Salon double - MERCIER, Andrée http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/542/0 fr La défaite de l'autorité http://salondouble.contemporain.info/lecture/la-d-faite-de-lautorit <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/larrivee-stephane">Larrivée, Stéphane</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/avidit-roman-de-divertissement-0">Avidité. Roman de divertissement</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p style="text-align: justify;"><em>Avidité</em> est le dernier roman «papier» d’Elfriede Jelinek qui, depuis qu’elle a remporté le prix Nobel en 2004, a décidé d’écrire seulement sur son site Web. Un fait divers qui secoue l’Autriche constitue la base de ce roman: une jeune adolescente est assassinée et son corps est retrouvé dans un lac. Jelinek extrapole à partir de cette affaire, technique d’écriture qu’elle chérit particulièrement et qu’elle avait déjà utilisée notamment pour <em>Les Exclus</em>. Elle crée ainsi le personnage de Kurt Janisch, gendarme avide de possessions matérielles, à qui Jelinek confie le plus souvent la focalisation du récit. Cet homme dans la cinquantaine abuse de son charme et de l’autorité que lui confère sa profession pour séduire des femmes âgées afin de se voir léguer leur maison. L’une de ces femmes, Gerti, tente à son tour de profiter du gendarme pour faire accomplir les menus travaux qu’exige la tenue de sa maison. Janisch met alors tout en œuvre pour obtenir la propriété de cette femme. L’une de ses stratégies consiste à séduire une jeune fille de quinze ans, Gabi, et à avoir des rapports sexuels avec elle en présence de Gerti, ce qui, comme l’explique Juliet Wigmore, contribue à mettre davantage de pression sur la vieille dame: «<em>Gabi is temporarily useful to Janisch, for the effect of having an affair with her is to make Gerti even more determined to prove her need for him, and thus even more inclined to surrender her house to him</em>» (Wigmore, 2004&nbsp;: 284). Gerti finit par céder et lègue sa maison au gendarme qui se débarrasse alors de la jeune Gabi dont la présence est devenue un peu gênante. Il l’étrangle et rejette son corps dans un lac. Les gendarmes, collègues de Kurt Janisch, enquêtent sur la disparition puis sur le meurtre de la jeune fille, mais sans jamais aboutir à la vérité que le lecteur connaît depuis le début. Janisch ne sera donc jamais soupçonné alors que Gerti, s’apercevant qu’elle a tout perdu, se suicide.<br /><br /><span style="color:#696969;"><strong>Une narration problématique</strong></span><br />Contrairement à la pratique courante en littérature policière, à laquelle les thèmes traités dans <em>Avidité</em> nous ramènent inévitablement, le suspense est totalement désamorcé dans ce roman. En effet, le lecteur n’a pas besoin d’attendre bien longtemps avant de connaître tous les détails du meurtre, et ce n’est évidemment pas dans ces révélations que se situe l’essence du récit, mais bien plutôt, semble-t-il, dans l’acte de transmission narrative qui pose d’évidents problèmes. Le roman est narré par une instance hétérodiégétique qui intervient fréquemment dans le texte en utilisant la première personne <a name="renvoi1"></a><a href="#note1"><strong>[1]</strong></a> et qui montre des attitudes qui peuvent paraître contradictoires. D’une part, elle insiste sur ses propres faiblesses, ce qui tend à discréditer sa narration tandis que d’autre part, elle pose des jugements très sévères sur ses personnages et n’hésite pas à affirmer son pouvoir sur le récit. Elle manifeste, par exemple, une certaine incertitude lorsqu’elle raconte l’histoire: «Est-ce que je me fais des idées, ou a-t-on vraiment trouvé ici il y a quelques années un je ne sais quoi que l’on n’a jamais pu élucider ?» (p.10). Parfois, cette narratrice «omnisciente» va même jusqu’à avouer son ignorance de certains faits: «Comment expliquer alors que le gendarme et son fils soient criblés de dettes et qu’ils aient perdu tout leur avoir ? Je ne le sais» (p.41). Les commentaires de ce type, très nombreux dans Avidité, participent à la mise en doute généralisée de la narratrice qui n’est elle-même pas tout à fait certaine de sa propre vision des choses: «là, quelque chose est déréglé, espérons que ce n'est pas mon regard» (p.412). Par le biais de ces commentaires, la narratrice insiste sur son rôle de médiatrice, ce qui incite le lecteur à remettre en question les informations qu’il reçoit, comme si l’histoire risquait d’être déformée par ce «regard déréglé».</p> <p style="text-align: justify;">En revanche, ces commentaires dubitatifs sont mêlés à toutes sortes de sentences très autoritaires au sein desquelles la narratrice affirme explicitement son pouvoir sur l’univers fictionnel: «Tous les autres sont désormais morts, <em>je le détermine</em> et cela me simplifie le travail […]. Je n’aurai donc plus à les décrire. Grand merci» (p.360; nous soulignons). La narratrice se montre ainsi libre de tout décider. Elle insiste également, à plusieurs reprises, sur l’ampleur de son savoir par rapport à l’histoire qu’elle raconte, s’affirmant par exemple comme étant «la seule à tout savoir» (p.143). En vertu de ses connaissances, la narratrice se pose en autorité absolue et tente, du coup, de soumettre le lecteur à son récit: «nous voyons — non, bien sûr que nous ne voyons rien car il fait noir, vous n'avez donc pas le choix, vous devez me croire sur parole» (p.160). Bien qu’elle discrédite constamment son récit, la narratrice profite donc des privilèges liés à son statut pour «imposer» l’histoire au lecteur.