Salon double - CALLE, Sophie
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frLa rassurante présence des déclassés
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<a href="/equipe/paquet-amelie">Paquet, Amélie </a> </div>
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<a href="/biblio/teen-spirit">Teen Spirit</a> </div>
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<a href="/biblio/bye-bye-blondie">Bye Bye Blondie</a> </div>
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<!--break--><!--break--><div> </div>
<div>«D’un certain point de vue, ça m’aurait contrariée, je veux pas y aller de mon couplet marxiste, mais j’aurais pas trouvé moral qu’on épargne le seul vrai bourge qu’on croise.»<br />
Virginie Despentes, <em>Baise-moi</em></div>
<div> </div>
<div>À l’évidence, la lutte des classes dans la littérature tient d’une autre époque. La théorie littéraire marxiste est passée de mode, et sans doute nos contemporains espèrent-ils que la littérature d’aujourd’hui se soit enfin débarrassée des divisions de classe. Comme l’explique Frederic Jameson dans la conclusion d’<em>Aesthetics and Politics </em>[1977], un livre qui retrace les célèbres débats à propos de l’esthétique de plusieurs penseurs d’inspiration marxiste tels que Theodor W. Adorno, Walter Benjamin, Ernst Bloch, Bertolt Brecht et Georg Lukács, l’attaque la plus récurrente et percutante contre les marxistes est celle qui leur reproche l’utilisation des classes sociales pour appréhender les textes littéraires : «Nothing has, of course, more effectively discredited Marxism than the practice of affixing instant class labels (generally ‘petty bourgeois’) to textual or intellectual objects<a name="note1b" href="#note1a"><strong>[1]</strong></a>». Le travail de Lukács, qui a notamment contribué aux développements théoriques du concept de médiation<a name="note2b" href="#note2a"><strong>[2]</strong></a>, a montré la désolante réification du monde inhérente à l’œuvre chez les écrivains naturalistes. D’une certaine manière, on reproche à leur tour aux penseurs marxistes de réifier les individus par l’utilisation des classes sociales. Or, Jameson montre que l’analyse idéologique des discours que défendent les intellectuels marxistes est indissociable d’une conception théorique des classes sociales. La théorie littéraire marxiste ne peut pas se passer d’une réflexion en profondeur à propos des divisions de classe. Elle ne peut donc pas s’en détacher pour plaire à ses détracteurs. Les penseurs postmodernes, qui nous ont montré que les étiquettes sont fautives et dangereuses, sont du nombre. Tous les termes qui désignent un groupe d’individus, comme ceux de «prolétaire» et «bourgeois», sont suspects selon eux, car ils sont trop limités et pas suffisamment nuancés pour décrire le monde rempli de différences qui est le nôtre. Dans les deux derniers romans de Virginie Despentes, <em>Teen Spirit</em> [2002] et <em>Bye Bye Blondie </em>[2004], les divisions de classe ne sont pourtant pas désuètes; elles sont bien au contraire au cœur des déchirements que vivent les personnages qu’ils mettent en scène. J’aimerais réfléchir à cette tension importante dans ces romans entre prolétaire et bourgeois afin de comprendre pourquoi Despentes juge pertinent d’utiliser ces nominatifs dans un contexte littéraire. Elle tire ces catégories de la culture politique punk de gauche radicale, qui s’est complètement réappropriée le vocabulaire marxiste.</div>
<div class="rteright"> </div>
<p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Despentes, la parvenue</strong></span></p>
<p>En 1998, à l’émission culturelle française <em>Le Cercle de minuit</em>, Virginie Despentes est reçue le même jour que Sophie Calle pour la sortie de leurs derniers livres respectifs. Pour Despentes, il s’agit de la parution de <em>Les jolies choses</em>. L’animateur tient à opposer les deux écrivaines. Défendant l’idée que Calle travaille à partir de sa vie imaginaire et que Despentes écrit plutôt à partir de sa vie réelle, il dit de Despentes qu’elle est l’anti-Sophie Calle. Despentes, qui affirme être devenue écrivaine «par inadvertance», rétorque qu’elle invente beaucoup au contraire. Elle considère la différence entre les deux femmes comme une différence de classe sociale. Sophie Calle, fille de petits bourgeois<a name="note3b" href="#note3a"><strong>[3]</strong></a>, écrit pour son milieu, un milieu qui connaît bien l’écriture, alors que Despentes appartient, au moment où elle rédige son premier roman <em>Baise-moi</em> [1993], au monde de ceux qui n’écrivent pas, comme elle l’explique à l’animateur : </p>
<div class="rteindent1">
