine fracturée. Loin des querelles de chapelles et des débats sur ce que <em>doit</em> <em>être</em> la littérature contemporaine, il poursuit inlassablement sa marche sur son chemin intime.</p> <p style="text-align: justify;"><br />Fort d’une culture profondément catholique, Claude Louis-Combet trouve notamment dans les <em>Vies des saints</em> les ressources à un travail de conciliation du «scandale de l’amour mystique [et du] scandale du désir charnel» (Louis-Combet, 2002: 144) . Avec <em>L’Âge de Rose</em>, paru chez son éditeur José Corti en 1997, il s’y consacre avec la plus ferme intention, relisant et réécrivant à l’aune de ses propres obsessions l’existence de sainte Rose de Lima, première sanctifiée du Nouveau Monde, qui vécut au Pérou de 1586 à 1617 et fut canonisée en 1671. Pour ce faire, il suit les traces d’une hagiographie anonyme publiée à Avignon, au XIXe siècle: des extraits de cette modeste biographie ornent ainsi chaque début de chapitre et forment le point de départ de sa rêverie d’écriture. La Rose de Claude Louis-Combet, à l’instar des autres figures féminines de mystiques qu’il a peintes dans <em>Marinus et Marina</em>, <em>Mère des croyants</em>, ou encore, <em>Magdeleine, à corps et à Christ</em>, trône sous les cariatides du péché de chair et du miracle. L’auteur n’a cure des faits et événements attendus de la vie de la vierge: il – ou plutôt son alter-ego dans le livre justement nommé le <em>narrateur </em>–&nbsp; s’attache non pas à la destinée séculière de la future sainte mais à son sentiment de faute originelle à expier dans les mutilations et l’ascèse intérieure. Afin de racheter les offenses des pécheurs, en premier lieu sa mère habitée d’une tendre sensualité, Rose inflige de nombreux tourments à son corps honni et creuse toujours plus en elle afin de devenir le calice qui recueillera les larmes de son Dieu Crucifié. La narration est ainsi polarisée entre les personnages de la mère et de la fille, l’une incarnant la volupté enfin assouvie tandis que l’autre cultive une inertie volontaire. Cependant cet article s’attachera plutôt à saisir les enjeux de la distorsion contemporaine d’un écrit hagiographique et les moyens et stratégies que l’auteur élabore pour s’accaparer un modèle de sainteté issu du canon ecclésiastique.</p> <p style="text-align: justify;"><br />Au regard de la typologie dressée dans l’ouvrage de Jean-Pierre Albert, <em>Le sang et le Ciel</em>, la Rose combetienne capitalise la majeure partie des caractéristiques propres aux saintes vierges et martyres du christianisme: sentiment aigu du dualisme entre la chair déniée et l’esprit glorifié, volonté de souffrir selon le modèle de l’<em>Imitatio Christi</em>, beauté suscitant la concupiscence des hommes et devenant donc objet de meurtrissure, refus du mariage et entrée dans un ordre qui consacrent le primat de la virginité, vertu première parmi les attributions sanctifiantes des figures féminines de l’idéal chrétien. Toutes ces qualités sont attribuées à l’héroïne du livre; pourtant un décalage advient et le contrat de lecture hagiographique s’en trouve corrompu. Les souffrances de la sainte, selon le principe que «le martyre, la maladie, la vie claustrale: tels sont les creusets dans lesquels Dieu, selon un lieu commun chéri des hagiographes, épure l’or de la sainteté» (Albert, 1998: 19), sont restituées avec un luxe de précision qui répond plutôt ici à une obsession de l’auteur, obsession pour la volupté qu’il croit soluble dans l’imaginaire de sainteté chrétien. Entre les mains de Claude Louis-Combet, l’hagiographie est à la fois pervertie et perversion. Dans un même mouvement, les dimensions tant virile qu’historique sont mises à distance tandis qu’éclot un monde de rêve et de fiction où le narrateur finit par rejoindre sa créature textuelle.<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>Dépouiller pour sanctifier</strong></span><br />L’exil du masculin est la nécessaire et première séparation dans le récit. Avec ses troupes armées, le père, nommé le Capitan, s’enfonce toujours plus loin dans les touffeurs moites de la forêt péruvienne, porté par une démesure qui le dépasse et le pousse en avant. Presque sans visage, il se dissout pour ainsi dire dès les premières pages, pages qui n’omettent pas pour autant cette sentence terrible résonnant d’un bout à l’autre du texte: «Que l’on n’oublie pas, toutefois, avant de tourner la page, que Gaspard Florès est le père et qu’il marche en tête de toutes les ombres» (p. 17). Après avoir hanté à quelques reprises la maison familiale, sanctuaire des femmes, il laisse en héritage à sa fille un frère, Carlos, qui finit par s’abîmer dans la mer, élément liquide et féminin. Les hommes sont ainsi les grands absents du récit. Seule exception: le saint Dom Claudius, qui vit son ermitage à demi enterré dans le sol et que Rose va visiter dans la montagne. Ses fonctions sacrales et prophétiques justifient sa présence dans la narration, sans compter qu’il est ce saint-in-utero, plongé par le bas corporel dans l’humus, presque asexué: son phallus est étouffé dans les profondeurs humides de la terre, autre élément féminin. Le monde masculin est donc aboli, ses personnages insatiables et mouvants sont oblitérés afin que s’entende l’échange immobile des femmes dans une Lima extirpée de l’Histoire. En effet, rien dans la tâche que le narrateur s’impose ne ressemble au sacerdoce de l’historien. À rebours des sources hagiographiques qui la dépeignent agitée et luxueuse, Lima se profile dans le livre comme une ville silencieuse où la vie est mélancolique. La voix du texte va jusqu’à congédier les anecdotes et les événements non teintés d’expérience mystique ou sensuelle qui égrènent le chapelet des jours: «L’histoire de Rose ne saurait avoir les caractères d’une histoire. Il ne s’y passe rien de remarquable» (p. 184).</p> <p style="text-align: justify;">Sans orthodoxie ou volonté de reconstitution historique, la prose se ramifie hors du domaine profane. Afin de s’approprier toujours plus la figure de Rose par l’écriture, le poétique vient même se substituer au surnaturel propre aux actions des saints. Les miracles abondent dans la vie de la vierge péruvienne: les biographies sont toutes unanimes à ce sujet. Ici cependant, la question de la qualité surnaturelle de l’héroïne paraît secondaire. Le lien qu’elle entretient avec le Ciel prend plutôt la forme d’une intériorisation profonde et les formes miraculeuses qui naissent ont bien plus l’allure d’une rêverie du monde que de prodiges divins. Ses miracles s’infusent dans la langue même et acquièrent un pouvoir nominal. Au-delà de ses propres hallucinations, Rose est le réceptacle de manifestations vitales et fertiles, elle communique au monde le mystère floral qui couronne son nom. Ainsi en va-t-il de son incroyable naissance, durant laquelle sa mère Maria de l’Oliva enfante sans douleur dans l’herbe humide du jardin. Alors que pointe la tête de l’enfant, elle arrache de sa vulve une rose noire au cœur rouge. Au même instant retentit le chœur des femmes de Lima en liesse, célébrant le retour des fleurs qui se sont toutes épanouies dans la ville. Autre signe miraculeux attaché au nom de Rose: lors de ses allers et venues à sa cahute dans le fond du jardin, les plantes se penchent et saluent son passage. Sans oublier également l’odeur délicieuse et florale que dégage son corps à l’approche du trépas, gage de son <em>odeur de sainteté</em>, ou la fleur baptismale, noire et rouge encore, qui éclot devant le regard attendri de sa mère au cours de la toilette mortuaire. Les miracles se convertissent en des manifestations poétiques, des rêveries d’une écriture onomastique qui révèle:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p style="text-align: justify;"><br />quelque chose aussi – comme un principe – qui entrait dans le sens de son propre nom de fleur (<em>Rosa purissima</em>) [et qui] agissait dans l’infinie ténuité des êtres végétaux afin de les pousser à leur accomplissement. (p. 178)</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><br />Le nom recèle une capacité d’évocation et d’incarnation. Ainsi, le miracle théologique se mue en miracle d’écriture qui justifie le recours, dans le texte, au merveilleux à l’œuvre dans toute existence vouée au sacré. La pertinence de la présence divine n’est pas vraiment questionnée puisque le système des symboles charriés par la langue se substitue aux puissances du surnaturel chrétien. Chez celui qui a trouvé dans la littérature une suppléante à la prière, le signe divin se transforme inévitablement en poétisation du monde. Afin que s’ouvre la sainte fleur, le récit prend donc soin d’exclure les figures susceptibles de nuire à son épanouissement en terre combetienne.