</p> <p style="text-align: justify;">Par ailleurs, l’autorité de la narratrice semble également se construire par la fermeté de ses interventions subjectives, ce qui constitue un paradoxe important de ce roman. En effet, si la voix narrative fait souvent état de ses limites lorsqu’elle raconte l’histoire, elle présente toutefois une assurance étonnante lorsqu’elle juge ses personnages ou qu’elle énonce des commentaires à portée générale, par exemple: «les animaux sont d’une telle gratitude, ils sont moins ingrats que les gens de notre connaissance» (p.58) ou encore «Ils sont aussi ignorants qu'avides, [l]es jeunes» (p.146). Ces exemples dévoilent une narratrice plutôt confiante qui énonce ses commentaires d’une voix tranchante. Le contraste est donc important entre ce type de phrases et les commentaires qui minent la crédibilité de l’acte de narration et, surtout, il s’agit là d’un renversement par rapport à une certaine logique narrative telle que l’a décrite Martinez-Bonati (1981: 31-32). Celui-ci affirme que les assertions d’un narrateur peuvent être réparties en deux catégories: les assertions mimétiques et les assertions non mimétiques. La première catégorie comprend toutes les phrases qui participent à la création de l’univers fictionnel, c’est-à-dire la description des personnages, des lieux, ainsi que le récit des événements, tandis que la seconde catégorie concerne tout ce qui relève des opinions et des commentaires subjectifs du narrateur. Généralement, le lecteur ne questionnera pas les énoncés mimétiques, car on leur reconnaît une «prééminence logique» (p.31), c’est-à-dire qu’on les considère automatiquement comme «vrais» en vertu du contrat tacite qui lie le lecteur au texte. Cependant, les assertions non mimétiques ne nécessitent pas une adhésion aussi forte de la part du lecteur qui peut les remettre en question, car ils n’ont pas le même statut logique. La narratrice d’<em>Avidité</em> semble justement jouer sur ce statut logique en semant le doute sur ce qui devrait être nécessairement vrai et en affirmant avec conviction ce qui ne devrait être qu’un humble avis. Selon Susan Suleiman cependant, l’autorité du narrateur aurait tendance à se diffuser de façon homogène dans le texte:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p style="text-align: justify;">Puisque c’est [l]a voix [du narrateur] qui nous informe des actions des personnages et des circonstances où celles-ci ont lieu et puisque nous devons considérer — en vertu du pacte formel qui, dans le roman réaliste, lie le destinateur de l’histoire au destinataire — que ce que cette voix raconte est «vrai», il en résulte un effet de glissement qui fait que nous acceptons comme «vrai» non seulement ce que le narrateur nous dit des actions et des circonstances de l’univers diégétique, mais aussi tout ce qu’il énonce comme jugement et comme interprétation (Suleiman, 1983: 90).</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">L’autorité pourrait donc être transférée des énoncés mimétiques vers les énoncés non mimétiques. Le roman de Jelinek ferait-il du coup l’expérience de la diffusion inverse? La voix autoritaire de la narratrice parviendrait-elle à assurer une certaine homogénéité énonciative malgré tous les doutes qu’elle formule?</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>Autorité, pouvoir, avidité</strong></span><br />Les enjeux de la transmission narrative dans <em>Avidité</em> semblent acquérir une signification particulière lorsqu’on s’intéresse à la construction des personnages. En effet, d’entrée de jeu, la figure du gendarme symbolise notamment l’autorité. Mais l’autorité est également présente dans les relations personnelles de Kurt Janisch, où des rapports de force à l’avantage de celui-ci se construisent. Par exemple, la relation entre Kurt et Gerti peut paraître assez stable tant que la femme continue à croire qu’elle peut dominer l’homme. Cependant, dès qu’elle s’aperçoit qu’il ne s’intéresse qu’à sa maison, cette relation est vouée à l’échec et Gerti se suicide après avoir légué tous ses biens au gendarme. Déjà, avant sa mort, incapable de résister au rapport de force instauré par le gendarme, elle était contrainte à l’effacement: «La femme a cessé d’exister et ne vit plus qu’à travers [Kurt]» (p.279). La trace de Gerti s’efface même dans la mémoire de la narratrice qui, à la fin, ne se souvient plus de son nom: «Voilà qu’un frisson parcourt la femme, c’est la dernière fois que je l’appelle par son nom, oh, à présent il m’a échappé, je ne l’ai peut-être jamais su, il ne se trouve nulle part ici, n’est-ce pas?» (p.436).</p> <p style="text-align: justify;">L’autre personnage féminin du roman, Gabi, présentait au départ de bien meilleures perspectives au plan du pouvoir. Sa jeunesse et sa beauté lui donnaient une certaine valeur qui lui permettait d’exercer une pression sur son entourage, notamment sur sa mère et son copain: «ma mère et mon ami m’oppressent, ils m’étouffent, me contrôlent, quémandent je ne sais trop quoi, je suis là et ça a l’air de leur suffire, pourtant <em>je sais que je les domine</em> et, si je le sais, c’est justement parce qu’ils sont sans cesse en train de quémander» (p.358; nous soulignons). Symboliquement, le meurtre de Gabi pourrait représenter une défense du patriarcat contre cette jeune femme qui menace l’ordre établi; pour Kurt Janisch cependant, cet assassinat met un terme à une relation qui pourrait lui causer des ennuis mais qui, surtout, ne lui permettra pas de s’enrichir: «Il a préféré éliminer la jeune fille pour sa propre sécurité, le tueur, cela valait mieux que de devenir tout pour elle — ce qui ne lui aurait rien rapporté» (p.399). Les rapports de force déséquilibrés qui s’établissent entre les personnages tendent donc à se résoudre par la disparition de ces victimes de la domination que sont Gerti et Gabi.</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#696969;"><strong>L’instrumentalisation des rapports humains</strong></span><br />Non seulement les relations entre les personnages sont-elles marquées par d’évidents rapports de force, elles sont également dépourvues d’humanité. Les protagonistes d’<em>Avidité</em> établissent des liens entre eux qui sont presque uniquement basés sur une espérance de profit matériel. Ce constat s’impose d’abord lorsqu’on observe les agissements du gendarme. Celui-ci utilise son pouvoir de séduction sur les femmes pour tenter de leur subtiliser leur maison, mais il devient vite évident qu’il ne s’investit pas réellement dans ces relations: «Dans l'âme sereine de cet homme, il n'y a en principe, et il se garde bien de le dire, pas de place pour la moindre femme. Il y en a toujours pour une maison, ah ça oui, et pourtant elle serait bien plus grande» (p.105).