Salon double - SHAKESPEARE http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/553/0 fr Ces poussières faites pour troubler l'oeil http://salondouble.contemporain.info/lecture/ces-poussieres-faites-pour-troubler-loeil <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/brousseau-simon">Brousseau, Simon</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/infinite-jest">Infinite Jest</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <div class="rteindent1 rteright">Come, come, and sit you down, you shall not budge.<br /> You go not till I set you up a glass<br /> Where you may see the inmost part of you.<br /> &mdash; Shakespeare, <em>Hamlet</em></div> <div> Peu de temps apr&egrave;s la publication d&rsquo;<em>Infinite Jest</em>, David Foster Wallace (DFW) discutait de son roman avec Michel Silverblatt &agrave; l&rsquo;&eacute;mission radiophonique <em>Bookworm</em><a name="note1" href="#note1a">[1]</a>. Interrog&eacute; sur ses motivations quant &agrave; l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;une &oelig;uvre d&rsquo;une telle ampleur&mdash;on parle d&rsquo;un texte faisant 1079 pages&mdash;, DFW affirme avoir voulu &eacute;crire un livre aussi amusant qu&rsquo;exigeant, et insiste sur l&rsquo;importance qu&rsquo;il accorde &agrave; l&rsquo;<em>effort</em> de lecture, avan&ccedil;ant que la relation du sujet contemporain &agrave; la culture se vivrait le plus souvent dans le confort de la facilit&eacute;. Ce rapport de facilit&eacute; &agrave; la culture est incarn&eacute; principalement, toujours selon DFW, par la t&eacute;l&eacute;vision et le cin&eacute;ma populaire, qu&rsquo;il range sans vergogne dans la cat&eacute;gorie du &laquo;low art&raquo;. Il s&rsquo;agit d&rsquo;&oelig;uvres divertissantes dont le but avou&eacute; est non seulement de r&eacute;pondre &agrave; l&rsquo;urgent besoin de plaisir qui habite l&rsquo;humain, mais aussi, bien s&ucirc;r, de g&eacute;n&eacute;rer des profits en y r&eacute;pondant: &laquo;TV and popular film and most kinds of &quot;low&quot; art&mdash;which just means art whose primary aim is to make money&mdash;is lucrative precisely because it recognizes that audiences prefer 100 percent pleasure to the reality that tends to be 49 percent pleasure and 51 percent pain<a name="note2" href="#note2a">[2]</a>.&raquo; <p>Un roman de l&rsquo;envergure d&rsquo;<em>Infinite Jest</em> repose sur le projet de s&rsquo;opposer &agrave; la facilit&eacute; de l&rsquo;art divertissant, tant par sa structure narrative complexe et par les th&egrave;mes qui y sont abord&eacute;s que par l&rsquo;engagement que sa lecture implique. Le nombre d&rsquo;heures n&eacute;cessaires &agrave; la lecture de cette brique agit de fa&ccedil;on d&eacute;cisive sur le lecteur, l&rsquo;exposant longuement &agrave; la tristesse du sujet contemporain qui appara&icirc;t, au fil du texte, &ecirc;tre l&rsquo;un des fils reliant entre eux les nombreux personnages de l&rsquo;histoire<a name="note3" href="#note3a">[3]</a>. C&rsquo;est pourquoi il me semble pertinent d&rsquo;aborder ici ce roman qui, bien qu&rsquo;ayant &eacute;t&eacute; publi&eacute; il y a quinze ans, demeure d&rsquo;une actualit&eacute; criante, tant par la r&eacute;flexion qu&rsquo;il propose sur la culture contemporaine que par le regard critique qu&rsquo;il porte sur l&rsquo;&eacute;criture de fiction. </p> <p><em>Infinite Jest</em> se d&eacute;ploie en un &eacute;cheveau et il est n&eacute;cessaire d&rsquo;en d&eacute;gager les fils narratifs principaux avant de poursuivre. L&rsquo;histoire se d&eacute;roule dans un futur<a name="note4" href="#note4a">[4]</a> o&ugrave; les ann&eacute;es ne sont plus compt&eacute;es en nombres, mais portent plut&ocirc;t le nom de diverses compagnies ayant pay&eacute; des droits pour, litt&eacute;ralement, passer &agrave; l&rsquo;histoire. Le c&oelig;ur du r&eacute;cit se d&eacute;roule lors de <em>The Year of the Depend Adult Undergarment</em><a name="note5" href="#note5a">[5]</a>. Le roman contient trois trames narratives principales qui se recoupent en de nombreux chass&eacute;s-crois&eacute;s. La premi&egrave;re trame concerne une acad&eacute;mie de tennis, Enfield Tennis Academy, o&ugrave; &eacute;tudie Hal Incandenza, un jeune surdou&eacute; &agrave; la m&eacute;moire exceptionnelle qui poss&egrave;de une vaste culture, en plus d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;pendant &agrave; la marijuana. La deuxi&egrave;me trame expose la vie des pensionnaires d&rsquo;un centre de r&eacute;habilitation pour drogu&eacute;s et alcooliques, Ennet House, qui se trouve en bas de la colline o&ugrave; est situ&eacute;e l&rsquo;acad&eacute;mie Enfield. Don Gately, un ex-toxicomane travaillant pour le centre, occupe une place importante dans cette partie. Finalement, une troisi&egrave;me trame met en sc&egrave;ne Marathe, un membre des <em>Assassins des Fauteuils Rollents</em>, ce groupe de terroristes qu&eacute;b&eacute;cois souhaitant que le Qu&eacute;bec se s&eacute;pare de l&rsquo;ONAN<a name="note6" href="#note6a">[6]</a> (Organization of North American Nations), c&rsquo;est-&agrave;-dire l&rsquo;union politique du Canada, des &Eacute;tats-Unis et du Mexique. Il faut pr&eacute;ciser que ces trois trames principales sont accompagn&eacute;es de nombreuses sc&egrave;nes secondaires o&ugrave; l&rsquo;on rencontre divers personnages qui ne participent pas de fa&ccedil;on directe &agrave; l&rsquo;intrigue. D&rsquo;ailleurs, l&rsquo;emploi du terme &laquo;intrigue&raquo; ne rend pas justice &agrave; la logique qui pr&eacute;vaut dans <em>Infinite Jest</em>, o&ugrave; l&rsquo;enjeu lectural ne se situe pas tant dans la d&eacute;couverte d&rsquo;un d&eacute;nouement que dans l&rsquo;exploration d&rsquo;une exp&eacute;rience collective du r&eacute;el, de la tristesse de ce r&eacute;el et des personnages qui l&rsquo;habitent. </p> <p>Il est &eacute;vident qu&rsquo;un commentaire de quelques pages ne peut suffire &agrave; donner ne serait-ce qu&rsquo;une id&eacute;e g&eacute;n&eacute;rale d&rsquo;<em>Infinite Jest</em>. Il me semble n&eacute;anmoins important de discuter, m&ecirc;me bri&egrave;vement, la fa&ccedil;on dont DFW pose la question de l&rsquo;empathie et de la place qu&rsquo;elle devrait occuper dans le travail du romancier contemporain. Pour le dire sans d&eacute;tour, l&rsquo;&eacute;crivain reproche &agrave; son &eacute;poque de favoriser un rapport individualiste &agrave; la r&eacute;alit&eacute;, renfor&ccedil;ant le penchant naturel qu&rsquo;aurait l&rsquo;individu &agrave; se consid&eacute;rer comme &eacute;tant le centre du monde. L&rsquo;empathie est d&eacute;crite par DFW comme &eacute;tant cette capacit&eacute;, cet effort que l&rsquo;humain peut et doit fournir, afin de se d&eacute;centrer et de pouvoir ainsi acc&eacute;der &agrave; l&rsquo;autre. Cet effort, cette volont&eacute; de penser le monde &agrave; partir de l&rsquo;autre est, pour DFW, <em>la vraie libert&eacute;</em>, et il en fait un projet d&rsquo;&eacute;criture: &laquo;The really important kind of freedom involves attention, and awareness, and discipline, and effort, and being able truly to care about other people and to sacrifice for them, over and over, in myriad petty little unsexy ways, every day. This is real freedom<a name="note7" href="#note7a">[7]</a>.