Salon double - CORTAZAR, Julio http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/550/0 fr Quand l’auteur joue avec la (méta)fiction http://salondouble.contemporain.info/lecture/quand-l-auteur-joue-avec-la-metafiction <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/landry-pierre-luc">Landry, Pierre-Luc </a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/le-jardin-des-delices-terrestres">Le Jardin des délices terrestres</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p><em><br /> Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em><a name="note1" href="#note1b"><strong>[1]</strong></a> est le deuxi&egrave;me roman d&rsquo;Indrajit Hazra, musicien, journaliste et &eacute;crivain indien n&eacute; &agrave; Calcutta en 1971. Ce roman, qui au final pourrait &ecirc;tre qualifi&eacute; de ludique, emprunte &agrave; la bande dessin&eacute;e belge comme &agrave; la litt&eacute;rature jeunesse bengali et induit, avec sa structure probl&eacute;matique et sa narration ind&eacute;cidable, certains effets de rupture qui d&eacute;voilent et probl&eacute;matisent sa construction. Je tenterai ici de rendre compte de certains enjeux soulev&eacute;s par ce roman qui se joue parfois des th&eacute;ories litt&eacute;raires et qui, par le fait m&ecirc;me, se laisse difficilement appr&eacute;hender en termes simples.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>D&rsquo;abord, un r&eacute;sum&eacute;</strong></span></p> <p>Le roman est compos&eacute; de deux r&eacute;cits livr&eacute;s en alternance. Le premier met en sc&egrave;ne Hiren Bose, op&eacute;rateur d&rsquo;un taxiphone situ&eacute; au rez-de-chauss&eacute;e du 14, Banamali Nashkar Lane, &agrave; Calcutta. Il habite &agrave; l&rsquo;&eacute;tage chez Uma, sa fianc&eacute;e, depuis quatre ans. Une nuit, quatre eunuques travestis en femmes, des hijras, vandalisent la cabine t&eacute;l&eacute;phonique du taxiphone et attaquent Hiren. Ce dernier n&rsquo;ose pas annoncer la mauvaise nouvelle &agrave; Uma sachant qu&rsquo;elle sera furieuse contre lui: il n&rsquo;a pas assur&eacute; son commerce comme elle le lui avait conseill&eacute; il y a longtemps d&eacute;j&agrave;. Soucieux de &laquo;mettre fin &agrave; ce chapitre de [sa] vie&raquo; (p.30), il verse du &laquo;fioul&raquo; (p.30) un peu partout au rez-de-chauss&eacute;e, ainsi qu&rsquo;au premier &eacute;tage o&ugrave; dort Uma, et met le feu &agrave; l&rsquo;&eacute;difice. Il se sauve des lieux du crime et ne revient que plusieurs heures apr&egrave;s, une fois le brasier &eacute;teint; Uma est morte. Hiren est recueilli par Shishir, un ami qui habite la pension du 72, tout juste en face du taxiphone, sur Banamali Nashkar Lane, o&ugrave; Hiren avait d&eacute;j&agrave; habit&eacute; avant de d&eacute;m&eacute;nager chez Uma. Avec quelques retours en arri&egrave;re, on apprend &agrave; conna&icirc;tre les personnages qui habitent la pension, surtout Ghanada, sorte de gourou qui occupe la chambre sur le toit et qui raconte toujours des histoires invraisemblables qui l&rsquo;impliquent personnellement mais auxquelles personne n&rsquo;adh&egrave;re vraiment. On apprend aussi qu&rsquo;Hiren est pyromane et qu&rsquo;il aurait br&ucirc;l&eacute; d&rsquo;autres &eacute;difices avant de mettre le feu &agrave; son commerce. La vie au foyer est plut&ocirc;t r&eacute;p&eacute;titive&nbsp;et les soir&eacute;es se terminent toujours sur la terrasse avec Ghanada qui raconte ses histoires, couch&eacute; dans sa chaise longue. Hiren a l&rsquo;impression que Ghanada sait &agrave; propos de l&rsquo;incendie du 14, et, un soir o&ugrave; l&rsquo;atmosph&egrave;re est particuli&egrave;rement tendue, il se fait assommer par les r&eacute;sidents du foyer. Il se r&eacute;veille dans le coffre d&rsquo;une voiture. Shishir, Ghanada, Gaur et Shibu portent tous les quatre leur costume d&rsquo;hijras: ce sont eux, les eunuques qui l&rsquo;ont attaqu&eacute; dans