<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>En s’approchant en écrivant</strong></span><br />À l’orée du texte se tient le narrateur, voix de l’auteur qui répugne à se nommer et à relater explicitement son existence, marqué qu’il est depuis l’enfance par ce onzième commandement: <em>Tu ne parleras pas de toi-même</em>. Son ambition est de prendre à rebours le travail de l’hagiographe de 1835. Il le raille et le fustige, médisant sur son œuvre qu’il compare non pas au tracé d’une plume mais à celle d’un manche à balai. Toutefois, il faut leur reconnaître à tous deux une certaine parenté de fait: ce sont des anonymes, ils sont loin de la sphère onomastique tandis que Rose en est le noyau. Tout consiste alors pour le narrateur à s’emparer de Rose, quitte à ployer le récit attesté par le canon historique, à faire croître dans ces fractures les racines de ses fantasmes et de ses cauchemars. Comme il le déclare: «A chacun la Rose qui lui est nécessaire» (p. 273). Sa&nbsp; transgression hagiographique est pleinement avouée et assumée. Néanmoins, le motif de son héroïne lui échappe par moments et il avoue son impuissance à le transcrire. Dans une divagation à l’approche de la mort, Rose, couchée telle la Vierge Marie, grosse du sang christique et sujette à des visions prophétiques, rejoint <em>in fine</em> le cœur du livre et «Dom Claudius-ex-utero», qui n’est autre que le narrateur enfin baptisé. Le personnage rêve de son créateur, incarnant ici la parfaite réflexivité du miroir où l’un et l’autre se reconnaissent. De la source hagiographique, le narrateur se déprend très vite: il ne la constate que pour s’en détacher et toucher enfin, dans le rythme si particulier de son écriture, le cœur de la sainte qu’il traque au fil des pages:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p style="text-align: justify;"><br />je prétends que, dans le récit d’une vie, il s’agit, pour l’auteur, de pousser le plus loin possible son identification au personnage qu’il a choisi d’évoquer […] afin qu’on ne sache plus de qui l’on parle et qui parle: le biographe et son cœur, le saint et son âme, le texte et sa logique. (p. 71 – 72).</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><br />C’est finalement là toute l’entreprise<em> mythobiographique</em>, où les événements de l’existence du personnage sont recouverts de l’ombre de l’écrivain et où se lit pour ce dernier la mise en mots d’une expérience intérieure.</p> <p style="text-align: justify;"><br />Le créateur finit par exister à son tour dans les creux du texte et aux confins d’un temps perpétuellement suspendu. Car le présent apparaît vierge, presque une atemporalité dont les événements de la vie quotidienne sont tus pour permettre l’émergence des visions qui habitent l’héroïne. Tant dans la prière que lorsqu’elle s’affaire aux activités du monde matériel, couture ou ravaudage, son âme se tient «en abîme de présence. Cela durait un temps indéterminé, sans rapport avec le jour ou la nuit qui se déroulait» (p. 120). Les réalités du monde s’éloignent d’elle à mesure qu’elle se creuse pour épouser la Passion. La vie de Rose se calque sur le temps de ses visions, elle s’y installe plus <em>réellement</em> que dans le présent. Dans un article revenant sur les motifs à l’origine de son livre, Claude Louis-Combet dit ceci:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p style="text-align: justify;"><br /><em>Âge de Rose</em> était à prendre au sens de ces grandes étendues temporelles, plus mythiques qu’historiques, que l’esprit humain a conçu sous le nom d’<em>âge d’or</em>, <em>âge de fer</em>, les cristallisant en quelque sorte autour d’un élément hautement symbolique (Louis-Combet, 2002: 150).</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><br />La réalité historique est donc seconde dans la diégèse car la trame dans laquelle s’étend l’histoire de la sainte de Lima est un vaste champ de temporalité presque mythique où peuvent s’entremêler le spirituel et le charnel. Dans un rêve prophétique, l’héroïne embrasse les visages des Rose qui fleuriront à sa suite: les célèbres Rosa Bonheur et Rosa Luxembourg, mais aussi toutes les autres, les oubliées et les inconnues. À l’encontre de l’histoire des biographes et du temps de l’histoire se déploie un temps de la dévotion qui bat au pouls du temps de l’écriture.</p> <p style="text-align: justify;">La distance abolie, le narrateur peut alors s’approcher au plus près de la vierge et de l’amante. Il souhaite déceler, sous la terre rugueuse du renoncement, le limon fertile de sa féminité qu’il sait toujours vivace et palpitante: «De quelle obscurité rigoureusement propre à l’homme que je suis, la jeune Rosa Florès, future sainte Rose de Lima, est-elle la métaphore ?» (p. 59). Pour lui, l’objectif est de contempler dans la vie de Rose son propre accablement, ce péché qui inaugure sa blessure originelle. Il y a la séparation d’avec la mère tout d’abord, comme Rose qui résiste jusqu’à sa mort à la tentation dissolvante de regagner le sein maternel, puis celle d’avec Dieu, le narrateur ayant renoncé à sa vocation et à sa croyance. Cependant, chez lui que la foi a déserté, s’impose la nécessité de témoigner de l’existence spirituelle d’une sainte. À défaut de prier, il ne peut désormais qu’écrire et, s’il choisit Rose, c’est avec le souhait d’éclairer une figure de fascination qui est comme une invitation à la rêverie. Pour lui, il s’agit de:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p style="text-align: justify;"><br />m’approprier une modeste image sainte, à la surcharger de mes traits, à la triturer, à la dénaturer, à la violer véritablement, à seule fin d’en tirer un récit […] l’énigme perpétrée d’une histoire, dont j’ai tout lieu de penser que je suis le sujet. (p. 124)</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><br />Sans espoir néanmoins d’identité ou de salut: l’écriture n’a pas vocation de réconforter ou de gracier, mais elle œuvre plutôt à la redécouverte d’un fond d’angoisse et de désir, à la prise de conscience d’une faute fondamentale pour le créateur et son personnage. Grande est la distance entre eux, distance à la mesure de Dieu assurément, ce Christ tant désiré pour l’une et perdu à jamais pour l’autre. Rose demeure cette altérité indépassable en son auréole de sainteté. Son mystère, à l’issue du livre, semble donc entier. Mais ce personnage est aussi une femme pleine d’une sensualité exaltée dans son âme mais réprouvée dans son corps car pour elle «le monde perçu, muable et poreux, reste un tableau des passions» (De Certeau, 1982: 360). Cette figure, dans son paradoxe, le narrateur la fantasme indéfiniment. Et même s’il avoue ne pouvoir s’identifier totalement à elle et à l’énigme indéchiffrable qu’est sa vision du sacré, il partage avec son héroïne un même souhait d’absolu: celui de la conciliation impossible des sens terrestres et de la spiritualité.<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>La sainte mythobiographique</strong></span></p> <p style="text-align: justify;">Après les nombreux sévices qu’elle s’est infligée tout au long de son existence, Rose trouve enfin la paix dans la mort, prémisse à sa longue existence post-mortem comme sainte de l’Eglise catholique et d’Amérique du Sud. Cependant, jusqu’au dernier mot du texte, jamais la grâce ne semble totalement acquise pour l’héroïne : l’absence qu’elle a patiemment fouaillée en elle n’est peut-être qu’à la hauteur du siège vide des cieux. Seule certitude: la Rose profilée dans ces pages est celle de Claude Louis-Combet. À travers les motifs du père perdu et de l’intense relation maternelle, motifs totalement imaginés et assumés comme tels par le narrateur, cette sainte vie revisitée explore les catacombes de la jeunesse de l’écrivain: comme le mentionne son ouvrage autobiographique <em>Le recours au mythe</em>, Claude Louis-Combet ne connut pas non plus son père, Capitan disparu, et fut élevé dans la sphère étouffante de deux femmes, sa grand-mère pieuse et dévote, à l’instar de la tante de Rose, Isabelle Herrera, et sa mère surtout, gouvernée par ses sens tout comme Maria de l’Oliva. De sa mère lui vient cette conscience sensible d’un désir qu’il éclaire à la lumière chrétienne comme la faute de chair, qu’il tâche d’expier dans son parcours de séminariste. Le poids de la culpabilité est cependant trop lourd et, inconciliables, son goût de Dieu et sa volupté l’amènent à la rupture où il renie le premier pour mieux embrasser la seconde. C’est alors par l’écriture pervertie de l’hagiographie qu’il cherche à ouvrir toujours plus largement l’entaille de la nuit énigmatique du sexe:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p style="text-align: justify;"><br />A travers les biographies hagiographiques, je ne perdais jamais de vue mon projet initial, qui consistait surtout à évaluer la perte que j’avais subie en reniant ma foi et à rechercher, dans l’ordre charnel, des équivalences et des compensations pour un tel sacrifice. (Louis-Combet, 1998: 337)</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Dans cette nouvelle variation autour d’une virginale figure, Claude Louis-Combet convertit la Sainte Rose de Lima en sainte Rose de sexe et de texte.