&raquo; On le comprend, cette libert&eacute; &eacute;voqu&eacute;e par DFW implique un rejet du culte du moi et de l&rsquo;&eacute;gocentrisme qui r&eacute;gissent &agrave; bien des &eacute;gards les rapports sociaux de notre &eacute;poque. En ce sens, ses propos rejoignent la th&egrave;se d&eacute;fendue par Christopher Lasch dans <em>The Culture of Narcissism: American Life in an Age of Diminishing Expectations</em>, &agrave; savoir que l&rsquo;individu contemporain, en se repliant toujours plus sur soi-m&ecirc;me, devient inapte &agrave; conf&eacute;rer un sens &agrave; son existence, qu&rsquo;il appr&eacute;hende le plus souvent avec anxi&eacute;t&eacute;: &laquo;The new narcissist is haunted not by guilt but by anxiety. He seeks not to inflict his own certainties on others but to find a meaning in life. Liberated from the superstitions of the past, he doubts even the reality of his own existence<a name="note8" href="#note8a">[8]</a>.&raquo;</p> <p>Cette conception de l&rsquo;empathie, transpos&eacute;e dans l&rsquo;&eacute;criture romanesque, se traduit en un effort soutenu pour cerner la singularit&eacute; des diff&eacute;rents maux qui affligent les sujets contemporains: les angoisses li&eacute;es aux pressions sociales, la consommation de drogue v&eacute;cue comme moyen d&rsquo;&eacute;chapper &agrave; la vie imm&eacute;diate en alt&eacute;rant un r&eacute;el per&ccedil;u comme &eacute;tant l&rsquo;insupportable m&ecirc;me, sans oublier ces d&eacute;pressions s&rsquo;enracinant dans la banalit&eacute; du quotidien, d&eacute;voilant ce que ce mal-&ecirc;tre a de plus troublant, c&rsquo;est-&agrave;-dire le fait qu&rsquo;il soit incontournable. Cette attention soutenue, ce regard qui s&rsquo;efforce de comprendre la souffrance de fa&ccedil;on litt&eacute;rale et empathique, sans ironie ou cynisme, est pour DFW un authentique projet d&rsquo;&eacute;criture romanesque. Il s&rsquo;oppose par exemple &agrave; l&rsquo;&eacute;criture de Bret Easton Ellis, &agrave; qui il reproche de <em>seulement d&eacute;peindre</em> la noirceur du monde dans lequel on vit, sans toutefois chercher &agrave; proposer des possibilit&eacute;s de rendre le monde habitable. C&rsquo;est ce qu&rsquo;il d&eacute;plore du c&eacute;l&eacute;brissime et controvers&eacute; roman de Bret Easton Ellis, <em>American Psycho</em> (1993): </p></div> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Really good fiction could have as dark a worldview as it wished, but it&rsquo;d find a way both to depict this world and to illuminate the possibilities for being alive and human in it. You can defend <em>Psycho</em> as being a sort of performative digest of late-eighties social problems, but it&rsquo;s no more than that<a name="note9" href="#note9a">[9]</a>.</span></div> <div> Mais DFW ne s&rsquo;oppose pas seulement aux &eacute;critures qui s&rsquo;&eacute;vertuent &agrave; d&eacute;peindre le monde dans sa noirceur. Cette id&eacute;e de l&rsquo;importance de l&rsquo;empathie et d&rsquo;un effort sinc&egrave;re pour comprendre les humains va de pair avec un rejet d&rsquo;une certaine pratique de la m&eacute;tafiction o&ugrave; la prouesse formelle devient une fin en elle-m&ecirc;me. DFW en fait m&ecirc;me une avenue possible pour d&eacute;passer la m&eacute;tafiction, dont on conna&icirc;t l&rsquo;importance aux &Eacute;tats-Unis. Celui-ci &eacute;voque plusieurs &eacute;crivains, dont William T. Vollmann, Loorie Moore et Jonathan Franzen<a name="note10" href="#note10a">[10]</a>, qui appartiennent selon lui &agrave; cette nouvelle g&eacute;n&eacute;ration qui cherche &agrave; se d&eacute;barrasser des m&eacute;canismes de la m&eacute;tafiction, notamment de son ironie. Pour l&rsquo;auteur, il y a une distinction importante &agrave; faire entre l&rsquo;&eacute;criture et la lecture de texte qui fonctionnent en circuit ferm&eacute; (la fascination du monde universitaire pour les dispositifs narratifs, ind&eacute;pendamment des id&eacute;es qu&rsquo;ils supportent, en est un bon exemple) et les textes qui parlent du monde. Rejetant en bloc les discours visant &agrave; valider l&rsquo;&eacute;criture de fiction par le biais de pirouettes narratives exposant la sagacit&eacute; de l&rsquo;&eacute;crivain et sa compr&eacute;hension des m&eacute;canismes de l&rsquo;&eacute;criture, DFW adopte une posture r&eacute;solument du c&ocirc;t&eacute; de la vie, aux antipodes du solipsisme de ce qu&rsquo;il consid&egrave;re &ecirc;tre le propre de la mauvaise m&eacute;tafiction, c&rsquo;est-&agrave;-dire le retournement de l&rsquo;&eacute;criture sur l&rsquo;&eacute;criture, ce cercle parfait duquel la vie est exclue:</div> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><em>Fiction&rsquo;s about what it is to be a fucking human being.</em> If you operate, which most of us do, from the premise that there are things about the contemporary U.S. that make it distinctively hard to be a real human being, then maybe half of fiction&rsquo;s job is to dramatize what it is that makes it tough. The other half is to dramatize the fact that we still &quot;are&quot; human beings, now. Or can be<a name="note11" href="#note11a">[11]</a>. (Je souligne.)</span></div> <div> Cet appel &agrave; l&rsquo;ouverture et &agrave; l&rsquo;empathie peut, a priori, sembler clich&eacute; et moralisateur. Je pr&eacute;f&egrave;re pour ma part y voir une prise de position philosophique s&eacute;rieuse qui s&rsquo;appuie sur un constat troublant et difficilement r&eacute;futable, soit celui d&rsquo;un amenuisement des rapports sociaux r&eacute;ifiant le sujet contemporain en le r&eacute;duisant &agrave; une fonction qui l&rsquo;isole,&nbsp;celle du travailleur/consommateur. En cela, il me semble &eacute;galement que la r&eacute;flexion romanesque dans laquelle DFW s&rsquo;engage est &agrave; mettre en parall&egrave;le avec le travail amorc&eacute; par Peter Sloterdijk dans sa trilogie des <em>Sph&egrave;res</em>, par lesquelles celui-ci s&rsquo;&eacute;vertue &agrave; repenser l&rsquo;existence humaine en termes de relations et de transferts. Cette phrase, qui r&eacute;sume bien l&rsquo;esprit dans lequel est r&eacute;dig&eacute;e cette trilogie, pourrait sans l&rsquo;ombre d&rsquo;un doute se trouver en exergue d&rsquo;<em>Infinite Jest</em>: &laquo;Il faut &ecirc;tre au moins deux pour constituer une subjectivit&eacute; r&eacute;elle<a name="note12" href="#note12a">[12]</a>.&raquo; <p>&Ecirc;tre humain, dans <em>Infinite Jest</em>, c&rsquo;est &ecirc;tre l&rsquo;ar&egrave;ne o&ugrave; combattent, bien souvent jusqu&rsquo;&agrave; la mort&mdash;par suicide, &eacute;videmment&mdash;, le d&eacute;sespoir et l&rsquo;envie d&rsquo;&eacute;chapper &agrave; une condition jug&eacute;e insupportable. En ce sens, il est juste de dire que ce roman propose une vision tragique du monde; l&rsquo;emprunt du syntagme &laquo;Infinite Jest&raquo; au <em>Hamlet</em> de Shakespeare invite &agrave; suivre cette piste d&egrave;s le titre<a name="note13" href="#note13a">[13]</a>. Cette affirmation m&eacute;rite tout de m&ecirc;me d&rsquo;&ecirc;tre nuanc&eacute;e; il y a une ind&eacute;niable part de grotesque aux sc&egrave;nes tragiques, dans<em> Infinite Jest</em>, grotesque qui ne peut qu&rsquo;entra&icirc;ner le malaise du lecteur. Il suffit de penser au suicide du p&egrave;re Incandenza qui, bien que tragique, n&rsquo;&eacute;chappe pas au grotesque, celui-ci se donnant la mort en se faisant cuire la t&ecirc;te dans le four &agrave; micro-ondes. Il est difficile d&rsquo;&eacute;voquer cette copr&eacute;sence du grotesque et du tragique sans mentionner Schopenhauer, qui affirme, dans <em>Le monde comme volont&eacute; et comme repr&eacute;sentation</em>, qu&rsquo;il s&rsquo;agit l&agrave; du propre de l&rsquo;existence humaine: </p></div> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">La