<span style="color: rgb(128, 128, 128);">Il y a un courage de ma part, d’où je viens, de faire des livres. Il y a un courage comme ça, mais à part ça, il n’y a rien d’autre. […] Je ne suis pas rendue compte que j’étais en train de faire un truc qui n’appartenait pas à ma classe sociale, je ne m’en suis pas rendue compte du tout, je m’en suis rendue compte une fois que je suis arrivée dans une classe sociale nouvelle<a name="note4b" href="#note4a"><strong>[4]</strong></a>. </span><br />
</div>
<p>Au tout début de <em>Teen Spirit</em> apparaît d’ailleurs cette idée que la parole des bourgeois serait plus légitime que celle des prolétaires : </p>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><br />
Une jolie voix de femme, très classe, petit accent de bourge pointu, une façon de dire les voyelles et de prononcer chaque mot nettement, comme font les gens qui savent qu’ils ont le droit au temps de parole et à l’articulation précieuse, m’a tout de suite mis une légère gaule. Une voix qui évoquait le tailleur et les mains bien manucurées. (TS, p. 11)</span><br />
</div>
<p>La bourgeoise qui téléphone au narrateur ne parle pas mieux que les autres parce qu’elle serait plus éduquée, mais parce qu’elle se sait détenir «le droit au temps de parole», droit qui lui permet de prendre son temps lorsqu’elle s’exprime et de rendre tous les mots dans l’entièreté de leur forme. Cette voix séduit tout autant qu’elle dégoûte le narrateur. </p>
<p>Sur le plateau de <em>Tout le monde en parle</em>, en 2002, Thierry Ardisson demande à Despentes : «Dites-moi, Virginie, vous êtes embourgeoisée ou non?» On peut déceler dans cette question une critique qui viserait à remettre Despentes à sa place; elle ne peut plus jouer à l’écrivaine <em>trash</em> et rebelle si elle appartient désormais au monde des petits bourgeois. La question contient aussi une injonction à travers la formule «oui ou non» : elle impose de faire le point une fois pour toutes sur le statut de «parvenue» de l’écrivaine. Pas du tout heurtée par la question, Despentes répond sans hésitation<a name="note5b" href="#note5a"><strong>[5]</strong></a> : «Par rapport à l’époque de <em>Baise-moi</em> [le roman], oui carrément. C’est pas vraiment la même vie quoi<a name="note6b" href="#note6a"><strong>[6]</strong></a>». Pour cette émission, elle était d’ailleurs habillée selon les mœurs de sa nouvelle classe, tailleur et lunettes sérieuses, elle ne s’y présentait pas habillée en punk comme elle a pu le faire à d’autres occasions. De toute évidence, elle accepte sa nouvelle place dans le monde. Peut-être déçu qu’elle réagisse si bien à sa question, Ardisson renchérit : «Vous avez l’impression d’avoir été récupérée par le système? ». Elle répond le sourire aux lèvres : « Non, vu la sortie du film [<em>Baise-moi</em><a name="note7b" href="#note7a"><strong>[7]</strong></a>], ça va. Je suis tranquille de ce côté-là.» L’écrivaine s’est embourgeoisée peut-être, mais loin est encore l’époque où le film <em>Baise-moi</em> fera partie du grand répertoire cinématographique bourgeois. La frontière trop mince entre le film d’auteur et la pornographie <em>hardcore</em> fait de <em>Baise-moi</em> un film qui résiste à une récupération par le système. Du moins, pour le moment<a name="note8b" href="#note8a"><strong>[8]</strong></a>. </p>
<p>Dans <em>King Kong Théorie</em>, essai féministe puissant et important de Despentes, elle donne un exemple bien concret de la parole nécessairement irrecevable de certains individus. Elle se réfère aux sorties médiatiques qu'elle a entreprises pour la promotion du film <em>Baise-moi </em>avec Coralie Trinh Thi, ex-porn star et co-réalisatrice du film. Elle s'est aperçue que certaines citations de Trinh Thi lui étaient souvent injustement attribuées :</p>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Les uns et les autres tombaient d’accord sur un point essentiel : il fallait lui ôter [à Coralie Trinh Thi] les mots de la bouche, lui couper la parole, l’empêcher de parler. Jusque dans les interviews, où ses réponses ont souvent été imprimées, mais m’étaient attribuées. Je ne focalise pas ici sur des cas isolés, mais sur des réactions quasi systématiques. Il fallait qu’elle disparaisse de l’espace public. Pour protéger la libido des hommes, qui aiment que l’objet du désir reste à sa place, c’est-à-dire désincarné, et surtout muet<a name="note9b" href="#note9a"><strong>[9]</strong></a>. </span><br />
</div>
<p>Entre les deux femmes, l'écrivaine, nouvellement petite bourgeoise, a plus d’autorité auprès de la classe dominante que l'ex-porn star. Il est plus logique que ce soit elle qui parle, parce qu'elle est la seule des deux qui a un certain droit à la parole.</p>
