Salon double - AUDET, René http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/513/0 fr S’essayer pour se transformer http://salondouble.contemporain.info/lecture/s-essayer-pour-se-transformer <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/guillois-cardinal-raphaelle">Guillois-Cardinal, Raphaëlle</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/dino-egger">Dino Egger</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p style="text-align: justify;">Les récits d’Éric Chevillard se présentent comme plusieurs hybridations de formes. Souvent qualifiés de bizarreries tant par les critiques que par les lecteurs, ils réussissent à déjouer les attentes en subvertissant les règles de la logique littéraire, devenant par le fait même d’excellents exemples de «sabotage» du roman. L’anti-romancier qu’est Chevillard ne cherche pas à créer de nouvelles catégories, mais bien à mettre le désordre dans celles que nous connaissons déjà, et ce, tout en remettant en question des réalités qui nous semblent pourtant certaines.</p> <p style="text-align: justify;">Ne serait-ce que par la présence d’une réflexivité permanente et par la défense implicite ou explicite de certains idéaux littéraires, souvent défendus par des narrateurs-personnages eux-mêmes auteurs, l’oeuvre de Chevillard entretient un rapport de proximité avec le genre de l’essai. <em>Dino Egger</em><strong><a href="#_edn1" name="_ednref1" title="">[1]</a></strong> mélange même adroitement fiction et essai, car si l’essai se montre souvent capable d’inventer des récits, avec <em>Dino Egger</em>, c’est le récit qui invente un essai. En effet, dans ce récit, Albert Moindre, un auteur exalté et quelque peu dérangé, entreprend une espèce d’enquête sous la forme d’un projet d’écriture qui s’approche remarquablement de la forme essayistique. Une question fondamentale, ontologique même, l’habite:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p style="text-align: justify;">Enfin j’en tiens&nbsp;un et nous allons savoir. Nous allons savoir. Nous allons savoir! Nous allons obtenir une réponse à cette question qui ne laisse plus en paix une seconde l’esprit qui l’a un jour conçue incidemment ou au terme d’une réflexion bien ordonnée: que serait aujourd’hui le monde si Homère ou Marco Polo n’avaient pas existé? Ou Platon. Ou Pythagore. Ou Leonard. Ou Mozart, Einstein, Archimède, Colomb, Rembrandt, Marx, Newton, Shakespeare, Cervantès, l’un de ceux-là qui ont à un moment donné de l’histoire impulsé un mouvement, un désordre, ou mis en branle une ingénieuse et fatale mécanique dont a procédé la réalité nouvelle […]. Nous allons le savoir car j’en tiens un, je tiens Egger, et Egger – du moins cet Egger-là – Dino Egger –ce Dino Egger du moins– n’a jamais existé. Et force est de constater que le monde ne ressemble pas à ce qu’il eût été inévitablement si Egger avait vécu (7-8).</p> </blockquote> <div> <p style="text-align: justify;">En somme, selon Albert Moindre –moindre parce que moindre que Dino, évidemment– Dino Egger était promis à un important destin et son inexistence laisse un vide énorme. Dino Egger est donc l’homme à naître, à engendrer, à inventer, et le récit de Chevillard se fait le pendant d’un œuf prêt à éclore.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#808080;"><strong>L’essai de la fiction</strong></span></p> <p style="text-align: justify;">À première vue, ce qu’écrit Albert Moindre semble être une sorte de journal de bord tenu sur son projet de recherche, journal dans et par lequel il réfléchit. Mais la prose de Moindre s’approche tant de celle de l’essayiste que l’on peut sans scrupule parler de son journal comme d’un essai. Il faut d’abord souligner le style conversationnel de l’écriture d’Albert Moindre dont émerge un dialogue <em>in absentia.</em> En effet, en s’adressant à Dino ou à divers destinataires inconnus, Moindre peut donner libre cours au va-et-vient de ses opinions et à la confrontation de ses hypothèses, selon un mode informel, sans ordre prédéterminé qui viendrait structurer ses idées. Propre au registre familier, ce style qu’adopte Moindre est aussi celui que privilégie l’essai, selon la tradition montaignienne du genre. Si l’essai, tel que l’a initié Montaigne, est considéré comme un processus qui s’écrit, l’écriture de Moindre, en avançant par tâtonnements, à coups de suppositions, de dénégations, de contradictions et d’essais-erreurs, est bel et bien fidèle au déploiement de sa pensée. D’ailleurs, un narrateur extérieur au récit fait parfois irruption pour mettre en évidence ce processus de réflexion simultané à l’écriture: «Albert Moindre se mordille la lèvre inférieure. Il se gratte la tempe. Au bout d’un moment, les idées lui viennent. Vite. Il les note» (12). Mais plus encore que la représentation d’une pensée en mouvement, le récit, au même titre que l’essai montaignien, prend tout à fait la forme d’une expérimentation par l’esprit: sans prétention à la vérité ou à l’exhaustivité, Moindre, en l’absence de preuves pouvant certifier ses hypothèses quant à la vie et l’œuvre de Dino, examine ses idées, incompatibles et contradictoires, les unes après les autres, en demeurant du côté du doute. Aussi, tel l’essayiste méditatif qui opère une réflexivité radicale sur son travail et sa posture, Moindre pose un certain regard critique sur lui-même. Bien qu’il s’investisse entièrement dans son projet, il est confronté à ses limites: s’il doit se frapper la tête et ainsi violenter sa matière grise, c’est bien parce que l’objectif visé le dépasse et que son projet ne s’accomplit pas avec facilité.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#808080;"><strong>L’expression d’une subjectivité</strong></span></p> <p style="text-align: justify;">Se situant entre la prose et la poésie, l’essai, toujours selon la forme souple que l’on doit à Montaigne, se prête à la réflexion, mais aussi à l’intuition, aux formules, aux commentaires et aux états d’âme, devenant ainsi propice à l’expression d’une forte subjectivité. Or, tout en recourant à des images pour illustrer son point de vue, Moindre se laisse constamment emporter par ses émotions. Les traces de sa subjectivité sont nombreuses: originalité du propos, présence de tropes, d’envolées lyriques, du «Je» et de commentaires explicites au sujet de sa propre posture d’énonciation. À travers ses digressions, Moindre s’abandonne même à diverses considérations autobiographiques, parlant notamment de sa famille et de son milieu d’origine. Apparemment, sa vie n’est pas en adéquation avec ses espérances, d’où, peut-être, cette volonté de porter secours à l’humanité en engendrant un génie tel