</p> <p style="text-align: justify;">En outre, l’absence de désir du gendarme envers Gerti renforce cette idée que la femme n’est rien d’autre qu’un instrument pour accéder à la propriété. Cette absence de désir se manifeste entre autres par le comportement de Kurt Janisch qui, pendant le rapport sexuel, évite de regarder le visage de Gerti: «je me fraie toujours, comme si c'était la première fois, un nouveau chemin en toi, de préférence par la porte de derrière, ce qui me dispense de te mettre exprès une serviette sur le visage» (p.140). L’utilisation de certains termes confirme également cette hypothèse. Par exemple, dans la phrase «Exécuter ces figures en plein air pourrait devenir une habitude pour elle, craint l’homme qui préfère la besogner dans sa maison» (p.281), l’emploi du verbe «besogner», utilisé pour nommer l’acte sexuel, montre bien comment, pour Janisch, sa relation avec Gerti n’est qu’une forme de travail qui doit le mener ultimement à la propriété. L’accès direct aux pensées du gendarme nous permet par ailleurs de constater ses penchants homosexuels: «[Kurt Janisch] a la tête à une autre affaire qu’il se projette tranquillement quand il est tout seul: dans les douches communes, les corps des hommes, des gens sympa avec lesquels on n’a pas besoin d’être aimable» (p.277). Cette préférence pour les hommes, de même que l’absence manifeste de désir envers Gerti, contribue à confirmer l’idée selon laquelle l’avidité matérielle du gendarme le pousse sans cesse à utiliser les femmes.</p> <p style="text-align: justify;">Dans ce roman, l’avidité n’est cependant pas le monopole de l’homme, les deux autres protagonistes se caractérisant aussi par ce désir de posséder. Tout comme le gendarme, les femmes de ce roman voient le profit matériel comme une finalité des rapports humains. Gerti, dans son désir pour Kurt, voit l’opportunité d’avoir un homme à sa portée pour effectuer les travaux de la maison. De son côté, Gabi se montre également intéressée par les gains que peut lui rapporter sa relation avec le gendarme. Se faisant reconduire au travail par lui à chaque matin, elle réclame les titres de transport de ses collègues afin que le patron continue à lui rembourser ses frais de déplacement. Chacune à leur façon, les femmes de ce roman tentent donc elles aussi d’utiliser Kurt Janisch.</p> <p style="text-align: justify;">L’analyse des relations entre les personnages nous permet finalement de reconsidérer l’impact des choix concernant la voix narrative. Ainsi, d’une part, l’inscription de la narratrice dans le récit, par le biais de commentaires autoréflexifs, insiste fortement sur son rôle de médiation. Cette mise à distance, qui dévoile en partie la mécanique de la transmission narrative, n’est sans doute pas sans lien avec la représentation de rapports humains froids et utilitaires. D’autre part, le paradoxe de la voix narrative — à la fois autoritaire et fragile — semble se résorber dans la critique de l’autorité qui ressort clairement de la lecture d’<em>Avidité</em>. Le caractère autoritaire de l’instance narrative, qui tente d’assujettir le lecteur, serait en fait la contrepartie discursive de la domination exercée par le gendarme sur les autres personnages. Imitant Kurt Janisch dans ses comportements autoritaires, la narratrice met en échec sa propre autorité, ce qui représenterait une autre façon, peut-être encore plus ironique, de critiquer les agissements du gendarme.</p> <p style="text-align: justify;">Cette narration envahissante qui expose ses propres procédés est aussi ce qui ferait d’<em>Avidité</em> une œuvre bien de son temps. Fortier et Mercier voient effectivement dans «la visibilité du pacte narratif» (Fortier et Mercier, 2009&nbsp;: 190) une caractéristique de la littérature contemporaine et affirment que «le récit édifie ostensiblement une autorité narrative en même temps qu’il s’ingénie à la miner» (p.191). Cette insistance à dévoiler les mécanismes de la transmission narrative permettrait donc d’inscrire <em>Avidité</em> dans la production contemporaine et ce, malgré les expérimentations formelles si présentes chez Jelinek, qui nous rappellent souvent les écritures des différents regroupements littéraires des années 1950 et 1960 — l’influence du Groupe de Vienne se fait fortement sentir dans ses romans — et qui inscrivent l’œuvre de l’écrivaine autrichienne en opposition avec le retour à la lisibilité fréquemment observé dans la littérature contemporaine.</p> <p style="text-align: justify;"><br /><strong>Bibliographie</strong></p> <p style="text-align: justify;">Fortier, Frances et Andrée Mercier (2009), «Ces romans qui racontent. Formes et enjeux de l'autorité narrative contemporaine», dans René Audet (dir.), <em>Enjeux du contemporain</em>, Québec, Nota Bene (Contemporanéités), pp. 177-197.</p> <p style="text-align: justify;">Grabienski, Olaf, Kühne, Bernd et Jörg Schönert (2006), «Stimmen-Wirrwarr? Zur Relation von Erzählerin- und Figuren-Stimmen in Elfriede Jelineks Roman Gier», dans Daniela Langer, Michael Scheffel et Andreas Blödorn (dir.) <em>Stimme(n) im Text&nbsp;: Narratologische Positionsbestimmungen</em>, Berlin, Walter de Gruyter, pp. 195-232.</p> <p style="text-align: justify;">Martinez-Bonati, Felix (1981), <em>Fictive Discourse and the Structures of Literature</em>, trad. en anglais par Philip W. Silver, Ithaca (NY), Cornell University Press, 176 p.</p> <p style="text-align: justify;">Suleiman, Susan Rubin (1983), <em>Le Roman à thèse ou l'autorité fictive</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 314 p.</p> <p style="text-align: justify;">Wigmore, Juliet (2004), «Crime, Corruption, Capitalism: Elfriede Jelinek’s Gier», dans Julian Preece et Osman Durrani (dir.), <em>Cityscapes and Countryside in Contemporary German Literature</em>, Oxford et New York, Peter Lang, pp. 277-290.</p> <p style="text-align: justify;"><strong><a name="note1"></a><a href="#renvoi1">[1]</a></strong> Cette implication de la narratrice dans son récit lui confère d’ailleurs un statut ambigu, certains critiques la décrivant comme hétérodiégétique mais presque homodiégétique par moments (Grabienski et al., 2006&nbsp;: 212-213).