<p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Les moins que rien du </strong><em><strong>Lumpenproletariat</strong></em></span></p>
<p>Je ne tenterai pas dans ce texte de démontrer la validité ou l’invalidité politique des classes sociales aujourd’hui. Cependant, pour réfléchir à <em>Teen Spirit</em> et à <em>Bye Bye Blondie</em>, cette question refait nécessairement surface. Virginie Despentes, l’écrivaine, aborde le monde autour d’elle selon ces divisions de classes, sa sensibilité connaît cette tension entre prolétaires et bourgeois. C’est à partir de cette séparation que Despentes se positionne. Je l’ai montré avec l’exemple de <em>Tout le monde en parle</em>, c’est aussi à partir des classes sociales qu’on s’adresse à elle. Bruno, le narrateur de <em>Teen Spirit</em>, et Gloria, le personnage principal de <em>Bye Bye Blondie</em>, sont tous les deux des prolétaires. On pourrait même dire, pire encore, qu’ils appartiennent au <em>Lumpenproletariat</em><a name="note10b" href="#note10a"><strong>[10]</strong></a>. Ils sont des ratés, des déclassés, des êtres totalement sans intérêt pour le monde bourgeois puisqu’ils ne s’adaptent même pas à la vie de salarié. Le scénario des deux romans se ressemblent beaucoup, d’où l’intérêt de réfléchir à ces livres ensemble. Bruno reprend contact au tout début du roman avec une ancienne amante bourgeoise, Alice Martin, et Gloria revoit un ex-amoureux bourgeois, Éric, vingt ans après leur séparation.</p>
<p><em>Bye Bye Blondie</em> raconte l’histoire d'amour entre Gloria, une «punkette destroy» (<em>BBB</em>, p. 95), et Éric, un «skin psychopathe» (<em>BBB</em>, p. 95), qui se rencontrent, adolescents, dans un hôpital psychiatrique alors qu'on tente de les réhabiliter. Ils partagent à ce moment le même mal de vivre, le même dégoût devant l’obligation de s’adapter au système. Gloria ne cède jamais. Pour elle, son dégoût est bien réel, bien trop profond pour que cela passe en vieillissant. Gloria ira jusqu’à s’exclure du monde en refusant le travail salarié, alors qu’Éric travaillera fort pour s’adapter. Il réussit tellement bien qu’il devient une vedette du système, l’icône séduisante de ceux auxquels il refusait jadis de ressembler. Les parents d'Éric sont des bourgeois, cette appartenance de son amoureux à ce milieu la rebute d'emblée. Lorsqu'elle visite sa chambre la première fois, après qu’ils aient tous les deux quitté l’hôpital, elle voit bien leur différence : «Chaîne hi-fi, collection de disques, magnétoscope, télé, jeu vidéo, consoles, maquettes d'avion. Gloria était touchée, en même temps que catastrophée, qu'il n'ait pas honte de l'emmener là» (<em>BBB</em>, p. 97). Comme la voix de la bourgeoise Alice Martin, dans <em>Teen Spirit</em>, qui excite et dégoûte Bruno, Gloria est à la fois attirée et repoussée par cette exhibition de sa fortune familiale. Les parents d'Éric ne trouvent pas que Gloria est une assez bonne fréquentation pour leur fils; ils le menacent donc de l'envoyer dans une école militaire suisse s'il continue de la voir. Il décide alors de quitter la maison. </p>
<p>Avec Gloria, il part en cavale dans la France à la recherche de concerts punk. Au cours du voyage, les amoureux sont arrêtés par la police. Dans les romans de Despentes, on ne fait jamais un bon accueil aux policiers. Il faut dire que ses personnages sont souvent des parias, ils sont de ceux qui connaissent de près la violence que peuvent exercer les forces de l'ordre au nom du maintien des privilèges des mieux nantis. Dans une scène du roman <em>Baise-moi</em>, par exemple, Manu est témoin d’un accident. Elle veut sauver la victime, Karla : «Elle appelle les pompiers dans la foulée ; les flics, elle n’a pas trop confiance parce qu’elle parle trop mal. Mais les pompiers lui inspirent davantage confiance<a name="note11b" href="#note11a"><strong>[11]</strong></a>». Manu se sent condamnée d’avance, elle ne peut demander l’aide des policiers en toute confiance parce qu’elle ne maîtrise pas correctement le langage, le langage de ceux au secours desquels on vient. Après la nuit que Gloria et Éric passent en prison, ils sont séparés. Les policiers, qui jugent le fils de bourgeois inadéquat pour la vie de punk, décident de le remettre à ses parents. Du jour au lendemain, Gloria se retrouve seule. Elle ne peut plus prendre contact avec lui. </p>