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>Bibliographie</strong></span></p> <p style="text-align: justify;">ALBERT, Jean-Pierre (1997), <em>Le sang et le Ciel. Les saintes mystiques dans le monde chrétien</em>, Paris, Aubier, coll. «Historique.<br /><br />DE CERTEAU, Michel (1982), <em>La Fable mystique: XVIe-XVIIe siècle</em>, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque des histoires».<br /><br />LOUIS-COMBET, Claude (1997), <em>L’Âge de Rose</em>, Paris, José Corti, coll. «Domaine français».<br /><br />LOUIS-COMBET, Claude (1998). <em>Le recours au mythe</em>, Paris, José Corti, coll. «Domaine français».<br /><br />LOUIS-COMBET, Claude (2002). «En marge de <em>L’Âge de Rose</em>», dans <em>L’homme du texte</em>, Paris, José Corti, coll. «En lisant, en écrivant».</p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/laureole-profanee-du-desir#comments Amérique Biographie DE CERTEAU, Michel France LOUIS-COMBET, Claude Mystère Obscénité et perversion Obsession Psychanalyse Religion Représentation de la sexualité Transgression Roman Thu, 22 Aug 2013 17:09:59 +0000 Laurence Côté-Fournier 785 at http://salondouble.contemporain.info Voyage sur les traces des monstres. Ou le journalisme selon Palahniuk http://salondouble.contemporain.info/article/voyage-sur-les-traces-des-monstres-ou-le-journalisme-selon-palahniuk <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/paquet-amelie">Paquet, Amélie </a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-label">Référence bibliographique:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/stranger-than-fiction-true-stories">Stranger Than Fiction. True Stories.</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/le-journalisme-litteraire-lecrivain-sur-le-terrain">Le journalisme littéraire: l&#039;écrivain sur le terrain</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p style="text-align: justify;">À la recherche des territoires peu explorés de la culture populaire américaine, Palahniuk s’inscrit avec un plaisir contagieux dans la lignée du <em>new journalism</em>. Son objectif n’est de toute évidence pas de renouveler le genre de manière formelle avec son <em>Stranger Than Fiction. True Stories</em>, mais plutôt de proposer de nouveaux personnages à découvrir et à rencontrer. Au besoin de réel qui sous-tend la <em>creative nonfiction</em>, l’auteur de <em>Fight Club</em> ajoute une envie de chair et de sueur. D’un sujet musclé à l’autre, il se plonge ainsi au cœur d’univers singuliers, souvent excentriques, et donne la parole à des gens qui évoluent à l’ombre de la culture dominante. Penseur dans le monde, à sa manière, Palahniuk n’est toutefois pas en quête du propret garçon de café de Sartre. Il s’intéresse surtout à ce qui est monstrueux, par son énormité ou par son caractère sordide. Peu friand des personnages délicats, Palahniuk aime particulièrement les sujets qui font violence au regard de leur observateur par leurs aspects spectaculaires.&nbsp; &nbsp;<br />&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>La solitude de l’écrivain</strong></span></p> <p style="text-align: justify;"><br />Divisé en trois sections, soit «People Together», «Portraits» et «Personal», le recueil rassemble des collaborations de l’auteur –reportages, entretiens ou chroniques– tirées de différents magazines. En sous-titrant le livre <em>True stories</em>, Palahniuk laisse croire d’entrée de jeu que le caractère «véridique» de ses récits serait ce qui permettrait de les placer en relation les uns avec les autres. Dans sa préface, il problématise toutefois l’idée de vérité en expliquant qu’il existe une tension entre les faits et la fiction autant dans son œuvre littéraire que dans ses textes journalistiques. Avec <em>Stranger Than Fiction</em>, il révèle le travail secret en amont de ses romans. Avant d’entreprendre un projet romanesque, il raconte se livrer à des enquêtes à la manière d’un journaliste. Bien que pour <em>Fight Club</em> cette recherche sur le terrain se soit faite par hasard, il explique que cette manière d’aborder l’écriture littéraire s’est imposée pour ses autres livres. Lors de la rédaction d’<em>Invisible Monsters</em>, ses recherches l’ont amené à recourir aux services de lignes érotiques. Pour <em>Choke</em>, il a plutôt décidé de fréquenter des thérapies de groupe offertes aux personnes souffrant d’addiction sexuelle. Cette démarche n’est évidemment pas étonnante chez un écrivain qui préfère le <em>storytelling</em> à la recherche formelle, la petite histoire surprenante au grand récit rassembleur. Chez Palahniuk, tout donne à penser que le travail du journaliste est à peu de choses près le même que celui de romancier.<br /><br />Dans la préface du livre, il fait toutefois une distinction entre les deux manières d’aborder l’écriture en décrivant le travail dans une salle de rédaction: «The journalist writes surrounded by people, and always on deadline. Crowded and hurried. Exciting and fun.» (p. XVII) Frères ennemis, l’écrivain et le journaliste travaillent dans des conditions matérielles et sociales qui sont à l’opposé l’une de l’autre. Chez Palahniuk, tout porte pourtant à croire que l’écrivain envie le journaliste, allant jusqu’à jalouser les contraintes temporelles auxquelles il doit se soumettre. Selon ce portrait, l’écrivain ne connaîtrait que l’ennui et la solitude, alors que le journaliste, bien entouré, profiterait largement de l’énergie de son équipe. Les textes publiés dans <em>Stranger Than Fiction</em> furent précisément pour Palahniuk une occasion de revenir dans le monde: «Every story in this book is about being with other people. Me being with people. Or people being together» (p. XVI) Bien que la démarche journalistique soit une pratique courante chez lui, il n’y a que la <em>creative nonfiction</em> qui puisse réellement lui permettre de se sentir plus près des gens, puisque le roman requiert toujours à son avis une longue période d’isolement.<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>La parole de l’autre</strong></span></p> <p style="text-align: justify;"><br />D’un bout à l’autre du recueil, le bonheur que Palahniuk prend à écouter et à côtoyer ses interlocuteurs est évident, qu’ils soient des vedettes internationales, comme Marilyn Manson et Juliette Lewis, ou des inconnus, comme les lutteurs amateurs en Iowa et les participants enthousiastes du Rock Creek Lodge Testicle Festival<strong><a href="#note2">1</a>.</strong> Répondant à l’idéal journalistique, il cherche toujours, dans ses reportages et ses entrevues, à s’effacer le plus possible pour donner toute la place dans son texte à la parole de l’autre, qu’il cite abondamment.<br /><br />Dans son entretien avec Lewis, il réussit avec doigté à donner une occasion rare à l’actrice, qui fut notamment la meurtrière en cavale de <em>Natural Born Killers</em>, de se présenter sous de multiples facettes lors d’une même entrevue. Le texte débute alors que Lewis subvertit les conventions habituelles d’un entretien journalistique:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p style="text-align: justify;"><br />«One time», Juliette Lewis says, «I wanted to get to know someone better by writing down questions to him…» She says, «These questions are more telling about me than anything I could write in a diary». (p. 119)</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><br />Pour mettre à l’épreuve l’affirmation de l’actrice, Palahniuk entremêle les questions que lui pose Lewis aux réponses qu’elle formule à ses interrogations à lui. Le procédé est fascinant puisqu’il manque la moitié de la conversation, c’est-à-dire les réponses et les questions de l’écrivain. Le pari qu’il tente de relever est de montrer que Lewis se dévoile en effet davantage dans les questions qu’elle lui pose que dans les réponses qu’elle lui donne.