Salon double - PONGE, Francis http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/512/0 fr Le corps sur la main http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-corps-sur-la-main <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/st-laurent-julie">St-Laurent, Julie</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/cambouis">Cambouis</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p><br /><br /> Bien qu’Antoine Emaz soit un poète français de l’extrême contemporain, le sentiment d’incertitude qui imprègne sa poésie témoigne d’une forte filiation avec le vingtième siècle, surtout sa dernière moitié, voulue moins grandiloquente que la première. En effet, plusieurs poètes, comme Yves Bonnefoy ou André du Bouchet, se sont détachés des idéaux lyriques pour explorer, à l’inverse, la finitude des êtres et du langage sur laquelle les créateurs auraient jusque-là fermé les yeux. Cette finitude est la seule assurance qui traverse leurs textes, si bien que toute autre entreprise se révèle marquée par la précarité, particulièrement celle de parole, puisque c’est elle qui préoccupe les poètes. L’expression poétique s’avère davantage consciente de sa fragilité, du silence qui l’excède, et s’applique désormais à dire, avec subtilité,<em> l’emportement du muet</em><a href="#note1a" name="note1"><strong>[1]</strong></a>, pour reprendre un titre de du Bouchet. En conséquence, la perception et la description acquièrent une grande importance dans le travail de création, la certitude sensible palliant l’indétermination du reste.<br /><br /> <em>Cambouis</em> est le deuxième carnet de travail publié par Emaz. Cet ouvrage collige un ensemble de notes, d’impressions et d’observations: il constitue à la fois un espace d’épanouissement et de survivance. Demander si la poésie a un avenir dans l’époque contemporaine, c’est au moins lui accorder un présent, remarque Emaz (p.185), d’où le besoin pour le poète d’un lieu de sécurité qui, même sans arborer de datation précise, pérenniserait le plus fugace. Dans cette perspective, j’aimerais m’attarder à la façon dont l’écriture de <em>Cambouis</em> témoigne d’un parti pris de l’être-au-monde, c’est-à-dire d’un être dont la subjectivité s’affirme ressentie et incarnée.<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Dire l’émotion</strong></span><br /><br /> Bien que la tradition romantique ait affublé le poète d’une certaine aura de supériorité, rien de cet enthousiasme ne subsiste chez Emaz, «la poésie [étant] une façon parmi d’autres de reconsidérer vivre» (p.110). Elle est simplement le gage d’une présence à soi. Emaz ne se rattache ainsi à aucune école poétique actuelle: «[n]i objectiviste, ni lyrique, ni minimaliste» (p.68), il n’en conteste pas moins, à sa manière, l’ère de la performance et du matérialisme dans laquelle nous vivons –tendance à laquelle la poésie n’a pas été toujours étrangère, si on pense à l’éclat anonyme du langage dans <em>Le parti pris des choses</em> de Francis Ponge, un pilier de la tradition littéraire moderne. Rompant avec ce poète de façon avouée dès les premières pages de son carnet, Emaz oppose à la valorisation de l’impersonnel l’inconsistance de l’émotion ténue et de l’intimité. Il sait d’ailleurs que «l’espace interne n’est pas indéfiniment ouvert» (p.49), ce qui signifie que demeure même une marge de l’être qui ne pourra être dite.<br /><br /> Le poète reconnaît néanmoins que l’entreprise d’écriture constitue une nécessité existentielle avant même qu’elle soit littéraire, puisqu’«on n’écrit pas pour faire beau, on écrit parce qu’il faut» (p.12). Cela dit, bien sûr, Emaz propose un parcours esthétique toujours léché, en même temps que quelques titres de ses ouvrages de poésie montrent bien à quel stade vital de l’être il désire accéder. <em>Os</em> (2004), <em>De l’air</em> (2006), <em>Peau</em> (2008) et d’autres titres montrent que ce n’est pas la parole socialisée qui importe, mais plutôt un état primaire –physique– du soi que la poésie peut aider à retrouver. L’émotion qu’il cerne dans l’écriture acquiert un caractère organique, ce qui répond à la pulsation toute sanguine qu’évoque son nom de plume, Emaz, inspiré du préfixe «héma».