que Dino Egger. Ici, l’idée du <em>livre sur moi&nbsp;</em>devient manifeste: non seulement Moindre parle de lui en se questionnant sur Dino, génie de son invention qui traduit ses propres aspirations, mais de surcroît, il désire réellement ne faire qu’un avec son sujet. Plus son projet avance, plus sa réflexion se développe, plus ce désir se dévoile. Il doute tant de l’identité de Dino qu’il ose avancer l’hypothèse suivante: «je suis, dis-je, si imprégné de son génie singulier et fuyant qu’il m’arrive de me demander si je ne suis pas Dino Egger et si le sens de ma recherche ne consistait pas plutôt à définir et préciser exactement la cadre de ma mission» (116). En d’autres mots, Moindre serait-il foncièrement la matière de son livre? À ce stade, le pronom «Je» disparaît, laissant place à une guerre impitoyable entre Moindre et Egger qui se disputent un même corps. En proie au morcellement de sa personne, Moindre se détache de son identité première, parle de lui à la troisième personne et accuse même l’être qu’il était d’avoir empêché l’existence de Dino. À la toute fin du récit, Moindre sera littéralement devenu Dino: l’affirmation montaignienne disant <em>Je suis en mon livre et mon livre est en moi, je n’ai pas plus fait mon livre que mon livre ne m’a fait</em>, est, dans cette circonstance, appliquée à la lettre.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#808080;"><strong>Un essayiste à la dérive</strong></span></p> <p style="text-align: justify;">Au fil du texte, Moindre remet tellement tout en question qu’il finit par interroger d’abord sa propre identité, puis sa légitimité à exister. La métaphore de la dérive utilisée par René Audet (2005) pour saisir tant la pensée en mouvement, notion inhérente au genre de l’essai, que la mouvance du genre lui-même, est ici tout à fait appropriée, car la pensée de Moindre dérive, véritablement, et donne lieu à une écriture des plus hybrides. Le projet d’écriture de Moindre devient un registre de ce qui se passe en lui, graduellement, jusqu’à sa chute dans le délire psychotique. L’essai, révélateur de la conscience, devient donc même, dans ce cas-ci, révélateur de l’inconscient. Alors que Moindre sombre dans son délire, il ne démontre plus la réflexivité et l’ouverture requises par la posture de l’essayiste, trop occupé qu’il est à se débattre entre deux entités qui ne peuvent cohabiter, soit la sienne et celle de Dino. Or, si son ethos ne s’éloigne pas complètement de celui de l’essayiste c’est que, malgré son incapacité à acquérir notre confiance, en laissant voir son caractère loufoque, ses espérances, son absence de malveillance, ses limites et sa vulnérabilité, il continue de se dévoiler tout en demeurant d’une honnête transparence.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#808080;"><strong>L’essai comme performance</strong></span></p> <p style="text-align: justify;">Enfin,<em> Dino Egger</em> raconte l’histoire de la «métamorphose» d’un homme, histoire dont l’événementialité et l’action du protagoniste, si maigre semble-t-elle, se trouvent entièrement rattachées à l’écriture essayistique. Par la souplesse de sa forme, l’essai issu de la prose montaignienne permet justement toute la part d’imprévisibilité nécessaire à un personnage d’auteur tel que Moindre: il semble évident que Moindre ne parvient pas au but conscient qu’il s’était initialement forgé, car son idée première n’était pas d’usurper l’identité de Dino ni, selon ses mots, d’amoindrir Moindre.</p> <p style="text-align: justify;">Le récit met ainsi l’accent sur le caractère performatif de l’écriture, performativité particulièrement importante chez l’essayiste qui expérimente ses idées à travers l’écriture: expérimenter ou essayer, c’est sans contredit être dans l’action, même si aucun programme n’est d’avance établi et que le résultat final, par conséquent, demeure imprévisible. La prose essayistique est d’ailleurs tissée, implicitement ou explicitement, de bien des verbes par lesquels se déclare l’action: «je propose», «je prétends», «j’avoue», «je reconnais», «j’essaie», «je m’essaie», etc. Non seulement l’essayiste met sa crédibilité en jeu, mais de surcroît, en présentant une part de son expérience subjective du monde par l’énonciation de son propre point de vue, il se met, en quelque sorte, lui-même en scène. Nécessairement, il se trouve en représentation et ainsi, se forme une identité à travers l’acte d’écriture. Mais si, dans <em>Dino Egger</em>, l’essai prend bel et bien la place d’une véritablement épreuve de connaissance de soi, Albert Moindre, pulvérisé par sa propre création, s’y heurte durement.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <hr /> <p style="text-align: justify;"><strong>Bibliographie</strong></p> <p style="text-align: justify;">AUDET, René (2005), «Dérives de l’essai», <em>Études littéraires, </em>vol. 37, numéro 1, (automne), p.7-11.<br />CHEVILLARD, Éric (2011), <em>Dino Egger</em>, Paris, Minuit.<br />MONTAIGNE, Michel de (1985), <em>Essais</em>, 3 volumes, Paris, Librairie générale française. (Coll. «&nbsp;Livre de poche&nbsp;».)<br />VAILLANCOURT, Luc (2008), «L'individualisme humaniste: égotisme rhétorique ou expression de soi»,&nbsp;<em>Modèle linguistiques,&nbsp;</em>vol. 58, p. 99-109.</p> <p style="text-align: justify;"><strong><a href="#_ednref1" name="_edn1" title="">[1]</a></strong> Toutes les références à ce roman seront intégrées entre parenthèses dans le corps du texte.</p> </div> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/s-essayer-pour-se-transformer#comments AUDET, René CHEVILLARD, Éric Fiction France Genre MONTAIGNE, Michel VAILLANCOURT, Luc Essai(s) Roman Mon, 22 Oct 2012 18:14:09 +0000 Pierre-Paul Ferland 605 at http://salondouble.contemporain.info Ouvrir le coffre bleu de Pandore: un best seller québécois à l'épreuve de l'esthétique contemporaine http://salondouble.contemporain.info/article/ouvrir-le-coffre-bleu-de-pandore-un-best-seller-qu-b-cois-l-preuve-de-lesth-tique <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/breton-luc">Breton, Luc</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-label">Référence bibliographique:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/le-secret-du-coffre-bleu">Le secret du coffre bleu</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/les-meilleurs-vendeurs">Les meilleurs vendeurs</a> </div> </div> </div> <p>Depuis une dizaine d’années, plusieurs humoristes québécois se sont également fait connaître comme comédiens, profitant d'un public déjà constitué pour renégocier les frontières d'un métier qui, du reste, relève déjà pour une large part du jeu d'acteur. D'autres, comme Ghislain Taschereau avec <em>Les aventures de l’Inspecteur Specteur</em> (1998, 1999, 2001), Louis-José Houde avec ses livres humoristique <em>Mets-le au 3!