Salon double - SARTRE, Jean-Paul http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/508/0 fr Écrire avec un marteau http://salondouble.contemporain.info/lecture/ecrire-avec-un-marteau <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/brousseau-simon">Brousseau, Simon</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/microfictions">Microfictions</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p align="justify" class="rteindent3"><em>La litt&eacute;rature contemporaine, et il en est de m&ecirc;me de la peinture, se garde de parler ou de repr&eacute;senter notre bien naturelle, au fond, obsessionnelle cupidit&eacute;. Comme si l&rsquo;art devait &ecirc;tre un miroir retouch&eacute; avec soin, afin que nous puissions nous imaginer purs, et que surtout jamais nous ne puissions nous y voir.</em><a name="_ftnref1" title="" href="#_ftn1"><strong>[1]</strong></a></p> <p align="justify" class="rteindent1"><em><br /> </em></p> <p align="justify">&nbsp;</p> <p align="justify"><em> </em><span style="background-color: rgb(255, 255, 255);"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>L'ordre impeccable des horreurs quotidiennes</strong></span></span></p> <p>En exergue de son &laquo;livre monstre<a name="_ftnref2" title="" href="#_ftn2"><strong>[2]</strong></a>&raquo;, R&eacute;gis Jauffret d&eacute;lie sa plume (il faudrait davantage parler de marteau dans son cas) en commen&ccedil;ant avec un sympathique clin d&rsquo;oeil au je rimbaldien : &laquo;Je est tout le monde et n&rsquo;importe qui.&raquo; De fait, c&rsquo;est &agrave; un exercice d&rsquo;exploration de diverses individualit&eacute;s potentielles que Jauffret s&rsquo;adonne dans ce livre, amalgamant en ordre alphab&eacute;tique cinq cents r&eacute;cits faisant environ deux pages et dont le d&eacute;nominateur commun est sans doute la franchise troublante de la voix narratrice qui s&rsquo;empare des personnages. Au fil de la lecture, bien qu&rsquo;aucun &eacute;v&eacute;nement ne vienne lier entre elles les histoires qu&rsquo;on y rencontre, se d&eacute;gage n&eacute;anmoins une forte impression de coh&eacute;sion qui vient de l&rsquo;uniformit&eacute; du ton avec lequel s&rsquo;expriment les personnages qui peuplent le livre. Tout se passe comme si un narrateur omniscient s&rsquo;amusait &agrave; incarner diverses individualit&eacute;s fictives, d&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;&eacute;trange homog&eacute;n&eacute;it&eacute; du discours que celles-ci produisent. &laquo;J&rsquo;ai envie de te noyer comme une port&eacute;e de chat&raquo; (p. 143), dit par exemple l&rsquo;un d&rsquo;eux. &laquo;D&rsquo;ailleurs, si je couche avec d&rsquo;autres, c&rsquo;est qu&rsquo;&agrave; ce moment-l&agrave;&nbsp; je ne me rappelle plus de toi.&raquo; (p. 230), dit un autre. La franchise est de mise et le miroir stendhalien est toujours pr&egrave;s d&rsquo;un chemin, mais l&rsquo;&eacute;criture propose cette fois un parcours dans la salet&eacute; des relations humaines.