<br />&nbsp;</p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/la-d-faite-de-lautorit#comments Autorité Autorité narrative Autriche FORTIER, Frances GRABIENSKI, Olaf JELINEK, Elfriede KÜHNE, Bernd MARTINEZ-BONATI, Felix MERCIER, Andrée Narrativité SCHÖNERT, Jörg SULEIMAN, Susan Rubin Transmission narrative WIGMORE, Juliet Roman Tue, 27 Sep 2011 16:57:38 +0000 Gabriel Gaudette 375 at http://salondouble.contemporain.info Quand l’auteur joue avec la (méta)fiction http://salondouble.contemporain.info/lecture/quand-l-auteur-joue-avec-la-metafiction <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/landry-pierre-luc">Landry, Pierre-Luc </a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/le-jardin-des-delices-terrestres">Le Jardin des délices terrestres</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p><em><br /> Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em><a name="note1" href="#note1b"><strong>[1]</strong></a> est le deuxi&egrave;me roman d&rsquo;Indrajit Hazra, musicien, journaliste et &eacute;crivain indien n&eacute; &agrave; Calcutta en 1971. Ce roman, qui au final pourrait &ecirc;tre qualifi&eacute; de ludique, emprunte &agrave; la bande dessin&eacute;e belge comme &agrave; la litt&eacute;rature jeunesse bengali et induit, avec sa structure probl&eacute;matique et sa narration ind&eacute;cidable, certains effets de rupture qui d&eacute;voilent et probl&eacute;matisent sa construction. Je tenterai ici de rendre compte de certains enjeux soulev&eacute;s par ce roman qui se joue parfois des th&eacute;ories litt&eacute;raires et qui, par le fait m&ecirc;me, se laisse difficilement appr&eacute;hender en termes simples.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>D&rsquo;abord, un r&eacute;sum&eacute;</strong></span></p> <p>Le roman est compos&eacute; de deux r&eacute;cits livr&eacute;s en alternance. Le premier met en sc&egrave;ne Hiren Bose, op&eacute;rateur d&rsquo;un taxiphone situ&eacute; au rez-de-chauss&eacute;e du 14, Banamali Nashkar Lane, &agrave; Calcutta. Il habite &agrave; l&rsquo;&eacute;tage chez Uma, sa fianc&eacute;e, depuis quatre ans. Une nuit, quatre eunuques travestis en femmes, des hijras, vandalisent la cabine t&eacute;l&eacute;phonique du taxiphone et attaquent Hiren. Ce dernier n&rsquo;ose pas annoncer la mauvaise nouvelle &agrave; Uma sachant qu&rsquo;elle sera furieuse contre lui: il n&rsquo;a pas assur&eacute; son commerce comme elle le lui avait conseill&eacute; il y a longtemps d&eacute;j&agrave;. Soucieux de &laquo;mettre fin &agrave; ce chapitre de [sa] vie&raquo; (p.30), il verse du &laquo;fioul&raquo; (p.30) un peu partout au rez-de-chauss&eacute;e, ainsi qu&rsquo;au premier &eacute;tage o&ugrave; dort Uma, et met le feu &agrave; l&rsquo;&eacute;difice. Il se sauve des lieux du crime et ne revient que plusieurs heures apr&egrave;s, une fois le brasier &eacute;teint; Uma est morte. Hiren est recueilli par Shishir, un ami qui habite la pension du 72, tout juste en face du taxiphone, sur Banamali Nashkar Lane, o&ugrave; Hiren avait d&eacute;j&agrave; habit&eacute; avant de d&eacute;m&eacute;nager chez Uma. Avec quelques retours en arri&egrave;re, on apprend &agrave; conna&icirc;tre les personnages qui habitent la pension, surtout Ghanada, sorte de gourou qui occupe la chambre sur le toit et qui raconte toujours des histoires invraisemblables qui l&rsquo;impliquent personnellement mais auxquelles personne n&rsquo;adh&egrave;re vraiment. On apprend aussi qu&rsquo;Hiren est pyromane et qu&rsquo;il aurait br&ucirc;l&eacute; d&rsquo;autres &eacute;difices avant de mettre le feu &agrave; son commerce. La vie au foyer est plut&ocirc;t r&eacute;p&eacute;titive&nbsp;et les soir&eacute;es se terminent toujours sur la terrasse avec Ghanada qui raconte ses histoires, couch&eacute; dans sa chaise longue. Hiren a l&rsquo;impression que Ghanada sait &agrave; propos de l&rsquo;incendie du 14, et, un soir o&ugrave; l&rsquo;atmosph&egrave;re est particuli&egrave;rement tendue, il se fait assommer par les r&eacute;sidents du foyer. Il se r&eacute;veille dans le coffre d&rsquo;une voiture. Shishir, Ghanada, Gaur et Shibu portent tous les quatre leur costume d&rsquo;hijras: ce sont eux, les eunuques qui l&rsquo;ont attaqu&eacute; dans son taxiphone. Ghanada explique qu&rsquo;ils se d&eacute;guisent ainsi pour supprimer tout d&eacute;sir sexuel et se prot&eacute;ger du danger que repr&eacute;sentent les femmes. Parce qu&rsquo;Hiren menace l&rsquo;&eacute;quilibre du foyer o&ugrave; ils s&rsquo;isolent des femmes pour rester entre eux, ils doivent agir et le neutraliser. Ils l&rsquo;assomment de nouveau et l&rsquo;enferment dans un placard du Writer&rsquo;s Building, le si&egrave;ge du gouvernement du Bengale occidental, auquel ils mettent le feu. Hiren r&eacute;ussit &agrave; s&rsquo;&eacute;chapper de cet incendie monumental et est arr&ecirc;t&eacute; par un inspecteur qui l&rsquo;accuse d&rsquo;avoir allum&eacute; plusieurs incendies criminels perp&eacute;tr&eacute;s dans les derni&egrave;res ann&eacute;es. On l&rsquo;emporte dans un fourgon de l&rsquo;arm&eacute;e.</p> <p>Le second r&eacute;cit concerne Manik Basu, &laquo;auteur de livres &agrave; succ&egrave;s comme <em>Les Principes du plaisir</em>, <em>Bricolage</em>, <em>L&rsquo;Illusionniste et autres r&eacute;cits</em>&raquo; (p.33) qui &laquo;avait fait la plus grosse erreur de sa vie en signant un contrat stipulant qu&rsquo;il remettrait un roman par an &agrave; la prestigieuse maison d&rsquo;&eacute;dition Kutir&raquo; (p.33), mais qui empire sa situation en fuyant l&rsquo;Inde et en se r&eacute;fugiant &laquo;dans un h&ocirc;tel relativement bon march&eacute; de la lointaine Prague&raquo; (p.33) sans avoir remis un seul roman &agrave; son &eacute;diteur, cinq ans apr&egrave;s avoir sign&eacute; le contrat. Il est enlev&eacute; &agrave; Prague par des hommes de main de son &eacute;diteur, qui le s&eacute;questrent dans la chambre de son h&ocirc;tel. Il a dix jours pour &eacute;crire un roman; le &laquo;dixi&egrave;me jour, si le livre est pas fini, on sera oblig&eacute;s de vous descendre&raquo; (p.41), le menace-t-on. Basu s&rsquo;attelle donc &agrave; la t&acirc;che. Toutefois, au bout de quelques jours, un de ses ge&ocirc;liers vient le chercher pour le conduire jusqu&rsquo;&agrave; un grand manoir o&ugrave; l&rsquo;attend Ajit Chaudhuri, &laquo;propri&eacute;taire et responsable des publications de Kutir&raquo; (p.105). Chaudhuri s&rsquo;excuse parce que &laquo;les autochtones n&rsquo;avaient pas parfaitement compris&raquo; ses consignes (p.105). Il prie Basu de se