</em> (2007) et<em> Suivre la parade</em> (2010) ou, plus récemment, Lise Dion avec <em>Le secret du coffre bleu</em> (2011) –qui fera l’objet de la présente lecture–, ont tenté une percée du côté de la littérature sans toutefois revendiquer le statut d'écrivain. À la différence des écrits des deux premiers, le récit que fait paraître Lise Dion est en nette rupture de ton avec son œuvre humoristique. Issu de cahiers et de documents découverts dans à la mort de la mère adoptive de l’auteure,<em> Le secret du coffre bleu</em> fait la lumière sur un pan méconnu de la vie d’Armande Martel, une jeune religieuse de Chicoutimi qui décide d’aller prononcer ses vœux à Rennes au début des années 1930 et qui, sous l’Occupation, est arrêtée et déportée au camp de Buchenwald où elle sera détenue pendant près de cinq ans, contrainte à travailler pour l’industrie de guerre allemande. En s'appuyant sur cet héritage trouvé dans un coffre bleu dont l'accès lui avait toujours été interdit, Lise Dion a tenté de mettre en récit l'expérience traumatique de sa mère, retraçant par le fait même sa propre histoire familiale jusqu'au décès de son père en 1965, alors qu'elle avait dix ans. Ce travail de réécriture a été complété par des entretiens avec des survivantes du camp de concentration réalisés par l'auteure ainsi que des recherches archivistiques commencées en 2004.</p> <p>Loin de se limiter à un simple divertissement, ce «meilleur vendeur» est aussi un récit de transmission qui participe plus largement de la tendance actuelle de la littérature mémorielle. C'est dans cette perspective que je propose de lire <em>Le secret du coffre bleu</em>; en tentant de voir comment ce récit actualise certaines préoccupations, tant du point de vue générique que narratif, que l'on reconnaît plutôt à la littérature contemporaine de circuit restreint. <a name="renvoi1"></a><a href="#note1">[1]</a></p> <p><strong>De la logique du best seller à la forme du récit</strong></p> <p>Avant d'aller plus loin dans la lecture du récit de Lise Dion, il convient d'abord de nuancer le concept de «meilleur vendeur» sur lequel le présent dossier incite à réfléchir. Il ne s'agit aucunement par là de remettre en question le statut de best seller du <em>Secret du coffret bleu </em>qui compte parmi les meilleurs succès commerciaux de la dernière année. Sans compter que ce récit a été publié aux éditions Libre Expression (Quebecor Media), qui se spécialisent dans l’édition d’ouvrage à succès, et que l’auteure reconnaît l'avoir écrit pour le public déjà constitué par sa carrière. D'un point de vue plus formel, ce récit s’inscrit classiquement dans ce qui fait la spécificité du best seller autant par la simplicité de l'intrigue et de l'écriture que par le découpage feuilletonnesque de l'ensemble. Construit de manière à tenir le lecteur en haleine, en limitant le contenu historique à des repères de base, <em>Le secret du coffre bleu</em> privilégie le divertissement à l'effort cognitif. Lise Dion ne propose pas une expérience esthétique novatrice; il ne s'agit pas pour elle de faire preuve de virtuosités narratives ou de composer un réseau intertextuel complexe qui, dans l'œuvre de plusieurs représentants de l'esthétique contemporaine, redouble le caractère mémoriel du récit en multipliant les références à une tradition littéraire. À ces aspects qui permettent de lire <em>Le secret du coffre bleu</em> dans la logique du best seller s'ajoute aussi le fait que l'expérience concentrationnaire dont témoigne ce récit rencontre les attentes d’un public déjà conquis par la littérature consacrée à l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. C'est ce dont témoignent abondamment les sections des librairies consacrées à l'histoire où s'entassent les biographies du Führer et les études scientifiques sur le Troisième Reich, mais aussi le succès de romans comme <em>Les Bienveillantes</em> (2006) de Jonathan Littel ou, plus récemment, <em>La Jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler</em> (2010) de Michel Folco <a name="renvoi2"></a><a href="#note1">[2]</a> pour ne citer que deux exemples très connus.</p> <p>Le récit de Lise Dion n'échappe pas à cette fascination contemporaine pour le nazisme que Philippe Breton (2007) n'hésite pas à décrire comme un phénomène de mode, mais il n’en demeure pas moins qu’il ne cède pas à une simple instrumentalisation de l'histoire du Troisième Reich à des fins commerciales comme c'est le cas pour plusieurs productions culturelles contemporaines (on pense notamment au cinéma et aux jeux vidéo). En effet, l’auteure s'intéresse au micro-récit d'une victime, d'une survivante anonyme et, par extension, à l'expérience concentrationnaire d'une poignée de Canadiennes-françaises qui ne suscite guère d’intérêt aujourd’hui et dont la mémoire historique a pratiquement disparu. Ce programme narratif et le traitement de la mémoire qu'il comporte déborde du cadre du best seller et, au fil de la lecture, en redéfinit subtilement les frontières. Dès lors, si le concept de «meilleur vendeur» désigne bien un phénomène objectivement identifiable, il s’agit également d’un cliché qui renvoie à un objet déjà assemblé, à un phénomène dont les composantes sont déjà stabilisées de telle sorte qu'il ne reste plus qu'à l'aborder sur le mode de la reconnaissance (Deleuze: [1968] 2000) plutôt que sur celui de l'expérimentation qui permettrait d'en saisir la différence. Cette différence passe notamment par l'indétermination générique du récit de Lise Dion qui, me semble-t-il, présente plusieurs ambiguïtés autorisant un rapprochement avec l’esthétique contemporaine.