<p>Éric et Gloria se retrouvent vingt ans plus tard. Non seulement Éric est-il devenu un bourgeois, il est en plus une star de la télévision, l’animateur en vue d’une émission culturelle. Malgré tout ce succès, il est malheureux et veut revoir Gloria. Il sait que sa nouvelle vie la dégoûte, mais il recherche son aversion. Il désire près de lui cette femme qui rejette son métier plus que toutes les autres. Il a toujours aimé cette colère immense qu’elle porte en elle. Lors de leurs premières rencontres, Éric lui a dit : «Moi, je ne m'énerve jamais. J'aimerais beaucoup que ça m'arrive.» (<em>BBB</em>, p. 67) Il a besoin de sa colère pour survivre. La narratrice de <em>Bye Bye Blondie</em> ne critique pas les divisions sociales, elle se les approprie totalement. Elle explique les problèmes qu’elle vit avec Éric à partir d’une incompatibilité de classe, qu’ils tentent de surmonter pour vivre ensemble<a name="note12b" href="#note12a"><strong>[12]</strong></a>.</p>
<p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>L’étonnant destin d’un raté</strong></span></p>
<p>Comme je l’écrivais, dans <em>Teen Spirit</em>, Despentes construit le scénario similaire. Au tout début du roman, Bruno reçoit un appel d’une ancienne amante qui lui apprend qu’elle a eu un enfant de lui. N’étant plus capable de contrôler sa fille qui veut à tout prix connaître son père, Alice fait ce qu’elle croyait jusqu’alors impensable, elle propose à Bruno d’entrer dans leur vie en rencontrant sa fille. La jeune adolescente est ravie, elle aime ce père que sa mère lui avait présenté comme un «clodo» (<em>TS</em>, p. 81); la présence négative de Bruno, qui est tout le contraire de sa mère, l’enchante. Au grand dam d’Alice, qui espère que cette folie –celle de faire de Bruno un père– ne se prolonge pas trop longtemps, Bruno se révèle plutôt doué dans son rôle : </p>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Alice était déçue que j’arrive à l’heure, en pleine forme et de bonne humeur. Elle s’était fait une idée de moi : zonard, incapable, pas fiable et caractériel. Reposant sur de vieilles images, et sur un fantasme de bad boy. C’était ce genre de bourge, déçue que je ne sois plus destroy. Elle avait toutes ses dents, ses cheveux bien brillants et sa peau bien soignée, mais, pour le folklore, elle aurait bien voulu d’un punk traînant dans ses barrages. (<em>TS</em>, p. 128)</span><br />
</div>
<p>Elle n’a aucune envie de connaître ce Bruno transformé qui prend ses responsabilités et qui s’occupe avec joie de sa fille. Comme sa fille et comme Éric dans <em>Bye Bye Blondie</em>, Alice recherche elle aussi dans sa vie une présence négative. On aime les ratés à leur place, dans leur rôle bien rassurant et apaisant de perdant. </p>
<p>À la fin de <em>Teen Spirit</em>, un événement extérieur à la vie des protagonistes survient : les tours du World Trade Center tombent, détruisant au passage le monde financier sur lequel repose la vie d’Alice. Despentes propose ainsi sa lecture à la sauce anticapitaliste du 11 septembre 2001, mais très efficacement elle nuance son portrait. Devant l’événement qui bouleverse Alice, Bruno devient subitement une présence réconfortante, il lui permet de reposer ses craintes sur quelqu’un. Confronté à un événement tragique, Bruno est plus résistant qu’Alice, plus apte qu’elle à s’adapter aux bouleversements du monde : «Je faisais partie des gens mal adaptés que les situations de chaos remettaient paradoxalement en phase» (TS, p. 221) Personne n’est préparé à être confronté à un événement, un événement est toujours de trop, toujours imprévisible. Judith Butler situe brièvement de façon théorique, dans un passage du <em>Pouvoir des mots</em> [1997], l’événement traumatique et le trauma social :</p>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">L’événement traumatique est une expérience prolongée qui échappe [<em>defies</em>] à la représentation et la propage simultanément. Le trauma social prend la forme non d’une structure qui se répète mécaniquement, mais plutôt celle d’une sujétion continuelle, celle de la remise en scène de l’injure par des signes qui à la fois oblitèrent et rejouent la scène<a name="note13b" href="#note13a"><strong>[13]</strong></a>. </span><br />
</div>
<p>L’événement est un phénomène, au sens philosophique, qui n’est jamais à l’arrêt. Il est fuyant, comme l’écrit Butler, et cette fuite, hors de l’immédiate représentation, lui permet de prolonger son insaisissable bouleversement. Le déclassé, victime d’un certain trauma social, est celui qui a réussi à survivre à sa manière aux violences de ce monde qui l’exclut. Peut-être cette expérience lui donne-t-elle quelque chose de plus pour tenir le coup face à une grande catastrophe ? C’est ce que la finale de <em>Teen Spirit</em> donne à réfléchir. Les deux derniers romans de Despentes nous révèlent ainsi une vérité à la fois belle et horrible : on a besoin des marginaux, des déclassés, pour survivre. </p>