consid&eacute;rer d&eacute;sormais comme son invit&eacute; et &laquo;souhaite rendre [son] s&eacute;jour aussi agr&eacute;able que possible&raquo; (p.105). Basu explore le manoir d&rsquo;abord, avant de se lancer dans l&rsquo;&eacute;criture: &laquo;[il] se dit que le mieux &eacute;tait sans doute de se gratter la cervelle jusqu&rsquo;&agrave; produire quelque chose&raquo; (p.139). Les semaines s&rsquo;&eacute;coulent et l&rsquo;&eacute;crivain travaille plut&ocirc;t bien; un jour, il annonce que son manuscrit est termin&eacute;. Il refuse toutefois de le remettre &agrave; Chaudhuri, mais celui-ci, &agrave; l&rsquo;aide de ses hommes de main, r&eacute;ussit &agrave; le lui soutirer. Entre temps a commenc&eacute; &agrave; se tisser une &eacute;trange relation entre Basu et Irma Van der Lubbe, la gouvernante du gite o&ugrave; il r&eacute;side; ils s&rsquo;espionnent mutuellement dans le noir et semblent tous les deux attir&eacute;s l&rsquo;un vers l&rsquo;autre. Basu d&eacute;cide de rester un peu &agrave; Prague avant de retourner en Inde. Il se rend &agrave; l&rsquo;op&eacute;ra avec Irma, au Th&eacute;&acirc;tre national. Lors de l&rsquo;entracte, elle le pousse par la fen&ecirc;tre du troisi&egrave;me &eacute;tage; il s&rsquo;effondre sur le sol et meurt.<br /> <strong><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><br /> Quelques courts-circuits</span></strong></p> <p>Les deux r&eacute;cits se partagent parfaitement le livre: le premier, celui d&rsquo;Hiren Bose, se d&eacute;veloppe dans les chapitres impairs; le deuxi&egrave;me, celui de Manik Basu, occupe les chapitres pairs. Le treizi&egrave;me chapitre, intitul&eacute; &laquo;Derni&egrave;res nouvelles&raquo; (p.233-239), rompt ce d&eacute;coupage et constitue un verbatim d&rsquo;un segment t&eacute;l&eacute;visuel de type <em>breaking news</em> concernant l&rsquo;incendie du Writer&rsquo;s Building et la mort de Basu. Le roman s&rsquo;ach&egrave;ve avec un &eacute;pilogue reproduisant &laquo;<em>un extrait de l&rsquo;article &ldquo;Mensonges, sacr&eacute;s mensonges et Ghanada&rdquo;, sign&eacute; de Manik Basu, &eacute;crit &agrave; Prague et publi&eacute; dans le num&eacute;ro sp&eacute;cial du magazine Alpana de f&eacute;vrier 2004, consacr&eacute; &agrave; Premendra Mitra pour le centenaire de sa naissance</em>&raquo; (p.241). Dans cet article, Basu parle de sa rencontre (litt&eacute;raire) avec Ghanada, un personnage cr&eacute;&eacute; par Premendra Mitra, et de l&rsquo;admiration qu&rsquo;il &eacute;prouve pour la structure ench&acirc;ss&eacute;e de leurs narrations&nbsp;&agrave; tous les deux. Il termine en affirmant avoir utilis&eacute; le personnage de Ghanada dans son plus r&eacute;cent roman, <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em>. Ce qui est particulier avec cette structure, c&rsquo;est que certaines pistes diss&eacute;min&eacute;es tout au long du roman laissent croire que Manik Basu &eacute;crit l&rsquo;histoire d&rsquo;Hiren Bose; les deux r&eacute;cits existeraient donc dans une relation d&rsquo;ench&acirc;ssement: le r&eacute;cit cadre serait celui de Manik et le r&eacute;cit ench&acirc;ss&eacute;, celui d&rsquo;Hiren. Le chapitre treize vient toutefois court-circuiter cette relation jusque-l&agrave; plut&ocirc;t calme et immobile, puisqu&rsquo;il suppose que les deux personnages existeraient dans un m&ecirc;me univers de fiction, tandis que, tout au long du roman, les fronti&egrave;res entre leurs deux mondes &eacute;taient herm&eacute;tiques, exception faite de deux petits accrocs. Le premier: </p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Un autre [client] m&rsquo;avait r&eacute;clam&eacute; l&rsquo;indicatif d&rsquo;un pays europ&eacute;en dont je n&rsquo;avais jamais entendu parler (et que j&rsquo;ai maintenant oubli&eacute;). Je dus en cons&eacute;quence v&eacute;rifier l&rsquo;annuaire qui donnait la liste de tous les indicatifs. Il le recopia sur un bout de papier mais, ensuite, il passa un coup de fil local.<br /> Ce client avait un visage qui me disait vaguement quelque chose. Mais, bien s&ucirc;r, tous les hommes vous rappellent quelque chose si vous cherchez bien. (p.11) <p></p></span></div> <div>Ce client qui dit vaguement quelque chose &agrave; Hiren s&rsquo;informe-t-il de l&rsquo;indicatif de la R&eacute;publique tch&egrave;que? Il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;un tout petit court-circuit qui n&rsquo;en est pas un, en fait, &agrave; moins de lire le roman en mode parano&iuml;aque &mdash;ce que ce type de litt&eacute;rature nous invite &agrave; faire, par ailleurs. Le deuxi&egrave;me est plus significatif; tandis qu&rsquo;Irma Van der Lubbe regarde Manik Basu dormir, elle a subitement l&rsquo;impression d&rsquo;&ecirc;tre le personnage d&rsquo;un roman:<br /> &nbsp;</div> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Il y avait quelque chose dans cette forme allong&eacute;e qui mettait Irma mal &agrave; l&rsquo;aise. Plant&eacute;e l&agrave; &agrave; la lueur de la lune qui projetait des ombres incertaines, avec le visage tout proche de celui de cet &eacute;crivain endormi venu d&rsquo;un pays si lointain, elle eut soudain l&rsquo;impression d&rsquo;&ecirc;tre incluse dans une &oelig;uvre de fiction, &agrave; un de ces moments sans rebondissements avant que l&rsquo;on ne tourne la page. Bient&ocirc;t tout serait fini, elle n&rsquo;aurait plus &agrave; &ecirc;tre le t&eacute;moin de ces sc&egrave;nes o&ugrave; un homme &eacute;tait le prisonnier d&rsquo;autres hommes. On lui demanderait s&ucirc;rement de jouer un r&ocirc;le dans le d&eacute;nouement, ce qui arrivait souvent, pas tr&egrave;s souvent, mais suffisamment pour la mettre mal &agrave; l&rsquo;aise. (p.184-185)</span><br /> &nbsp;</div> <p>En effet, elle jouera un r&ocirc;le important dans le d&eacute;nouement: elle d&eacute;fenestrera Basu du troisi&egrave;me &eacute;tage du Th&eacute;&acirc;tre national. Ici, c&rsquo;est une troisi&egrave;me fronti&egrave;re qui est travers&eacute;e: si Irma, qui se trouve dans le r&eacute;cit cadre (celui de Manik), est en r&eacute;alit&eacute; un <em>personnage</em>, s&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas seulement d&rsquo;une impression, c&rsquo;est qu&rsquo;il y aurait un troisi&egrave;me r&eacute;cit, v&eacute;ritable cadre cette fois, qui ench&acirc;sserait les deux autres.