<br /><br />Palahniuk pousse encore plus loin l’expérience lors de sa rencontre avec Marilyn Manson. Après avoir décrit la maison au décor macabre de Manson et relaté ses tendres échanges avec sa conjointe de l’époque, Palahniuk s’installe devant l’infâme chanteur et le laisse conduire sa propre entrevue. Manson se tire au tarot et commente le résultat des cartes. La dernière carte tirée par le chanteur est particulièrement révélatrice du portrait que Palahniuk fait de lui:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p style="text-align: justify;">&nbsp;<br />Manson deals his ninth card: the Tower. «The Tower is a very bad card», he says. «It means destruction, but in the way that this is read, it comes across like I’m going to have to go against pretty much everyone. In a revolutionary way, and there’s going to be some sort of destruction. The fact that the end result is the sun means it probably won’t be me. It will probably be the people who try to get in my way.» (p. 157)</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><br />En présentant Manson ainsi, Palahniuk construit une saisissante image de solitude autour de la <em>rockstar</em>. Le monstre, celui que Palahniuk tente de connaître par ses écrits journalistiques, est sans doute cet homme capable de tout faire seul à l’écart de la communauté. À l’évidence, l’<em>Antichrist Superstar</em> est plus près de l’écrivain que du journaliste. Tout porte d’ailleurs à croire, dans le recueil, que Palahniuk peut entrer en relation avec tous ces monstres, parce qu’il en est lui-même un, par son statut d’artiste qui lui permet de vivre une période temporaire d’isolement afin de se consacrer à sa création. Dans les portraits de ces deux vedettes, comme dans la majorité des articles, la littérature, dont il ne parle qu’à mots couverts, n’est jamais présentée comme étant au service de la société, comme le sont les informations. Elle est plutôt une zone d’exploration ouverte à la cacophonie, au désordre et au sordide.<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>Construction et destruction</strong></span></p> <p style="text-align: justify;"><br />Les inconnus que rencontrent Palahniuk correspondent aussi à cette manière de concevoir le monstre. Deux des articles les plus mémorables du recueil présentent des passions diamétralement opposées qui se ressemblent pourtant dans leur caractère extrême: le derby de démolition et la construction de châteaux. L’écrivain, qui n’a pas à s’astreindre au fil de l’actualité comme le journaliste, peut s’arrêter pour comprendre ces deux loisirs en marge des tendances de l’époque. Dans les deux cas, ces passions relancent l’idée de la solitude qui parcourt le recueil. Les amoureux&nbsp; de la construction de châteaux portent le rêve d’un isolement total dans la plus grande et la plus solide forteresse possible. Le pilote du derby, seul derrière les commandes de son véhicule, se livre à une entreprise de destruction.<br /><br />Dans «Demolition», Palahniuk rencontre ces amateurs de collision lors d’un événement dans l’état de Washington, où ils sont tous avides de présenter à leurs camarades leurs nouveaux bolides et d’expérimenter de nouvelles stratégies pour faire le plus de dégât possible sur la piste de course. Frank Bren, un pilote épris de son sport, lance pendant l’entrevue une phrase digne d’un célèbre roman de J. G. Ballard: «It’s not quite as good as sex, but it’s close. You just love that sound of crushing metal.» (p. 42) Comme l’expliquent les amateurs à Palahniuk, le seul et unique plaisir dans un derby de démolition est la destruction elle-même. Il est très peu important de gagner la compétition si le pilote n’est pas parvenu à détruire le plus possible les voitures de ses rivaux.<br /><br />Roger DeClements et Jerry Bjorklund, les personnages que Palahniuk rencontre dans «Confessions in Stone», ne trompent pas l’ennui par des rêves de violence comme les pilotes de derby de démolition. Ils consacrent plutôt tout leur temps et leur énergie à construire des châteaux habitables aux États-Unis où ils pourront s’y installer avec leur famille. D’un château à l’autre, ils raffinent leur technique. Ils finissent toujours par vendre le dernier château pour en construire un nouveau. Leurs châteaux attirent les curieux et, dans les villes où s’établissent, ils font parler le voisinage, comme le raconte Bjorklund à Palahniuk: «Rumor has it there’s a basement dungeon under the tower, […] and I just let people keep thinking that. […]&nbsp;I’m probably known as a crazy man in Camas, but I don’t give a damn what they think». (p. 70)&nbsp; Puisque leur passion les tient bien vivants dans un monde qui, sinon, les intéresse très peu, le regard des autres sur leur quête est sans importance aucune.<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>Solitude radicale</strong></span></p> <p style="text-align: justify;"><br />Bien que les hommes soient à l’honneur dans les reportages littéraires de Palahniuk, il ne manque pas de décrire avec soin comment les femmes doivent négocier leur place dans les différents milieux qu’il examine. En général, elles sont d’ailleurs les plus exclues de ces univers marginaux. Où le loisir viril est à l’honneur, la femme a très peu d’espace au cœur de ces microcosmes où l’on aimerait bien se passer d’elle. Au Rock Creek Lodge Testicle Festival, les femmes servent de faire valoir au testicule porté aux nues. Un des lutteurs amateurs rencontrés par Palahniuk lui raconte que sa femme menace ouvertement de le quitter en raison de son sport. Comme le derby de démolition qui est si intense qu’il peut presque remplacer une vie sexuelle, Palahniuk raconte, à partir de sa propre expérience, dans «Frontiers» comment les accros aux stéroïdes arrivent à vivre entre hommes en se passant totalement de sexualité. Dans «The People Can», il entre dans la vie entièrement masculine d’un sous-marin de l’armée américaine. Le monstre total, celui que Palahniuk cherche à rencontrer tout au long de son livre, est probablement cet homme complètement autosuffisant qui pourrait se libérer de toutes ses attaches. Un monstre qui ne regarde pas, comme lui, avec envie les journalistes qui travaillent dans les salles de rédaction bondées, un monstre qui se consacre à son œuvre sans éprouver le moindre regret face à la communauté qu’il a quittée.</p> <hr /> <p><a id="note2" name="note2">1</a> Le Rock Creek Lodge Testicle Festival est un spectacle pour adultes où les amateurs peuvent participer à divers concours&nbsp;: <em>wet T-Shirt</em>, fellations et relations sexuelles sur scène. &nbsp;Très critiqué, le festival attire de nombreux groupes catholiques qui, selon Palahniuk, manifestent en criant des slogans tels que «&nbsp;Demon! I can see you, demon! You are not hiding! » (p. 4).&nbsp;</p> http://salondouble.contemporain.info/article/voyage-sur-les-traces-des-monstres-ou-le-journalisme-selon-palahniuk#comments Documentaire Empathie États-Unis d'Amérique Obscénité et perversion PALAHNIUK, Chuck Récit Essai(s) Récit(s) Sun, 17 Nov 2013 21:30:59 +0000 Amélie Paquet 815 at http://salondouble.contemporain.info Freak Show http://salondouble.contemporain.info/article/freak-show <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/beaulieu-guillaume">Beaulieu, Guillaume </a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-label">Référence bibliographique:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/like-a-velvet-glove-cast-in-iron">Like a Velvet Glove Cast in Iron</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/daniel-clowes">Daniel Clowes</a> </div> </div> </div> <p>Le corps pose problème. Il naît, grandit, fait défaut, est amputé, meurt, se décompose… Le corps est ce qui fuit. Il s’enfuit à l’impératif de dire, d’écrire, de parler et de rencontrer. C’est avant toute chose un ensemble organique en souffrance, dans le manque comme dans la douleur. Face à une corporalité maladive, handicapée voir symptomatique, peut-on y entendre l’agonie d’une société qui se meurt en écho? Des regards se posent et questionnent. Une parole en quête de sens émerge. La représentation du corps dans<em> Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> de Daniel Clowes est problématique. Cette bande dessinée présente un corps étranger, transformé, en mutation, s’ouvrant sur un regard qui renvoie à un malaise.