<hr />
<br />
<strong><a name="note1a" href="#note1b">[1]</a> </strong>Frederic Jameson, «Reflections in Conclusion», in Theodor W. Adorno, Walter Benjamin, Ernst Bloch, Bertolt Brecht et Georg Lukács, <em>Aesthetics and Politics</em>, coll. «Radical Thinkers», London-New York, Verso, 2007, p. 201.<strong><br />
<a name="note2a" href="#note2b">[2]</a> </strong>Au sens marxiste, la «médiation» est le concept qui permet d’expliquer que le sujet n’est en contact directement avec la nature. Il n’y a pas d’immédiateté entre la conscience historique du sujet et sa position dans le monde.<strong> <br />
<a name="note3a" href="#note3b">[3]</a> </strong>L’expression «petits bourgeois» est aussi tirée du vocabulaire marxiste. Elle sert à désigner la classe moyenne qui est plus libre que les prolétaires puisqu’elle possède un certain contrôle sur ses moyens de production, sans être «propriétaire» ou «dirigent d’entreprise» comme le bourgeois. Le père de Calle, par exemple, est médecin.<br />
<a name="note4a" href="#note4b"><strong>[4]</strong></a><strong> </strong>J’ai visionné l’extrait de l’émission en ligne à cette adresse url : <a href="http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/I08007295/virginie-despentes-invitee-au-cercle-de-minuit.fr.html" title="http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/I08007295/virginie-despentes-invitee-au-cercle-de-minuit.fr.html">http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/I08007295/virginie-de...</a> [consulté le 17 juin 2010]<br />
<a name="note5a" href="javascript:void(0);/*1276790150881*/"><strong>[5]</strong></a> Enfin, on le suppose en regardant l’émission. S’il y a eu une hésitation, elle fut coupée au montage! <br />
<a name="note6a" href="#note6b"><strong>[6]</strong></a> J’ai visionné l’extrait de l’émission en ligne à cette adresse url : <a href="http://fr.truveo.com/virginie-despentes-pour-la-sortie-de-son-roman/id/1846747682" title="http://fr.truveo.com/virginie-despentes-pour-la-sortie-de-son-roman/id/1846747682">http://fr.truveo.com/virginie-despentes-pour-la-sortie-de-son-roman/id/1...</a> [consulté le 17 juin 2010]<br />
<a name="note7a" href="#note7b"><strong>[7]</strong></a><strong> </strong>Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi, <em>Baise-moi</em>, France, 2000, 77 minutes.<strong> <br />
</strong><a name="note8a" href="#note8b"><strong>[8] </strong></a>Marie-Hélène Bourcier, qui fait de <em>Baise-moi</em> le grand film de la théorie féministe queer, en résume efficacement l’enjeu : « Baise moi veut dire à la fois Fuck me ! et Fuck off ! C’est là que réside la prouesse du film : constituer une resignification opérée par des femmes, féministe et politique, qui ne fait pas l’économie de la sexualité». Tant que le film constituera une « resignification » inacceptable aux yeux du monde, il continuera, selon elle, de résister à sa récupération. Marie-Hélène Bourcier, <em>Queer zones. Politiques des identités sexuelles, des représentations et des savoirs</em>, Paris, Balland, 2001, p. 26. <strong><br />
</strong><a name="note9a" href="#note9b"><strong>[9] </strong></a>Virginie Despentes, <em>King Kong théorie</em>, Paris, Le livre de poche, 2007 [2006], p. 97.<strong><br />
</strong><a name="note10a" href="#note10b"><strong>[10]</strong></a><strong> </strong>Le <em>Lumpenproletariat</em>, selon le terme de Marx, qu’on traduit en français par «sous-prolétariat», signifie littéralement en allemand : le prolétariat en haillons. <strong><br />
</strong><a name="note11a" href="#note11b"><strong>[11]</strong></a><strong> </strong>Virginie Despentes, <em>Baise-moi</em>, Paris, J’ai lu, 1994 [2000], p. 68.<strong><br />
</strong><a name="note12a" href="#note12b"><strong>[12]</strong></a><strong> </strong>Il s’agit aussi d’un conflit homme-femme. J’ai choisi de ne pas lire le roman sous cet angle. D’abord, bien qu’il s’agisse d’un thème très important chez Despentes, elle le développe plus efficacement dans <em>Baise-moi</em>, <em>Les chiennes savantes</em> et <em>Les jolies choses</em>. Aussi, dans la version cinématographique de <em>Bye Bye Blondie</em> qui serait actuellement en cours de tournage, Despentes a remplacé Éric par une femme, soulignant ainsi l’aspect secondaire du conflit homme-femme dans le récit.<strong><br />
</strong><a name="note13a" href="#note13b"><strong>[13]</strong></a><strong> </strong>Judith Butler, <em>Le pouvoir des mots. Discours de haine et politique du performatif</em>, Paris, Amsterdam, 2004, p. 59. <br />
<strong>
<p></p></strong>