</p> <p>Car <em>Le secret du coffret bleu</em> ne se confine pas dans un genre couramment pratiqué dans la littérature de grande consommation: il ne s’agit ni d’un roman, ni d’une biographie ou d’un témoignage, mais bien d’un <em>récit</em>. Ce choix est d’autant plus significatif qu’il sous-tend, à l’instar de plusieurs œuvres emblématiques de la littérature actuelle de circuit restreint, une réflexion sur la forme et l’écriture dans la mesure où la mise en récit des notes fragmentaires contenues dans le coffre bleu constitue un travail de réécriture formant une sorte de palimpseste généalogique. Plus encore, le texte de Lise Dion résulte d'une hybridation d’écriture de soi et d’écriture de l’Histoire s’appuyant sur des documents d’archives. Seule la forme du récit, «forme toujours en question, en déséquilibre […], forme tenue dans l'incertitude même de ses modes» (Viart, 1998: 24) pouvait rendre possible un tel projet d’écriture. Cette forme de l'incertitude retenue par l'auteure renforce également la double incertitude dont se compose plus généralement le récit, à savoir celle dans laquelle se trouve plongée la narratrice à la suite du décès de sa mère et de la découverte du contenu problématique du coffret, et celle vécue par sa mère dans le quotidien de l’univers concentrationnaire. Le recours au récit permet aussi d’introduire une instance narrative tout aussi incertaine –à la fois <em>je</em> de l’auteure et <em>je</em> de la mère parasité par celui de sa fille– par laquelle la narratrice tente une restitution empathique du passé méconnu de sa mère. En se substituant à sa mère qui s'adresse familièrement à sa Lison, le récit ne permet pas d'identifier&nbsp; directement le<em> je</em> de la narratrice au <em>je</em> de l’auteure. Dès lors, le «pacte autobiographique» (Philippe Lejeune) auquel pouvait s'attendre le lecteur à la lecture du premier chapitre est définitivement rompu par un <em>je</em> polyphonique avec lequel interfèrent notamment le discours archivistique et, en creux, celui de ceux qui ont collaboré à l'écriture du récit, lequel s'achève sur de longs remerciements faisant état de ces contributions.</p> <p>Ces quelques observations sur le genre retenu par Lise Dion pour mettre en forme les fragments de son passé familial laissent entrevoir une démarche réflexive qui fait écho aux préoccupations des «nouvelles écritures littéraires de l’Histoire» qui, depuis plus d'une dizaine d'années, occupent une place considérable dans l’esthétique contemporaine (Viart, 2009b). À travers la forme du récit, c’est une identité à la fois singulière et plurielle qui se réinvente; un sujet qui recompose, entre mémoire et savoir, les fragments d'un passé familial à travers un entrelacement de souvenirs, de fiction et d'archive.</p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>L’émergence d’un récit de filiation</strong></p> <p>Si Lise Dion donne parfois l'impression de justifier l'écriture de son récit par le seul devoir de mémoire («Pour que toujours je me souvienne», p.26), il n’en demeure pas moins que<em> Le secret du coffre bleu</em> participe aussi d’un travail de mémoire qui se traduit par une quête de filiation. En effet, bien que le long prologue annonce plutôt le récit d'une «victime de la Seconde Guerre mondiale» (p.24), plus du tiers du livre, soit presque deux des quatre cahiers dont il est composé, est consacré à la reconstitution de la vie d'Armande, la mère de l'auteure. Le premier cahier s'ouvre sur sa naissance en 1912 et retrace la généalogie de celle-ci; survient ensuite le décès prématuré de sa mère (grand-mère de l’auteur) auquel succède une description des années passées à l'orphelinat, puis au couvent et son séjour en France (à Guernesey et à Rennes) où elle décide de s'établir après avoir prononcé ses vœux en 1933. À l’épisode de l'arrestation en 1940 succède l'épisode de la déportation dans des camps d'internement réservés aux sujets britanniques et son transfert définitif à Buchenwald jusqu’à la Libération. Le récit se poursuit encore jusqu’à la rencontre de Marcel, qu'Armande épouse à son retour au Québec, et s’achève sur la naissance de Lison, en 1955, jusqu’au décès prématuré de Marcel en 1965, père adoptif. Ce rappel des principaux moments de l'intrigue du <em>Secret du coffre bleu</em> montre bien qu'il ne s'agit pas pour la narratrice de s'en tenir à la transmission du récit traumatique de sa mère dans l’univers concentrationnaire. Sa démarche s'apparente plutôt à une recherche généalogique visant à conjurer une incertitude mémorielle et identitaire découlant de l’effacement de ses liens familiaux.</p> <p>Ce travail de mémoire –qui, on le verra bientôt est aussi un travail de deuil– passe par l’écriture/réécriture d’une expérience léguée en héritage en même temps que par un travail de documentation s’appuyant sur des archives. Cette dimension cognitive du récit qui permet de «prendre connaissance» (p.204) de l'histoire maternelle à travers les fragments de l'histoire familiale contenue dans le coffre bleu permet en quelque sorte à l’auteure d'attacher sa mémoire à des matériaux plus solides et moins changeants, de leur conférer une légitimité factuelle à partir de laquelle son identité peut se reconstruire. Une telle enquête sur l’ascendance et sur les rapports entre connaissance (de soi) et écriture n’est pas sans rappeler le&nbsp;récit contemporain de filiation qui a pour originalité de</p> <p>substituer au récit plus ou moins chronologique de soi [...] une enquête sur <em>l’ascendance</em> du sujet [où] les écrivains remplacent l’investigation de leur <em>intériorité</em> par celle de leur <em>antériorité</em> familiale. Père, mère, aïeux plus éloignés, y sont les objets d’une recherche dont sans doute l’un des enjeux ultimes est une meilleure connaissance du narrateur de lui-même à travers ce(ux) dont il hérite (Viart, 2009a: 96).</p> <p>Le prologue du<em> Secret du coffre bleu</em>, qui s'ouvre sous le signe du deuil, montre bien à quel point le récit est traversé par cette enquête d'un sujet doublement dépossédé de son origine familiale et qui tente non seulement de reconstituer son antériorité à travers une recherche archivistique, mais aussi de recomposer l’image d’une mère qui, de son vivant, lui avait toujours caché son passé. C’est sous le signe de l’altérité qu’est vécue leur relation; malgré leur belle complicité, le rapport qu’entretenait la narratrice avec sa mère demeurait problématique parce que celle-ci était à la fois possessive et rancunière, et particulièrement aigrie durant les dernières années de sa vie.