vie de chacun de nous, &agrave; l&rsquo;embrasser dans son ensemble d&rsquo;un coup d&rsquo;&oelig;il, &agrave; n&rsquo;en consid&eacute;rer que les traits marquants, est une v&eacute;ritable trag&eacute;die; mais quand il faut, pas &agrave; pas, l&rsquo;&eacute;puiser en d&eacute;tail, elle prend la tournure d&rsquo;une com&eacute;die. Chaque jour apporte son travail, son souci; chaque instant, sa duperie nouvelle; chaque semaine, son d&eacute;sir, sa crainte; chaque heure, ses d&eacute;sappointements, car le hasard est l&agrave;, toujours aux aguets pour faire quelque malice; pures sc&egrave;nes comiques que tout cela. Mais les souhaits jamais exauc&eacute;s, la peine toujours d&eacute;pens&eacute;e en vain, les esp&eacute;rances bris&eacute;es par un destin impitoyable, les m&eacute;comptes cruels qui composent la vie tout enti&egrave;re, la souffrance qui va grandissant, et, &agrave; l&rsquo;extr&eacute;mit&eacute; du tout, la mort, en voil&agrave; assez pour faire une trag&eacute;die. On dirait que la fatalit&eacute; veut, dans notre existence, compl&eacute;ter la torture par la d&eacute;rision; elle y met toutes les douleurs de la trag&eacute;die; mais, pour ne pas nous laisser au moins la dignit&eacute; du personnage tragique, elle nous r&eacute;duit, dans les d&eacute;tails de la vie, au r&ocirc;le du bouffon<a name="note14" href="#note14a">[14]</a>.</span></div> <div> Pour ne donner qu&rsquo;un exemple de cette vision tragique de l&rsquo;existence propos&eacute;e par <em>Infinite Jest</em>, on peut &eacute;voquer Kate Gompert, cette femme d&eacute;pendante &agrave; la marijuana qui, apr&egrave;s trois tentatives de suicide, donne le choix &agrave; son m&eacute;decin de lui administrer des &eacute;lectrochocs ou bien de lui rendre la ceinture avec laquelle elle a tent&eacute; de mettre fin &agrave; ses jours... Cette lucidit&eacute; devant l&rsquo;immuabilit&eacute; du mal qui l&rsquo;habite a de quoi faire fr&eacute;mir le lecteur, et les mots le rapprochent peut-&ecirc;tre des secondes insupportables &eacute;voqu&eacute;es par Kate:</div> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">&lsquo;I want shock,&rsquo; she said finally. &lsquo;Isn&rsquo;t part of this whole concerned kindness deal that you&rsquo;re supposed to ask me how I think you can be of help? Cause I&rsquo;ve been through this before. You haven&rsquo;t asked what I want. Isn&rsquo;t it? Well how about either give me ECT again, or give me my belt back. <em>Because I can&rsquo;t stand feeling like this another second, and the seconds keep coming on and on.&rsquo;</em> (p.74; je souligne.)</span></div> <div> Ce passage permet de saisir comment s&rsquo;imbriquent deux des th&egrave;mes majeurs d&rsquo;<em>Infinite Jest</em>, soit la solitude et l&rsquo;empathie. &Eacute;videmment, le probl&egrave;me de l&rsquo;empathie est indissociable de celui de la&nbsp; solitude et laisse entendre qu&rsquo;il y aurait <em>quelque chose</em> qui r&eacute;siste, entre les sujets, les emp&ecirc;chant de partager leur exp&eacute;rience du monde. Ce qui est triste &agrave; propos de notre temps, dit DFW, c&rsquo;est cette solitude, ce <em>quelque chose</em> qui fait &eacute;cran, emp&ecirc;chant l&rsquo;humain de vivre une relation <em>imm&eacute;diate</em> avec ses proches. Quelques pages avant de r&eacute;clamer des &eacute;lectrochocs, Kate Gombert insiste justement sur la radicalit&eacute; de sa solitude, les m&eacute;dicaments repr&eacute;sentant <em>tout ce qu&rsquo;elle avait dans le monde</em>:</div> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">The doctor said could she tell him a little bit about why she&rsquo;s here with them right now? Can she remember back to what happen?<br /> She took an even deeper breath. She was attempting to communicate boredom or irritation. &lsquo;I took a hundred-ten Parnate, about thirty Lithonate capsules, some old Zoloft. I took everything I had in the world. (p.70)</span></div> <div> Si j&rsquo;insiste sur l&rsquo;impossibilit&eacute; qu&rsquo;ont plusieurs personnages d&rsquo;<em>Infinite Jest</em> &agrave; vivre une relation imm&eacute;diate &agrave; la r&eacute;alit&eacute;, c&rsquo;est qu&rsquo;il me semble que la tristesse de l&rsquo;existence, dans ce roman, est &agrave; mettre en lien avec les diff&eacute;rentes formes de m&eacute;diations qui participent de l&rsquo;exp&eacute;rience du monde contemporain. Par cela, le roman de DFW peut &ecirc;tre lu comme l&rsquo;exemplification de la th&egrave;se soutenue par Guy Debord dans <em>La soci&eacute;t&eacute; du spectacle</em>, qui veut que &laquo;[t]oute la vie des soci&eacute;t&eacute;s dans lesquelles r&egrave;gnent les conditions modernes de production s&rsquo;annonce comme une immense accumulation de <em>spectacles</em>. Tout ce qui &eacute;tait directement v&eacute;cu s&rsquo;est &eacute;loign&eacute; dans une repr&eacute;sentation<a name="note15" href="#note15a">[15]</a>.&raquo; De fait, un &eacute;l&eacute;ment majeur du roman est l&rsquo;intrigue qui gravite autour d&rsquo;un film, <em>Infinite Jest</em>, qui a &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute; par James Incandenza quelques mois avant qu&rsquo;il ne se suicide. Ce film, qui repr&eacute;sente dans le roman le divertissement par excellence, a la propri&eacute;t&eacute; du tuer son spectateur en lui procurant une dose l&eacute;tale de plaisir. Celui-ci n&rsquo;arrive plus &agrave; d&eacute;tourner son attention du film, source de plaisir intarissable, et meurt simplement d&rsquo;inanition. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs la raison pour laquelle les <em>Assassins des Fauteuils Rollents</em> tentent de mettre la main sur ce film, qu&rsquo;ils aimeraient bien distribuer dans les foyers des citoyens de l&rsquo;ONAN. <p>Cette id&eacute;e d&rsquo;un divertissement qui provoque un plaisir mortel gagne &agrave; &ecirc;tre mise en parall&egrave;le avec la solitude du sujet contemporain. DFW semble vouloir proposer, par de nombreuses sc&egrave;nes, que la relation de l&rsquo;individu &agrave; ce qu&rsquo;il consid&egrave;re &ecirc;tre la libert&eacute; soit totalement erron&eacute;e, puisque ce que l&rsquo;individu contemporain choisit, c&rsquo;est toujours le plaisir, sous diverses formes. Les exp&eacute;riences des drogu&eacute;s, des alcooliques et des citoyens friands de t&eacute;l&eacute;vision, en ce sens, peuvent &ecirc;tre pens&eacute;es conjointement en tant que sources de plaisir op&eacute;rant une m&eacute;diation entre le sujet et le monde, ajoutant une enveloppe (faussement) protectrice entre sa personne et ce qui s&rsquo;offre &agrave; lui. Ce qui est important de souligner, c&rsquo;est que ces diff&eacute;rentes sources de plaisir sont trait&eacute;es dans le texte comme autant de formes d&rsquo;ali&eacute;nation. Ainsi, la sc&egrave;ne o&ugrave; Marathe, membre des <em>Assassins des Fauteuils Rollents</em>, discute du libre arbitre avec Steeply, un repr&eacute;sentant des services secrets am&eacute;ricains, montre bien que la notion de choix pose probl&egrave;me dans la mesure o&ugrave; les citoyens n&rsquo;ont pas les moyens de choisir de fa&ccedil;on &eacute;clair&eacute;e, si bien que la possibilit&eacute; de mourir de plaisir, pour plusieurs, constitue sans doute un sort enviable:</p></div> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Marathe shrugged. &lsquo;Us, we will force nothing on U.S.A. persons in their warm homes. We will make only available. Entertainment. There will be then some choosing, to partake or choose not to.