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<a href="/equipe/brousseau-simon">Brousseau, Simon</a> </div>
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<a href="/biblio/explorateurs-de-l-abime">Explorateurs de l’abîme</a> </div>
</div>
</div>
<!--break--><!--break--><p align="justify" class="rteindent1"><em><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Walter Benjamin disait que, de nos jours, la seule œuvre vraiment dotée de sens – de sens critique également – devrait être un collage de citations, de fragments, d’échos d’autres œuvres. À ce collage, j’ai ajouté, au moment voulu, des phrases et des idées relativement miennes et je me suis peu à peu construit un monde autonome, paradoxalement très lié aux échos d’autres œuvres</span></em><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><a href="#note1a">[1]</a></span><em><span style="color: rgb(128, 128, 128);">. </span></em></p>
<p></p>
<p align="justify">Les obsédés sont des êtres fascinants, peut-être parce qu’ils savent accorder aux détails l’attention démesurée qu’ils méritent. L’écrivain barcelonais Enrique Vila-Matas questionne par l’écriture depuis plus de trente ans ses obsessions littéraires, imitant en cela les errances des habitants de la Bibliothèque de Babel, cet univers tout fait de livres. Les écrits de Vila-Matas ont ceci de particulier qu’ils se construisent en puisant librement dans le vaste bassin de littérature qui les précède, faisant admirablement écho à cette pensée de Walter Benjamin qui veut que la citation soit la condition <em>sin qua non</em> de la création au tournant de la modernité. Beaucoup plus près de nous, William Marx fait un constat qu’il faut entendre en gardant en tête l’idée de Benjamin lorsqu’il parle, dans <em>L’adieu à la littérature. Histoire d’une dévalorisation. XVIII-XXe</em><a href="#note2a">[2]</a>, de cette impression qu’auraient les écrivains contemporains «[...] d’être venu trop tard dans un monde où tout avait été écrit, et trop bien. [...] [étant habités par] un sentiment très conscient d’après-littérature.» (p. 25) C’est en restant près de ce regard critique sur la littérature contemporaine que j’aimerais aborder le recueil <em>Explorateurs de l’abîme</em>, puisqu’il me semble clair qu’il s’agit là d’un enjeu fondamental de l’écriture vila-matienne. J’aimerais montrer que ce «sentiment très conscient d’après-littérature», loin d’empêcher l’écriture, devient au contraire le moteur de la fiction qui se construit en dialoguant avec l’Histoire littéraire. Le deuxième texte du recueil, <em>Autre conte hassidique</em>, est important à cet égard. Il s’agit de la reproduction intégrale d’un court texte de Franz Kafka intitulé <em>Le départ</em>. À la fin de celui-ci, un homme questionne le narrateur :<span style="color: rgb(128, 128, 128);"><br />
</span></p>
<p align="justify" class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">— Tu connais donc ton but ? dit cet homme.<br />
— Oui, répliquai-je, puisque je te l’ai dit ; loin d’ici, voilà mon but. (EA, p. 19)</span></p>
<p align="justify">Il s’agit ici de suivre Vila-Matas, explorateur qui marche lui-même dans les traces de Kafka, en espérant pourvoir jeter un peu de lumière sur ce <em>loin d’ici</em> et la signification particulière que l’écrivain lui donne, faisant de cet <em>ailleurs</em> un espace d’explorations littéraires.</p>
<p align="justify">Le recueil, qui contient dix-neuf textes, est revendiqué par le narrateur de la première nouvelle qui est intitulée «Café Kubista». Celui-ci donne le ton dès les premières pages en partageant avec le lecteur sa conception de la littérature. Ces commentaires sont importants dans la mesure où ils font écho à l’ensemble des textes du recueil, lui assurant une certaine cohérence thématique :</p>
<p align="justify" class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"> Je pense qu’un livre naît d’une insatisfaction, d’un vide, dont les périmètres se révèlent au cours et à la fin du travail. L’écrire, c’est sûrement remplir ce vide. Dans le livre que j’ai terminé hier, tous les personnages finissent par être des explorateurs de l’abîme ou plutôt de son contenu. Ils enquêtent sur le néant et n’arrêtent que lorsqu’ils tombent sur l’un de ses éventuels contenus, car il leur déplairait sans doute d’être confondus avec des nihilistes. (EA, p. 9)</span></p>