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Combien y a-t-il de r&eacute;cits, alors?</strong></span></p> <p>Si on consid&egrave;re qu&rsquo;il y a un <em>mastermind</em>, un g&eacute;nial conspirateur derri&egrave;re tout cela, un narrateur implicite (ou un auteur implicite) qui vient arranger les &eacute;v&eacute;nements &mdash;et qui rel&egrave;gue par le fait m&ecirc;me les deux r&eacute;cits au rang de r&eacute;cits intradi&eacute;g&eacute;tiques&mdash;, la question de son identit&eacute; se pose d&eacute;sormais. Qui est-il? Pourquoi se contente-t-il de retranscrire le bulletin de nouvelles et d&rsquo;ajouter un extrait de l&rsquo;article de Basu concernant Ghanada, plut&ocirc;t que de mettre en place un v&eacute;ritable r&eacute;cit cadre qui viendrait ceinturer cette fiction qui, sans de telles fronti&egrave;res, n&rsquo;est rien de moins que probl&eacute;matique? En effet, sans ce narrateur implicite cach&eacute; derri&egrave;re ses propres fictions, on pourrait dire que la narration, pourtant bien r&eacute;elle puisqu&rsquo;on vient de la lire, devient tout d&rsquo;un coup impossible du point de vue de la vraisemblance pragmatique<a name="note2" href="#note2b"><strong>[2]</strong></a>, comme annul&eacute;e ou ni&eacute;e par l&rsquo;inexistence du narrateur; les &eacute;v&eacute;nements racont&eacute;s par la lectrice de nouvelles du chapitre treize pointent dans cette direction: la mort de Manik Basu ne peut pas &ecirc;tre annonc&eacute;e dans l&rsquo;univers de fiction d&rsquo;Hiren Bose. Ce court-circuit rend la posture de narration impossible: un narrateur qui vient de mourir ne peut pas raconter ce qui se passe apr&egrave;s sa mort, surtout qu&rsquo;il n&rsquo;avait pas pr&eacute;par&eacute; le terrain pour s&rsquo;arroger d&rsquo;un tel droit. N&eacute;anmoins, l&rsquo;&eacute;pilogue vient souligner le fait que l&rsquo;auteur Manik Basu a &eacute;crit l&rsquo;histoire dans laquelle le personnage de Ghanada appara&icirc;t, c&rsquo;est-&agrave;-dire celle d&rsquo;Hiren Bose. Aussi, Manik Basu fait r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Ghanada, qu&rsquo;il pr&eacute;sente comme &laquo;l&rsquo;un de ses personnages dans le roman qu&rsquo;il [vient] de terminer&raquo; (p.224-225). Il y a trois notes de bas de page dans l&rsquo;&eacute;pilogue qui attestent des faits litt&eacute;raires avanc&eacute;s par Manik Basu. Ces sources appuient l&rsquo;id&eacute;e que le r&eacute;cit d&rsquo;Hiren est fictif et que c&rsquo;est Manik Basu qui l&rsquo;a &eacute;crit. Premi&egrave;re hypoth&egrave;se: Manik Basu (r&eacute;cit cadre) &eacute;crit l&rsquo;histoire d&rsquo;Hiren Bose (r&eacute;cit ench&acirc;ss&eacute;). Deuxi&egrave;me hypoth&egrave;se: il y aurait un auteur implicite (r&eacute;cit cadre) qui arrangerait les r&eacute;cits de Manik Basu (r&eacute;cit ench&acirc;ss&eacute; dans celui de l&rsquo;auteur implicite et r&eacute;cit cadre de l&rsquo;histoire d&rsquo;Hiren) et d&rsquo;Hiren (r&eacute;cit ench&acirc;ss&eacute; &agrave; la puissance deux). Si on exclut le dernier chapitre et l&rsquo;article de Basu reproduit en &eacute;pilogue, il n&rsquo;y a pas vraiment de r&eacute;cit cadre, mais bien plut&ocirc;t une illusion de cadre. L&rsquo;ind&eacute;cidabilit&eacute; de cette troisi&egrave;me narration semble suspendre le d&eacute;nouement des deux r&eacute;cits; le lecteur n&rsquo;aura pas l&rsquo;heure juste sur cette question et ne pourra pas trancher ou choisir l&rsquo;une ou l&rsquo;autre des deux hypoth&egrave;ses interpr&eacute;tatives que je viens de pr&eacute;senter. Voil&agrave; pourquoi j&rsquo;ai parl&eacute; plus t&ocirc;t d&rsquo;une narration ind&eacute;cidable.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Hommage m&eacute;tafictionnel</strong></span></p> <p>Il y a plus d&rsquo;une mise en abyme dans le roman. D&rsquo;abord, on retrouve la traditionnelle mise en sc&egrave;ne de l&rsquo;&eacute;crivain qui &eacute;crit un roman qui porte le m&ecirc;me titre que celui que le lecteur r&eacute;el tient entre ses mains<a name="note3" href="#note3b"><strong>[3]</strong></a> &mdash;cadres qui court-circuitent &agrave; la fin alors que l&rsquo;&eacute;crivain et son personnage sont trait&eacute;s sans discrimination de niveau narratif dans le m&ecirc;me bulletin de nouvelles. Aussi, il y a une mise en abyme de la structure du roman avec les propos de Basu sur Premendra Mitra dans l&rsquo;&eacute;pilogue: &laquo;Ce qui me surprenait &mdash;et me surprend encore &agrave; ce jour en tant que lecteur et en tant qu&rsquo;&eacute;crivain&mdash;, c&rsquo;est la trajectoire suivie par l&rsquo;auteur Premendra Mitra, &agrave; un certain niveau, et celle suivie par l&rsquo;un des plus c&eacute;l&egrave;bres narrateurs du monde, Ghanada, pour raconter leurs histoires (ench&acirc;ss&eacute;es dans une histoire)&raquo; (p.243). Ce processus est utilis&eacute; par Indrajit Hazra dans l&rsquo;&eacute;criture du roman <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em>, et aussi par Manik Basu, d&rsquo;une certaine fa&ccedil;on, dans son roman <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres </em>(bis), qui met en sc&egrave;ne le &laquo;narrateur&raquo; Ghanada aux c&ocirc;t&eacute;s du narrateur Hiren.</p> <p>L&rsquo;intertextualit&eacute; occupe aussi une place importante dans le roman d&rsquo;Hazra. D&rsquo;abord, Premendra Mitra (1904-1988) est un auteur r&eacute;el et une figure &eacute;minente de la litt&eacute;rature bengali. Il a publi&eacute; des po&egrave;mes, des romans et des nouvelles et est surtout connu pour ses textes de science-fiction comme <em>The Twelfth Manu</em> <a name="note4" href="#note4b"><strong>[4]</strong></a>. Mitra a remport&eacute; de nombreux prix litt&eacute;raires dont certains tr&egrave;s prestigieux. Il a cr&eacute;&eacute; en 1945 le personnage de Ghanada, qui est rapidement devenu tr&egrave;s c&eacute;l&egrave;bre en Inde: plusieurs romans mettent en vedette le personnage et les autres r&eacute;sidents du 72, Banamali Nashkar Lane et certains ont &eacute;t&eacute; adapt&eacute;s pour la radio et sous forme de bandes dessin&eacute;es, dont l&rsquo;une est toujours publi&eacute; par le