<br /><br /> Lorsque vient le temps de lire d’autres poètes, la résonance intérieure que produit le texte s’avère tout autant capitale, et Emaz l’avoue sans gêne aucune: «[J]e ne peux comprendre une poésie sans émotion parce que l’ennui me saisit immédiatement, autant que le sentiment du dérisoire» (p.11). Le poète cherche à réhabiliter l’homme en tant qu’être unique, sentant et désirant à sa manière, à tel point qu’il frôle un anti-intellectualisme assumé. L’émotion seule agit comme justification, elle constitue la seule source de sens qui vaille.<br /><br /> Cela explique l’attention qu’Emaz accorde à son lecteur. Ce dernier possède une place de choix dans la réflexion du poète, qui veut lui faire comprendre un monde, le lui faire habiter, «l’important n’[étant] pas le détail en soi, mais son effet: le vers pose un bout de réel» (p.182). Emaz cherche donc à partager non pas tant une expérience esthétisée qu’une expérience simple, qui reproduirait la relation vécue par le corps et l’âme par rapport à un moment du vivre. Encore, cette exploration de la relativité s’approfondit au-delà du domaine sensible: «[L]e plus stupide, et peut-être le plus commun, c’est de se laisser réduire par la vie, à petit feu […]. / Pourquoi suis-je encore vivant? / Je crois que cela tient aux autres» (p.98). Le lecteur n’est pas un ami réel ni même un proche, mais il écoute ce «poème [qui] reste destiné, adressé, partagé&nbsp;ou bien […] miroir d’un narcissisme autarcique» (p.197). L’autre représente une présence fragile bien que non négligeable, puisqu’«à l’affût de ce qui déchire, autant que de ce qui relie, [le poète] rend compte […] d’une essentielle précarité<a href="#note2a" name="note2"><strong>[2]</strong></a>», comme l’affirme Jean-Michel Maulpoix, celle de la parole, qui réussit, par divers détours, à toucher par la diction d’une émotivité. Emaz s’enrichit tout autant des relations interpersonnelles que des relations sensorielles.<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Dire le corps</strong></span><br /><br /> À l’affût d’une «musicalité […] dans la trame, essentielle et peu visible à la fois» (p.54), et de nettes images à partager, Emaz élabore dans l’écriture un lieu où la certitude sensible assure une concrétude sans pareille à la parole. Se revendiquant artisan, les mains tachées de cambouis, il développe «une écriture […] [qui] vau[drait] par ses qualités physiques<a href="#note3a" name="note3"><strong>[3]</strong></a>». C’est la résistance du poème, vecteur d’une consistance essentielle, voire d’une beauté minimale, malgré les réserves émises quant au souci de l’esthétisme.<br /><br /> Emaz présente ainsi un ensemble de textes qui s’attardent à célébrer la perception, puisque «c’est peut-être ça l’essentiel d’une vie de poète: l’attente» (p.140). Son écriture s’ancre dans une appréhension toute singulière et incarnée du monde —la sienne, modelée par son corps, ses désirs— car, tel un phénoménologue, Emaz remarque que «la pensée [lui] semble toujours débordée par l’expérience» (p.33). Or, l’environnement sensoriel du poète se dépose dans le carnet afin d’y mûrir, d’y prendre sens et forme, l’écrivain cultivant un goût marqué pour la métonymie. «Pour saisir la profondeur, [il faut] commencer par s’arrêter à la surface» (p.125), ce qui astreint Emaz à un certain minimalisme dans l’expression en même temps qu’à un souci du détail. Il ne s’agit pas de décrire avec ostentation un paysage observé mais d’exprimer la sensualité du sujet, en osmose avec son environnement immédiat: «Montée lente du jour. Pas de vent; tout le jardin encore humide de la pluie de nuit. Bruit de la mer. Calme froid» (p.90). À dire cette nature qui l’entoure, le poète présente les influx sensoriels comme porteurs d’un état d’âme physique, où les sens se mêlent («calme froid») dans une synesthésie où la présence du sujet s’estompe dans la description. En fait, bien que l’émotion soit capitale pour Emaz, elle ne doit pas brouiller le regard sur le monde mais plutôt l’affiner, en décupler la sensibilité.