son taxiphone. Ghanada explique qu&rsquo;ils se d&eacute;guisent ainsi pour supprimer tout d&eacute;sir sexuel et se prot&eacute;ger du danger que repr&eacute;sentent les femmes. Parce qu&rsquo;Hiren menace l&rsquo;&eacute;quilibre du foyer o&ugrave; ils s&rsquo;isolent des femmes pour rester entre eux, ils doivent agir et le neutraliser. Ils l&rsquo;assomment de nouveau et l&rsquo;enferment dans un placard du Writer&rsquo;s Building, le si&egrave;ge du gouvernement du Bengale occidental, auquel ils mettent le feu. Hiren r&eacute;ussit &agrave; s&rsquo;&eacute;chapper de cet incendie monumental et est arr&ecirc;t&eacute; par un inspecteur qui l&rsquo;accuse d&rsquo;avoir allum&eacute; plusieurs incendies criminels perp&eacute;tr&eacute;s dans les derni&egrave;res ann&eacute;es. On l&rsquo;emporte dans un fourgon de l&rsquo;arm&eacute;e.</p> <p>Le second r&eacute;cit concerne Manik Basu, &laquo;auteur de livres &agrave; succ&egrave;s comme <em>Les Principes du plaisir</em>, <em>Bricolage</em>, <em>L&rsquo;Illusionniste et autres r&eacute;cits</em>&raquo; (p.33) qui &laquo;avait fait la plus grosse erreur de sa vie en signant un contrat stipulant qu&rsquo;il remettrait un roman par an &agrave; la prestigieuse maison d&rsquo;&eacute;dition Kutir&raquo; (p.33), mais qui empire sa situation en fuyant l&rsquo;Inde et en se r&eacute;fugiant &laquo;dans un h&ocirc;tel relativement bon march&eacute; de la lointaine Prague&raquo; (p.33) sans avoir remis un seul roman &agrave; son &eacute;diteur, cinq ans apr&egrave;s avoir sign&eacute; le contrat. Il est enlev&eacute; &agrave; Prague par des hommes de main de son &eacute;diteur, qui le s&eacute;questrent dans la chambre de son h&ocirc;tel. Il a dix jours pour &eacute;crire un roman; le &laquo;dixi&egrave;me jour, si le livre est pas fini, on sera oblig&eacute;s de vous descendre&raquo; (p.41), le menace-t-on. Basu s&rsquo;attelle donc &agrave; la t&acirc;che. Toutefois, au bout de quelques jours, un de ses ge&ocirc;liers vient le chercher pour le conduire jusqu&rsquo;&agrave; un grand manoir o&ugrave; l&rsquo;attend Ajit Chaudhuri, &laquo;propri&eacute;taire et responsable des publications de Kutir&raquo; (p.105). Chaudhuri s&rsquo;excuse parce que &laquo;les autochtones n&rsquo;avaient pas parfaitement compris&raquo; ses consignes (p.105). Il prie Basu de se consid&eacute;rer d&eacute;sormais comme son invit&eacute; et &laquo;souhaite rendre [son] s&eacute;jour aussi agr&eacute;able que possible&raquo; (p.105). Basu explore le manoir d&rsquo;abord, avant de se lancer dans l&rsquo;&eacute;criture: &laquo;[il] se dit que le mieux &eacute;tait sans doute de se gratter la cervelle jusqu&rsquo;&agrave; produire quelque chose&raquo; (p.139). Les semaines s&rsquo;&eacute;coulent et l&rsquo;&eacute;crivain travaille plut&ocirc;t bien; un jour, il annonce que son manuscrit est termin&eacute;. Il refuse toutefois de le remettre &agrave; Chaudhuri, mais celui-ci, &agrave; l&rsquo;aide de ses hommes de main, r&eacute;ussit &agrave; le lui soutirer. Entre temps a commenc&eacute; &agrave; se tisser une &eacute;trange relation entre Basu et Irma Van der Lubbe, la gouvernante du gite o&ugrave; il r&eacute;side; ils s&rsquo;espionnent mutuellement dans le noir et semblent tous les deux attir&eacute;s l&rsquo;un vers l&rsquo;autre. Basu d&eacute;cide de rester un peu &agrave; Prague avant de retourner en Inde. Il se rend &agrave; l&rsquo;op&eacute;ra avec Irma, au Th&eacute;&acirc;tre national. Lors de l&rsquo;entracte, elle le pousse par la fen&ecirc;tre du troisi&egrave;me &eacute;tage; il s&rsquo;effondre sur le sol et meurt.