</p> <p align="justify">Le recueil, compos&eacute; de cinq cents r&eacute;cits faisant environ deux pages, poss&egrave;de une structure encyclop&eacute;dique qui constitue en elle-m&ecirc;me une cl&eacute; d&rsquo;interpr&eacute;tation possible quant &agrave; la signification de cette accumulation &agrave; l&rsquo;apparence disparate. En index, &agrave; la fin du volume, il est possible de consulter la liste pagin&eacute;e des <em>Microfictions </em>dont les titres sont dispos&eacute;s en ordre alphab&eacute;tique. Ainsi, le recueil d&eacute;bute avec le r&eacute;cit intitul&eacute; &laquo;Albert Londres&raquo; et se termine par le &laquo;Zoo&raquo;. En constatant une telle classification, somme toute arbitraire, il est difficile de ne pas penser &agrave; <em>La vie mode d&rsquo;emploi de Perec</em>, ce romans dont le pluriel accol&eacute; &agrave; la mention g&eacute;n&eacute;rique est pour le moins &eacute;nigmatique. Les affinit&eacute;s sont nombreuses : en plus de contenir lui aussi un index alphab&eacute;tique, des diff&eacute;rents th&egrave;mes abord&eacute;s dans l&rsquo;oeuvre cette fois, le livre de Perec repose &eacute;galement sur l&rsquo;accumulation de courts r&eacute;cits qui, une fois lus, dig&eacute;r&eacute;s et agenc&eacute;s, peuvent donner l&rsquo;impression d&rsquo;une saisie englobante d&rsquo;un vaste pan de l&rsquo;exp&eacute;rience humaine. Le livre de Jauffret s&rsquo;inscrit en ligne directe avec la conception de la litt&eacute;rature de ce g&eacute;ant de l&rsquo;OULIPO qui a &eacute;crit une <em>Tentative d&rsquo;&eacute;puisement d&rsquo;un lieu parisien</em><a name="_ftnref3" title="" href="#_ftn3"><strong>[3]</strong></a>, texte dans lequel est exp&eacute;riment&eacute;e la possibilit&eacute; d&rsquo;une description objective jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;exc&egrave;s d&rsquo;un lieu choisi. Alors que Perec s&rsquo;attaque &agrave; la lourde t&acirc;che de d&eacute;crire compl&egrave;tement un espace physique, il semble que Jauffret tente de relever le d&eacute;fi non moins ardu d&rsquo;embrasser les diverses modalit&eacute;s de la cupidit&eacute; humaine. Dans les deux cas, la cr&eacute;ation d&rsquo;univers fictionnels s&rsquo;inscrit dans une volont&eacute; de saisie du r&eacute;el. S&rsquo;il est r&eacute;v&eacute;lateur d&rsquo;&eacute;tablir un tel parall&egrave;le entre les deux &eacute;crivains quant &agrave; la signification de la structure de leurs oeuvres, il est important de souligner que la tonalit&eacute; de Jauffret s&rsquo;&eacute;loigne radicalement de celle que l&rsquo;on retrouve dans les livres de Perec. Dans les <em>Microfictions</em>, l&rsquo;&eacute;criture, la cr&eacute;ation de personnages fictifs proc&egrave;dent selon un parti pris auquel chaque r&eacute;cit r&eacute;pond d&rsquo;une mani&egrave;re ou d&rsquo;une autre, c&rsquo;est-&agrave;-dire cette croyance ferme en l&rsquo;obsessionnelle cupidit&eacute; de l&rsquo;Homme. Les cinq cents r&eacute;cits de Microfictions sont autant de coups martel&eacute;s sur le concept de l&rsquo;Homme fondamentalement bon. De fait, le clin d&rsquo;&oelig;il adress&eacute; &agrave; Rimbaud en exergue trouve toute sa port&eacute;e dans ce projet d&rsquo;exploration des subjectivit&eacute;s&nbsp;: l&rsquo;auteur des <em>Microfictions </em>&laquo;[&hellip;] [est] tout le monde et n&rsquo;importe qui&raquo; et entend bien faire conna&icirc;tre au lecteur les espaces souterrains de cette peuplade qui l&rsquo;habite.