p&eacute;riodique pour enfants Anandamela. Le personnage de Ghanada que l&rsquo;on rencontre dans le roman d&rsquo;Hazra est &agrave; quelques d&eacute;tails pr&egrave;s le m&ecirc;me que celui cr&eacute;&eacute; par Premendra Mitra; il habite le m&ecirc;me lieu, avec les m&ecirc;mes hommes (Shibu, Shishir, Gaur et les autres) et raconte le m&ecirc;me genre d&rsquo;histoires invraisemblables, proches de la science-fiction mais truff&eacute;es de v&eacute;ritables donn&eacute;es scientifiques et historiques. Par exemple: il r&eacute;v&egrave;le comment il aurait pu emp&ecirc;cher &laquo;que se produise le trou de la couche d&rsquo;ozone&raquo; (p.92), comment il a sauv&eacute; de la mort un homme emprisonn&eacute; dans un monast&egrave;re espagnol par le p&egrave;re Ra&uacute;l qui croyait &ecirc;tre une r&eacute;incarnation de l&rsquo;Inquisiteur Tom&aacute;s de Torquemada, comment aussi la cigarette lui a un jour sauv&eacute; la vie lors d&rsquo;un feu de brousse en Australie, etc. Ce dialogue entre le roman d&rsquo;Hazra et ceux de Premendra Mitra est l&rsquo;emprunt transfictionnel le plus consid&eacute;rable dans Le Jardin des d&eacute;lices terrestres. N&eacute;anmoins, un personnage important du r&eacute;cit de Manik Basu est emprunt&eacute; &agrave; un tout autre univers de fiction. En effet, vers la fin du roman, Irma Van der Lubbe affirme avoir d&eacute;j&agrave; rencontr&eacute; Bianca Castafiore, qui &eacute;tait de passage &agrave; Prague pour chanter dans <em>La Damnation de Faust</em> de Berlioz. Pour un lecteur qui ne conna&icirc;t qu&rsquo;en partie <em>Les Aventures de Tintin et Milou</em> d&rsquo;Herg&eacute;, l&rsquo;allusion &agrave; la soprano italienne (fictive) peut para&icirc;tre &eacute;trange. Hazra r&eacute;v&egrave;le, dans un article paru dans le journal <em>Hindustan Times</em>, avoir &laquo;emprunt&eacute;&raquo; le personnage d&rsquo;Irma &agrave; Herg&eacute;, ce qui explique l&rsquo;allusion au&nbsp;&laquo;rossignol milanais&raquo;: </p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">A few years ago, I wrote a book in which I used (borrowed or stole, being the more appropriate word) one of Herg&eacute;&rsquo;s minor characters from his Tintin books, Irma, Bianca Castifiore&rsquo;s quiet maid, for my own nefarious purpose. While the original Irma was nothing but Bianca&rsquo;s appendage &mdash;her &lsquo;high point&rsquo; being when she assaults Thompson and Thomson with a walking stick in <em>The Castafiore Emerald</em><a name="note5" href="#note5b"><strong>[5]</strong></a> when the two detectives accuse her of stealing the soprano&rsquo;s emerald&mdash; &lsquo;my&rsquo; Irma was a full-blown woman with a mysterious past and an unsettling presence. I must say, I felt rather smug about plucking Irma out of a children&rsquo;s comic book and placing her in a work of, ahem, literature.<a name="note6" href="#note6b"><strong>[6]</strong></a> <p></p></span></div> <p>Ces deux emprunts, le premier majeur et le second plus ponctuel, participent, il me semble, &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;une fiction en forme d&rsquo;hommage rendu &agrave; la bande dessin&eacute;e et &agrave; la litt&eacute;rature jeunesse &mdash;&agrave; tout le moins &agrave; deux figures embl&eacute;matiques de ces champs particuliers. Coupl&eacute;e aux mises en abyme pr&eacute;sent&eacute;es plus t&ocirc;t, la pr&eacute;sence de ces personnages qui passent d&rsquo;une &oelig;uvre de fiction &agrave; une autre me semble inscrire Indrajit Hazra &agrave; la suite d&rsquo;autres &eacute;crivains associ&eacute;s &agrave; la m&eacute;tafiction, comme Italo Calvino, Paul Auster, Julio Cort&aacute;zar, et bien d&rsquo;autres encore &mdash; c&rsquo;est sans oublier Enrique Vila-Matas, fier h&eacute;ritier de Cervant&egrave;s et de Borges, dont l&rsquo;un des romans a &eacute;t&eacute; comment&eacute; ici par Simon Brousseau<a name="note7" href="#note7"><strong>[7]</strong></a>.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Quand l&rsquo;auteur se joue des th&eacute;ories litt&eacute;raires: de la litt&eacute;rature &laquo;postmoderne&raquo;</strong></span></p> <div>J&rsquo;ajoute enfin: m&ecirc;me si <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em> ne me semble pas &ecirc;tre une fiction critique &agrave; proprement parler, il n&rsquo;en reste pas moins qu&rsquo;on retrouve dans le roman quelques r&eacute;f&eacute;rences &agrave; certaines th&eacute;ories litt&eacute;raires qui m&eacute;ritent d&rsquo;&ecirc;tre relev&eacute;es. D&rsquo;abord, Hiren fait r&eacute;f&eacute;rence de fa&ccedil;on directe, lorsqu&rsquo;il traite des r&eacute;cits de Ghanada, au concept de suspension volontaire de l&rsquo;incr&eacute;dulit&eacute; (<em>willing suspension of disbelief</em> <a name="note8" href="#note8b"><strong>[8]</strong></a>) d&eacute;velopp&eacute;e par Samuel Taylor Coleridge dans <em>Biographia Literaria</em>:<br /> &nbsp;</div> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Au d&eacute;but, quand le r&eacute;cit est encore cr&eacute;dible, Shibu se contente de grommeler, avec soit un sourire narquois, soit un rire moqueur, soit encore une remarque destin&eacute;e &agrave; renvoyer le conteur dans ses cordes. Mais Ghanada poursuit, piquant une cigarette ou m&ecirc;me un paquet entier, et continue &agrave; nous raconter une autre histoire tir&eacute;e de son pass&eacute; tout aussi difficile &agrave; gober &agrave; moins de suspendre volontairement son incr&eacute;dulit&eacute;, comme disait Coleridge. (p.67) <p></p></span></div> <div>Cette r&eacute;f&eacute;rence d&eacute;note &agrave; tout le moins une connaissance de cette th&eacute;orie en particulier par l&rsquo;auteur, sinon un jeu, une raillerie de cette m&ecirc;me th&eacute;orie. L&rsquo;auteur, dans un but ludique, met la th&eacute;orie &agrave; contribution pour livrer un roman m&eacute;tafictionnel, sinon postmoderne; tout le roman semble pr&eacute;cis&eacute;ment travailler &agrave; faire en sorte que le lecteur ne puisse pas s&rsquo;abandonner &agrave; cette suspension volontaire de l&rsquo;incr&eacute;dulit&eacute;, ou encore qu&rsquo;il s&rsquo;y abandonne totalement et choisisse de tout accepter de ce que l&rsquo;auteur fait subir au r&eacute;cit et &agrave; ses