</p> <p>Aussi la quête de filiation de la narratrice doit-elle passer par une reconstitution du passé maternel, mais également par une révision complète de l’image qu’elle s’était faite de sa mère en raison de son mutisme sur ses expériences antérieures. Lorsque l'auteure lui posait des questions sur son passé, «elle trouvait toujours mille et une façons de ne pas répondre» (p.28). Et ce silence ne porte pas seulement sur le passé douloureux d’Armande; la découverte du contenu du coffre bleu révèle aussi à l’auteure son séjour dans un orphelinat avant son adoption, épisode de sa vie que sa mère lui avait toujours caché. La mort de la mère sur laquelle s'ouvre le récit brise le silence et introduit chez la narratrice un soupçon sur l'origine. Son deuil déclenche la quête de l’antériorité familiale. Le prologue est marqué par l'irruption d'un sujet mélancolique –instance narratrice caractéristique du récit de filiation (Demanze, 2007)– confronté à la perte de son dernier repère familial en même temps qu’à l'héritage problématique du coffre bleu. Face aux emblèmes de la mort, cadavre, objets ayant appartenus à la défunte, cercueil, etc., la narratrice se sent aussitôt envahie par la nostalgie et le fantôme de sa mère vient la hanter à travers d’heureux souvenirs d'enfance en sa compagnie. Contrainte de vider le logement maternel, elle ne peut réprimer un sentiment de culpabilité lorsqu'elle apprend que le corps se décomposait déjà depuis deux jours (p.10). Ce passage donne lieu à une description empiriste de la situation où les sens de la narratrice sont saturés par l'odeur de la mort: «J'avais l'impression que jamais je ne parviendrais à me défaire de cette odeur qui restait collée à mes narines et à mes vêtements. Mais ce qui était pire, c'était l'immense silence et le grand vide qui régnaient dans son logement» (p.11). Tous les objets qu'elle doit récupérer sont autant d'évidences de la disparition de sa mère; son parfum, ses bijoux, ses chaussures rappellent mélancoliquement à la narratrice la vanité de toute chose et la précarité de l'existence. C'est à ce moment du prologue que l'auteure choisit de faire interférer le récit avec des photographies de ses parents. En plus de servir de document, ces images sont aussi des emblèmes de la mélancolie, immobilisant le passé et «rassemblant une fois encore la famille dispersée» (Demanze, 2007: 247).</p> <p><strong>Une anthropologie de la survie</strong></p> <p>Avec <em>Le secret du coffre bleu</em>, il ne s'agit pas de restituer fidèlement l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, mais plus modestement de mettre en scène des moments historiques du point de vue d’un être anonyme, d’un figurant. Dans ce qu'il nomme les «nouvelles écritures contemporaines de l'histoire», Dominique Viart observe que la plupart des romans ou récits consacrés à des «vies défaites» durant la Seconde Guerre mondiale présentent «une dimension volontiers sociologique» (2009b: 29) où la position d'enquêteur adoptée par le narrateur sous-tend un rapport au savoir:</p> <p>Ces romans ou récits ne transfigurent plus un savoir en matière romanesque, mais développent la mise en scène de sa conquête, de sa difficile élaboration, laquelle procède d'un manque à savoir, agit par hypothèses [...], par recoupement d'informations diverses [...] fouilles d'archives aléatoires ou familiales […] (Viart, 2009: 24).</p> <p>Cette perspective est double dans le cas du <em>Secret du coffre ble</em>u qui, d'une part, met en scène la conquête d'un savoir par la réécriture et la recherche archivistique et qui, d'autre part, décrit la démarche cognitive d'Armande placée dans des situations extrêmes où elle doit réapprendre le fonctionnement des nouveaux rapports sociaux de l'univers concentrationnaire. Contrainte de se constituer une véritable anthropologie de survie au risque de sombrer dans la folie et dans la haine, elle doit trouver refuge dans le sentiment d'appartenance à ceux qui partagent sa condition. Pour elle, la connaissance d'autrui devient le seul garant de son existence et de sa survie possible. C'est dans cette perspective que <em>Le secret du coffret bleu</em> décrit longuement l'amitié d'Armande pour d'autres prisonnières du camp comme Simone (une Canadienne-française établie en Bretagne), Mathilde (l’épouse d’un résistant) et Iréna (une Juive polonaise) qui, par différentes stratégies allant jusqu'à la prostitution, se protègent mutuellement des hommes qui tentent de nier leur humanité. La survie –ainsi que l’apprend Armande par essais et erreurs– dépend d'alliés fiables, capables de s'associer pour résister de façon muette et tenace. Cette dimension cognitive du récit concentrationnaire passe aussi par l'écriture; la consignation de son expérience traumatique se faisait au risque de sa vie, sur des cahiers qu'elle dissimulait dans ses vêtements.</p> <p>Pour Armande, survivre dépendait aussi des sentiments, comme en témoigne son amour paradoxal pour Franz, un officier allemand qui lui adresse la parole alors qu’il surveille son travail qui consiste à «fixer des balles de mitrailleuse d'avion sur une ceinture» (p.107). Avec cet épisode se dessine en creux une anthropologie de la survie où les rapports affectifs protègent de la menace extérieure et permettent une identification du sujet à ceux qui partagent son expérience indicible. À la Libération, la vie affective d'Armande se prolonge avec la rencontre de Marcel, dont l’amour lui permettra bientôt de se constituer des repères familiaux dans un monde qu’elle aura préféré laïc après avoir vécu les pires atrocités du siècle et avoir été rejetée par la congrégation religieuse qui, malgré des examens passés pour s'assurer qu'elle avait préservé sa virginité durant sa détention, a persisté à la croire corrompue par l'ennemi allemand. Dans les interstices du récit se dessine donc la quête de filiation de la mère, une quête qui, à la mort de Marcel, s’est résorbée dans le deuil et le silence jusqu'à déléguant sa mémoire à un coffre dont elle avait toutefois assuré la transmission à sa fille.</p> <p>Ouvrir le coffre bleu, c'était en quelque sorte, pour Lise Dion, ouvrir la boîte de Pandore. Il était tout aussi risqué de tenter de voir ce qu'un best seller tel que <em>Le secret du coffret bleu</em> peut partager avec la littérature contemporaine de circuit restreint. La présente lecture aura tenté de mettre en lumière certains points de rencontres, des réciprocités qui témoignent de la porosité des écritures contemporaines, qu'elles soient de grande consommation ou issues de l'esthétique contemporaine telle qu'elle a été problématisée en France et au Québec depuis la fin du siècle dernier. S'il est vrai, comme le veut la légende, qu'au fond de la boîte de Pandore se trouve l'espérance, Lise Dion l'a bien libérée en réhabilitant le tragique d'une vie «pour que jamais [ils] n'oublient» (p.204). J'espère pour ma part que cette lecture aura libéré <em>Le secret du coffret bleu</em> d'une conception a priori du best seller où ne passe ni le tranchant de la différence, ni celui de la contemporanéité.</p> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p>AUDET, René&nbsp; [dir.] (2009), <em>Enjeux du contemporain. Études sur la littérature actuelle</em>, Québec, Éditions Nota bene, (Contemporanéités).</p> <p>BRETON, Philippe (2007), «Nazisme: une fascination déplacée», Conférence au séminaire«Victor Klemperer, écriture et résistance II», Université Marc Bloch, jeudi 30 novembre 2006. Disponible sur le blogue de l'auteur, [en ligne]. <a href="http://argumentation.blog.lemonde.fr/2007/10/08/nazisme-une-fascination-deplacee/">http://argumentation.blog.lemonde.fr/2007/10/08/nazisme-une-fascination-deplacee/</a> (Page consultée le 7 décembre 2011).