</p> <p><em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> illustre un récit sans queue ni tête qui se termine littéralement en queue de poisson. L’histoire débute au moment où Clay, le protagoniste principal, entre dans un cinéma érotique et s’étonne, voire s’alarme, de constater que l’actrice du film qu’il y visionne est son ex-femme. Sous le choc, il part à la recherche de la maison de production qui emploie sa femme. Un ami l’aide à regret en lui prêtant sa voiture. Sur la route, il est battu et détenu par des policiers. Clay se retrouve sans voiture à errer entre ses rêves et des lieux insolites. Il rencontre un amalgame étonnant de gens étranges qui l’aideront ou lui nuiront dans sa quête, allant même jusqu’à causer son démembrement à la fin. Un récit enchâssé met en scène une scénariste et un réalisateur de films gores aux prétentions de cinéma d’auteur. Bien contre lui, Clay&nbsp; se retrouve embarqué dans un de leur film qui met en scène la mort de sa femme. La pornographie est l’élément déclencheur du récit et elle participe également à son dénouement. &nbsp;</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove001.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 25"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove001.jpg" alt="38" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 25" width="580" height="296" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 25</span></span></span></p> <p>Au cours de sa quête, Clay est happé par différentes mésaventures. Dès le début de son parcours, il est arrêté brusquement par l’intervention brutale de policiers aux méthodes douteuses. Les agents corrompus, en plus de le battre et de graver au scalpel sur son talon un dessin représentant un « Mister Jones » (une sorte d’entité des eaux), violent une prostituée à trois yeux. Le corps de Clay est marqué et celui de la prostituée est violé. Ces éléments renvoient à une commercialisation, à une possession (on peut relier la marque sur le talon au marquage du bétail) et à une consommation maladive des corps (par le viol et la pornographie). Ces gestes témoignent non seulement d’une cruauté, mais aussi d’une volonté d’inscrire le corps dans une perspective d’inadéquation avec le réel. Comme si le corps n’appartenait plus à celui qui l’habite, mais bien à celui qui le regarde ou qui le prend. Cette consommation des corps se voit sous plusieurs aspects dans l’œuvre de Clowes. Notamment, les films pornographiques sont soumis à des critiques qui félicitent le réalisateur pour ses nouveaux exploits enregistrés sur pellicule. Cinéaste qui, dès les premières planches, est considéré par un malade par Clay. Par ailleurs, le titre du film est le même que celui de la bande dessinée. Les personnages du réalisateur et du bédéiste se confondent, nous y voyons une sorte d’autocritique et de dérision de la part de Daniel Clowes. Plus encore, ce dernier informe le lecteur que ce qu’il tient entre ses mains, ces images mettant scène viole, meurtre et violence, il en est le seul réalisateur.&nbsp;&nbsp; &nbsp;</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove002.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 51"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove002.jpg" alt="39" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 51" width="580" height="291" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 51</span></span></span></p> <p>D’autres occurrences dans <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> présente un corps déraillant ou mutant&nbsp;: L’ami de Clay a des crevettes dans les yeux, la serveuse du restaurant est une femme poisson, Clay voit, dans un rêve, une femme avec une queue en pointe de cœur, un tenant de commerce a un nez en forme de tige, un chien n’a pas d’orifice et, à la fin de la bande dessinée, Clay est estropié de tous ses membres par un homme drogué à la testostérone. Ces occurrences, bien qu’elles soient sorties de leur contexte d’énonciation, dénotent tout de même la volonté de Clowes d’inscrire sa bande dessinée dans une perspective d’une représentation des corps problématique. C’est un «freak show» à la hauteur du film de Tod Browning, <em>Freaks <a name="renvoi1"></a></em><a href="#note2">[1]</a>, que ce bédéiste façonne. <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em>, présente deux types de «freak». Le premier est d’ordre psychologique et s’encre à l’intérieur de perversion sexuelle, comme le spectateur du film «Darling Baby Love», film qui se rapproche d’une production pornographique juvénile. Le second cas est physique et s’arrime à une représentation fictionnelle du corps humain en mutation ou infesté par un corps étranger. Tandis que <em>Freaks</em> met en scène des «freaks», dans sa définition la plus péjorative (littéralement monstre), qui incarnent leur propre rôle, à savoir un lilliputien, un homme-tronc, etc. Tout comme dans l’œuvre de Browning, les vrais monstres dans cette bande dessinée, ce ne sont pas Tina ou la femme aux trois yeux, mais bien les clients du restaurant, les policiers et les spectateurs des films d’un hétéroclite réalisateur.</p> <p><strong>Le Marquis à l’ère du 3.0</strong></p> <p>Daniel Clowes exploite un élément controversé de la culture populaire en représentant une scénariste et un réalisateur de «<em>snuff movie</em>». <a name="renvoi2"></a><a href="#note2">[2]</a> Lorsque Clay entre dans une salle de cinéma «underground», il y voit son ancienne femme tenant la vedette du film «Barbara Allen». Celle-ci a une relation sexuelle avec un étudiant, après quoi celui-ci la tue. Le film se termine sur deux hommes masqués qui la jettent dans une fosse. Clay participera aussi à ce film, mais involontairement. Après avoir déposé une rose sur la tombe de sa défunte femme, il est surpris par l’homme qui cherchait à l’exécuter. Le réalisateur, là par hasard, saisit l’occasion au vol et film le démembrement de Clay. L’utilisation de ce type particulier de cinéma par Daniel Clowes renvoie à une dégénérescence de la production qui trouve par le biais du «snuff» une manière d’accéder à un type de cinéma artistique inédit qui se trouve même un public admiratif qui en redemande. Ce n’est plus de la fiction, mais cela se présente comme tel. On peut prétendre que, dans l’univers de <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em>, il n’y a pas de limite, de barrière, de garde-fou aux personnages. Nous entrons dans un délire pas si délirant que cela en actualisant l’œuvre de Clowes à la réalité présente du Web. Celle qui a éclaté carrément les limites des fantasmes et des perversions, les rendant réels et palpables avec un potentiel de production le plus minimaliste (webcam, ordinateur, connexion Internet) et avec une possibilité de consommation encore plus simple. D’un côté, nous voyons que le public de ce gore extrême est important, mais de l’autre, qui est de loin le plus intéressant, est celui qui permet de s’interroger sur cette désacralisation de la mort et de la souffrance des corps.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove004.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 139"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove004.jpg" alt="40" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 139" width="494" height="805" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 139</span></span></span></p> <p>Récemment, le film <em>A Serbian Film</em> de Srđan Spasojević fit scandale, on y représentait une production malsaine de «<em>snuff movie</em> » incluant des jeunes enfants. Le film se présente d’emblée comme une fiction dans lequel un acteur porno à la retraite et un peu à court financièrement reprend du service sans savoir pour qui il s’engage vraiment.&nbsp;L’acteur, sous l’effet de stimulant sexuel pour taureau, commettra des scènes d’une violence inouïe, même pour une fiction. Selon Spasojević, la violence extrême que mettait en scène son film était le reflet de celle qui fit ravage lors du conflit de la Bosnie-Herzégovine. <a name="renvoi3"></a><a href="#note3">[3]</a> Spasojević part de la bestialité éprouvée par une réalité de temps guerre pour présenter une guerre de corps qui affrontent carrément le spectateur dans le confort de ses croyances en une humanité. L’acteur n’a plus le contrôle sur lui-même, il est drogué à son insu et il ne peut faire autrement que d’exécuter les ordres qu’il reçoit du réalisateur sadique. On ne peut s’empêcher de faire l’analogie avec le soldat. L’œuvre de Clowes, quant à elle, présente une jungle urbaine <em>harum-scarum</em> dont la sexualité et la cruauté déroutante en sont le symptôme. Le <em>snuff movie</em> prend même la place d’une sorte de cinéma d’auteur, où la principale esthétique est celle des corps qui se trucident. Par ailleurs, <em>A Serbian Film</em> et <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> développent tous deux le personnage «réalisateur» au pouvoir quasi divin, c’est-à-dire de vie ou de mort sur ceux qu’ils mettent en scène.