<p align="justify">Voilà qui est intriguant et qui mérite réflexion. Quel est ce vide, cette insatisfaction qui a rendu nécessaire l’écriture du livre que nous avons entre les mains ? Il y a certainement une tension, chez Vila-Matas, entre le monde réel et celui des livres, ces derniers occupant toujours une place plus importante que le premier dans la construction du discours. C’est-à-dire que cet écrivain répugne à parler du monde réel, celui de ses contemporains qui, réciproquement, vivent comme si la littérature n’existait pas. On voit ainsi se profiler chez lui une position esthétique lourde de sens : l’utilisation massive de la citation, le discours qui se nourrit presque exclusivement de littérature est un procédé discursif tout teinté d’une idéologie de la résistance. Si le monde ne veut plus de la littérature, nous dit Vila-Matas, et bien ma littérature ne veut pas davantage du monde.</p>
<p align="justify">Cette tension est d’ailleurs évoquée dans la nouvelle « Sang et eau » qui se situe au début du recueil. Avec ironie, le narrateur raconte les difficultés auxquelles il s’est buté lors de l’écriture du livre :</p>
<p align="justify" class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"> Le tension la plus forte était provoquée par le dur effort à fournir pour raconter des histoires de personnes normales tout en luttant contre ma tendance à m’amuser avec des textes métalittéraires : en définitive, il me fallait faire un gros effort pour raconter des histoires de la vie quotidienne avec mon sang et mon foie, comme l’avaient exigé de moi mes contempteurs qui m’avaient reproché des excès métalittéraires et une “absence absolue de sang, de vie, de réalité, d’intérêt pour l’existence normale des gens normaux.” (EA, p. 33)</span></p>
<p align="justify">Si, dans ce passage, le personnage écrivain affirme sa volonté d’écrire à propos de l’existence normale des gens normaux, on se rend rapidement compte de la portée ironique de ces propos. Tout se passe comme si l’auteur voulait candidement satisfaire les attentes de ses critiques, mais le fait est qu’il s’agit au contraire, nous le verrons, de détourner ces attentes afin d’explorer d’autres avenues. Il est vrai que l’on constate dans les <em>Explorateurs de l’abîme</em> un certain décalage par rapport aux oeuvres antérieures de l’auteur, dans la mesure où s’y trouvent des nouvelles qui débordent du cadre strictement littéraire auquel Vila-Matas nous a habitués. Cependant, c’est également dans ces nouvelles qu’on peut remarquer, non sans plaisir, l’ampleur de l’obsession littéraire qui structure son écriture. C’est-à-dire que cette volonté de raconter des histoires dont nous parle le narrateur n’échappe pas à son obsession littéraire qui, comme un aimant, ramène les intrigues vers elle. La tentation d’une écriture réaliste du quotidien est étouffée par les obsessions littéraires. La nouvelle «Nino», qui met en scène un père cruel souhaitant la mort de son fils, est en ce sens exemplaire. On apprend d’abord que Nino est un fils insupportable, notamment parce qu’il a rejeté du revers de la main le souhait de son père qui voulait le faire architecte. En fait, Nino est un explorateur de l’abîme, un mystique qui recherche de par le monde ce qu’il nomme <em>la vérité</em>. Il réussit à convaincre son père de gravir le volcan de Licancabur, situé à la frontière entre le Chili et la Bolivie, parce qu’il croit que c’est dans le lac qui se trouve à son sommet qu’il trouvera <em>la vérité</em>. «Nous découvrirons la vérité de l’au-delà, me disait-il.» (EA, p. 48) Un peu plus tard, et c’est ce qui m’intéresse ici, cette quête de vérité d’abord déçue le mènera à s’engager dans une aventure toute littéraire, celle d’explorer la forêt amazonienne afin de suivre les traces de William S. Burroughs qui y a consommé le Yagé afin de communiquer avec<em> le Grand Être</em> :</p>
<p align="justify" class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">[...] j’ai entièrement financé son voyage dans la forêt amazonienne de Colombie et du Pérou sur les traces de William S. Burroughs du temps où celui-ci cherchait à faire des expériences avec le Yagé ou l’ayahuasca, une plante aux propriétés hallucinogènes et télépathiques mythiques permettant “de se connecter aux rayons de présences spectrales de nos morts et de commencer à voir ou à sentir ce qui, nous semble-t-il, pourrait être le Grand Être, quelque chose qui s’approche de nous comme un grand vagin mouillé ou un grand trou noir divin à travers lequel nous nous penchons de façon très réelle sur un mystère arrivant jusqu’à nous enveloppé dans des serpents de couleurs. (EA, p. 55)</span></p>