&rsquo; Smoothing slightly at his lap&rsquo;s blanket. &lsquo;How will U.S.A.s choose? Who has taught them to choose with care? How will your Offices and Agencies protect them, your people?&rsquo; (p.318)</span></div> <div> Plus loin, Marathe propose que la nation am&eacute;ricaine est de toute fa&ccedil;on d&eacute;j&agrave; morte, les citoyens &eacute;tant d&eacute;sormais incapables d&rsquo;effectuer le moindre choix &eacute;clair&eacute;:</div> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Someone or some people among your own history sometime killed your U.S.A. nation already, Hugh. Someone who had authority, or should have had authority and did not exercise authority. I do not know. <em>But someone sometime let you forget how to choose, and what. Someone let your peoples forget it was the only thing of importance, choosing</em>. (p.319; je souligne.)</span><br /> &nbsp;</div> <div>Ici, il faut se rappeler les propos de DFW au sujet des arts du divertissement, qui ne proposent rien d&rsquo;autre que du plaisir, niant par le fait m&ecirc;me tout ce qui est triste dans l&rsquo;existence, la solitude en premier lieu. Le jeune Hal, habitu&eacute; au fonctionnement rigoureux de l&rsquo;Institut de tennis d&rsquo;Enfield, explique par exemple aux plus jeunes que la solitude est la condition &agrave; laquelle ils sont tous condamn&eacute;s: &laquo;We&rsquo;re all on each other&rsquo;s food chain. All of us. It&rsquo;s an individual sport. Welcome to the meaning of individual. We&rsquo;re each deeply alone here. It&rsquo;s what we all have in common, this aloneness.&raquo; (p.112) Ce diagnostic, qui concerne d&rsquo;abord les jeunes athl&egrave;tes de l&rsquo;acad&eacute;mie Enfield, m&eacute;rite qu&rsquo;on l&rsquo;applique &agrave; l&rsquo;ensemble des personnages du roman et peut-&ecirc;tre &eacute;galement aux lecteurs. Dans l&rsquo;entrevue accord&eacute;e &agrave; Valerie Stivers, DFW exprime de fa&ccedil;on explicite ce lien qu&rsquo;il &eacute;tablit entre la tristesse, les m&eacute;dias de divertissement et l&rsquo;usage de drogues: </div> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">I wonder why I'm lonely and doing a lot of drugs? Could there be any connection between the fact that I've got nothing to do with other people, that I don't really have a fucking clue what it is to have a real life and the fact that most of my existence is mediated by entertainment that I passively choose to receive<a name="note16" href="#note16a">[16]</a>?</span><br /> &nbsp;</div> <div>Il devient int&eacute;ressant, &agrave; la lumi&egrave;re de cette d&eacute;claration, de penser l&rsquo;articulation des th&egrave;mes de la solitude et de la d&eacute;pendance aux drogues et aux m&eacute;dias de divertissement, incarn&eacute;s de fa&ccedil;on tout &agrave; fait embl&eacute;matique par le film <em>Infinite Jest</em>. En effet, il est difficile de ne pas y voir un commentaire sur notre propre rapport aux m&eacute;dias, sur le semblant de relation au monde que leur fonctionnement induit. Le sujet contemporain appr&eacute;cie l&rsquo;art divertissant, dit DFW, parce que les m&eacute;dias supportent des &oelig;uvres faites uniquement de plaisir et lui permettent, en lui procurant une exp&eacute;rience esth&eacute;tique heureuse, d&rsquo;oublier tout ce que sa vie a de triste. Cette fuite dans la fiction, devons-nous comprendre, n&rsquo;est pas tellement &eacute;loign&eacute;e de la mort effective des spectateurs du film <em>Infinite Jest</em>. <p>C&rsquo;est dans cette repr&eacute;sentation du divertissement, au c&oelig;ur d&rsquo;une &oelig;uvre qui s&rsquo;efforce de confronter le lecteur &agrave; la tristesse de la vie contemporaine, qu&rsquo;il faut voir l&rsquo;effort de l&rsquo;auteur &agrave; susciter l&rsquo;empathie de celui-ci. Si la t&eacute;l&eacute;vision, comme le propose DFW, conforte l&rsquo;illusion que nous ne sommes pas seuls, <em>Infinite Jest</em> cherche au contraire &agrave; lever le voile sur cette solitude. Il y aurait, dans l&rsquo;exp&eacute;rience de lecture que propose DFW, quelque chose qui rel&egrave;ve du sevrage, et donc de la douleur. Ce sevrage, on l&rsquo;aura compris, concerne l&rsquo;illusion m&eacute;diatique du bonheur socialement partag&eacute;. Celui-ci a une valeur positive, car il implique une forme de renouement avec la r&eacute;alit&eacute; imm&eacute;diate, le refus de l&rsquo;illusion de ce monde &laquo;100% plaisir&raquo; de l&rsquo;&eacute;cran qui, pr&eacute;cis&eacute;ment, <em>fait &eacute;cran</em> devant le tragique de l&rsquo;existence. Tragique qui, pour DFW comme pour Pier-Paolo Pasolini, r&eacute;side dans l&rsquo;amenuisement des rapports humains, et m&ecirc;me, peut-&ecirc;tre, dans leur simple disparition: &laquo;Je tiens simplement &agrave; ce que tu regardes autour de toi et prennes conscience de la trag&eacute;die. Et quelle est-elle, la trag&eacute;die? La trag&eacute;die, c&rsquo;est qu&rsquo;il n&rsquo;existe plus d&rsquo;&ecirc;tres humains; on ne voit plus que de singuliers engins qui se lancent les uns contre les autres<a name="note17" href="#note17a">[17]</a>.&raquo;&nbsp;</p></div> <hr /> <div> <meta name="Titre" content="" /><br /> <a name="note1a" href="#note1">[1]</a> L&rsquo;entrevue, qui a eu lieu le 11 avril 1996, est disponible en ligne: <a href="http://www.kcrw.com/media-player/mediaPlayer2.html?type=audio&amp;id=bw960411david_foster_wallace" title="http://www.kcrw.com/media-player/mediaPlayer2.html?type=audio&amp;id=bw960411david_foster_wallace">http://www.kcrw.com/media-player/mediaPlayer2.html?type=audio&amp;id=bw96041...</a> (site consult&eacute; le 21 novembre 2010). <p><a name="note2a" href="#note2">[2]</a> Pour en conna&icirc;tre davantage sur cette r&eacute;flexion que propose David Foster Wallace &agrave; propos de la t&eacute;l&eacute;vision et des divertissements, on consultera &agrave; profit l&rsquo;entretien de l&rsquo;auteur avec Larry McCaffery, &laquo;A conversation with David Foster Wallace&raquo;, En ligne: <a href="http://www.dalkeyarchive.com/book/?GCOI=15647100621780" title="http://www.dalkeyarchive.com/book/?GCOI=15647100621780">http://www.dalkeyarchive.com/book/?GCOI=15647100621780</a> (site consult&eacute; le 21 novembre 2010).</p> <p><a name="note3a" href="#note3">[3]</a> Dans une entrevue accord&eacute;e &agrave; la revue <em>Stim</em>, l&rsquo;auteur affirme sans d&eacute;tour avoir voulu &eacute;crire &agrave; propos de ce qu&rsquo;il y a de triste dans l&rsquo;Am&eacute;rique contemporaine: &laquo;I wanted to do something sad. I think it's a very sad time in America and it has something to do with entertainment. It's not TV's fault, It's not [Hollywood's] fault and it's not the Net's fault. It's our fault. We're choosing this.&raquo; cf. Valerie Stivers, &laquo;Interview with David Foster Wallace&raquo;, Stim, Mai 1996, En ligne: <a href="http://www.stim.com/Stim-x/0596May/Verbal/dfwtalk.html" title="http://www.stim.com/Stim-x/0596May/Verbal/dfwtalk.html">http://www.stim.com/Stim-x/0596May/Verbal/dfwtalk.html</a> (site consult&eacute; le 25 novembre 2010).