</p> <p>Daniel Clowes exploite plusieurs formes de violence dans sa bande dessinée. Une scène en particulier exprime la problématique de la représentation des corps s’inscrivant dans une perversion sans nom.&nbsp; Le protagoniste Clay, en cherchant le film qui met en vedette son ex-femme, arrive à une salle où est projeté «Darling Baby Love». Ce film montre deux bambins habillés en Monsieur et en Madame, plaqués l’un à l’autre par des bâtons. Ils sont forcés, pour ainsi dire, à s’embrasser étant donné leur inaptitude à comprendre le langage qu’on leur adresse. Déjà, du haut de leurs quelques mois, contraints à être manipulés comme des marionnettes et à répondre à des fantasmes qui les dépassent. Cette violence faite aux corps, dans la bande dessinée de Clowes, témoigne véritablement d’un malaise face aux contradictions qui émanent de la société dans laquelle <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> a vu le jour. Le <em>snuff movie</em> serait peut-être une forme d’archétype répondant à une forte pulsion de mort qui trouve, dans la bande dessinée de Clowes, l’espace parfait pour sa représentation. D’une certaine manière, Daniel Clowes, en surreprésentant le corps, vient l’inscrire dans une problématique sociétale, mais aussi littéraire, à l’intérieur d’un récit en image.</p> <p><strong>Le désir à néant</strong></p> <p>Ce qui est frappant dans <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> c’est qu’on ne sait d’où viennent les mutations. On sait que le «Mister Jones» y est lié, mais sans plus. Nous postulerons que les inscriptions, les marques, les mutations sur les corps témoignent d’une faille, d’un sentiment de vide, d’un aspect non représentable du corps humain qui propulse les protagonistes dans leur condition de marginal ou de solitaire désabusé. Dans un même ordre d’idée, après que Clay soit tombé inconscient suite à son passage à tabac par les policiers, il rêve (on le remarque par l’irrégularité des lignes qui bordent les cases,) et se voit couché sur son lit. La première case du rêve montre un petit bibelot que Clay semble regarder (on ne voit pas son visage) une main sur le sexe. Cette petite figurine rappelle la Vénus de Willendorf, quoique le visage de celle-ci soit habituellement caché. La case suivante montre ce dernier en train de regarder des photos pornographiques. Cette représentation des corps expose deux canons de beauté totalement différents. La première case présente une femme obèse symbolisant la fertilité et la vie, la seconde case exhibe des femmes aguichantes présentées par des titres aussi éloquents que «Slutty Garbage» ou encore «Shaved and oiled secretaries». Ceci témoigne de la volonté de Daniel Clowes de situer son protagoniste principal dans une réalité en distorsion par la juxtaposition des corps qui s’opposent.</p> <p><span class='wysiwyg_imageupload image imgupl_floating_none_left 0'><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove003.jpg" rel="lightbox[wysiwyg_imageupload_inline]" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 110"><img src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/wysiwyg_imageupload_lightbox_preset/wysiwyg_imageupload/11/velvet%20glove003.jpg" alt="41" title="Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 110" width="522" height="810" class="imagecache wysiwyg_imageupload 0 imagecache imagecache-wysiwyg_imageupload_lightbox_preset" style=""/></a> <span class='image_meta'><span class='image_title'>Daniel Clowes, Like a Velvet Glove Cast in Iron, p. 110</span></span></span></p> <p>En représentant un corps souffrant, violé, mutant ou à l’article de la mort, l’auteur porte un regard en abyme par le biais de son alter ego qu’il insère à l’intérieur de son œuvre (le réalisateur des <em>snuff movies</em>). Comme si d’une certaine manière les corps en souffrance agissaient en miroir, reflétant les maux dont les structures, les institutions et les individus sont atteints. Ce rapport malaisé aux corps, dans l’œuvre de Clowes, témoigne d’autant plus de sujets laissés pour compte dans leur désir de parvenir à se saisir de l’objet de leur fantasme. Le langage subversif dans le texte et les images de <em>Like a Velvet Glove Cast in Iron</em> permet à cette beauté froide d’éclore, empêchant au lecteur, pris au corps par le corps de l’œuvre, de la refermer sur elle-même. Nous sommes témoins et voyeurs impuissants, tout comme les protagonistes, des obsessions de ce bédéiste qui s’encrent toujours déjà d’une réalité témoin, elle aussi, d’un réel en souffrance et d’une perte de sens du côté du lecteur.&nbsp;&nbsp;</p> <p><em>Les </em><em>directeurs du dossier</em><em> tiennent à remercier chaleureusement Alvin Buenaventura, agent de Daniel Clowes, qui leur a accordé une autorisation de reproduction d'extraits des oeuvres de ce dernier.</em></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p>BROWNING, Tod, <em>Freaks</em>, Metro-Goldwym Mayor, 1932</p> <p>CLOWES, Daniel,<em> Like a Velvet Glove Cast in Iron</em>, Seattle, Fantagraphics, 1993.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a name="note1"></a><a href="#renvoi1">[1]</a> Long Métrage de Tod Browning sorti en 1932. Met en scène un cirque composé de monstres de foire. Hans, lilliputien, reçoit un héritage et un complot malsain s’élabore pour le lui substituer.</p> <p><a name="note2"></a><a href="#renvoi2">[2] </a>« Le&nbsp;snuff movie&nbsp;(ou&nbsp;snuff film) est un&nbsp;film, généralement&nbsp;pornographique, qui met en scène la&nbsp;torture&nbsp;et le&nbsp;meurtre&nbsp;d'une ou plusieurs personnes. Dans ces films clandestins, la victime est censée ne pas être un&nbsp;acteur,&nbsp;mais une personne véritablement assassinée. » Source : « Snuff Movie », dans<em> Wikipédia</em>, en ligne: <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Snuff_movie">http://fr.wikipedia.org/wiki/Snuff_movie</a> [consulté le 10 décembre 2011]</p> <p><a name="note3"></a><a href="#renvoi3">[3]</a> Je paraphrase ici les propos du réalisateur Srđan Spasojević recueillis lors de la première Canadienne du film <em>A Serbian Film </em>présenté lors du festival Fantasia à l’été&nbsp;2010.</p> Aliénation Altérité Cinéma CLOWES, Daniel Crime États-Unis d'Amérique Mort Obscénité et perversion Pornographie Pouvoir et domination Représentation de la sexualité Représentation du corps Société du spectacle Tabous Violence Bande dessinée Thu, 12 Jul 2012 19:55:06 +0000 Guillaume Beaulieu 545 at http://salondouble.contemporain.info La lecture coupable http://salondouble.contemporain.info/lecture/la-lecture-coupable <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/larrivee-stephane">Larrivée, Stéphane</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/lust">Lust</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p> Volupt&eacute;, envie, plaisir, luxure, d&eacute;sir. Autant de mots qui auraient pu traduire en fran&ccedil;ais le titre allemand de ce roman de Jelinek que l&rsquo;on a finalement laiss&eacute; intact, par souci d&rsquo;en pr&eacute;server la polys&eacute;mie. <em>Lust</em> se voulait initialement un contre-projet &agrave; <em>L&rsquo;Histoire de l&rsquo;&oelig;il</em> de Georges Bataille<a name="note1" href="#note1a"><strong>[1]</strong></a>, mais Jelinek s&rsquo;est r&eacute;v&eacute;l&eacute;e incapable de construire une esth&eacute;tique pornographique selon une perspective f&eacute;minine. Ainsi explique-t-elle son &laquo;&eacute;chec&raquo;: &laquo;il ne PEUT y avoir de langue sp&eacute;cifiquement f&eacute;minine du plaisir et de l&rsquo;obsc&eacute;nit&eacute;, parce que l&rsquo;objet de la pornographie ne peut d&eacute;velopper de langue qui lui soit propre<a name="note2" href="#note2a"><strong>[2]</strong></a>&raquo;. Selon l&rsquo;auteure, la seule option qui s&rsquo;offre aux femmes est de d&eacute;noncer le langage pornographique en le ridiculisant. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs un ton ironique qui domine toute la narration de ce roman. <em>Lust</em> met en sc&egrave;ne, dans une villa bourgeoise, les &eacute;bats d&rsquo;un couple auxquels assiste parfois leur jeune fils. L&rsquo;homme, directeur d&rsquo;une usine de papier, n&rsquo;attend de sa femme qu&rsquo;une seule chose: qu&rsquo;elle soit toujours pr&ecirc;te &agrave; satisfaire ses moindres pulsions sexuelles. De nombreuses sc&egrave;nes de violence et d&rsquo;obsc&eacute;nit&eacute;, comme celle-ci,&nbsp;se succ&egrave;dent:</p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"> Il la retient par les cheveux comme s&rsquo;il tenait encore le volant. Approchant du d&eacute;nouement, fr&eacute;missante, sa queue s&rsquo;abat dans les broussailles. Au dernier moment il d&eacute;rape, parce qu&rsquo;elle se crispe.