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Le discours social soumis &agrave; l'&eacute;preuve du marteau</strong></span></p> <p align="justify">Reprenant par le romanesque la d&eacute;marche qui consiste &agrave; soumettre &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve du marteau les idoles mill&eacute;naires qui souvent sonnent creux, comme l&rsquo;a entrepris Nietzsche, Jauffret s&rsquo;attaque aux repr&eacute;sentations id&eacute;alis&eacute;es que l&rsquo;Homme se fait de lui-m&ecirc;me, au &laquo;miroir retouch&eacute; avec soin&raquo; du discours social. On le comprend bien, il s&rsquo;agit avec les <em>Microfictions </em>de combattre le feu par le feu, c&rsquo;est-&agrave;-dire que c&rsquo;est par la fiction que Jauffret s&rsquo;efforce de d&eacute;masquer les fictions dominantes de l&rsquo;espace social, ces repr&eacute;sentations fauss&eacute;es que l&rsquo;homme a de lui-m&ecirc;me. Ce concept de fiction dominante, d&eacute;velopp&eacute; par Suzanne Jacob dans <em>La bulle d&rsquo;encre</em>, est fort &eacute;clairant quant au pouvoir de mod&eacute;lisation du r&eacute;el que poss&egrave;de la fiction. Il est sans doute pertinent de lire les <em>Microfictions </em>de Jauffret en ayant en t&ecirc;te cette id&eacute;e qui veut que :</p> <p align="justify" class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Les soci&eacute;t&eacute;s se maintiennent dans leur forme propre gr&acirc;ce &agrave; ces fictions dominantes comme les individus se maintiennent dans leur forme propre gr&acirc;ce &agrave; des r&eacute;cits d&rsquo;eux-m&ecirc;mes qui leur servent de convention de r&eacute;alit&eacute;. Les soci&eacute;t&eacute;s, comme les individus, ne peuvent tol&eacute;rer que leur convention de r&eacute;alit&eacute; soit mise en p&eacute;ril</span><a name="_ftnref4" title="" href="#_ftn4"><strong>[4]</strong></a><span style="color: rgb(128, 128, 128);">.</span></p> <p align="justify">En effet, c&rsquo;est aux conventions de r&eacute;alit&eacute; que Jauffret s&rsquo;attaque; l&rsquo;une de ses cibles privil&eacute;gi&eacute;es &eacute;tant sans doute la conception id&eacute;alis&eacute;e du couple harmonieux. D&eacute;sacralisant l&rsquo;amour avec une tonalit&eacute; souvent acerbe, de nombreux r&eacute;cits mettent en sc&egrave;ne des couples rat&eacute;s, aigris par une vie partag&eacute;e dans le malheur commun : &laquo;J&rsquo;ai eu une vie frustrante. Mon mari &eacute;tait laid, et il ne m&rsquo;a donn&eacute; &agrave; pouponner qu&rsquo;une douzaine de fausses couches dont certaines &eacute;taient assez avanc&eacute;es pour que je puisse distinguer parmi leurs traits encore flous d&rsquo;horribles ressemblances avec leur p&egrave;re.&raquo; (p. 283). N&rsquo;empruntant jamais de d&eacute;tour pour formuler ce qui appara&icirc;t parfois &ecirc;tre de l&rsquo;ordre de l&rsquo;indicible, du tabou, les diff&eacute;rents personnages du recueil font preuve d&rsquo;une honn&ecirc;tet&eacute; d&eacute;concertante. C&rsquo;est l&agrave; sans doute le coeur du projet de l&rsquo;auteur : &eacute;noncer par la fiction des v&eacute;rit&eacute;s souvent jug&eacute;es trop laides pour &ecirc;tre entendues : &laquo;J&rsquo;aime l&rsquo;argent, si tu continues &agrave; en avoir, je continuerai &agrave; t&rsquo;aimer. On aime toujours pour une raison, pour une autre, on n&rsquo;aime jamais pour rien.&raquo; (p. 109) Si on aime les <em>Microfictions</em>, ce sera sans doute pour la scandaleuse absence de pudeur qu&rsquo;on y trouve.