</p> <p>DELEUZE, Gilles ([1968] 2000), <em>Différence et répétition</em>, Paris, Presses universitaires de France, (Épiméthée).</p> <p>DEMANZE, Laurent (2008), <em>Encres orphelines</em>, Paris, José Corti, (Les essais).</p> <p>DION, Lise (2011), <em>Le secret du coffre bleu</em>, Montréal, Libre Expression.</p> <p>VIART, Dominique [dir.] (1998), <em>Écritures contemporaines 1. Mémoires du récit,</em> Paris/Caen, Lettres modernes Minard, (La revue des lettres modernes).</p> <p>VIART, Dominique (2009a), «Le silence des pères au principe du “récit de filiation”», dans <em>Études françaises</em>, vol. 45, n° 3, 2009, p. 95-112.</p> <p>VIART, Dominique [dir.] (2009b), <em>Écritures contemporaines 10. Nouvelles écritures littéraires de l’Histoire</em>, Caen, Lettres modernes Minard, (La revue des lettres modernes).</p> <p>&nbsp;</p> <p><a name="note1"></a><a href="#renvoi1">[1] </a>Le lecteur de Salon double étant familier avec l'esthétique contemporaine, je me contente de renvoyer ici aux travaux consultés pour le présent article. Voir notamment les articles liminaires des collectifs de Audet (2009) et de Viart (1998; 2009), et l’ouvrage de Demanze (2008).</p> <p><a name="note2"></a><a href="#renvoi2">[2]</a> Pour un aperçu de la production littéraire s'inspirant du nazisme, voir Le magazine littéraire, «Le nazisme, 60 ans de romans», septembre 2007.&nbsp;</p> <p>&nbsp;&nbsp;</p> AUDET, René BRETON, Philippe DELEUZE, Gilles DEMANZE, Laurent VIART, Dominique Roman Thu, 12 Jan 2012 21:50:29 +0000 Luc Breton 436 at http://salondouble.contemporain.info L’écume du contemporain http://salondouble.contemporain.info/antichambre/l-ecume-du-contemporain <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/gervais-bertrand">Gervais, Bertrand</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-text field-field-soustitre"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> Réflexions sur le contemporain III </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p></p> <p class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><span lang="FR" style="">Le contemporain est un objet difficile &agrave; cerner. <o:p></o:p></span></p> <p>Ce n&rsquo;est pas un territoire, simple &agrave; circonscrire et &agrave; baliser, c&rsquo;est un temps, et plus pr&eacute;cis&eacute;ment le temps pr&eacute;sent. Or, le pr&eacute;sent, notre pr&eacute;sent, n&rsquo;est pas un temps homog&egrave;ne; il est fait de temporalit&eacute;s diff&eacute;rentes, de tensions multiples et de vecteurs pluriels. Pour Paul Zawadzki, &laquo;Les temps sociaux se structurent dans la multiplicit&eacute;, l&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; et la conflictualit&eacute;<a name="note1" href="#note1a">[1]</a>&raquo;. Et il a raison d&rsquo;affirmer que Chronos obs&egrave;de notre &eacute;poque. Nous ne sommes pas seulement dans le temps, nous sommes fascin&eacute;s par le temps et sa perception, par notre place dans le temps, par la place de notre temps dans l&rsquo;histoire humaine, par le jeu des temps qui se croisent et s&rsquo;interp&eacute;n&egrave;trent.</p> <p>Pour Jean-Fran&ccedil;ois Hamel, il est &eacute;vident que &laquo;&nbsp;Dans une m&ecirc;me &eacute;poque, tout n&rsquo;est pas imm&eacute;diatement pr&eacute;sent, il y a toujours aussi des fragments de pass&eacute; et d&rsquo;avenir qui coexistent et s&rsquo;amalgament dans des configurations toujours nouvelles. On est contemporain d&rsquo;une chose quand on est avec cette chose dans le m&ecirc;me temps, mais ce temps n&rsquo;est pas seulement le pr&eacute;sent&nbsp;: c&rsquo;est aussi un certain pass&eacute; et un certain avenir. On peut &ecirc;tre contemporain de ce qui a &eacute;t&eacute; et de ce qui sera en m&ecirc;me temps que contemporain de ce qui est. &Agrave; vrai dire, une &eacute;poque n&rsquo;est pas une r&eacute;alit&eacute; homog&egrave;ne&nbsp;: c&rsquo;est un rassemblement de fragments temporels h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes qui parfois s&rsquo;accordent de mani&egrave;re organique, parfois provoquent des anachronismes<a name="note2" href="#note2a">[2]</a>&raquo;.</p> <p>Notre relation au temps est faite d&rsquo;une n&eacute;gociation complexe, o&ugrave; ce que l&rsquo;on gagne d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, on le perd syst&eacute;matiquement de l&rsquo;autre.<span lang="FR" style=""> Parfois, le pass&eacute; semble se faire de plus en plus lointain, et c&rsquo;est le futur qui pousse de tout son poids sur le pr&eacute;sent, orientant son d&eacute;veloppement. Les progr&egrave;s technologiques nous incitent &agrave; r&ecirc;ver de jours meilleurs, o&ugrave; tout sera r&eacute;solu, m&ecirc;me s&rsquo;il y a l&agrave; une utopie, un leurre dangereux. &Agrave; d&rsquo;autres moments, c&rsquo;est le pass&eacute; qui para&icirc;t s&rsquo;&eacute;terniser et qui ne desserre pas ses griffes sur le pr&eacute;sent, neutralisant le futur et l&rsquo;&eacute;loignant comme une aube impossible &agrave; rejoindre. La tradition fige les institutions et projette un monde qui ne parvient plus &agrave; se renouveler. Il arrive aussi que le pass&eacute; et l&rsquo;avenir pressent fortement sur le pr&eacute;sent, ou alors se font tous les deux distants et inaccessibles, et le pr&eacute;sent entre dans une crise, o&ugrave; tout para&icirc;t boulonn&eacute;, o&ugrave; les horizons d&rsquo;attente se disloquent. Ce ne sont jamais que des perceptions, fond&eacute;es sur ces rapports imaginaires que nous entretenons avec le r&eacute;el, mais elles teintent la conception de notre propre temps. <br /> <o:p></o:p><br /> </span> D&rsquo;ailleurs, ce pr&eacute;sent, comment le construit-on? De haut en bas ou de bas en haut? Cette r&eacute;alit&eacute; qu&rsquo;est notre pr&eacute;sent se d&eacute;ploie-t-elle &agrave; partir de principes que les &eacute;v&eacute;nements du monde rendent manifestes, ou est-ce plut&ocirc;t que les &eacute;v&eacute;nements par le jeu des contingences cr&eacute;ent notre r&eacute;alit&eacute;&nbsp;? Celle-ci d&eacute;coule-t-elle d&rsquo;une vision du monde ou se construit-elle &agrave; partir des faits&nbsp;? <br /> <o:p><br /> </o:p> Quel que soit le mod&egrave;le impliqu&eacute;, le pr&eacute;sent se construit n&eacute;cessairement dans la relation du sujet au monde, et l&rsquo;imaginaire en est l&rsquo;interface par excellence. C&rsquo;est une interface extraordinairement complexe o&ugrave; de multiples vecteurs entrent en tension, o&ugrave; les liens