</p> <p><a name="note4a" href="#note4">[4]</a> Ce futur &eacute;tant celui du temps de l&rsquo;&eacute;criture, soit 1996, la lecture d&rsquo;<em>Infinite Jest</em> s&rsquo;av&egrave;re d&rsquo;autant plus int&eacute;ressante en 2010 qu&rsquo;elle met en sc&egrave;ne une certaine id&eacute;e de ce qu&rsquo;aurait pu &ecirc;tre notre &eacute;poque. Quelques rares indices, dans le texte, permettent de reconstituer la chronologie et de situer l&rsquo;action du roman &agrave; la fin de la premi&egrave;re d&eacute;cennie du 21e si&egrave;cle. Stephen Burn, dans son livre sur <em>Infinite Jest</em>, reconstitue savamment la chronologie du roman en affirmant, preuves &agrave; l&rsquo;appui, que l&rsquo;action s&rsquo;y termine en 2010, nomm&eacute;e non sans ironie <em>The Year of the Glad</em>. cf. Stephen Burn, <em>Infinite Jest, A Reader&rsquo;s Guide</em>, New York/London, Continuum Contemporaries, 2003, 96 p. </p> <p><a name="note5a" href="#note5">[5]</a> Pour le plaisir, voici les noms des autres ann&eacute;es mentionn&eacute;es dans le texte: (1) Year of the Whopper, (2) Year of the Tucks Medicated Pad, (3) Year of the Trial-Size Dove Bar, (4) Year of the Perdue Wonderchicken, (5) Year of the Whisper-Quiet Maytag Dishmaster, (6) Year of the Yushityu 2007 Mimetic-Resolution-Cartridge-View TP Systems For Home, Office, Or Mobile, (7) Year of Dairy Products from the American Heartland, (8) Year of the Depend Adult Undergarment, (9) Year of Glad. </p> <p><a name="note6a" href="#note6">[6]</a> Remarquons au passage que cet acronyme permet &agrave; l&rsquo;auteur de faire un jeu de mots savoureux, en d&eacute;signant les citoyens de l&rsquo;ONAN comme &eacute;tant des onanistes. Ce d&eacute;tail est important puisqu&rsquo;il t&eacute;moigne de la condition des personnages du roman, le plus souvent pr&eacute;occup&eacute;s bien davantage par leur propre plaisir que par celui des autres.</p> <p><a name="note7a" href="#note7">[7]</a> David Foster Wallace, <em>This is Water, Some Thoughts, Delivered on a Significant Occasion, about Living a Compassionate Life</em>, New York/Boston/London, Little, Brown and Company, 2009, p.120. Une version de ce texte sensiblement diff&eacute;rente est disponible en ligne: <a href="http://www.guardian.co.uk/books/2008/sep/20/fiction" title="http://www.guardian.co.uk/books/2008/sep/20/fiction">http://www.guardian.co.uk/books/2008/sep/20/fiction</a> (site consult&eacute; le 21 novembre 2010).</p> <p><a name="note8a" href="#note8">[8]</a> Christopher Lasch, <em>The Culture of Narcissism: American Life in An Age of Diminishing Expectations</em>, New York/London, W.W. Norton &amp; Company, 1991 [1979], p.VXI.</p> <p><a name="note9a" href="#note9">[9]</a> Larry McCaffery, &laquo;A Conversation with David Foster Wallace&raquo;, En ligne: <a href="http://www.dalkeyarchive.com/book/?fa=customcontent&amp;GCOI=15647100621780&amp;extrasfile=A09F8296-B0D0-B086-B6A350F4F59FD1F7.html" title="http://www.dalkeyarchive.com/book/?fa=customcontent&amp;GCOI=15647100621780&amp;extrasfile=A09F8296-B0D0-B086-B6A350F4F59FD1F7.html">http://www.dalkeyarchive.com/book/?fa=customcontent&amp;GCOI=15647100621780&amp;...</a> (site consult&eacute; le 21 novembre 2010).</p> <p><a name="note10a" href="#note10">[10]</a> D&rsquo;ailleurs, son roman <em>The Corrections</em>, r&eacute;cipiendaire du <em>National Book Award </em>en 2001, partage avec <em>Infinite Jest</em> ce projet d&rsquo;une litt&eacute;rature empathique s&rsquo;&eacute;vertuant &agrave; comprendre les malaises des sujets contemporains. Une lecture comparative de ces deux romans permettrait sans doute de saisir &agrave; quel point les projets romanesques de Franzen et de Foster Wallace ont beaucoup en commun.&nbsp;&nbsp; </p> <p><a name="note11a" href="#note11">[11]</a> Larry McCaffery, <em>Op. cit.</em> </p> <p><a name="note12a" href="#note12">[12]</a> Peter Sloterdijk, <em>Bulles. Sph&egrave;res 1</em>, traduit de l&rsquo;allemand par Olivier Mannoni, Paris, Hachette Litt&eacute;ratures (coll. Pluriel Philosophie), 2002 [1998], p. 59. </p> <p><a name="note13a" href="#note13">[13]</a> Cette allusion invite &agrave; penser <em>Infinite Jest</em> en termes tragiques, d&rsquo;abord parce qu&rsquo;Hamlet est une trag&eacute;die, mais surtout parce que le passage &eacute;voqu&eacute; traite de la mort, de la relation &agrave; l&rsquo;autre et de l&rsquo;empathie, th&egrave;mes centraux du roman de DFW. Il s&rsquo;agit d&rsquo;une r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la sc&egrave;ne du fossoyeur (Acte V, sc&egrave;ne I), alors qu&rsquo;Hamlet d&eacute;couvre le cr&acirc;ne de Yorick, l&rsquo;ancien fou du roi, et exprime l&rsquo;horreur qu&rsquo;il ressent devant la mort de cet &ecirc;tre qui lui &eacute;tait cher: &laquo;Let me see. [<em>He takes the skull</em>]. Alas, poor Yorick! I knew him, Horatio&mdash;a fellow of infinite jest, of most excellent fancy. He hath borne me on his back a thousand times, and now how abhorred in my imagination it is! My gorge rises at it.&raquo; cf. Shakespeare, <em>Hamlet</em>, Paris, GF-Flammarion (coll. Bilingue), 1995, p.370. </p> <p><a name="note14a" href="#note14">[14]</a> Arthur Schopenhauer, <em>Le monde comme volont&eacute; et comme repr&eacute;sentation</em>, traduit de l&rsquo;allemand par A. Burdeau, &eacute;dition revue et corrig&eacute;e par Richard Roos, Paris, Quadrige/PUF, 2008, p. 404.</p> <p><a name="note15a" href="#note15">[15]</a> Guy Debord, <em>La soci&eacute;t&eacute; de spectacle</em>, Paris, Gallimard (coll. Folio), 1992 [1967], p.15.</p> <p><a name="note16a" href="#note16">[16]</a> Valerie Stivers, <em>Op. cit.</em>.</p> <p><a name="note17a" href="#note17">[17]</a> Pier-Paolo Pasolini, <em>Contre la t&eacute;l&eacute;vision et autres textes sur la politique et la soci&eacute;t&eacute;</em>, Besan&ccedil;on, Les Solitaires intempestifs, p.93, cit&eacute; dans Georges Didi-Huberman, <em>Survivances des lucioles</em>, Paris, Les &Eacute;ditions de Minuit (coll. Paradoxe), 2009, p.25. <br /> <meta name="Mots cl&eacute;s" content="" /><br /> <meta http-equiv="Content-Type" content="text/html; charset=utf-8" /><br /> <meta name="ProgId" content="Word.Document" /><br /> <meta name="Generator" content="Microsoft Word 2008" /><br /> <meta name="Originator" content="Microsoft Word 2008" /><br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> </p></div> http://salondouble.contemporain.info/lecture/ces-poussieres-faites-pour-troubler-loeil#comments Cinéma Contemporain Culture populaire DEBORD, Guy Délinéarisation Divertissement EASTON ELLIS, Bret Empathie États-Unis d'Amérique Fiction Foster Wallace, David FRANZEN, Jonathan Individualisme LASCH, Christopher Métafiction MOORE, Loorie PASOLINI, Pier-Paolo Publicité SCHOPENHAUER, Arthur SHAKESPEARE SLOTERDIJK, Peter Solitude Télévision Tragique Tristesse Roman Tue, 21 Dec 2010 00:19:07 +0000 Simon Brousseau 301 at http://salondouble.contemporain.info Quand l’auteur joue avec la (méta)fiction http://salondouble.contemporain.info/lecture/quand-l-auteur-joue-avec-la-metafiction <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/landry-pierre-luc">Landry, Pierre-Luc </a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/le-jardin-des-delices-terrestres">Le Jardin des délices terrestres</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p><em><br /> Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em><a name="note1" href="#note1b"><strong>[1]</strong></a> est le deuxi&egrave;me roman d&rsquo;Indrajit Hazra, musicien, journaliste et &eacute;crivain indien n&eacute; &agrave; Calcutta en 1971. Ce roman, qui au final pourrait &ecirc;tre qualifi&eacute; de ludique, emprunte &agrave; la bande dessin&eacute;e belge comme &agrave; la litt&eacute;rature jeunesse bengali et induit, avec sa structure probl&eacute;matique et sa narration ind&eacute;cidable, certains effets de rupture qui d&eacute;voilent et probl&eacute;matisent sa construction. Je tenterai ici de rendre compte de certains enjeux soulev&eacute;s par ce roman qui se joue parfois des th&eacute;ories litt&eacute;raires et qui, par le fait m&ecirc;me, se laisse difficilement appr&eacute;hender en termes simples.