</p> <p><strong><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Une litt&eacute;rature aussi laide que nous</span></strong></p> <p align="justify">Si les <em>Microfictions </em>dressent un portrait d&rsquo;une humanit&eacute; globalement amorale, &eacute;go&iuml;ste et impure, il s&rsquo;y trouve &eacute;galement des passages fort int&eacute;ressants quant &agrave; la litt&eacute;rature et le r&ocirc;le que celle-ci peut jouer dans l&rsquo;appr&eacute;hension de ces r&eacute;alit&eacute;s douloureuses. Jauffret s&rsquo;amuse par exemple &agrave; mettre en fiction des ic&ocirc;nes de la litt&eacute;rature et celles-ci sont le plus souvent soumises &agrave; une d&eacute;sacralisation ironique&nbsp;:</p> <p align="justify" class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Franz Kafka &eacute;tait une belle ordure qui ne pensait qu&rsquo;&agrave; sa gloire posthume. Un phtisique, v&eacute;g&eacute;tarien, et pourtant petit-fils de boucher. Il &eacute;crivait des histoires de souris, d&rsquo;arpenteurs, et il tenait un journal o&ugrave; il vomissait jour apr&egrave;s jour sa haine de l&rsquo;humanit&eacute;. Il a si bien intrigu&eacute;, qu&rsquo;&agrave; sa mort son oeuvre s&rsquo;est &eacute;tendue sur l&rsquo;Occident avec la rapidit&eacute; d&rsquo;une &eacute;pid&eacute;mie, et l&rsquo;a conquis comme un nouveau vice. Je le soup&ccedil;onne m&ecirc;me d&rsquo;avoir contract&eacute; la tuberculose &agrave; la piscine de Prague, dans le seul but de mourir assez jeune pour entrer dans la l&eacute;gende. (p. 391)</span></p> <p class="Corps">&nbsp;</p> <p align="justify">Ce passage montre bien le regard qui est port&eacute; sur certains intouchables de la litt&eacute;rature dans le recueil. La question de la gloire litt&eacute;raire est souvent abord&eacute;e avec ironie ou encore avec un certain d&eacute;go&ucirc;t. Ainsi, le r&eacute;cit intitul&eacute; &laquo;Sartre, Camus, Cerdan&raquo; met en fiction Jean-Paul Sartre dans une perspective qui ne va pas sans rappeler C&eacute;line et son pamphlet intitul&eacute;&nbsp; &laquo;&Agrave; l&rsquo;agit&eacute; du bocal &raquo;<a name="_ftnref5" title="" href="#_ftn5"><strong>[5]</strong></a>, adress&eacute;&nbsp; au philosophe existentialiste&nbsp;:</p> <p align="justify" class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">J&rsquo;ai &eacute;t&eacute; Jean-Paul Sartre, &eacute;crivain aujourd&rsquo;hui oubli&eacute;, mais qui &eacute;tait beaucoup lu au cours de la seconde moiti&eacute; du XXe si&egrave;cle. J&rsquo;ai commenc&eacute; ma vie comme footballeur professionnel &agrave; l&rsquo;AJ Auxerre. Apr&egrave;s les matchs, je me savonnais fi&egrave;rement sous la douche, puis filais dans mon Austin Martin jusqu&rsquo;&agrave; Paris, o&ugrave; je retrouvais Albert Camus, Marcel Cerdan, ainsi que Simone de Beauvoir, une jeune sadique, qui m&rsquo;avait s&eacute;duite en me fouettant chaque soir comme de la cr&egrave;me. (p. 823.)</span></p> <p class="Corps">&nbsp;</p> <p align="justify">Le parall&egrave;le avec l&rsquo;&eacute;criture de C&eacute;line ne s&rsquo;arr&ecirc;te pas l&agrave;. Il y a dans le recueil de Jauffret plusieurs passages o&ugrave; il est question du livre que nous tenons entre les mains, de l&rsquo;auteur qui l&rsquo;a &eacute;crit et du syst&egrave;me d&rsquo;&eacute;dition qui encadre cette production. Chez Jauffret comme chez C&eacute;line, le sujet donne lieu &agrave; des envol&eacute;es savoureuses o&ugrave; l&rsquo;autod&eacute;rision fraie avec le m&eacute;pris de l&rsquo;institution litt&eacute;raire. L&rsquo;un