entre attention, attente et m&eacute;moire se multiplient, constituant de la sorte un paysage d&rsquo;une grande complexit&eacute;. Le temps y appara&icirc;t soumis &agrave; de multiples situations de rupture, qui requi&egrave;rent des sutures que l&rsquo;imaginaire s&rsquo;empresse de pourvoir. Avant de passer &agrave; la question cruciale de la d&eacute;finition du contemporain comme v&eacute;ritable r&eacute;gime d&rsquo;historicit&eacute; (sujet d&rsquo;une prochaine r&eacute;flexion), il convient d&rsquo;examiner bri&egrave;vement la relation entre le contemporain et le pass&eacute;. <o:p><b><br /> </b></o:p></p> <p align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center; line-height: 150%;"><span style="">*<o:p></o:p></span></p> <p>Dans sa <a href="http://salondouble.contemporain.info/antichambre/le-temps-interrompu">r&eacute;flexion sur le contemporain</a>, pr&eacute;sent&eacute;e sur&nbsp;<i style="">Salon double</i>, Ren&eacute; Audet&nbsp;propose que &laquo;<span style="">Le contemporain commence au point de rupture entre historicit&eacute; et actualit&eacute;&raquo;, et que </span><span style="">&nbsp;</span><span style="">&laquo;Le contemporain se situe hors de l'histoire, narrativement parlant&raquo; Arr&ecirc;tons-nous </span>quelque peu sur ces assertions, afin d&rsquo;en bien comprendre les tenants et aboutissants. <span style=""><o:p></o:p></span></p> <p>La premi&egrave;re de ces deux propositions stipule que c&rsquo;est l&rsquo;imm&eacute;diatet&eacute; du moment pr&eacute;sent, son &eacute;tonnant ach&egrave;vement (aussit&ocirc;t commenc&eacute;, aussit&ocirc;t termin&eacute;), de m&ecirc;me que son perp&eacute;tuel inach&egrave;vement (il rena&icirc;t au moment m&ecirc;me o&ugrave; il meurt), qui provoquent la rupture entre historicit&eacute; et actualit&eacute;. C&rsquo;est que l&rsquo;instant pr&eacute;sent est paradoxal&nbsp;: il s&rsquo;ach&egrave;ve dans le mouvement m&ecirc;me de son amorce. Il n&rsquo;a aucune densit&eacute;, c&rsquo;est une ligne verticale qui vient briser la ligne horizontale du temps. La rupture surgit dans la relation entre les deux plans. Mais la question de savoir o&ugrave; &laquo;conduit&raquo; la p&eacute;riode contemporaine est d&eacute;licate (Ren&eacute; Audet compl&egrave;te sa premi&egrave;re pr&eacute;misse en affirmant qu&rsquo;il &laquo;est facile de discuter de la p&eacute;riode contemporaine et de voir o&ugrave; elle conduit &mdash; pour l'instant, elle s'arr&ecirc;te l&agrave;, maintenant, au moment de la lecture de ce texte.&raquo;). Doit-on dire que cette p&eacute;riode conduit au temps pr&eacute;sent ou, au contraire, qu&rsquo;elle en &eacute;mane ou en provient. La fl&egrave;che du temps est-elle dirig&eacute;e vers le temps pr&eacute;sent ou au contraire s&rsquo;en &eacute;loigne-t-elle?</p> <p>Cette premi&egrave;re assertion propose une dynamique pr&eacute;cise &agrave; trois termes&nbsp;: contemporain, histoire et actualit&eacute;, o&ugrave; les deuxi&egrave;me et troisi&egrave;me apparaissent comme des vecteurs en opposition. Le r&eacute;sultat de leur tension est d&rsquo;ailleurs pr&eacute;sent&eacute; comme &eacute;tant le <i style="">contemporain</i>.</p> <p>On remarque d&rsquo;embl&eacute;e le choix des mots de Ren&eacute; Audet. Pour lui, le contemporain ne commence pas au point de <i style="">r&eacute;union</i> de l&rsquo;historicit&eacute; et de l&rsquo;actualit&eacute;, mais de <i style="">rupture</i>. En quoi est-ce une rupture? Pourquoi n&rsquo;est-ce pas une simple jonction, une relation? Poser qu&rsquo;il y a rupture est s&ucirc;rement une fa&ccedil;on d&rsquo;expliciter la tension au c&oelig;ur de la d&eacute;finition m&ecirc;me du contemporain, de ce pr&eacute;sent qui est le n&ocirc;tre et qui ne se d&eacute;ploie pas sans ses zones de relations pr&eacute;caris&eacute;es. Le contemporain est au point de rupture, parce qu&rsquo;il est un temps en crise, un temps o&ugrave; les disjonctions se multiplient. Et c&rsquo;est un temps qui requiert une suture, ce que les repr&eacute;sentations culturelles permettent, ce que l&rsquo;imaginaire comme interface implique.</p> <p>Si l&rsquo;expression utilis&eacute;e avait &eacute;t&eacute; &laquo;&nbsp;jonction&nbsp;&raquo; plut&ocirc;t que &laquo;&nbsp;rupture&nbsp;&raquo;, l&rsquo;assertion de Ren&eacute; Audet aurait pr&eacute;suppos&eacute; que l&rsquo;histoire et l&rsquo;actuel sont faits pour &ecirc;tre joints, qu&rsquo;il y a l&agrave; une relation naturelle, ayant de fortes chances d&rsquo;&ecirc;tre ent&eacute;rin&eacute;e. Or, le choix du terme de rupture nous indique plut&ocirc;t qu&rsquo;il n&rsquo;y a rien de naturel entre les deux termes. Nous ne sommes pas dans une repr&eacute;sentation rassurante du temps, o&ugrave; les jonctions peuvent &ecirc;tre facilement actualis&eacute;es et repr&eacute;sent&eacute;es; nous sommes plut&ocirc;t confront&eacute;s &agrave; une conception vectorielle, o&ugrave; les relations entre pass&eacute; et futur cr&eacute;ent une tension.</p> <p>Par contre, s&rsquo;il n&rsquo;y a pas de jonction, la rupture n&rsquo;est pas non plus une pure b&eacute;ance. Le contemporain n&rsquo;est pas une masse de donn&eacute;es, d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements et de situations &agrave; l&rsquo;&eacute;tat brut ou qui r&eacute;sistent &agrave; tout traitement. Pour exister, le contemporain se doit d&rsquo;&ecirc;tre s&eacute;miotis&eacute; par un sujet ou une communaut&eacute; interpr&eacute;tative, il se doit d&rsquo;&ecirc;tre int&eacute;gr&eacute; &agrave; un processus de description et de compr&eacute;hension. S&rsquo;il y a ruptures, &eacute;v&eacute;nements, modifications du cours des choses, ces faits doivent &ecirc;tre objets de perception, ils doivent &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute;s et soumis &agrave; un jeu d&rsquo;interpr&eacute;tants qui leur donnent sens et fonction. De cette fa&ccedil;on, la pr&eacute;misse de Ren&eacute; Audet peut &ecirc;tre reformul&eacute;e :&nbsp;<span style="">le contemporain commence au point de suture entre historicit&eacute; et actualit&eacute;. &nbsp;Et cette suture </span>est n&eacute;cessairement orient&eacute;e vers l&rsquo;un ou l&rsquo;autre des bornes du temps pr&eacute;sent, &agrave; savoir le pass&eacute; ou le futur.