&nbsp; L&rsquo;homme lui ass&egrave;ne un coup de poing dans la nuque, oriente puissamment la voix dans sa direction (p.162). <p></p></span></div> <p>Dans une tentative d&rsquo;&eacute;chapper au contr&ocirc;le de son &eacute;poux, Gerti, compl&egrave;tement ivre, s&rsquo;enfuit du domicile conjugal et rencontre Michael, un jeune &eacute;tudiant en droit, qui devient son amant. Ce dernier se r&eacute;v&egrave;le cependant tout aussi violent que le mari qui l&rsquo;a faite fuir et il la viole en compagnie de ses amis lors de leur deuxi&egrave;me rencontre. De retour &agrave; la maison, Gerti s&rsquo;accroche tout de m&ecirc;me &agrave; ce nouvel espoir et, quelques jours plus tard, trompant la vigilance de son mari, elle s&rsquo;enfuit &agrave; nouveau et se dirige chez son amant, qui refuse de lui ouvrir. Hermann rattrape alors sa femme et la viole dans la voiture, sous les yeux de Michael qui se masturbe derri&egrave;re la fen&ecirc;tre. Finalement, Gerti tue son fils en lui recouvrant la t&ecirc;te d&rsquo;un sac de plastique et abandonne son corps dans une rivi&egrave;re &agrave; proximit&eacute;.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong> L&rsquo;envers du roman psychologique<br /> </strong></span><br /> Sur le plan formel, l&rsquo;une des particularit&eacute;s les plus visibles de <em>Lust</em> est certainement le fait que la voix narrative envahisse tout le roman. En effet, la narratrice fait sentir sa pr&eacute;sence &agrave; tout moment &agrave; travers les nombreux commentaires, jugements et digressions dont le texte regorge. Ainsi, l&rsquo;instance narrative s&rsquo;affirme dans sa posture de m&eacute;diatrice en assujettissant le r&eacute;cit &agrave; sa vision subjective. L&rsquo;histoire racont&eacute;e semble alors n&rsquo;&ecirc;tre plus qu&rsquo;un pr&eacute;texte &agrave; l&rsquo;instauration de cette voix qui deviendrait, en quelque sorte, l&rsquo;essence m&ecirc;me de ce roman.</p> <p>De plus, le lecteur remarquera ais&eacute;ment que, dans <em>Lust</em>, les personnages perdent toute consistance psychologique. En effet, l&rsquo;individualit&eacute; des protagonistes semble &ecirc;tre compromise en raison de leurs lacunes identitaires: bien qu&rsquo;ils aient des pr&eacute;noms, ceux-ci ne sont r&eacute;v&eacute;l&eacute;s qu&rsquo;apr&egrave;s un certain moment &mdash;&agrave; la page dix-neuf pour l&rsquo;homme et &agrave; la page cinquante-neuf pour la femme&mdash; et sont, par la suite, rarement utilis&eacute;s. On leur pr&eacute;f&egrave;re les simples d&eacute;nominations &laquo;l&rsquo;homme&raquo; et &laquo;la femme&raquo;, ce qui a pour effet de contribuer &agrave; &eacute;tablir Hermann et Gerti comme mod&egrave;les universels de la masculinit&eacute; et de la f&eacute;minit&eacute;. Les personnages ne sont donc plus que des repr&eacute;sentants de leur genre et de leur classe sociale. Leurs motivations psychologiques sont &eacute;vinc&eacute;es au profit d&rsquo;une description de leurs comportements, qui joue volontairement sur l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; entre le cas particulier et le g&eacute;n&eacute;ral. En ce sens, l&rsquo;&eacute;criture de Jelinek rel&egrave;ve davantage de la sociologie que de la psychologie: plut&ocirc;t que de montrer l&rsquo;&eacute;volution d&rsquo;un personnage tout au long d&rsquo;un parcours lin&eacute;aire, elle tente de mettre au jour les structures sociales qui expliquent et d&eacute;terminent les comportements d&eacute;crits.</p> <p>La structure lin&eacute;aire de l&rsquo;intrigue est aussi abandonn&eacute;e dans <em>Lust</em>. Jelinek a plut&ocirc;t opt&eacute; pour une s&eacute;rie de tableaux qui s&rsquo;inscrivent dans la discontinuit&eacute;. Hormis quelques passages un peu plus continus, les sc&egrave;nes qui nous sont pr&eacute;sent&eacute;es, et en particulier les sc&egrave;nes de sexualit&eacute;, sont rarement ancr&eacute;es dans une temporalit&eacute; pr&eacute;cise et ne rel&egrave;vent pas d&rsquo;une logique causale. On a affaire ici davantage &agrave; une logique de l&rsquo;accumulation, o&ugrave; les sc&egrave;nes reprennent sans cesse des actions semblables, comme pour cristalliser les comportements d&eacute;crits dans la g&eacute;n&eacute;ralit&eacute;.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong> La marchandisation de la femme<br /> </strong></span><br /> Au-del&agrave; de la structure, qui en favorisant l&rsquo;inscription de l&rsquo;histoire dans une vis&eacute;e universelle contribue &agrave; instaurer une v&eacute;ritable critique sociale, ce sont les th&egrave;mes du pouvoir et de l&rsquo;autorit&eacute; qui soutiennent la charge critique du roman. En accordant tous les pouvoirs &agrave; Hermann, le texte joue &agrave; &eacute;tablir des parall&egrave;les entre l&rsquo;&eacute;pouse et les prol&eacute;taires qui, tous, subissent les abus d&rsquo;autorit&eacute; du directeur: &laquo;L'homme neutralise la femme de tout son poids.&nbsp; Pour neutraliser les ouvriers qui alternent dans la joie travail et repos, sa signature suffit, nul besoin de peser sur eux de tout son corps&raquo; (p.20). Ainsi, en un seul homme se condensent deux crimes: l&rsquo;exploitation capitaliste et l&rsquo;exploitation sexuelle de la femme. Le rapprochement entre ces deux crimes est de plus en plus clair &agrave; mesure que l&rsquo;on comprend que la relation maritale repr&eacute;sente en fait une forme de prostitution et que la femme re&ccedil;oit des compensations mat&eacute;rielles pour son travail sexuel. Gerti se voit d&rsquo;ailleurs d&eacute;crite comme une employ&eacute;e: &laquo;Via catalogues [Hermann] procure &agrave; sa femme force lingerie affriolante, afin que chaque jour son corps puisse se pr&eacute;senter d&eacute;cemment &agrave; son travail<a name="note3" href="#note3a"><strong>[3]</strong></a>&raquo; (p.36). De m&ecirc;me, &agrave; l&rsquo;image de l&rsquo;&Eacute;tat qui l&eacute;gitime l&rsquo;exploitation capitaliste, la violence au sein du mariage est cautionn&eacute;e par l&rsquo;&Eacute;glise: &laquo;La soci&eacute;t&eacute; chr&eacute;t. qui jadis les maria, leur a accord&eacute; ce divertissement. Le p&egrave;re peut savourer la m&egrave;re &agrave; l'infini, la froisser, ainsi que ses v&ecirc;tements, jusqu'&agrave; ce qu'elle n'ait plus peur pour ses secrets<a name="note4" href="#note4a"><strong>[4]</strong></a>&raquo; (p.135).</p> <p>Ces parall&egrave;les entre la femme et les travailleurs insistent sur le fait que, dans la vision du monde du directeur, Gerti n&rsquo;&eacute;chappe pas aux r&egrave;gles de la soci&eacute;t&eacute; marchande. La narratrice ironise d&rsquo;ailleurs sur l&rsquo;attitude de Hermann qui, constatant la disparition de son &eacute;pouse, se tournerait davantage vers son assureur que vers la police: &laquo;Le directeur a-t-il d&eacute;j&agrave; contact&eacute; son assurance, pour &eacute;viter que sa femme ne le remplace tout simplement par un citoyen plus jeune?&raquo; (p.133). Contest&eacute;e par la narratrice, la conduite du directeur suscite &eacute;galement la d&eacute;rision lorsque celui-ci pousse jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;absurde l&rsquo;appropriation de sa femme: &laquo;Depuis quelque temps il a aussi interdit &agrave; sa petite Gerti de se laver, car m&ecirc;me ses odeurs lui appartiennent&raquo; (p. 59). Le pouvoir exerc&eacute; par Hermann, excessif et arbitraire, est donc constamment l&rsquo;objet de l&rsquo;ironie de la narratrice.</p> <p>L&rsquo;exploitation et l&rsquo;abus de pouvoir qui semblent tant critiqu&eacute;s par le roman d&eacute;bouchent cependant sur un &eacute;tonnant paradoxe: tout en critiquant l&rsquo;autorit&eacute;, la voix narrative se montre elle-m&ecirc;me tr&egrave;s autoritaire. En effet, la narratrice met en &eacute;vidence son pouvoir sur la fiction qu&rsquo;elle raconte: &laquo;Oui, aujourd'hui il y a du soleil, ainsi en ai-je d&eacute;cid&eacute;&raquo; (p.174). Elle se pr&eacute;sente alors comme une cr&eacute;atrice qui tire toutes les ficelles de l&rsquo;histoire qu&rsquo;elle met en sc&egrave;ne. Sa pr&eacute;sence autoritaire dans l&rsquo;&oelig;uvre se confirme &eacute;galement par ses manifestations id&eacute;ologiques, qui passent par de nombreux jugements sur les personnages. Elle qualifie par exemple Michael de &laquo;trou du cul&raquo; (p.204) et dit de Hermann qu&rsquo;il &laquo;n&rsquo;a pas de c&oelig;ur&raquo; (p.145). Ces interventions contribuent &agrave; instaurer un rapport de force entre le texte et le lecteur, au d&eacute;triment de ce dernier qui voit son pouvoir d&rsquo;interpr&eacute;tation r&eacute;duit au maximum &agrave; la suite de telles indications. Ainsi la narratrice reconduit-elle avec le narrataire les m&ecirc;mes gestes autoritaires qu&rsquo;elle s&rsquo;&eacute;vertue &agrave; d&eacute;noncer chez Hermann et chez Michael.