des proc&eacute;d&eacute;s r&eacute;currents consiste &agrave; &eacute;luder la question par des mises en sc&egrave;ne o&ugrave; la r&eacute;alit&eacute; est hypertrophi&eacute;e. Dans certains cas, l&rsquo;&eacute;crivain n&rsquo;h&eacute;site pas &agrave; se repr&eacute;senter comme &eacute;tant ni plus ni moins qu&rsquo;une prostitu&eacute;e du milieu de l&rsquo;&eacute;dition, pointant du doigt le pouvoir immense des &eacute;diteurs quant &agrave; d&eacute;cider ce qui est ou n&rsquo;est pas de la litt&eacute;rature&nbsp;:</p> <p align="justify" class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Quand un de mes romans se vend &agrave; moins de mille exemplaires, mon &eacute;diteur me convoque dans son bureau, et m&rsquo;oblige &agrave; sauter une stagiaire devant lui pour pouvoir jouir en nous regardant. En &eacute;change d&rsquo;une rapide fellation dans les lavabos du restaurant o&ugrave; ils m&rsquo;ont invit&eacute; &agrave; venir prendre le caf&eacute; &agrave; la fin d&rsquo;un d&eacute;jeuner de bouclage, certains journalistes consentent &agrave; signaler la parution de mon dernier ouvrage dans une notule. [&hellip;] [T]out le monde ne publie plus aujourd&rsquo;hui que pour s&eacute;duire les lecteurs, et leur soutirer leur argent avant m&ecirc;me qu&rsquo;ils aient eu le loisir de lire le moindre chapitre du livre qu&rsquo;ils ach&egrave;tent, comme les clients des putes payent sans savoir &agrave; l&rsquo;avance s&rsquo;ils &eacute;prouveront un r&eacute;el plaisir &agrave; &eacute;jaculer dans leur bouche. (p. 619)</span></p> <p class="Corps">&nbsp;</p> <p align="justify">En contrepartie &agrave; ce discours peu flatteur quant aux rapports &eacute;conomiques qu&rsquo;entretiennent les &eacute;crivains avec leurs lecteurs et leurs &eacute;diteurs, les <em>Microfictions </em>contiennent plusieurs occurrences o&ugrave; le travail d&rsquo;&eacute;criture est valoris&eacute; dans sa capacit&eacute; de saisie du r&eacute;el. C&rsquo;est dire &agrave; quel point le portrait de la litt&eacute;rature qui se d&eacute;gage du recueil est complexe et ambigu. D&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, il y a cette hargne sans limites envers le milieu litt&eacute;raire et les &eacute;crivains qui le constituent, ces &laquo; [&hellip;] grands &eacute;crivains qui se bousculent devant le buffet des cocktails pour se goberger de petits-fours [&hellip;] &raquo; (p. 910) et de l&rsquo;autre, la valorisation du travail d&rsquo;&eacute;criture qui, par moments, proclame haut et fort le pouvoir absolu de la fiction&nbsp;: &laquo; [&hellip;] hors de la fiction il n&rsquo;est point de salut. &raquo; (p. 339)</p> <p align="justify">Dans les <em>Microfictions</em>, l&rsquo;&eacute;criture est le lieu d&rsquo;un combat forcen&eacute; contre les fictions dominantes sur lesquelles repose le discours social. Les centaines de personnages qui y sont repr&eacute;sent&eacute;s sont autant de tentatives de lever le voile sur les repr&eacute;sentations erron&eacute;es, id&eacute;alis&eacute;es que l&rsquo;Homme se fait de lui-m&ecirc;me. R&eacute;gis Jauffret y signe un livre qui d&eacute;range, un livre important parce qu&rsquo;il est irrecevable. Les <em>Microfictions </em>ne pensent pas, elles frappent&nbsp;: &laquo; Les m&eacute;ditateurs, la litt&eacute;rature leur tire douze balles dans le dos. [&hellip;] Le roman est une guerre men&eacute;e par des g&eacute;n&eacute;raux qui n&rsquo;ont ni tactique ni strat&eacute;gie. Le roman est barbare. &raquo; (p. 509)</p> <p class="Textedenotedebasdepage"><a name="_ftn1" title="" href="#_ftnref1"><strong>1</strong></a>R&eacute;gis Jauffret, <em>Microfictions</em>, Paris, &Eacute;ditions Gallimard, 2007, p. 948.