<br /><br /> Si la prise de notes ne demande pas un investissement littéraire aussi soutenu que celui qu’implique l’écriture d’un poème, les quelques mots consignés au fil des impressions ne sont pas dévalorisés pour autant. Au contraire, ces inscriptions elliptiques peuvent témoigner d’un souci esthétique, bien que la qualité premièrement recherchée soit plutôt d’ordre existentiel, à nouveau, non pas tant ici pour dire l’émotion que pour dire le corps sentant. Vivre ce monde comme un être organique parmi d’autres, ressentir une certaine adéquation possible avec l’instant, voilà qui s’avère bénéfique: «[J]e n’écris pas mais j’ai l’impression d’être à ma place, en paix dans cette suspension générale et la lumière du matin sur le jardin» (p.208). L’écriture s’avère salvatrice pour Emaz, mais il se plaît constamment à rappeler qu’elle ne constitue pas une fin en soi, un absolu, comme si «la poésie se te[nant]&nbsp;si près de la vie, […] tellement nourrie d’elle, […] n’aspire[rait] en son fond qu’à s’effacer toute devant elle<a href="#note4a" name="note4"><strong>[4]</strong></a>», tel que l’envisage Maulpoix. Ainsi, sensible à la plénitude que Jean-Jacques Rousseau avait trouvée dans le sentiment du moment présent, Emaz reconnaît le danger d’une imagination s’emballant, qui détourne le corps vivant de la vérité immédiate qu’il perçoit: «Pourquoi s’inquiéter? On ne sera plus là pour voir. La question n’est pas l’éternité mais maintenant, y compris lorsque je dis "glycine"» (p.109). Les mots n’ont aucun mandat de fiction, de détournement du réel. En dépit de la conceptualisation à laquelle oblige toute mise en langage, le carnet, comme le poème, s’applique à approfondir l’expérience du présent et à la faire durer.<br /><br /> Emaz demeure ainsi à fleur de peau, d’où le jardin comme leitmotiv ponctuant le récit qui se trame: ce lieu des floraisons constitue un espace d’épanouissement gratuit de la perception où le poète peut se gorger d’«influx de vigueur et de tendresse réelle<a href="#note5a" name="note5"><strong>[5]</strong></a>», pour reprendre la formulation proposée par Rimbaud. Les passages consacrés au jardin expriment de cette manière la possibilité d’un bonheur ténu. L’écriture et l’existence jouissent d’une impulsion nécessaire, vitale: elles avancent, à tel point que «par [le] double jeu du récit-cadre et de l’accumulation séquentielle d’événements, le recueil [de pensées] se laisse appréhender par une narrativité latente qui lui imprime un mouvement d’ensemble<a href="#note6a" name="note6"><strong>[6]</strong></a>», comme l’affirment René Audet et Thierry Bissonnette. Le récit à l’œuvre —le récit de soi— se dévoile au fur et à mesure que la lecture permet de déceler une progression entre les entrées et une cohérence liant les fragments d’un travail en cours.<br /><br /> Cependant, la joie qui constelle le carnet et la force qui s’en dégage ne suffisent pas à apaiser tout à fait le poète. Emaz n’approfondit pas explicitement de questions métaphysiques, encore que cela ne l’empêche aucunement d’être sensible au poids que chacun d’entre nous porte: «Qu’est-ce qu’on fait d’une vie? Le poème ramène inlassablement là» (p.117). La mise en relief de cette circularité de l’écriture montre que, si la continuation est possible, elle ne sera jamais naïve. L’exaltation de la condition d’étant peut réjouir l’être de chair, mais cet enthousiasme ne saurait jamais atteindre l’«exactitude» (p.94) qu’Emaz recherche, celle du dialogue possible entre le corps et l’émotion. Aussi est-ce naturel qu’il se sente attaché à l’idée du «lyrisme critique» (p.122), notion développée par le poète et critique contemporain Jean-Michel Maulpoix: parce que le poème naît d’«un moment de vie et de langue» (p.130), l’écriture doit interroger le réel et s’interroger elle-même, à partir d’une subjectivité toujours inquiète. Qu’elle puisse sembler un obstacle, cette dualité langue/réel que parvient à dénouer certaines fois la poésie n’inquiète pas Emaz: «Pas un tiraillement; ça le serait sans doute si je visais un équilibre stable, mais ce n’est pas le cas. Il n’y a que tensions dans vivre; l’écriture n’est pas d’un côté ou de l’autre, elle est dans cette tension même» (p.217). C’est pourquoi le poète accorde une grande importance à la continuité, au maintien du souffle: c’est le travail patient qui assure une cohérence existentielle malgré les rigueurs de la vie, comme l’indiquait le titre du premier carnet publié, <em>Lichen, lichen </em>(2003). Même, la force motrice de l’écriture se transmettant au fil des pages se transforme en une position éthique, parce qu’«on écrit sans doute parce qu’on n’a rien d’autre pour tenir dans un monde de travers» (p.155). La tension vécue se doit conséquemment d’offrir un minimum de droiture, de dignité. Emaz s’intéresse à la question de l’engagement car il faut dire sans honte ce monde qu’on vit, avec ses torts, mais aussi avec ses consolations.