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>D&rsquo;abord, un r&eacute;sum&eacute;</strong></span></p> <p>Le roman est compos&eacute; de deux r&eacute;cits livr&eacute;s en alternance. Le premier met en sc&egrave;ne Hiren Bose, op&eacute;rateur d&rsquo;un taxiphone situ&eacute; au rez-de-chauss&eacute;e du 14, Banamali Nashkar Lane, &agrave; Calcutta. Il habite &agrave; l&rsquo;&eacute;tage chez Uma, sa fianc&eacute;e, depuis quatre ans. Une nuit, quatre eunuques travestis en femmes, des hijras, vandalisent la cabine t&eacute;l&eacute;phonique du taxiphone et attaquent Hiren. Ce dernier n&rsquo;ose pas annoncer la mauvaise nouvelle &agrave; Uma sachant qu&rsquo;elle sera furieuse contre lui: il n&rsquo;a pas assur&eacute; son commerce comme elle le lui avait conseill&eacute; il y a longtemps d&eacute;j&agrave;. Soucieux de &laquo;mettre fin &agrave; ce chapitre de [sa] vie&raquo; (p.30), il verse du &laquo;fioul&raquo; (p.30) un peu partout au rez-de-chauss&eacute;e, ainsi qu&rsquo;au premier &eacute;tage o&ugrave; dort Uma, et met le feu &agrave; l&rsquo;&eacute;difice. Il se sauve des lieux du crime et ne revient que plusieurs heures apr&egrave;s, une fois le brasier &eacute;teint; Uma est morte. Hiren est recueilli par Shishir, un ami qui habite la pension du 72, tout juste en face du taxiphone, sur Banamali Nashkar Lane, o&ugrave; Hiren avait d&eacute;j&agrave; habit&eacute; avant de d&eacute;m&eacute;nager chez Uma. Avec quelques retours en arri&egrave;re, on apprend &agrave; conna&icirc;tre les personnages qui habitent la pension, surtout Ghanada, sorte de gourou qui occupe la chambre sur le toit et qui raconte toujours des histoires invraisemblables qui l&rsquo;impliquent personnellement mais auxquelles personne n&rsquo;adh&egrave;re vraiment. On apprend aussi qu&rsquo;Hiren est pyromane et qu&rsquo;il aurait br&ucirc;l&eacute; d&rsquo;autres &eacute;difices avant de mettre le feu &agrave; son commerce. La vie au foyer est plut&ocirc;t r&eacute;p&eacute;titive&nbsp;et les soir&eacute;es se terminent toujours sur la terrasse avec Ghanada qui raconte ses histoires, couch&eacute; dans sa chaise longue. Hiren a l&rsquo;impression que Ghanada sait &agrave; propos de l&rsquo;incendie du 14, et, un soir o&ugrave; l&rsquo;atmosph&egrave;re est particuli&egrave;rement tendue, il se fait assommer par les r&eacute;sidents du foyer. Il se r&eacute;veille dans le coffre d&rsquo;une voiture. Shishir, Ghanada, Gaur et Shibu portent tous les quatre leur costume d&rsquo;hijras: ce sont eux, les eunuques qui l&rsquo;ont attaqu&eacute; dans son taxiphone. Ghanada explique qu&rsquo;ils se d&eacute;guisent ainsi pour supprimer tout d&eacute;sir sexuel et se prot&eacute;ger du danger que repr&eacute;sentent les femmes. Parce qu&rsquo;Hiren menace l&rsquo;&eacute;quilibre du foyer o&ugrave; ils s&rsquo;isolent des femmes pour rester entre eux, ils doivent agir et le neutraliser. Ils l&rsquo;assomment de nouveau et l&rsquo;enferment dans un placard du Writer&rsquo;s Building, le si&egrave;ge du gouvernement du Bengale occidental, auquel ils mettent le feu. Hiren r&eacute;ussit &agrave; s&rsquo;&eacute;chapper de cet incendie monumental et est arr&ecirc;t&eacute; par un inspecteur qui l&rsquo;accuse d&rsquo;avoir allum&eacute; plusieurs incendies criminels perp&eacute;tr&eacute;s dans les derni&egrave;res ann&eacute;es. On l&rsquo;emporte dans un fourgon de l&rsquo;arm&eacute;e.</p> <p>Le second r&eacute;cit concerne Manik Basu, &laquo;auteur de livres &agrave; succ&egrave;s comme <em>Les Principes du plaisir</em>, <em>Bricolage</em>, <em>L&rsquo;Illusionniste et autres r&eacute;cits</em>&raquo; (p.33) qui &laquo;avait fait la plus grosse erreur de sa vie en signant un contrat stipulant qu&rsquo;il remettrait un roman par an &agrave; la prestigieuse maison d&rsquo;&eacute;dition Kutir&raquo; (p.33), mais qui empire sa situation en fuyant l&rsquo;Inde et en se r&eacute;fugiant &laquo;dans un h&ocirc;tel relativement bon march&eacute; de la lointaine Prague&raquo; (p.33) sans avoir remis un seul roman &agrave; son &eacute;diteur, cinq ans apr&egrave;s avoir sign&eacute; le contrat. Il est enlev&eacute; &agrave; Prague par des hommes de main de son &eacute;diteur, qui le s&eacute;questrent dans la chambre de son h&ocirc;tel. Il a dix jours pour &eacute;crire un roman; le &laquo;dixi&egrave;me jour, si le livre est pas fini, on sera oblig&eacute;s de vous descendre&raquo; (p.41), le menace-t-on. Basu s&rsquo;attelle donc &agrave; la t&acirc;che. Toutefois, au bout de quelques jours, un de ses ge&ocirc;liers vient le chercher pour le conduire jusqu&rsquo;&agrave; un grand manoir o&ugrave; l&rsquo;attend Ajit Chaudhuri, &laquo;propri&eacute;taire et responsable des publications de Kutir&raquo; (p.105). Chaudhuri s&rsquo;excuse parce que &laquo;les autochtones n&rsquo;avaient pas parfaitement compris&raquo; ses consignes (p.105). Il prie Basu de se consid&eacute;rer d&eacute;sormais comme son invit&eacute; et &laquo;souhaite rendre [son] s&eacute;jour aussi agr&eacute;able que possible&raquo; (p.105). Basu explore le manoir d&rsquo;abord, avant de se lancer dans l&rsquo;&eacute;criture: &laquo;[il] se dit que le mieux &eacute;tait sans doute de se gratter la cervelle jusqu&rsquo;&agrave; produire quelque chose&raquo; (p.139). Les semaines s&rsquo;&eacute;coulent et l&rsquo;&eacute;crivain travaille plut&ocirc;t bien; un jour, il annonce que son manuscrit est termin&eacute;. Il refuse toutefois de le remettre &agrave; Chaudhuri, mais celui-ci, &agrave; l&rsquo;aide de ses hommes de main, r&eacute;ussit &agrave; le lui soutirer. Entre temps a commenc&eacute; &agrave; se tisser une &eacute;trange relation entre Basu et Irma Van der Lubbe, la gouvernante du gite o&ugrave; il r&eacute;side; ils s&rsquo;espionnent mutuellement dans le noir et semblent tous les deux attir&eacute;s l&rsquo;un vers l&rsquo;autre. Basu d&eacute;cide de rester un peu &agrave; Prague avant de retourner en Inde. Il se rend &agrave; l&rsquo;op&eacute;ra avec Irma, au Th&eacute;&acirc;tre national. Lors de l&rsquo;entracte, elle le pousse par la fen&ecirc;tre du troisi&egrave;me &eacute;tage; il s&rsquo;effondre sur le sol et meurt.<br /> <strong><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><br /> Quelques courts-circuits</span></strong></p> <p>Les deux r&eacute;cits se partagent parfaitement le livre: le premier, celui d&rsquo;Hiren Bose, se d&eacute;veloppe dans les chapitres impairs; le deuxi&egrave;me, celui de Manik Basu, occupe les chapitres pairs. Le treizi&egrave;me chapitre, intitul&eacute; &laquo;Derni&egrave;res nouvelles&raquo; (p.233-239), rompt ce d&eacute;coupage et constitue un verbatim d&rsquo;un segment t&eacute;l&eacute;visuel de type <em>breaking news</em> concernant l&rsquo;incendie du Writer&rsquo;s Building et la mort de Basu. Le roman s&rsquo;ach&egrave;ve avec un &eacute;pilogue reproduisant &laquo;<em>un extrait de l&rsquo;article &ldquo;Mensonges, sacr&eacute;s mensonges et Ghanada&rdquo;, sign&eacute; de Manik Basu, &eacute;crit &agrave; Prague et publi&eacute; dans le num&eacute;ro sp&eacute;cial du magazine Alpana de f&eacute;vrier 2004, consacr&eacute; &agrave; Premendra Mitra pour le centenaire de sa naissance</em>&raquo; (p.241). Dans cet article, Basu parle de sa rencontre (litt&eacute;raire) avec Ghanada, un personnage cr&eacute;&eacute; par Premendra Mitra, et de