<br /> <strong><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><br /> Quelques courts-circuits</span></strong></p> <p>Les deux r&eacute;cits se partagent parfaitement le livre: le premier, celui d&rsquo;Hiren Bose, se d&eacute;veloppe dans les chapitres impairs; le deuxi&egrave;me, celui de Manik Basu, occupe les chapitres pairs. Le treizi&egrave;me chapitre, intitul&eacute; &laquo;Derni&egrave;res nouvelles&raquo; (p.233-239), rompt ce d&eacute;coupage et constitue un verbatim d&rsquo;un segment t&eacute;l&eacute;visuel de type <em>breaking news</em> concernant l&rsquo;incendie du Writer&rsquo;s Building et la mort de Basu. Le roman s&rsquo;ach&egrave;ve avec un &eacute;pilogue reproduisant &laquo;<em>un extrait de l&rsquo;article &ldquo;Mensonges, sacr&eacute;s mensonges et Ghanada&rdquo;, sign&eacute; de Manik Basu, &eacute;crit &agrave; Prague et publi&eacute; dans le num&eacute;ro sp&eacute;cial du magazine Alpana de f&eacute;vrier 2004, consacr&eacute; &agrave; Premendra Mitra pour le centenaire de sa naissance</em>&raquo; (p.241). Dans cet article, Basu parle de sa rencontre (litt&eacute;raire) avec Ghanada, un personnage cr&eacute;&eacute; par Premendra Mitra, et de l&rsquo;admiration qu&rsquo;il &eacute;prouve pour la structure ench&acirc;ss&eacute;e de leurs narrations&nbsp;&agrave; tous les deux. Il termine en affirmant avoir utilis&eacute; le personnage de Ghanada dans son plus r&eacute;cent roman, <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em>. Ce qui est particulier avec cette structure, c&rsquo;est que certaines pistes diss&eacute;min&eacute;es tout au long du roman laissent croire que Manik Basu &eacute;crit l&rsquo;histoire d&rsquo;Hiren Bose; les deux r&eacute;cits existeraient donc dans une relation d&rsquo;ench&acirc;ssement: le r&eacute;cit cadre serait celui de Manik et le r&eacute;cit ench&acirc;ss&eacute;, celui d&rsquo;Hiren. Le chapitre treize vient toutefois court-circuiter cette relation jusque-l&agrave; plut&ocirc;t calme et immobile, puisqu&rsquo;il suppose que les deux personnages existeraient dans un m&ecirc;me univers de fiction, tandis que, tout au long du roman, les fronti&egrave;res entre leurs deux mondes &eacute;taient herm&eacute;tiques, exception faite de deux petits accrocs. Le premier: </p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Un autre [client] m&rsquo;avait r&eacute;clam&eacute; l&rsquo;indicatif d&rsquo;un pays europ&eacute;en dont je n&rsquo;avais jamais entendu parler (et que j&rsquo;ai maintenant oubli&eacute;). Je dus en cons&eacute;quence v&eacute;rifier l&rsquo;annuaire qui donnait la liste de tous les indicatifs. Il le recopia sur un bout de papier mais, ensuite, il passa un coup de fil local.<br /> Ce client avait un visage qui me disait vaguement quelque chose. Mais, bien s&ucirc;r, tous les hommes vous rappellent quelque chose si vous cherchez bien. (p.11) <p></p></span></div> <div>Ce client qui dit vaguement quelque chose &agrave; Hiren s&rsquo;informe-t-il de l&rsquo;indicatif de la R&eacute;publique tch&egrave;que? Il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;un tout petit court-circuit qui n&rsquo;en est pas un, en fait, &agrave; moins de lire le roman en mode parano&iuml;aque &mdash;ce que ce type de litt&eacute;rature nous invite &agrave; faire, par ailleurs. Le deuxi&egrave;me est plus significatif; tandis qu&rsquo;Irma Van der Lubbe regarde Manik Basu dormir, elle a subitement l&rsquo;impression d&rsquo;&ecirc;tre le personnage d&rsquo;un roman:<br /> &nbsp;</div> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Il y avait quelque chose dans cette forme allong&eacute;e qui mettait Irma mal &agrave; l&rsquo;aise. Plant&eacute;e l&agrave; &agrave; la lueur de la lune qui projetait des ombres incertaines, avec le visage tout proche de celui de cet &eacute;crivain endormi venu d&rsquo;un pays si lointain, elle eut soudain l&rsquo;impression d&rsquo;&ecirc;tre incluse dans une &oelig;uvre de fiction, &agrave; un de ces moments sans rebondissements avant que l&rsquo;on ne tourne la page. Bient&ocirc;t tout serait fini, elle n&rsquo;aurait plus &agrave; &ecirc;tre le t&eacute;moin de ces sc&egrave;nes o&ugrave; un homme &eacute;tait le prisonnier