<br /><br /> Si l’Oulipien Jacques Roubaud déplore qu’on célèbre la poésie actuelle seulement par un «effet fantôme<a href="#note7a" name="note7"><strong>[7]</strong></a>» –elle serait morte–, Emaz n’envisage pas la situation d’une façon aussi dramatique. Roubaud ne semble plus en mesure de suivre les orientations du contemporain, bien qu’il ait déjà fait partie de l’avant-garde littéraire française: «[L]a poésie, pour le monde, n’est plus concevable que si on la trouve là où elle n’est pas<a href="#note8a" name="note8"><strong>[8]</strong></a>», selon lui. Jamais de tel clivage entre «le monde» et le poète chez Emaz, car ce dernier a la sagesse de laisser voir que la poésie existe bien sûr dans la langue, et aussi hors de celle-ci, cela sans scandale. Tout de même, Emaz reconnaît que, même si le jardin de son voisin –qui n'est pas poète– semble parfois plus fourni ou majestueux que le sien, il demeure «un jardin bouche cousue» (p.144), puisque aucune parole n'en célèbre l'épanouissement. L'émotion ou la sensation esthétique, qu'on la nomme poésie, peut être vécue de façon autonome, mais elle peut aussi s'inscrire dans la matérialité d'une langue pour durer, afin d'acquérir un sens minimal.<br /><br /> Se livrant à un perpétuel «corps à corps (lutte ou caresse) avec la langue» (p.165), Emaz enseigne à son lecteur la beauté du combat de l’être émotif pris dans la vie (c’est aussi ce que signifie l’engagement), dans les limites fluctuantes d’un corps sentant. <em>Cambouis</em> ne se présente pas comme un recueil de poésie, mais je l’ai lu comme un carnet de poèmes, la sensibilité de l’écrivain transcendant et exhaussant la réflexion sur cet univers qu’il cherche à habiter le plus justement possible.<br /><br /> Au moins, ce qui est certain, malgré toutes les fragilités mises en relief par Emaz, c’est que la poésie est là. C’est peut-être ce qui explique le sentiment de douce résignation qui traverse <em>Cambouis</em>. Il serait question de minimalisme, sans aucun doute, mais il n’y aura pas de fin de la poésie, puisqu’il n’y aura pas de fin du chant: tant bien que mal, il persiste.<br /><br /><br /> <a href="#note1" name="note1a"><strong>[1]</strong></a> André du Bouchet, <em>L’emportement du muet</em>, Paris, Mercure de France, 2000.<br /> <a href="#note2" name="note2a"><strong>[2]</strong></a> Jean-Michel Maulpoix, <em>Pour un lyrisme critique</em>, Paris, José Corti (En lisant en écrivant), 2009, p.30.<br /> <a href="#note3" name="note3a"><strong>[3]</strong></a> <em>Ibid.</em>, p.40.<br /> <a href="#note4" name="note4a"><strong>[4]</strong></a> <em>Ibid.</em>, p.41.<br /> <a href="#note5" name="note5a"><strong>[5]</strong></a> Arthur Rimbaud, «Adieu», dans <em>Une saison en enfer</em>, dans <em>Œuvres complètes et correspondances</em>, édition préparée par Louis Forestier, Paris, Robert Laffont (Bouquins), 2004, p.157.<br /> <a href="#note6" name="note6a"><strong>[6]</strong></a> René Audet et Thierry Bissonnette, «Le recueil littéraire, une variante formelle de la péripétie», dans René Audet et Andrée Mercier [dir.],<em> La narrativité contemporaine au Québec</em>. Vol.I, <em>La littérature et ses enjeux narratifs</em>, Québec, Presses de l’Université Laval, 2004, p.30-31.<br /> <a href="#note7" name="note7a"><strong>[7]</strong></a> Jacques Roubaud, «Obstination de la poésie», dans <em>Le Monde diplomatique</em>, janvier 2010, p.23.<br /> <a href="#note8" name="note8a"><strong>[8]</strong></a> <em>Ibid.</em>, p.24.