l&rsquo;admiration qu&rsquo;il &eacute;prouve pour la structure ench&acirc;ss&eacute;e de leurs narrations&nbsp;&agrave; tous les deux. Il termine en affirmant avoir utilis&eacute; le personnage de Ghanada dans son plus r&eacute;cent roman, <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em>. Ce qui est particulier avec cette structure, c&rsquo;est que certaines pistes diss&eacute;min&eacute;es tout au long du roman laissent croire que Manik Basu &eacute;crit l&rsquo;histoire d&rsquo;Hiren Bose; les deux r&eacute;cits existeraient donc dans une relation d&rsquo;ench&acirc;ssement: le r&eacute;cit cadre serait celui de Manik et le r&eacute;cit ench&acirc;ss&eacute;, celui d&rsquo;Hiren. Le chapitre treize vient toutefois court-circuiter cette relation jusque-l&agrave; plut&ocirc;t calme et immobile, puisqu&rsquo;il suppose que les deux personnages existeraient dans un m&ecirc;me univers de fiction, tandis que, tout au long du roman, les fronti&egrave;res entre leurs deux mondes &eacute;taient herm&eacute;tiques, exception faite de deux petits accrocs. Le premier: </p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Un autre [client] m&rsquo;avait r&eacute;clam&eacute; l&rsquo;indicatif d&rsquo;un pays europ&eacute;en dont je n&rsquo;avais jamais entendu parler (et que j&rsquo;ai maintenant oubli&eacute;). Je dus en cons&eacute;quence v&eacute;rifier l&rsquo;annuaire qui donnait la liste de tous les indicatifs. Il le recopia sur un bout de papier mais, ensuite, il passa un coup de fil local.<br /> Ce client avait un visage qui me disait vaguement quelque chose. Mais, bien s&ucirc;r, tous les hommes vous rappellent quelque chose si vous cherchez bien. (p.11) <p></p></span></div> <div>Ce client qui dit vaguement quelque chose &agrave; Hiren s&rsquo;informe-t-il de l&rsquo;indicatif de la R&eacute;publique tch&egrave;que? Il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;un tout petit court-circuit qui n&rsquo;en est pas un, en fait, &agrave; moins de lire le roman en mode parano&iuml;aque &mdash;ce que ce type de litt&eacute;rature nous invite &agrave; faire, par ailleurs. Le deuxi&egrave;me est plus significatif; tandis qu&rsquo;Irma Van der Lubbe regarde Manik Basu dormir, elle a subitement l&rsquo;impression d&rsquo;&ecirc;tre le personnage d&rsquo;un roman:<br /> &nbsp;</div> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Il y avait quelque chose dans cette forme allong&eacute;e qui mettait Irma mal &agrave; l&rsquo;aise. Plant&eacute;e l&agrave; &agrave; la lueur de la lune qui projetait des ombres incertaines, avec le visage tout proche de celui de cet &eacute;crivain endormi venu d&rsquo;un pays si lointain, elle eut soudain l&rsquo;impression d&rsquo;&ecirc;tre incluse dans une &oelig;uvre de fiction, &agrave; un de ces moments sans rebondissements avant que l&rsquo;on ne tourne la page. Bient&ocirc;t tout serait fini, elle n&rsquo;aurait plus &agrave; &ecirc;tre le t&eacute;moin de ces sc&egrave;nes o&ugrave; un homme &eacute;tait le prisonnier d&rsquo;autres hommes. On lui demanderait s&ucirc;rement de jouer un r&ocirc;le dans le d&eacute;nouement, ce qui arrivait souvent, pas tr&egrave;s souvent, mais suffisamment pour la mettre mal &agrave; l&rsquo;aise. (p.184-185)</span><br /> &nbsp;</div> <p>En effet, elle jouera un r&ocirc;le important dans le d&eacute;nouement: elle d&eacute;fenestrera Basu du troisi&egrave;me &eacute;tage du Th&eacute;&acirc;tre national. Ici, c&rsquo;est une troisi&egrave;me fronti&egrave;re qui est travers&eacute;e: si Irma, qui se trouve dans le r&eacute;cit cadre (celui de Manik), est en r&eacute;alit&eacute; un <em>personnage</em>, s&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas seulement d&rsquo;une impression, c&rsquo;est qu&rsquo;il y aurait un troisi&egrave;me r&eacute;cit, v&eacute;ritable cadre cette fois, qui ench&acirc;sserait les deux autres.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Combien y a-t-il de r&eacute;cits, alors?</strong></span></p> <p>Si on consid&egrave;re qu&rsquo;il y a un <em>mastermind</em>, un g&eacute;nial conspirateur derri&egrave;re tout cela, un narrateur implicite (ou un auteur implicite) qui vient arranger les &eacute;v&eacute;nements &mdash;et qui rel&egrave;gue par le fait m&ecirc;me les deux r&eacute;cits au rang de r&eacute;cits intradi&eacute;g&eacute;tiques&mdash;, la question de son identit&eacute; se pose d&eacute;sormais. Qui est-il? Pourquoi se contente-t-il de retranscrire le bulletin de nouvelles et d&rsquo;ajouter un extrait de l&rsquo;article de Basu concernant Ghanada, plut&ocirc;t que de mettre en place un v&eacute;ritable r&eacute;cit cadre qui viendrait ceinturer cette fiction qui, sans de telles fronti&egrave;res, n&rsquo;est rien de moins que probl&eacute;matique? En effet, sans ce narrateur implicite cach&eacute; derri&egrave;re ses propres fictions, on pourrait dire que la narration, pourtant bien r&eacute;elle puisqu&rsquo;on vient de la lire, devient tout d&rsquo;un coup impossible du point de vue de la vraisemblance pragmatique<a name="note2" href="#note2b"><strong>[2]</strong></a>, comme annul&eacute;e ou ni&eacute;e par l&rsquo;inexistence du narrateur; les &eacute;v&eacute;nements racont&eacute;s par la lectrice de nouvelles du chapitre treize pointent dans cette direction: la mort de Manik Basu ne peut pas &ecirc;tre annonc&eacute;e dans l&rsquo;univers de fiction d&rsquo;Hiren Bose. Ce court-circuit rend la posture de narration impossible: un narrateur qui vient de mourir ne peut pas raconter ce qui se passe apr&egrave;s sa mort, surtout qu&rsquo;il n&rsquo;avait pas pr&eacute;par&eacute; le terrain pour s&rsquo;arroger d&rsquo;un tel droit. N&eacute;anmoins, l&rsquo;&eacute;pilogue vient souligner le fait que l&rsquo;auteur Manik Basu a &eacute;crit l&rsquo;histoire dans laquelle le personnage de Ghanada appara&icirc;t, c&rsquo;est-&agrave;-dire celle d&rsquo;Hiren Bose. Aussi, Manik Basu fait r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Ghanada, qu&rsquo;il pr&eacute;sente comme &laquo;l&rsquo;un de ses personnages dans le roman qu&rsquo;il [vient] de terminer&raquo; (p.224-225). Il y a trois notes de bas de page dans l&rsquo;&eacute;pilogue qui attestent des faits litt&eacute;raires avanc&eacute;s par Manik Basu. Ces sources appuient l&rsquo;id&eacute;e que le r&eacute;cit d&rsquo;Hiren est fictif et que c&rsquo;est Manik Basu qui l&rsquo;a &eacute;crit. Premi&egrave;re hypoth&egrave;se: Manik Basu (r&eacute;cit cadre) &eacute;crit l&rsquo;histoire d&rsquo;Hiren Bose (r&eacute;cit ench&acirc;ss&eacute;). Deuxi&egrave;me hypoth&egrave;se: il y aurait un auteur implicite (r&eacute;cit cadre) qui arrangerait les r&eacute;cits de Manik Basu (r&eacute;cit ench&acirc;ss&eacute; dans celui de l&rsquo;auteur implicite et r&eacute;cit cadre de l&rsquo;histoire d&rsquo;Hiren) et d&rsquo;Hiren (r&eacute;cit ench&acirc;ss&eacute; &agrave; la puissance deux). Si on exclut le dernier chapitre et l&rsquo;article de Basu reproduit en &eacute;pilogue, il n&rsquo;y a pas vraiment de r&eacute;cit cadre, mais bien plut&ocirc;t une illusion de cadre. L&rsquo;ind&eacute;cidabilit&eacute; de cette troisi&egrave;me narration semble suspendre le d&eacute;nouement des deux r&eacute;cits; le lecteur n&rsquo;aura pas l&rsquo;heure juste sur cette question et ne pourra pas trancher ou choisir l&rsquo;une ou l&rsquo;autre des deux hypoth&egrave;ses interpr&eacute;tatives que je viens de pr&eacute;senter. Voil&agrave; pourquoi j&rsquo;ai parl&eacute; plus t&ocirc;t d&rsquo;une narration ind&eacute;cidable.