d&rsquo;autres hommes. On lui demanderait s&ucirc;rement de jouer un r&ocirc;le dans le d&eacute;nouement, ce qui arrivait souvent, pas tr&egrave;s souvent, mais suffisamment pour la mettre mal &agrave; l&rsquo;aise. (p.184-185)</span><br /> &nbsp;</div> <p>En effet, elle jouera un r&ocirc;le important dans le d&eacute;nouement: elle d&eacute;fenestrera Basu du troisi&egrave;me &eacute;tage du Th&eacute;&acirc;tre national. Ici, c&rsquo;est une troisi&egrave;me fronti&egrave;re qui est travers&eacute;e: si Irma, qui se trouve dans le r&eacute;cit cadre (celui de Manik), est en r&eacute;alit&eacute; un <em>personnage</em>, s&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas seulement d&rsquo;une impression, c&rsquo;est qu&rsquo;il y aurait un troisi&egrave;me r&eacute;cit, v&eacute;ritable cadre cette fois, qui ench&acirc;sserait les deux autres.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Combien y a-t-il de r&eacute;cits, alors?</strong></span></p> <p>Si on consid&egrave;re qu&rsquo;il y a un <em>mastermind</em>, un g&eacute;nial conspirateur derri&egrave;re tout cela, un narrateur implicite (ou un auteur implicite) qui vient arranger les &eacute;v&eacute;nements &mdash;et qui rel&egrave;gue par le fait m&ecirc;me les deux r&eacute;cits au rang de r&eacute;cits intradi&eacute;g&eacute;tiques&mdash;, la question de son identit&eacute; se pose d&eacute;sormais. Qui est-il? Pourquoi se contente-t-il de retranscrire le bulletin de nouvelles et d&rsquo;ajouter un extrait de l&rsquo;article de Basu concernant Ghanada, plut&ocirc;t que de mettre en place un v&eacute;ritable r&eacute;cit cadre qui viendrait ceinturer cette fiction qui, sans de telles fronti&egrave;res, n&rsquo;est rien de moins que probl&eacute;matique? En effet, sans ce narrateur implicite cach&eacute; derri&egrave;re ses propres fictions, on pourrait dire que la narration, pourtant bien r&eacute;elle puisqu&rsquo;on vient de la lire, devient tout d&rsquo;un coup impossible du point de vue de la vraisemblance pragmatique<a name="note2" href="#note2b"><strong>[2]</strong></a>, comme annul&eacute;e ou ni&eacute;e par l&rsquo;inexistence du narrateur; les &eacute;v&eacute;nements racont&eacute;s par la lectrice de nouvelles du chapitre treize pointent dans cette direction: la mort de Manik Basu ne peut pas &ecirc;tre annonc&eacute;e dans l&rsquo;univers de fiction d&rsquo;Hiren Bose. Ce court-circuit rend la posture de narration impossible: un narrateur qui vient de mourir ne peut pas raconter ce qui se passe apr&egrave;s sa mort, surtout qu&rsquo;il n&rsquo;avait pas pr&eacute;par&eacute; le terrain pour s&rsquo;arroger d&rsquo;un tel droit. N&eacute;anmoins, l&rsquo;&eacute;pilogue vient souligner le fait que l&rsquo;auteur Manik Basu a &eacute;crit l&rsquo;histoire dans laquelle le personnage de Ghanada appara&icirc;t, c&rsquo;est-&agrave;-dire celle d&rsquo;Hiren Bose. Aussi, Manik Basu fait r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Ghanada, qu&rsquo;il pr&eacute;sente comme &laquo;l&rsquo;un de ses personnages dans le roman qu&rsquo;il [vient] de terminer&raquo; (p.224-225). Il y a trois notes de bas de page dans l&rsquo;&eacute;pilogue qui attestent des faits litt&eacute;raires avanc&eacute;s par Manik Basu. Ces sources appuient l&rsquo;id&eacute;e que le r&eacute;cit d&rsquo;Hiren est fictif et que c&rsquo;est Manik Basu qui l&rsquo;a &eacute;crit. Premi&egrave;re hypoth&egrave;se: Manik Basu (r&eacute;cit cadre) &eacute;crit l&rsquo;histoire d&rsquo;Hiren Bose (r&eacute;cit ench&acirc;ss&eacute;). Deuxi&egrave;me hypoth&egrave;se: il y aurait un auteur implicite (r&eacute;cit cadre) qui arrangerait les r&eacute;cits de Manik Basu (r&eacute;cit ench&acirc;ss&eacute; dans celui de l&rsquo;auteur implicite et r&eacute;cit cadre de l&rsquo;histoire d&rsquo;Hiren) et d&rsquo;Hiren (r&eacute;cit ench&acirc;ss&eacute; &agrave; la puissance deux). Si on exclut le