personnages. Manik Basu utilise d&rsquo;ailleurs le terme &laquo;postmoderne&raquo; pour qualifier de fa&ccedil;on retorse les romans de Premendra Mitra, en &eacute;pilogue: &laquo;Ghanada constitue ma premi&egrave;re et ma plus stimulante rencontre avec ce que de nombreux critiques s&rsquo;obstinent &agrave; appeler non sans une certaine pesanteur &ldquo;la litt&eacute;rature postmoderne&rdquo;&raquo; (p.244). Ici encore, le terme est moqu&eacute;, utilis&eacute; de fa&ccedil;on consciente par l&rsquo;auteur implicite, dans un but d&eacute;tourn&eacute;. Et si la m&eacute;tafiction &mdash;et tous ses avatars&mdash; n&rsquo;est pas exclusivement contemporaine (je pense notamment &agrave; James Joyce et au <em>Hamlet</em> de Shakespeare), il n&rsquo;en reste pas moins que les motifs relev&eacute;s dans <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em> font, il me semble, de ce roman d&rsquo;Indrajit Hazra une fiction&nbsp;&laquo;postmoderne&raquo;, si tant est que l&rsquo;on puisse s&rsquo;entendre sur la signification d&rsquo;un tel concept. Sans prendre part au d&eacute;bat, sans m&ecirc;me tenter d&rsquo;offrir une d&eacute;finition de la postmodernit&eacute; litt&eacute;raire &mdash;l&rsquo;exercice d&eacute;passerait d&rsquo;ailleurs largement les objectifs de cette lecture&mdash;, je me permet de proposer en conclusion que le roman d&rsquo;Indrajit Hazra ne fait que jouer, sans rien critiquer ou remettre en question: le r&eacute;cit et sa structure probl&eacute;matique, les r&eacute;f&eacute;rences au monde du livre et &agrave; la litt&eacute;rature, les emprunts transfictionnels &agrave; la bande dessin&eacute;e et &agrave; la litt&eacute;rature de jeunesse ainsi que les mises en abyme sont autant de fa&ccedil;ons de rendre hommage &agrave; un type de production litt&eacute;raire qui a court depuis plusieurs si&egrave;cles d&eacute;j&agrave; et qui ne semble pas pr&egrave;s de s&rsquo;essouffler, malgr&eacute; les redites. Une production litt&eacute;raire maintenue en vie &agrave; coups de clins d&rsquo;&oelig;il, notamment.<br /> &nbsp;</div> <hr /> <a name="note1b" href="#note1">1</a> Paru pour la premi&egrave;re fois en fran&ccedil;ais aux &eacute;ditions Le Cherche Midi en 2006. &Eacute;dition originale: <em>The Garden of Early Delights</em>, New Delhi, RST IndiaInk Publishing Company Private Limited, 2003.<br /> <a name="note2b" href="#note2">2</a> &laquo;La vraisemblance pragmatique, &agrave; laquelle Cavillac a consacr&eacute; un article fort &eacute;clairant (1995), renvoie [&hellip;] &agrave; la performance narrative, c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; la cr&eacute;dibilit&eacute; du narrateur et de la situation &eacute;nonciative&raquo;, &eacute;crit Andr&eacute;e Mercier dans un &eacute;tat de la question sur la vraisemblance. Voir: Andr&eacute;e Mercier, &laquo;La vraisemblance: &eacute;tat de la question historique et th&eacute;orique&raquo;, dans <em>temps z&eacute;ro. Revue d&rsquo;&eacute;tude des &eacute;critures contemporaines</em>, no 2 [en ligne]. <a href="http://tempszero.contemporain.info/document393" title="http://tempszero.contemporain.info/document393">http://tempszero.contemporain.info/document393</a> [Page consult&eacute;e le 18 ao&ucirc;t 2010]. Voir aussi: C&eacute;cile Cavillac, &laquo;Vraisemblance pragmatique et autorit&eacute; fictionnelle&raquo;, dans <em>Po&eacute;tique</em>, no 101, f&eacute;vrier 1995, p.23-46.<br /> <a name="note3b" href="#note3">3 </a>Je pense par exemple au roman <em>Les Faux-monnayeurs</em> d&rsquo;Andr&eacute; Gide, ou encore &agrave; <em>Je suis un &eacute;crivain japonais</em> de Dany Laferri&egrave;re, dont Genevi&egrave;ve Dufour a rendu compte ici. Voir: Genevi&egrave;ve Dufour, &laquo;Le Japon de poche&raquo;, dans Salon double [en ligne]. <a href="http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-japon-de-poche" title="http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-japon-de-poche">http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-japon-de-poche</a> [Texte en ligne depuis le 5 d&eacute;cembre 2008]. <br /> <a name="note4b" href="#note4">4</a> Traduit en anglais en 1972 par Enakshi Chatterjee, ce court roman d&rsquo;anticipation mythologique est notamment recueilli dans l&rsquo;anthologie <em>Contemporary Bengali Litterature: Fiction</em>, parue en 1972 chez Academic Publishers et dirig&eacute;e par Sukumar Ghose.<br /> <a name="note5b" href="#note5">5</a> Herg&eacute;, <em>Les Bijoux de la Castafiore</em>, Bruxelles, Casterman, 1963.<br /> <a name="note6b" href="#note6">6</a> Indrajit Hazra, &laquo;Tintin, how Art thou?&raquo;, dans <em>Hindustan Times</em>, [en ligne]. <a href="http://www.hindustantimes.com/News-Feed/nm14/Tintin-how-Art-thou/Article1-130366.aspx" title="http://www.hindustantimes.com/News-Feed/nm14/Tintin-how-Art-thou/Article1-130366.aspx">http://www.hindustantimes.com/News-Feed/nm14/Tintin-how-Art-thou/Article...</a> [Texte en ligne depuis le 30 juillet 2006 et consult&eacute; le 16 juillet 2010].<br /> <a name="note7" href="#note7">7 </a>Voir: Simon Brousseau, &laquo;De l&rsquo;exploration &agrave; l&rsquo;obsession&raquo;, dans <em>Salon double</em> [en ligne]. <a href="http://salondouble.contemporain.info/lecture/de-l-exploration-a-l-obsession" title="http://salondouble.contemporain.info/lecture/de-l-exploration-a-l-obsession">http://salondouble.contemporain.info/lecture/de-l-exploration-a-l-obsession</a> [Texte en ligne depuis le 5 mars 2009].<br /> <a name="note8b" href="#note8">8</a> Samuel Taylor Coleridge, <em>Biographia Literaria</em>, volume II, &eacute;dit&eacute; par James Engell et Jackson Bate, Princeton, Princeton University Press (Bolligen Series LXXV / The Collected Works of Samuel Taylor Coleridge. 7), 1983 [1817], p.6. http://salondouble.contemporain.info/lecture/quand-l-auteur-joue-avec-la-metafiction#comments Autorité narrative BORGES, Jorge Luis CAVILLAC, Cécile CERVANTÈS COLERIDGE, Samuel Taylor CORTAZAR, Julio Culture populaire GIDE, André HAZRA, Indrajit Hergé Inde Intertextualité JOYCE, James MERCIER, Andrée Métafiction MITRA, Premendra Postmodernité SHAKESPEARE VILAS-MATAS, Enrique Vraisemblance Roman Thu, 19 Aug 2010 14:48:38 +0000 Pierre-Luc Landry 252 at http://salondouble.contemporain.info