<p align="justify">On voit dans ce passage à quel point la quête de sens des explorateurs de l’abîme qui peuplent le recueil va toujours de pair avec l’obsession littéraire. Si bien qu’à la lecture, ce qui apparaît important dans la démarche de Nino n’est pas tant l’envie de consommer le Yagé que de marcher dans ce chemin ouvert par William Burroughs. Et les chemins empruntés par les autres explorateurs du recueil ne sont pas différents. Si ceux-ci rejettent l’existence des gens normaux, c’est toujours au profit d’une existence engagée dans les avenues de la littérature et des arts. Le narrateur de la nouvelle «Vie de poète» ne fait-il pas l’éloge de cet oncle qui, dans sa jeunesse, lui a transmis la précieuse pensée de Rilke, donnant ainsi un sens à son existence qui, jusque-là, en était dépourvue ? «Les oeuvres d’art, rares, donnent un contenu intellectuel au vide.» (EA, p. 214) De fait, ce livre de Vila-Matas m’apparaît important dans la réponse en creux qu’il donne à ces critiques qui reprochent à ses textes l’absence de sang et de vie qu’ils y remarquent. Les explorateurs de l’abîme, par leur existence en marge des trivialités quotidiennes, montrent bien que la fiction vila-matienne s’organise autour de l’idée qu’il est possible de trouver dans la littérature une certaine forme de vie supérieure à <em>la vraie vie</em>. Dans une nouvelle marquante intitulée «Parce qu’elle ne l’a pas demandé», le narrateur met en scène sa relation avec l’artiste française Sophie Calle, célèbre pour ses romans muraux et pour ses tendances à mêler la réalité à la fiction<a href="#note3a">[3]</a>. Il affirmera lors d’une discussion avec celle-ci une opinion qui, je crois, montre bien la hiérarchie que Vila-Matas établit entre la vie et ses représentations littéraires : « [j]e lui ai simplement dit que, pour moi, la littérature serait toujours plus intéressante que la fameuse vie. D’abord parce que c’est une activité beaucoup plus élégante, ensuite parce qu’elle m’avait toujours semblé une expérience plus intense. » (EA, p. 286)</p>
<p align="justify">De fait, c’est à une expérience littéraire des plus intenses que Vila-Matas nous convie avec ses <em>Explorateurs de l’abîme</em>. On le comprend mieux, le <em>loin d’ici</em> kafkaïen agit sur la logique du recueil comme une invitation à explorer la littérature et ses abîmes, loin du réalisme qui aurait fait la joie des critiques mentionnés au début du recueil. Il semble que la poétique vila-matienne découle directement de ce sentiment que «tout a été écrit, et trop bien» évoqué par William Marx. Si tous les sujets ont été épuisés par la littérature, il ne reste plus qu’à parler de cette dernière<a href="#note4a">[4]</a>. Il s’agit pour nous d’accepter humblement cette mise à mal du réalisme et de <em>la fameuse vie</em> afin de pouvoir, le temps d’un livre, s’abîmer dans le sens vertigineux de la Lettre. </p>
<p><a name="note1a" href="#note1">1</a> Enrique Vila-Matas, <em>Le mal de Montano</em>, Paris, Christian Bourgois Éditeur (Coll. Domaine étranger), 2003, p. 151. [Traduit de l’espagnol par André Gabastou.]<br />
<a name="note2a" href="#note2">2</a> William Marx, <em>L’adieu à la littérature. Histoire d’une dévalorisation. XVIIIe-XXe.</em>, Paris, Les Éditions de Minuit, 2005, 232 p.<br />
<a name="note3a" href="#note3">3</a> On apprend notamment dans Double-jeux que Sophie Calle a proposé à Paul Auster d’écrire un texte de fiction qu’elle pourrait ensuite vivre durant un an comme s’il s’agissait d’une prescription : «Puisque, dans Léviathan, Paul Auster m’a prise comme sujet, j’ai imaginé d’inverser les rôles, en le prenant comme auteur de mes actes. Je lui ai demandé d’inventer un personnage de fiction auquel je m’efforcerais de ressembler : j’ai en quelque sorte offert à Paul Auster de faire de moi ce qu’il voulait et ce, pendant une période d’un an maximum. Il objecta qu’il ne souhaitait pas assumer la responsabilité de ce qui pourrait advenir alors que j’obéirais au scénario qu’il avait créé pour moi.» (DJ, p. 3) Pour en savoir davantage à ce sujet, consulter : Sophie Calle, <em>Doubles-jeux (livre 1). De l’obéissance</em>, Paris, Actes Sud, 1998.<br />
<a name="note4a" href="#note4">4</a> Il faut noter que le silence littéraire est un thème majeur chez Vila-Matas. <em>Bartleby et compagnie</em> est un livre consacré aux écrivains qui ont vécu, à un moment ou l’autre de leur carrière littéraire, un silence plus ou moins prolongé. De la même manière, <em>Docteur Pasavento</em> est l’histoire d’un écrivain habité par une forte volonté de disparaître et qui s’efforce à vivre à la manière Robert Walser.<br />
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http://salondouble.contemporain.info/lecture/de-l-exploration-a-l-obsession#commentsAUSTER, PaulCALLE, SophieEspagneFictionFiliationIntertextualité MARX, WilliamObsessionReprésentationVILA-MATAS, EnriqueNouvellesThu, 05 Mar 2009 16:25:00 +0000Simon Brousseau73 at http://salondouble.contemporain.info