<br />&nbsp;</p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-corps-sur-la-main#comments AUDET, René et BISSONNETTE, Thierry DU BOUCHET, André EMAZ, Antoine Être-au-monde France Journaux et carnets Lyrisme critique MAULPOIX, Jean-Michel PONGE, Francis RIMBAUD, Arthur ROUBAUD, Jacques Subjectivité Poésie Wed, 09 Mar 2011 17:20:49 +0000 Julie St-Laurent 328 at http://salondouble.contemporain.info Le Bonheur ou l'art de la perte http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-bonheur-ou-lart-de-la-perte <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/bordeleau-benoit">Bordeleau, Benoit </a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/traces">Traces</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p align="justify"><i>Avec La premi&egrave;re Gorg&eacute;e de bi&egrave;re et autres plaisirs minuscules</i>, Philippe Delerm entrait, en 1997, dans le cercle d&rsquo;une reconnaissance bien m&eacute;rit&eacute;e. Publiant depuis 1983 (<i>La Cinqui&egrave;me Saison</i>, &Eacute;ditions du Rocher), Delerm est surtout connu pour ses recueils de courts r&eacute;cits, mettant en lumi&egrave;re des moments de bonheur fragiles, des instantan&eacute;s du quotidien dont l&rsquo;adjectif et le verbe sont toujours pr&eacute;cis. Son tout dernier livre, intitul&eacute; <i>Traces </i>invite le lecteur &agrave; le suivre &agrave; travers ses fl&acirc;neries urbaines, comme ce f&ucirc;t le cas avec <i>Rouen</i> (Champ Vallon, 1993). Si <i>La Premi&egrave;re Gorg&eacute;e de bi&egrave;re</i> nous poussait dans les sentiers de la pl&eacute;nitude permettant de nous accrocher &agrave; une luminosit&eacute; propre &agrave; l&rsquo;enfance, le moteur de <i>Traces </i>se trouve plut&ocirc;t dans les petites disparitions qui pars&egrave;ment le parcours de l&rsquo;environnement urbain, des disparitions essentielles &agrave; la saisie du quotidien. Ces traces sont d&rsquo;ailleurs bien rendues par une cinquantaine de photographies prises par Martine Delerm. Le livre rassemble trente-quatre courts textes o&ugrave; l&rsquo;abondant usage du &laquo;on&raquo;, comme instance narrative, permet au lecteur de s&rsquo;identifier facilement aux sensations v&eacute;hicul&eacute;es&nbsp;&ndash;un sentiment d&rsquo;universalit&eacute;. Il ne sera pas question de cerne la totalit&eacute; des &eacute;l&eacute;ments trait&eacute;s dans <i>Traces, </i>mais d&rsquo;en soutirer quelques-uns permettant de saisir une mouvance litt&eacute;raire r&eacute;cente, soit le minimalisme positif tel que d&eacute;fini par R&eacute;mi Bertrand<a name="note1" href="#note1a"><strong>[1]</strong></a>. On verra d&rsquo;autre part comment <i>Traces</i> se d&eacute;marque l&eacute;g&egrave;rement de ce cadre pour int&eacute;grer des &eacute;l&eacute;ments plus pr&egrave;s de l&rsquo;actualit&eacute; en plus d&rsquo;inclure la violence du si&egrave;cle pass&eacute;.</p> <p> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>&Eacute;crire le quotidien: une tension vers l'effacement</strong></span></p> <p align="justify">&laquo;Il ne doit pas &ecirc;tre loin. Mais il a momentan&eacute;ment abandonn&eacute; son radeau de survie, car&eacute;n&eacute; dans un renfoncement du mur, une porte condamn&eacute;e.&raquo; (p. 9) C&rsquo;est de cette fa&ccedil;on que d&eacute;bute le premier texte, intitul&eacute; <i>Coque &eacute;chou&eacute;e</i>. Le grand absent c&rsquo;est un itin&eacute;rant qui d&rsquo;habitude est plong&eacute; dans un livre et s&rsquo;interrompt pour discuter avec les passants. &laquo;Mais contempler cette couette ind&eacute;cise quand il a disparu c&rsquo;est plus fort, presque insoutenable.&raquo; (p. 10) L&rsquo;absence est ici fondatrice d&rsquo;une apparition au sein de la m&eacute;moire du narrateur &ndash; ce dernier &eacute;tant bien souvent une deuxi&egrave;me peau de Delerm lui-m&ecirc;me. Si on tombe ensuite dans un r&ecirc;ve d&rsquo;enfance o&ugrave; le narrateur se voyait comme un &laquo;grognard au bivouac&raquo;, ce n&rsquo;est que pour mieux avoir honte de ce contraste, c&rsquo;est aussi revenir &agrave; l&rsquo;&acirc;ge adulte, &agrave; la raison. &laquo;Devenir un adulte, pour le sujet delermien, est toujours un d&eacute;senchantement, analogue &agrave; celui qui &eacute;merge lors du passage de la fiction &agrave; la r&eacute;alit&eacute;<a name="note2" href="#note2a"><strong>[2]</strong></a>&raquo;, &eacute;crit R&eacute;mi Betrand dans <i>Philippe Delerm et le minimalisme positif. </i>C&rsquo;est que la fiction de Delerm nous a habitu&eacute;s &agrave; ces moments o&ugrave; il n&rsquo;y avait aucun jugement sur l&rsquo;&eacute;tat des choses, mais simplement une intensit&eacute; du moment v&eacute;hicul&eacute;e dans le texte&nbsp;: intensit&eacute; o&ugrave; le temps &eacute;tait aboli pour donner toute la libert&eacute; &agrave; la qualit&eacute; des choses.