dernier chapitre et l&rsquo;article de Basu reproduit en &eacute;pilogue, il n&rsquo;y a pas vraiment de r&eacute;cit cadre, mais bien plut&ocirc;t une illusion de cadre. L&rsquo;ind&eacute;cidabilit&eacute; de cette troisi&egrave;me narration semble suspendre le d&eacute;nouement des deux r&eacute;cits; le lecteur n&rsquo;aura pas l&rsquo;heure juste sur cette question et ne pourra pas trancher ou choisir l&rsquo;une ou l&rsquo;autre des deux hypoth&egrave;ses interpr&eacute;tatives que je viens de pr&eacute;senter. Voil&agrave; pourquoi j&rsquo;ai parl&eacute; plus t&ocirc;t d&rsquo;une narration ind&eacute;cidable.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Hommage m&eacute;tafictionnel</strong></span></p> <p>Il y a plus d&rsquo;une mise en abyme dans le roman. D&rsquo;abord, on retrouve la traditionnelle mise en sc&egrave;ne de l&rsquo;&eacute;crivain qui &eacute;crit un roman qui porte le m&ecirc;me titre que celui que le lecteur r&eacute;el tient entre ses mains<a name="note3" href="#note3b"><strong>[3]</strong></a> &mdash;cadres qui court-circuitent &agrave; la fin alors que l&rsquo;&eacute;crivain et son personnage sont trait&eacute;s sans discrimination de niveau narratif dans le m&ecirc;me bulletin de nouvelles. Aussi, il y a une mise en abyme de la structure du roman avec les propos de Basu sur Premendra Mitra dans l&rsquo;&eacute;pilogue: &laquo;Ce qui me surprenait &mdash;et me surprend encore &agrave; ce jour en tant que lecteur et en tant qu&rsquo;&eacute;crivain&mdash;, c&rsquo;est la trajectoire suivie par l&rsquo;auteur Premendra Mitra, &agrave; un certain niveau, et celle suivie par l&rsquo;un des plus c&eacute;l&egrave;bres narrateurs du monde, Ghanada, pour raconter leurs histoires (ench&acirc;ss&eacute;es dans une histoire)&raquo; (p.243). Ce processus est utilis&eacute; par Indrajit Hazra dans l&rsquo;&eacute;criture du roman <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em>, et aussi par Manik Basu, d&rsquo;une certaine fa&ccedil;on, dans son roman <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres </em>(bis), qui met en sc&egrave;ne le &laquo;narrateur&raquo; Ghanada aux c&ocirc;t&eacute;s du narrateur Hiren.</p> <p>L&rsquo;intertextualit&eacute; occupe aussi une place importante dans le roman d&rsquo;Hazra. D&rsquo;abord, Premendra Mitra (1904-1988) est un auteur r&eacute;el et une figure &eacute;minente de la litt&eacute;rature bengali. Il a publi&eacute; des po&egrave;mes, des romans et des nouvelles et est surtout connu pour ses textes de science-fiction comme <em>The Twelfth Manu</em> <a name="note4" href="#note4b"><strong>[4]</strong></a>. Mitra a remport&eacute; de nombreux prix litt&eacute;raires dont certains tr&egrave;s prestigieux. Il a cr&eacute;&eacute; en 1945 le personnage de Ghanada, qui est rapidement devenu tr&egrave;s c&eacute;l&egrave;bre en Inde: plusieurs romans mettent en vedette le personnage et les autres r&eacute;sidents du 72, Banamali Nashkar Lane et certains ont &eacute;t&eacute; adapt&eacute;s pour la radio et sous forme de bandes dessin&eacute;es, dont l&rsquo;une est toujours publi&eacute; par le p&eacute;riodique pour enfants Anandamela. Le personnage de Ghanada que l&rsquo;on rencontre dans le roman d&rsquo;Hazra est &agrave; quelques d&eacute;tails pr&egrave;s le m&ecirc;me que celui cr&eacute;&eacute; par Premendra Mitra; il habite le m&ecirc;me lieu, avec les m&ecirc;mes hommes (Shibu, Shishir, Gaur et les autres) et raconte le m&ecirc;me genre d&rsquo;histoires invraisemblables, proches de la science-fiction mais truff&eacute;es de v&eacute;ritables donn&eacute;es scientifiques et historiques. Par exemple: il r&eacute;v&egrave;le comment il aurait pu emp&ecirc;cher &laquo;que se produise le trou de la couche d&rsquo;ozone&raquo; (p.92), comment il a sauv&eacute; de la mort un homme emprisonn&eacute; dans un monast&egrave;re espagnol par le p&egrave;re Ra&uacute;l qui