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong> D&eacute;truire le plaisir de la lecture<br /> </strong></span><br /> Dans son essai <em>L&rsquo;effet-personnage dans le roman</em><a name="note5" href="#note5a"><strong>[5]</strong></a>, Vincent Jouve divise l&rsquo;instance lectorale en trois parties, dont l&rsquo;une d&rsquo;elles, le &laquo;lu&raquo;, est surtout li&eacute;e aux plaisirs inconscients de la lecture et &agrave; une certaine forme de voyeurisme. C&rsquo;est sur cette composante que semble jouer <em>Lust</em> lorsque la narratrice s&rsquo;adresse au narrataire. En effet, les diverses interventions qui mettent en sc&egrave;ne le lecteur contribuent &agrave; associer le plaisir de la lecture avec le d&eacute;sir sexuel des personnages masculins du roman, assimilant du coup la lecture &agrave; une sorte de perversion. C&rsquo;est ce qui se produit ici par exemple: &laquo;De son bijou [celui de Gerti] ne part plus qu'une &eacute;troite sente o&ugrave; lui, l'&eacute;tudiant, homme instruit et d'humeur cl&eacute;mente, se tient et attend, ainsi que tous mes lecteurs, le moment de pouvoir enfin y retourner<a name="note6" href="#note6a"><strong>[6]</strong></a>&raquo; (p. 154). Dans cet extrait, &laquo;bijou&raquo; est la traduction de &laquo;Muschi&raquo;, un terme populaire qui d&eacute;signe les parties g&eacute;nitales de la femme. La curiosit&eacute; des lecteurs est ainsi compar&eacute;e au d&eacute;sir de Michael, ce qui tend &agrave; mettre en &eacute;vidence la perversit&eacute; inh&eacute;rente &agrave; l&rsquo;acte de lecture.</p> <p>Jouve associe le plaisir voyeuriste de la lecture &agrave; la figure de l&rsquo;enfant qui surprend ses parents pendant l&rsquo;acte: &laquo;Le lecteur, seul comme l&rsquo;enfant de la sc&egrave;ne primitive, observe des personnages qui, &agrave; l&rsquo;instar du couple parental, ignorent qu&rsquo;ils sont observ&eacute;s<a name="note7" href="#note7a"><strong>[7]</strong></a>&raquo;. Or, dans <em>Lust</em>, cette figure est fictionnalis&eacute;e &agrave; travers le fils qui espionne constamment ses parents. Cet enfant pourrait ainsi &ecirc;tre une repr&eacute;sentation du lecteur ou, du moins, d&rsquo;un certain type de lecteur. Mais il faut alors se rendre jusqu&rsquo;au bout d&rsquo;un tel raisonnement: la finale du roman, dans laquelle Gerti assassine son fils, repr&eacute;senterait donc aussi la condamnation de ce regard pornographique qui participe &agrave; l&rsquo;objectivation de la femme. Cette critique devient de plus en plus &eacute;vidente &agrave; mesure que le rapport au lecteur se fait plus condescendant. En pr&eacute;sentant une structure atypique et une suite d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements qui tend &agrave; repousser le lecteur, <em>Lust</em> d&eacute;courage l&rsquo;&oelig;il lubrique et la narratrice se moque d&rsquo;une telle posture de lecture: &laquo;Avez-vous toujours plaisir &agrave; lire et &agrave; vivre? Non? Vous voyez bien&raquo; (p.181).</p> <p>En somme, la structure de <em>Lust</em> attribue &agrave; l&rsquo;histoire une valeur exemplaire qui la fait appara&icirc;tre comme une critique acerbe des rapports d&rsquo;appropriation dont la femme est victime. En ce sens, l&rsquo;&oelig;uvre de Jelinek peut para&icirc;tre se d&eacute;tacher de la production contemporaine: alors qu&rsquo;un certain mouvement de retour au r&eacute;cit est observ&eacute;, les textes de Jelinek, et <em>Lust</em> en particulier, semblent d&eacute;naturer le r&eacute;cit afin de l&rsquo;assujettir &agrave; la critique sociale. Ainsi, non seulement le plaisir du lecteur n&rsquo;est-il pas convoqu&eacute; dans l&rsquo;&oelig;uvre; il est ce que <em>Lust</em> cherche &agrave; d&eacute;truire. On peut d&egrave;s lors rappeler la c&eacute;l&egrave;bre distinction de Roland Barthes:</p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"> Texte de plaisir: celui qui contente, emplit, donne de l&rsquo;euphorie; celui qui vient de la culture, ne rompt pas avec elle, est li&eacute; &agrave; une pratique confortable de la lecture. Texte de jouissance: celui qui met en &eacute;tat de perte, celui qui d&eacute;conforte (peut-&ecirc;tre jusqu&rsquo;&agrave; un certain ennui), fait vaciller les assises historiques, culturelles, psychologiques, du lecteur, la consistance de ses go&ucirc;ts, de ses valeurs et de ses souvenirs, met en crise son rapport au langage<a name="note8" href="#note8a"><strong>[8]</strong></a>. <p></p></span></div> <p><em>Lust</em>, qui pr&eacute;sente une logique d&eacute;ceptive, s&rsquo;inscrit de toute &eacute;vidence dans la seconde cat&eacute;gorie. En condamnant l&rsquo;acte m&ecirc;me de lecture, la narratrice confine le lecteur &agrave; une zone d&rsquo;inconfort et le prend au pi&egrave;ge. Ainsi, Jelinek marque son opposition &agrave; toute une tradition occidentale de r&eacute;cits pornographiques &eacute;crits par des hommes, pour des hommes, en s&rsquo;attaquant &agrave; la lecture complaisante de ces &oelig;uvres qu&rsquo;elle d&eacute;signe, au final, comme un acte coupable.<br /> <a href="#note1a"><br /> </a><br /> <hr /> <a name="note1a" href="#note1"><strong>[1]</strong></a> <em>L&rsquo;Histoire de l&rsquo;&oelig;il</em> fait partie des r&eacute;cits pornographiques de Bataille, dans lesquels l&rsquo;acte sexuel est consid&eacute;r&eacute; par bon nombre de critiques comme l&rsquo;exp&eacute;rience de la transgression. Il s&rsquo;agirait en fait d&rsquo;une m&eacute;taphore de l&rsquo;&eacute;criture litt&eacute;raire, vue comme pratique transgressive du langage. Par contre, d&rsquo;autres critiques, provenant majoritairement des &eacute;tudes f&eacute;ministes, voient plut&ocirc;t les textes de Bataille comme une manifestation de la domination patriarcale (cf. Susan Suleiman, &laquo;La pornographie de Bataille: Lecture textuelle, lecture th&eacute;matique&raquo;, Po&eacute;tique, vol. 16, n&deg; 64 (nov. 1985), pp.483-493).</p> <p><a name="note2a" href="#note2"><strong>[2]</strong></a> <em>Entretien avec Elfriede Jelinek</em>, propos recueilli par Yasmin Hoffmann, dans Elfriede Jelinek, <em>Lust</em>, op. cit., p.280.</p> <p><a name="note3a" href="#note3"><strong>[3]</strong></a> Pr&eacute;cisons ici que la femme n&rsquo;a aucun emploi, son &laquo;travail&raquo; consistant &agrave; satisfaire, &agrave; tout moment, les d&eacute;sirs sexuels de son mari.</p> <p><a name="note4a" href="#note4"><strong>[4]</strong></a> Le mot &laquo;chr&eacute;t.&raquo; est &eacute;crit ainsi dans le texte. Jelinek utilise fr&eacute;quemment de telles abr&eacute;viations avec des mots qui ne portent pas &agrave; confusion. Dans le texte original, elle a opt&eacute; pour &laquo;christl.&raquo; au lieu de &laquo;christlichen&raquo;.</p> <p><a name="note5a" href="#note5"><strong>[5]</strong></a> Vincent Jouve, <em>L&rsquo;effet-personnage dans le roman</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 1992, 271 p.</p> <p><a name="note6a" href="#note6"><strong>[6]</strong></a> La connotation sexuelle est beaucoup plus explicite dans le texte original: &laquo;Von ihrer Muschi f&uuml;hrt nur noch ein schmales Wegerl weg, wo er, der Student, mit all meinen Lesern steht und wartet, da&szlig; er, gebildet, mild in seiner Witterung, wieder herein darf&raquo;, Elfriede Jelinek, <em>Lust</em>, Hambourg, Rowohlt Taschenbuch Verlag, 1989, p. 145.</p> <p><a name="note7a" href="#note7"><strong>[7]</strong></a> Vincent Jouve, <em>L&rsquo;effet-personnage dans le roman</em>, <em>op. cit</em>., p. 91.</p> <p><a name="note8a" href="#note8"><strong>[8]</strong></a> Roland Barthes, <em>Le plaisir du texte</em>, Paris, Seuil (Points &ndash; Essais), 1973, pp. 22-23.</p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/la-lecture-coupable#comments Autorité narrative Autriche BARTHES, Roland BATAILLE, Georges Féminisme JELINEK, Elfriede JOUVE, Vincent Luttes des classes Obscénité et perversion Plaisir Pouvoir et domination Représentation de la sexualité Théories de la lecture Transgression Violence Roman Fri, 25 Jun 2010 20:51:09 +0000 Stéphane Larrivée 243 at http://salondouble.contemporain.info