<br /> &nbsp;</p> <p align="justify">Le quotidien est toujours ce qui fuit et il ne peut-&ecirc;tre compris qu&rsquo;apr&egrave;s-coup. La compr&eacute;hension toutefois implique l&rsquo;entr&eacute;e dans l&rsquo;&acirc;ge adulte, dans le cercle du langage, impliquant du coup un &eacute;cart entre le senti et la transmission de la sensation, c&rsquo;est connu&nbsp;: pour l&rsquo;auteur, il s&rsquo;agit beaucoup moins de comprendre que de <i>regarder</i>. L&rsquo;&eacute;criture devient le lieu d&rsquo;une &laquo;traduction du quotidien<a name="note3" href="#note3a"><strong>[3]</strong></a>&raquo;, selon les mots de R&eacute;mi Bertrand. Toujours selon ce dernier, l&rsquo;amplification du r&eacute;el pose le risque de retomber dans la morne r&eacute;alit&eacute; lorsque vient le temps de la voir sous notre propre regard. Bertrand nous rappelle que &laquo;[l]e bonheur minimaliste est [&hellip;] inconcevable sans la connaissance de la finitude<a name="note4" href="#note4a"><strong>[4]</strong></a>&raquo;. Ce bonheur, c&rsquo;est la vie elle-m&ecirc;me en tant qu&rsquo;elle est v&eacute;cue, travers&eacute;e. Les travers&eacute;es, d&rsquo;autre part, laissent des marques, font entrevoir la fragilit&eacute; des choses.<span lang="FR-CA"><o:p><br /> </o:p></span></p> <p align="justify"><span lang="FR-CA">Ces fins quotidiennes sont d&rsquo;ailleurs repr&eacute;sent&eacute;es par la disparition de l&rsquo;humain au sein des objets. Prenons pour exemple cet extrait de <i>Nuage d&rsquo;avion&nbsp;</i>: </span></p> <p align="justify" class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">On peut distinguer si on le cherche vraiment le petit triangle &agrave; l&rsquo;avant, et c&rsquo;est &eacute;trange de penser que cette forme minuscule est &agrave; l&rsquo;origine de la branche neigeuse qui treillage l&rsquo;espace. Quant &agrave; imaginer des hommes install&eacute;s dans ce jouet, non. Pas m&ecirc;me l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un trajet, d&rsquo;une destination. (p. <i>21</i>)</span></p> <p align="justify">Les passagers sont ici confondus &agrave; la mati&egrave;re et comme fig&eacute;s en elle. C&rsquo;est le texte lui-m&ecirc;me, les mots, plus pr&eacute;cis&eacute;ment, qui permettent la fusion entre corps, d&eacute;cor et pens&eacute;e. Un effacement de soi pour laisser place &agrave; l&rsquo;&eacute;tonnement que procure le monde. Ce devenir-chose est d&rsquo;ailleurs mis de l&rsquo;avant dans <i>Un peu de neige dans la cour, </i>o&ugrave; le narrateur &eacute;met des hypoth&egrave;ses sur ce que c&rsquo;est que d&rsquo;&ecirc;tre b&eacute;guine&nbsp;:</p> <p align="justify" class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">D&eacute;canter le monde jusqu'&agrave; n&rsquo;en garder qu&rsquo;une transparence &eacute;blouie. Se compter pour rien, pardonner &agrave; tous ceux qui se croient quelque chose. (p.<i> 39</i>)</span><o:p></o:p></p> <p align="justify">J&rsquo;avancerai ici l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un <i>d&eacute;-corps</i> dans l&rsquo;intentionnalit&eacute; de l&rsquo;&eacute;criture delermienne. S&rsquo;il s&rsquo;agit de se compter pour rien, il reste qu&rsquo;on doit s&rsquo;inclure dans le calcul. C&rsquo;est &ecirc;tre comme en suspension ou, mieux encore, devenir cette lumi&egrave;re m&ecirc;me du quotidien, cette intensit&eacute; qui fait du moment une totalit&eacute;. Le texte devient la possibilit&eacute; de<i> mieux voir</i> le mat&eacute;riau du monde en l&rsquo;usant, en le fatiguant. Le texte deviendrait dans cette optique un tissu conjonctif, un <i>liant</i> et un <i>lisant </i>du monde. Ce <i>d&eacute;-corps, </i>n&rsquo;est-ce pas aussi une d&eacute;route, puisqu&rsquo;il n&rsquo;y a &laquo;[p]as m&ecirc;me l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un trajet, d&rsquo;une destination&raquo;? Peut-&ecirc;tre y a-t-il un point de rencontre entre cette id&eacute;e et une soci&eacute;t&eacute; qui fait la promotion de la vitesse, de l&rsquo;efficacit&eacute; &agrave; tout prix. Ce <i>d&eacute;-corps </i>c&rsquo;est accepter de s&rsquo;abandonner aux lieux et entrer avec eux dans une enti&egrave;re complicit&eacute;, les faire participer &agrave; l&rsquo;espace de notre corps. Il s&rsquo;agit en m&ecirc;me temps de refuser l&rsquo;aseptisation grandissante des lieux publics, aseptisation qui emp&ecirc;che de sentir non seulement sa propre pr&eacute;sence, mais celle des autres comme le propose le texte <i>Blessures de table</i>.