</p> <p class="Textedenotedebasdepage"><a name="_ftn2" title="" href="#_ftnref2"><strong>2</strong></a>En quatri&egrave;me de couverture de l&rsquo;&eacute;dition mentionn&eacute;e ci-haut, c&rsquo;est ainsi qu&rsquo;est qualifi&eacute; le livre de Jauffret.</p> <p class="MsoFootnoteText"><a name="_ftn3" title="" href="#_ftnref3"><strong>3</strong></a>Georges Perec, <em>Tentative d&rsquo;&eacute;puisement d&rsquo;un lieu parisien</em>, Paris, Christian Bourgois &eacute;diteur, 1975, 59 p.</p> <p class="Textedenotedebasdepage"><a name="_ftn4" title="" href="#_ftnref4"><strong>4</strong></a> Suzanne Jacob, <em>La bulle d&rsquo;encre</em>, Qu&eacute;bec, Presses de l&rsquo;Universit&eacute; de Montr&eacute;al (Prix de la revue &eacute;tudes fran&ccedil;aises), 1997, p. 35.</p> <p align="justify"><a name="_ftn5" title="" href="#_ftnref5"><strong>5</strong></a> &laquo;&Agrave; l&rsquo;agit&eacute; du bocal&raquo; est un court pamphlet que C&eacute;line a r&eacute;dig&eacute; en r&eacute;ponse au texte de Jean-Paul Sartre, &laquo;Portrait d&rsquo;un antis&eacute;mite&raquo;, dans lequel ce dernier d&eacute;fendait l&rsquo;id&eacute;e que &laquo;[s]i C&eacute;line a pu soutenir les theses socialistes des Nazis, c&rsquo;est qu&rsquo;il &eacute;tait pay&eacute;&raquo;. C&eacute;line &eacute;crit, pour se d&eacute;fendre des lourdes accusations qui p&egrave;sent sur lui : &laquo;Dans mon cul o&ugrave; il se trouve, on ne peut pas demander &agrave; J.-B. S. d&rsquo;y voir bien clair, ni de s&rsquo;exprimer nettement, J.-B. S. a semble-t-il cependant pr&eacute;vu le cas de la solitude et de l&rsquo;obscurit&eacute; de mon anus... J.-B. S. parle &eacute;videmment de lui-m&ecirc;me lorsqu&rsquo;il &eacute;crit page 451 : &ldquo;Cet homme redoute toute esp&egrave;ce de solitude, celle du g&eacute;nie comme celle de l&rsquo;assassin.&rdquo;&raquo;. Il est important de remarquer ici que le rapport que Jauffret entretient &agrave; l&rsquo;Histoire est tout autre que celui de C&eacute;line. Comme rien ne vient justifier les attaques &agrave; l&rsquo;endroit de Sartre dans le texte, il est possible d&rsquo;interpr&eacute;ter celles-ci comme participant &agrave; l&rsquo;illustration de la nature odieuse de l&rsquo;homme, l&rsquo;&eacute;crivain n&rsquo;&eacute;chappant pas &agrave; cette condition. La position de Jauffret est complexe et la multiplication des points de vue dans les Microfictions rend l&rsquo;interpr&eacute;tation difficile. (Pour lire le pamphlet de C&eacute;line, consulter&nbsp;: Louis-Ferdinand C&eacute;line, <em>&Agrave; l&rsquo;agit&eacute; du bocal,</em> Paris, &Eacute;ditions de L&rsquo;Herne (coll. Carnets), 2006, 85 p.)</p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/ecrire-avec-un-marteau#comments CÉLINE, Louis-Ferdinand Éclatement textuel Esthétique Fabulation Fiction Filiation France Identité Intertextualité JACOB, Suzanne JAUFFRET, Régis Métafiction PEREC, Georges Poétique du recueil SARTRE, Jean-Paul Nouvelles Thu, 08 Jan 2009 15:07:00 +0000 Simon Brousseau 51 at http://salondouble.contemporain.info