</p> <p>Il manque, on le voit maintenant, un terme &agrave; l&rsquo;assertion de Ren&eacute; Audet. Il n&rsquo;y est question que du pass&eacute; par le biais de l&rsquo;historicit&eacute;. Or, l&rsquo;actualit&eacute; du temps pr&eacute;sent ne peut &ecirc;tre appr&eacute;hend&eacute;e qu&rsquo;en fonction de ses deux bornes, l&rsquo;histoire ou le pass&eacute;, l&rsquo;avenir ou le futur. Il en va de notre fa&ccedil;on de comprendre comment nous construisons notre r&eacute;alit&eacute;. <span lang="FR" style="">Celle-ci d&eacute;coule-t-elle d&rsquo;une vision du monde, h&eacute;rit&eacute;e du pass&eacute;, ou se construit-elle &agrave; partir des faits qui t&eacute;moignent d&rsquo;une nouvelle situation?</span></p> <p> De la m&ecirc;me fa&ccedil;on, si<span style=""> &laquo;le contemporain se situe hors de l'histoire, narrativement parlant&raquo;, il se d&eacute;ploie tout de m&ecirc;me &agrave; la jonction du pass&eacute; et de l&rsquo;avenir, et il se manifeste par le biais d&rsquo;une mise en r&eacute;cit ou en discours. Il ne peut y avoir de contemporain sans une s&eacute;miotisation des donn&eacute;es du temps pr&eacute;sent, sans une construction de cette r&eacute;alit&eacute; qui nous sert d&rsquo;interface avec le monde. Il est essentiellement un objet de pens&eacute;e et, par la force des choses, il engage &agrave; une interpr&eacute;tation et &agrave; une projection. Il est un produit, le r&eacute;sultat du jeu d&rsquo;un ensemble de forces et de tensions. Le contemporain est, en tant que construction, ce qui permet de rattacher le pr&eacute;sent au pass&eacute;, maillon d&rsquo;une cha&icirc;ne qui se continue jusque dans l&rsquo;avenir.<span style="">&nbsp; </span>S&rsquo;il est hors de l&rsquo;histoire, il cherche pourtant &agrave; la r&eacute;int&eacute;grer, &agrave; en faire partie. Les productions culturelles actuelles permettent de donner &agrave; ce contemporain une identit&eacute;. Elles participent de son imaginaire, elles en sont une manifestation.<b style=""><o:p></o:p></b></span><b><br /> </b></p> <p align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center; line-height: 150%;"><span style="">*<o:p></o:p></span><span style=""><o:p>&nbsp;</o:p></span></p> <p>Le contemporain est l&rsquo;&eacute;cume de l&rsquo;actualit&eacute;. <br /> <o:p><br /> </o:p> Plus qu&rsquo;&agrave; Boris Vian, l&rsquo;expression fait r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la figure que d&eacute;ploie<b style=""> </b>Peter Sloterdijk dans le troisi&egrave;me tome de ses sph&egrave;res, <i>&Eacute;cumes</i><a name="note3" href="#note3a">[3]</a>. L&rsquo;&eacute;cume, &laquo;cette liaison &eacute;ph&eacute;m&egrave;re de gaz et de liquides&raquo; (p. 24), lui permet de penser la complexit&eacute;, car chacune des bulles de l&rsquo;&eacute;cume, chacune des sph&egrave;res g&eacute;n&eacute;r&eacute;es par le m&eacute;lange de mol&eacute;cules liquides et gazeuses, repr&eacute;sente un &eacute;quilibre instable et &eacute;ph&eacute;m&egrave;re. L&rsquo;&eacute;cume, c&rsquo;est &laquo;presque rien, et pourtant&nbsp;: pas rien. Un quelque chose, et cependant&nbsp;: seulement un tissu form&eacute; d&rsquo;espaces creux et de parois tr&egrave;s subtiles. Une donn&eacute;e r&eacute;elle et pourtant&nbsp;: une entit&eacute; qui redoute le contact, qui s&rsquo;abandonne et &eacute;clate &agrave; la moindre tentative de s&rsquo;en emparer. C&rsquo;est l&rsquo;&eacute;cume telle qu&rsquo;elle se montre dans l&rsquo;exp&eacute;rience quotidienne.&raquo; (p. 23)</p> <p>Le contemporain est une telle &eacute;cume g&eacute;n&eacute;r&eacute;e par la rencontre du pr&eacute;sent et de ses temps limitrophes. Il est produit par l&rsquo;union de l&rsquo;actuel, cette masse fluide dont les vagues nous emportent sans coup f&eacute;rir, et de cet &eacute;tonnant m&eacute;lange de potentialit&eacute;s que repr&eacute;sente le futur et de r&eacute;manences d&rsquo;un pass&eacute; qui s&rsquo;accroche encore. Il est difficile &agrave; manipuler, parce que &eacute;ph&eacute;m&egrave;re, n&rsquo;existant r&eacute;ellement que le temps que dure le pr&eacute;sent.</p> <p>Le contemporain, comme l&rsquo;&eacute;cume, n&rsquo;existe par contre que s&rsquo;il y a vie, c&rsquo;est-&agrave;-dire dynamisme, agitation, mouvement, r&eacute;action, forces contradictoires&hellip; &laquo;&nbsp;D&egrave;s que cesse l&rsquo;agitation du m&eacute;lange, celle qui assure l&rsquo;acheminement d&rsquo;air dans le liquide, la majest&eacute; de l&rsquo;&eacute;cume retombe rapidement sur elle-m&ecirc;me.&nbsp;&raquo; (p. 24) Le contemporain ne s&rsquo;impose &agrave; notre esprit que parce que l&rsquo;agitation du temps pr&eacute;sent en commande la saisie.</p> <p>L&rsquo;&eacute;cume a trop souvent servi de &laquo;m&eacute;taphore &agrave; l&rsquo;inessentiel et &agrave; l&lsquo;intenable. [&hellip;] &Ccedil;a enfle, &ccedil;a fermente, &ccedil;a tremble, &ccedil;a explose. Que reste-t-il?&raquo; (p. 24) Pourtant, le contemporain le dit bien&nbsp;: l&rsquo;&eacute;cume est le signe de l&rsquo;agitation du monde, le r&eacute;sultat des m&eacute;langes et des tensions qui fondent notre r&eacute;alit&eacute;. L&rsquo;&eacute;cume est un langage et il parle des forces qui en provoquent l&rsquo;apparition. Essayer d&rsquo;en rendre compte ne peut proc&eacute;der que par un &laquo;proc&eacute;d&eacute; global d&rsquo;admission du fortuit, du momentan&eacute;, du vague, de l&rsquo;&eacute;ph&eacute;m&egrave;re et de l&rsquo;atmosph&eacute;rique &ndash;&nbsp;un proc&eacute;d&eacute; auquel participe les arts, les th&eacute;ories et les formes de vie, chacun avec ses propres types d&rsquo;engagement.&raquo; (p. 30) En rendre compte ne peut proc&eacute;der que par une th&eacute;orisation de l&rsquo;imaginaire qui seul permet de consid&eacute;rer le rapport au monde comme une interface, et les diverses production culturelles comme des manifestations de son action n&eacute;cessairement polymorphe.</p> <p>Le contemporain est un pr&eacute;cipit&eacute;. D&rsquo;o&ugrave; peut-&ecirc;tre l&rsquo;illusion que notre modernit&eacute; s&rsquo;y pr&eacute;cipite, fascin&eacute;e par sa propre image.</p> <p><a name="note1a" href="#note1">1</a>&nbsp;<span lang="FR">Paul&nbsp;</span>Zawadzki,&nbsp;&laquo;&nbsp;Les &eacute;quivoques du pr&eacute;sentisme&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Esprit</i>, juin 2008, p. 114.<br /> <a name="note2a" href="#note2">2</a> Tir&eacute; d'un texte pour le&nbsp;s&eacute;minaire &laquo;&nbsp;Construction du contemporain&nbsp;&raquo;, UQAM, automne 2006.<br /> <a name="note3a" href="#note3">3</a> Peter&nbsp;Sloterdijk, <em>&Eacute;cumes</em>,&nbsp;Paris, Hachette, 2005, [2003]. </p> http://salondouble.contemporain.info/antichambre/l-ecume-du-contemporain#comments AUDET, René Contemporain HAMEL, Jean-François Philosophie SLOTERDIJK, Peter Temps ZAWADZKI, Paul Écrits théoriques Mon, 14 Sep 2009 12:51:55 +0000 Bertrand Gervais 158 at http://salondouble.contemporain.info