</p> <p> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Un ton sur ton</strong></span></p> <p align="justify">Ce <i>d&eacute;-corps</i> on le retrouve aussi chez Delerm dans <i>Le pull d&rsquo;automne</i>, un r&eacute;cit de <i>La Premi&egrave;re Gorg&eacute;e de bi&egrave;re&nbsp;</i>: &laquo;Un pull tr&egrave;s grand&nbsp;: le corps va s&rsquo;abolir, on sera la saison. Un pull en creux d&rsquo;&eacute;paule en esp&eacute;rant&hellip; M&ecirc;me pour soi, c&rsquo;est bon, cette fa&ccedil;on de jouer la fin des choses ton sur ton.<a name="note5" href="#note5a"><strong>[5]</strong></a>&raquo; Dans <i>Escargots</i>, Francis Ponge d&eacute;finissait ce ton sur ton ainsi&nbsp;: &laquo;un &eacute;l&eacute;ment passif, un &eacute;l&eacute;ment actif, le passif baignant &agrave; la fois et nourrissant l&rsquo;actif<a name="note6" href="#note6a"><strong>[6]</strong></a>&raquo;. Ce proc&eacute;d&eacute; a pour effet, dans <i>Souvenez-vous</i>, d&rsquo;activer la m&eacute;moire involontaire chez le sujet qui sera surpris par un imp&eacute;ratif de m&eacute;moire qui n&rsquo;est plus seulement individuelle, mais aussi culturelle, comme en t&eacute;moigne cet extrait&nbsp;:</p> <p align="justify" class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Et tout d&rsquo;un coup, contre le mur&hellip; Juste un nombre d&rsquo;enfants morts. Une date. Rien &agrave; consommer, aucun march&eacute;, aucun commerce. Alors notre capacit&eacute; &agrave; sentir la Shoah s&rsquo;&eacute;veille, s&rsquo;extirpe de cette gangue naus&eacute;euse de produits manufactur&eacute;s o&ugrave; elle perd chaque jour de sa force. Un ordre. Souvenez-vous. L&rsquo;imp&eacute;ratif nous saisit de plein fouet, aux angles droits de la plaque grav&eacute;e. Dans l&rsquo;&eacute;cole, &ccedil;a doit &ecirc;tre la r&eacute;cr&eacute;, on entend une rumeur derri&egrave;re les murs, une bouff&eacute;e de vie, de joie, qui souligne si bien l&rsquo;&eacute;tendue du silence. (p.<i> 76</i>)</span><o:p></o:p></p> <p align="justify">Dans le texte <i>Grande section</i>, c&rsquo;est la situation des sans-papiers qui est abord&eacute;e. C&rsquo;est par un acte de r&eacute;appropriation de la rue, tracts et affiches au menu, qu&rsquo;on veut reprendre une situation en mains. L&rsquo;acte semble vain&nbsp;: &laquo;Et combien de milliers de papiers pour esp&eacute;rer sauver un sans-papiers?&raquo; (p.<i> 126</i>) Mais peut-&ecirc;tre s&rsquo;agit-il de laisser possible l&rsquo;espoir d&rsquo;une justice sociale? En effet, Delerm offre moins des solutions aux probl&egrave;mes sociaux qu&rsquo;une constatation de ceux-ci&nbsp;: il se pose &agrave; nouveau en situation de spectateur, mais tout juste ce qu&rsquo;il faut pour laisser l&rsquo;impression au lecteur que le narrateur pourrait agir sur les &eacute;v&eacute;nements. C&rsquo;est le chemin parcouru qui importe, mais qu&rsquo;arrive-t-il lorsqu&rsquo;on ne sait pas &ndash;ou que l&rsquo;on ne veut pas savoir!&ndash; o&ugrave; le chemin nous m&egrave;ne? Nous retrouvons de nouveau cette id&eacute;e de d&eacute;route soulev&eacute;e pr&eacute;c&eacute;demment.</p> <p> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Nostalgie des rapports &agrave; l'ancienne</strong></span></p> <p align="justify">Il y a une nostalgie &eacute;vidente, dans l&rsquo;&eacute;criture de Delerm, d&rsquo;un temps o&ugrave; la lenteur et les contacts humains se faisaient par autre chose que l&rsquo;interm&eacute;diaire des t&eacute;l&eacute;phones portables et d&rsquo;Internet. D&eacute;j&agrave; dans <i>La Sieste assassin&eacute;e</i>, il &eacute;crivait ceci &agrave; propos des utilisateurs de cellulaires&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mais il y a cet air un peu pench&eacute;, qui navigue sur les trottoirs en solitudes parall&egrave;les. Comme si on &eacute;tait tous exil&eacute;s de l&rsquo;enfance, un peu perdus.