croyait &ecirc;tre une r&eacute;incarnation de l&rsquo;Inquisiteur Tom&aacute;s de Torquemada, comment aussi la cigarette lui a un jour sauv&eacute; la vie lors d&rsquo;un feu de brousse en Australie, etc. Ce dialogue entre le roman d&rsquo;Hazra et ceux de Premendra Mitra est l&rsquo;emprunt transfictionnel le plus consid&eacute;rable dans Le Jardin des d&eacute;lices terrestres. N&eacute;anmoins, un personnage important du r&eacute;cit de Manik Basu est emprunt&eacute; &agrave; un tout autre univers de fiction. En effet, vers la fin du roman, Irma Van der Lubbe affirme avoir d&eacute;j&agrave; rencontr&eacute; Bianca Castafiore, qui &eacute;tait de passage &agrave; Prague pour chanter dans <em>La Damnation de Faust</em> de Berlioz. Pour un lecteur qui ne conna&icirc;t qu&rsquo;en partie <em>Les Aventures de Tintin et Milou</em> d&rsquo;Herg&eacute;, l&rsquo;allusion &agrave; la soprano italienne (fictive) peut para&icirc;tre &eacute;trange. Hazra r&eacute;v&egrave;le, dans un article paru dans le journal <em>Hindustan Times</em>, avoir &laquo;emprunt&eacute;&raquo; le personnage d&rsquo;Irma &agrave; Herg&eacute;, ce qui explique l&rsquo;allusion au&nbsp;&laquo;rossignol milanais&raquo;: </p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">A few years ago, I wrote a book in which I used (borrowed or stole, being the more appropriate word) one of Herg&eacute;&rsquo;s minor characters from his Tintin books, Irma, Bianca Castifiore&rsquo;s quiet maid, for my own nefarious purpose. While the original Irma was nothing but Bianca&rsquo;s appendage &mdash;her &lsquo;high point&rsquo; being when she assaults Thompson and Thomson with a walking stick in <em>The Castafiore Emerald</em><a name="note5" href="#note5b"><strong>[5]</strong></a> when the two detectives accuse her of stealing the soprano&rsquo;s emerald&mdash; &lsquo;my&rsquo; Irma was a full-blown woman with a mysterious past and an unsettling presence. I must say, I felt rather smug about plucking Irma out of a children&rsquo;s comic book and placing her in a work of, ahem, literature.<a name="note6" href="#note6b"><strong>[6]</strong></a> <p></p></span></div> <p>Ces deux emprunts, le premier majeur et le second plus ponctuel, participent, il me semble, &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;une fiction en forme d&rsquo;hommage rendu &agrave; la bande dessin&eacute;e et &agrave; la litt&eacute;rature jeunesse &mdash;&agrave; tout le moins &agrave; deux figures embl&eacute;matiques de ces champs particuliers. Coupl&eacute;e aux mises en abyme pr&eacute;sent&eacute;es plus t&ocirc;t, la pr&eacute;sence de ces personnages qui passent d&rsquo;une &oelig;uvre de fiction &agrave; une autre me semble inscrire Indrajit Hazra &agrave; la suite d&rsquo;autres &eacute;crivains associ&eacute;s &agrave; la m&eacute;tafiction, comme Italo Calvino, Paul Auster, Julio Cort&aacute;zar, et bien d&rsquo;autres encore &mdash; c&rsquo;est sans oublier Enrique Vila-Matas, fier h&eacute;ritier de Cervant&egrave;s et de Borges, dont l&rsquo;un des romans a &eacute;t&eacute; comment&eacute; ici par Simon Brousseau<a name="note7" href="#note7"><strong>[7]</strong></a>.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Quand l&rsquo;auteur se joue des th&eacute;ories litt&eacute;raires: de la litt&eacute;rature &laquo;postmoderne&raquo;</strong></span></p> <div>J&rsquo;ajoute enfin: m&ecirc;me si <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em> ne me semble pas &ecirc;tre une fiction critique &agrave; proprement parler, il n&rsquo;en reste pas moins qu&rsquo;on retrouve dans le roman quelques r&eacute;f&eacute;rences &agrave; certaines th&eacute;ories litt&eacute;raires qui m&eacute;ritent d&rsquo;&ecirc;tre relev&eacute;es. D&rsquo;abord, Hiren fait r&eacute;f&eacute;rence de fa&ccedil;on directe, lorsqu&rsquo;il traite des r&eacute;cits de Ghanada, au concept de suspension volontaire de