<a name="note7" href="#note7a"><strong>[7]</strong></a>&raquo; Dans <i>Traces</i>, un texte intitul&eacute; <i>Le bon r&eacute;seau</i> nous donne &agrave; lire ceci&nbsp;: &laquo;Ils n&rsquo;ont m&ecirc;me pas besoin de passer des SMS, de s&rsquo;enfoncer dans la technologie. Leurs rapports sont encore &agrave; l&rsquo;ancienne, des rapports de quartier, de pr&eacute;sence physique, des rapports d&rsquo;habitude.&raquo; (p. 91) Il y a ici d&eacute;sir de sortir d&rsquo;un temps rapide pour entrer dans un temps o&ugrave; la lenteur et m&ecirc;me la paresse, si on a lu <i>Mister Mouse</i>, sont ma&icirc;tres. Par ces chemins dont on ne veut savoir la destination et qui font incursion dans presque tous les livres de l&rsquo;auteur, il y a le d&eacute;sir de sortir de la fonctionnalit&eacute; de plus en plus poignante du monde moderne. Delerm offre &agrave; son lecteur un art de vivre au quotidien, celui-ci ayant pour principale caract&eacute;ristique d&rsquo;&ecirc;tre fuyant. C&rsquo;est constamment vivre sous le joug de l&rsquo;oubli, n&eacute;cessaire mais angoissant.</p> <p align="justify"><em>Stylet d&rsquo;angoisse</em><span lang="FR-CA">, texte concluant <i>Traces</i>, pose comme d&eacute;cor un mur qui change constamment sous les attaques d&rsquo;un graphomane. Les derni&egrave;res phrases vont comme suit&nbsp;:&nbsp;</span></p> <p align="justify" class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">C&rsquo;&eacute;tait une autre fa&ccedil;on de se cogner contre les murs [en y gravant des mots], contre le monde, cette mani&egrave;re de s&rsquo;inscrire, de vouloir &eacute;chapper &agrave; la surface, &agrave; l&rsquo;effacement. Inqui&eacute;tante aussi, car apr&egrave;s tout le stylet obstin&eacute; des graphomanes n&rsquo;est que la m&eacute;taphore de tous ceux qui &eacute;crivent. Entre les livres et les murs, diff&eacute;remment dilu&eacute;e, c&rsquo;est l&rsquo;angoisse qui m&egrave;ne. Il n&rsquo;y a pas de cr&eacute;ation paisible.</span><o:p></o:p></p> <p align="justify">Aucune cr&eacute;ation paisible, certes, car les mots m&ecirc;me grav&eacute;s finissent par dispara&icirc;tre. Avec <i>Traces</i>, il semble qu&rsquo;une conscience encore plus importante de l&rsquo;impermanence se fait porteuse des mots, toujours bien fil&eacute;s, de Philippe Delerm. &laquo;&Agrave; chaque risque le bonheur est l&agrave;<a name="note9" href="#note8a"><strong>[8]</strong></a>&raquo;, &eacute;crivait-il dans <i>Fragiles. </i>Vivre le bonheur, de nos jours, c&rsquo;est &ecirc;tre conscient d&rsquo;une perte &eacute;ventuelle qui nous guette&nbsp;: il faut opter pour le risque.<span> </span></p> <p> <a name="note1a" href="#note1"> 1</a> R&eacute;mi Bertrand,<em>&nbsp;Philippe Delerm et le minimalisme positif</em>, Monaco, &Eacute;ditions du Rocher, 2005, 235 p.<br /> <a name="note2a" href="#note2"> 2</a> <em>Ibid</em>., p. 144.<br /> <a name="note3a" href="#note3"> 3</a> <em>Ibid</em>., p. 42.<br /> <a name="note4a" href="#note4"> 4</a> <em>Ibid.,</em> p. 152<br /> <a name="note5a" href="#note5"> 5</a> Philippe Delerm, <em>La Premi&egrave;re gorg&eacute;e de bi&egrave;re et autres plaisirs minuscules</em>, Paris, Gallimard, coll. &laquo;L&rsquo;Arpenteur&raquo;, 1997, p. 58.<br /> <a name="note6a" href="#note6"> 6</a> Francis Ponge, <em>Le Parti pris des chose </em>pr&eacute;c&eacute;d&eacute; de <em>Douze petits &eacute;crits </em>et suivi de <em>Pro&ecirc;mes</em>, Paris, Gallimard, 1948, p. 51. <br /> <a name="note7a" href="#note7"> 7</a> Philippe Delerm, <em>L</em><em>a Sieste assassin&eacute;e</em>, Paris, Gallimard, coll. &laquo;L&rsquo;Arpenteur&raquo;, 2001, p. 16.<br /> <a name="note8a" href="#note9"> 8</a> Philippe Delerm, Martine Delerm (aquarelles), <em>Fragiles</em>, Paris, &Eacute;ditions du Seuil, coll. &laquo;Points&raquo;, Paris, 2001, p. 30.</p> <p></p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-bonheur-ou-lart-de-la-perte#comments BERTRAND, Rémi DELERM, Martine DELERM, Philippe Flânerie France PONGE, Francis Quotidien Réalisme Urbanité Récit(s) Mon, 22 Dec 2008 11:25:00 +0000 Benoit Bordeleau 47 at http://salondouble.contemporain.info