l&rsquo;incr&eacute;dulit&eacute; (<em>willing suspension of disbelief</em> <a name="note8" href="#note8b"><strong>[8]</strong></a>) d&eacute;velopp&eacute;e par Samuel Taylor Coleridge dans <em>Biographia Literaria</em>:<br /> &nbsp;</div> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Au d&eacute;but, quand le r&eacute;cit est encore cr&eacute;dible, Shibu se contente de grommeler, avec soit un sourire narquois, soit un rire moqueur, soit encore une remarque destin&eacute;e &agrave; renvoyer le conteur dans ses cordes. Mais Ghanada poursuit, piquant une cigarette ou m&ecirc;me un paquet entier, et continue &agrave; nous raconter une autre histoire tir&eacute;e de son pass&eacute; tout aussi difficile &agrave; gober &agrave; moins de suspendre volontairement son incr&eacute;dulit&eacute;, comme disait Coleridge. (p.67) <p></p></span></div> <div>Cette r&eacute;f&eacute;rence d&eacute;note &agrave; tout le moins une connaissance de cette th&eacute;orie en particulier par l&rsquo;auteur, sinon un jeu, une raillerie de cette m&ecirc;me th&eacute;orie. L&rsquo;auteur, dans un but ludique, met la th&eacute;orie &agrave; contribution pour livrer un roman m&eacute;tafictionnel, sinon postmoderne; tout le roman semble pr&eacute;cis&eacute;ment travailler &agrave; faire en sorte que le lecteur ne puisse pas s&rsquo;abandonner &agrave; cette suspension volontaire de l&rsquo;incr&eacute;dulit&eacute;, ou encore qu&rsquo;il s&rsquo;y abandonne totalement et choisisse de tout accepter de ce que l&rsquo;auteur fait subir au r&eacute;cit et &agrave; ses personnages. Manik Basu utilise d&rsquo;ailleurs le terme &laquo;postmoderne&raquo; pour qualifier de fa&ccedil;on retorse les romans de Premendra Mitra, en &eacute;pilogue: &laquo;Ghanada constitue ma premi&egrave;re et ma plus stimulante rencontre avec ce que de nombreux critiques s&rsquo;obstinent &agrave; appeler non sans une certaine pesanteur &ldquo;la litt&eacute;rature postmoderne&rdquo;&raquo; (p.244). Ici encore, le terme est moqu&eacute;, utilis&eacute; de fa&ccedil;on consciente par l&rsquo;auteur implicite, dans un but d&eacute;tourn&eacute;. Et si la m&eacute;tafiction &mdash;et tous ses avatars&mdash; n&rsquo;est pas exclusivement contemporaine (je pense notamment &agrave; James Joyce et au <em>Hamlet</em> de Shakespeare), il n&rsquo;en reste pas moins que les motifs relev&eacute;s dans <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em> font, il me semble, de ce roman d&rsquo;Indrajit Hazra une fiction&nbsp;&laquo;postmoderne&raquo;, si tant est que l&rsquo;on puisse s&rsquo;entendre sur la signification d&rsquo;un tel concept. Sans prendre part au d&eacute;bat, sans m&ecirc;me tenter d&rsquo;offrir une d&eacute;finition de la postmodernit&eacute; litt&eacute;raire &mdash;l&rsquo;exercice d&eacute;passerait d&rsquo;ailleurs largement les objectifs de cette lecture&mdash;, je me permet de proposer en conclusion que le roman d&rsquo;Indrajit Hazra ne fait que jouer, sans rien critiquer ou remettre en question: le r&eacute;cit et sa structure probl&eacute;matique, les r&eacute;f&eacute;rences au monde du livre et &agrave; la litt&eacute;rature, les emprunts transfictionnels &agrave; la bande dessin&eacute;e et &agrave; la litt&eacute;rature de jeunesse ainsi que les mises en abyme sont autant de fa&ccedil;ons de rendre hommage &agrave; un type de production litt&eacute;raire qui a court depuis plusieurs si&egrave;cles d&eacute;j&agrave; et qui ne semble pas pr&egrave;s de s&rsquo;essouffler, malgr&eacute; les redites. Une production litt&eacute;raire maintenue en vie &agrave; coups de clins d&rsquo;&oelig;il, notamment.<br /> &nbsp;</div> <hr /> <a name="note1b" href="#note1">1</a> Paru pour la premi&egrave;re fois en fran&ccedil;ais aux &eacute;ditions Le Cherche Midi en 2006. &Eacute;dition originale: <em>The Garden of Early Delights</em>, New Delhi, RST IndiaInk Publishing Company Private Limited, 2003.<br /> <a name="note2b" href="#note2">2</a> &laquo;La vraisemblance pragmatique, &agrave; laquelle Cavillac a consacr&eacute; un article fort &eacute;clairant (1995), renvoie [&hellip;] &agrave; la performance narrative, c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; la cr&eacute;dibilit&eacute; du narrateur et de la situation &eacute;nonciative&raquo;, &eacute;crit Andr&eacute;e Mercier dans un &eacute;tat de la question sur la vraisemblance. Voir: Andr&eacute;e Mercier, &laquo;La vraisemblance: &eacute;tat de la question historique et th&eacute;orique&raquo;, dans <em>temps z&eacute;ro. Revue d&rsquo;&eacute;tude des &eacute;critures contemporaines</em>, no 2 [en ligne]. <a href="http://tempszero.contemporain.info/document393" title="http://tempszero.contemporain.info/document393">http://tempszero.contemporain.info/document393</a> [Page consult&eacute;e le 18 ao&ucirc;t 2010]. Voir aussi: C&eacute;cile Cavillac, &laquo;Vraisemblance pragmatique et autorit&eacute; fictionnelle&raquo;, dans <em>Po&eacute;tique</em>, no 101, f&eacute;vrier 1995, p.23-46.<br /> <a name="note3b" href="#note3">3 </a>Je pense par exemple au roman <em>Les Faux-monnayeurs</em> d&rsquo;Andr&eacute; Gide, ou encore &agrave; <em>Je suis un &eacute;crivain japonais</em> de Dany Laferri&egrave;re, dont Genevi&egrave;ve Dufour a rendu compte ici. Voir: Genevi&egrave;ve Dufour, &laquo;Le Japon de poche&raquo;, dans Salon double [en ligne]. <a href="http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-japon-de-poche" title="http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-japon-de-poche">http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-japon-de-poche</a> [Texte en ligne depuis le 5 d&eacute;cembre 2008]. <br /> <a name="note4b" href="#note4">4</a> Traduit en anglais en 1972 par Enakshi Chatterjee, ce court roman d&rsquo;anticipation mythologique est notamment recueilli dans l&rsquo;anthologie <em>Contemporary Bengali Litterature: Fiction</em>, parue en 1972 chez Academic Publishers et dirig&eacute;e par Sukumar Ghose.<br /> <a name="note5b" href="#note5">5</a> Herg&eacute;, <em>Les Bijoux de la Castafiore</em>, Bruxelles, Casterman, 1963.<br /> <a name="note6b" href="#note6">6</a> Indrajit Hazra, &laquo;Tintin, how Art thou?&raquo;, dans <em>Hindustan Times</em>, [en ligne]. <a href="http://www.hindustantimes.com/News-Feed/nm14/Tintin-how-Art-thou/Article1-130366.aspx" title="http://www.hindustantimes.com/News-Feed/nm14/Tintin-how-Art-thou/Article1-130366.aspx">http://www.hindustantimes.com/News-Feed/nm14/Tintin-how-Art-thou/Article...</a> [Texte en ligne depuis le 30 juillet 2006 et consult&eacute; le 16 juillet 2010].<br /> <a name="note7" href="#note7">7 </a>Voir: Simon Brousseau, &laquo;De l&rsquo;exploration &agrave; l&rsquo;obsession&raquo;, dans <em>Salon double</em> [en ligne]. <a href="http://salondouble.contemporain.info/lecture/de-l-exploration-a-l-obsession" title="http://salondouble.contemporain.info/lecture/de-l-exploration-a-l-obsession">http://salondouble.contemporain.info/lecture/de-l-exploration-a-l-obsession</a> [Texte en ligne depuis le 5 mars 2009].<br /> <a name="note8b" href="#note8">8</a> Samuel Taylor Coleridge, <em>Biographia Literaria</em>, volume II, &eacute;dit&eacute; par James Engell et Jackson Bate, Princeton, Princeton University Press (Bolligen Series LXXV / The Collected Works of Samuel Taylor Coleridge. 7), 1983 [1817], p.6. http://salondouble.contemporain.info/lecture/quand-l-auteur-joue-avec-la-metafiction#comments Autorité narrative BORGES, Jorge Luis CAVILLAC, Cécile CERVANTÈS COLERIDGE, Samuel Taylor CORTAZAR, Julio Culture populaire GIDE, André HAZRA, Indrajit Hergé Inde Intertextualité JOYCE, James MERCIER, Andrée Métafiction MITRA, Premendra Postmodernité SHAKESPEARE VILAS-MATAS, Enrique Vraisemblance Roman Thu, 19 Aug 2010 14:48:38 +0000 Pierre-Luc Landry 252 at http://salondouble.contemporain.info