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Hommage m&eacute;tafictionnel</strong></span></p> <p>Il y a plus d&rsquo;une mise en abyme dans le roman. D&rsquo;abord, on retrouve la traditionnelle mise en sc&egrave;ne de l&rsquo;&eacute;crivain qui &eacute;crit un roman qui porte le m&ecirc;me titre que celui que le lecteur r&eacute;el tient entre ses mains<a name="note3" href="#note3b"><strong>[3]</strong></a> &mdash;cadres qui court-circuitent &agrave; la fin alors que l&rsquo;&eacute;crivain et son personnage sont trait&eacute;s sans discrimination de niveau narratif dans le m&ecirc;me bulletin de nouvelles. Aussi, il y a une mise en abyme de la structure du roman avec les propos de Basu sur Premendra Mitra dans l&rsquo;&eacute;pilogue: &laquo;Ce qui me surprenait &mdash;et me surprend encore &agrave; ce jour en tant que lecteur et en tant qu&rsquo;&eacute;crivain&mdash;, c&rsquo;est la trajectoire suivie par l&rsquo;auteur Premendra Mitra, &agrave; un certain niveau, et celle suivie par l&rsquo;un des plus c&eacute;l&egrave;bres narrateurs du monde, Ghanada, pour raconter leurs histoires (ench&acirc;ss&eacute;es dans une histoire)&raquo; (p.243). Ce processus est utilis&eacute; par Indrajit Hazra dans l&rsquo;&eacute;criture du roman <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em>, et aussi par Manik Basu, d&rsquo;une certaine fa&ccedil;on, dans son roman <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres </em>(bis), qui met en sc&egrave;ne le &laquo;narrateur&raquo; Ghanada aux c&ocirc;t&eacute;s du narrateur Hiren.</p> <p>L&rsquo;intertextualit&eacute; occupe aussi une place importante dans le roman d&rsquo;Hazra. D&rsquo;abord, Premendra Mitra (1904-1988) est un auteur r&eacute;el et une figure &eacute;minente de la litt&eacute;rature bengali. Il a publi&eacute; des po&egrave;mes, des romans et des nouvelles et est surtout connu pour ses textes de science-fiction comme <em>The Twelfth Manu</em> <a name="note4" href="#note4b"><strong>[4]</strong></a>. Mitra a remport&eacute; de nombreux prix litt&eacute;raires dont certains tr&egrave;s prestigieux. Il a cr&eacute;&eacute; en 1945 le personnage de Ghanada, qui est rapidement devenu tr&egrave;s c&eacute;l&egrave;bre en Inde: plusieurs romans mettent en vedette le personnage et les autres r&eacute;sidents du 72, Banamali Nashkar Lane et certains ont &eacute;t&eacute; adapt&eacute;s pour la radio et sous forme de bandes dessin&eacute;es, dont l&rsquo;une est toujours publi&eacute; par le p&eacute;riodique pour enfants Anandamela. Le personnage de Ghanada que l&rsquo;on rencontre dans le roman d&rsquo;Hazra est &agrave; quelques d&eacute;tails pr&egrave;s le m&ecirc;me que celui cr&eacute;&eacute; par Premendra Mitra; il habite le m&ecirc;me lieu, avec les m&ecirc;mes hommes (Shibu, Shishir, Gaur et les autres) et raconte le m&ecirc;me genre d&rsquo;histoires invraisemblables, proches de la science-fiction mais truff&eacute;es de v&eacute;ritables donn&eacute;es scientifiques et historiques. Par exemple: il r&eacute;v&egrave;le comment il aurait pu emp&ecirc;cher &laquo;que se produise le trou de la couche d&rsquo;ozone&raquo; (p.92), comment il a sauv&eacute; de la mort un homme emprisonn&eacute; dans un monast&egrave;re espagnol par le p&egrave;re Ra&uacute;l qui croyait &ecirc;tre une r&eacute;incarnation de l&rsquo;Inquisiteur Tom&aacute;s de Torquemada, comment aussi la cigarette lui a un jour sauv&eacute; la vie lors d&rsquo;un feu de brousse en Australie, etc. Ce dialogue entre le roman d&rsquo;Hazra et ceux de Premendra Mitra est l&rsquo;emprunt transfictionnel le plus consid&eacute;rable dans Le Jardin des d&eacute;lices terrestres. N&eacute;anmoins, un personnage important du r&eacute;cit de Manik Basu est emprunt&eacute; &agrave; un tout autre univers de fiction. En effet, vers la fin du roman, Irma Van der Lubbe affirme avoir d&eacute;j&agrave; rencontr&eacute; Bianca Castafiore, qui &eacute;tait de passage &agrave; Prague pour chanter dans <em>La Damnation de Faust</em> de Berlioz. Pour un lecteur qui ne conna&icirc;t qu&rsquo;en partie <em>Les Aventures de Tintin et Milou</em> d&rsquo;Herg&eacute;, l&rsquo;allusion &agrave; la soprano italienne (fictive) peut para&icirc;tre &eacute;trange. Hazra r&eacute;v&egrave;le, dans un article paru dans le journal <em>Hindustan Times</em>, avoir &laquo;emprunt&eacute;&raquo; le personnage d&rsquo;Irma &agrave; Herg&eacute;, ce qui explique l&rsquo;allusion au&nbsp;&laquo;rossignol milanais&raquo;: </p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">A few years ago, I wrote a book in which I used (borrowed or stole, being the more appropriate word) one of Herg&eacute;&rsquo;s minor characters from his Tintin books, Irma, Bianca Castifiore&rsquo;s quiet maid, for my own nefarious purpose. While the original Irma was nothing but Bianca&rsquo;s appendage &mdash;her &lsquo;high point&rsquo; being when she assaults Thompson and Thomson with a walking stick in <em>The Castafiore Emerald</em><a name="note5" href="#note5b"><strong>[5]</strong></a> when the two detectives accuse her of stealing the soprano&rsquo;s emerald&mdash; &lsquo;my&rsquo; Irma was a full-blown woman with a mysterious past and an unsettling presence. I must say, I felt rather smug about plucking Irma out of a children&rsquo;s comic book and placing her in a work of, ahem, literature.<a name="note6" href="#note6b"><strong>[6]</strong></a> <p></p></span></div> <p>Ces deux emprunts, le premier majeur et le second plus ponctuel, participent, il me semble, &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;une fiction en forme d&rsquo;hommage rendu &agrave; la bande dessin&eacute;e et &agrave; la litt&eacute;rature jeunesse &mdash;&agrave; tout le moins &agrave; deux figures embl&eacute;matiques de ces champs particuliers. Coupl&eacute;e aux mises en abyme pr&eacute;sent&eacute;es plus t&ocirc;t, la pr&eacute;sence de ces personnages qui passent d&rsquo;une &oelig;uvre de fiction &agrave; une autre me semble inscrire Indrajit Hazra &agrave; la suite d&rsquo;autres &eacute;crivains associ&eacute;s &agrave; la m&eacute;tafiction, comme Italo Calvino, Paul Auster, Julio Cort&aacute;zar, et bien d&rsquo;autres encore &mdash; c&rsquo;est sans oublier Enrique Vila-Matas, fier h&eacute;ritier de Cervant&egrave;s et de Borges, dont l&rsquo;un des romans a &eacute;t&eacute; comment&eacute; ici par Simon Brousseau<a name="note7" href="#note7"><strong>[7]</strong></a>.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Quand l&rsquo;auteur se joue des th&eacute;ories litt&eacute;raires: de la litt&eacute;rature &laquo;postmoderne&raquo;</strong></span></p> <div>J&rsquo;ajoute enfin: m&ecirc;me si <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em> ne me semble pas &ecirc;tre une fiction critique &agrave; proprement parler, il n&rsquo;en reste pas moins qu&rsquo;on retrouve dans le roman quelques r&eacute;f&eacute;rences &agrave; certaines th&eacute;ories litt&eacute;raires qui m&eacute;ritent d&rsquo;&ecirc;tre relev&eacute;es. D&rsquo;abord, Hiren fait r&eacute;f&eacute;rence de fa&ccedil;on directe, lorsqu&rsquo;il traite des r&eacute;cits de Ghanada, au concept de suspension volontaire de l&rsquo;incr&eacute;dulit&eacute; (<em>willing suspension of disbelief</em> <a name="note8" href="#note8b"><strong>[8]</strong></a>) d&eacute;velopp&eacute;e par Samuel Taylor Coleridge dans <em>Biographia Literaria</em>:<br /> &nbsp;</div> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Au d&eacute;but, quand le r&eacute;cit est encore cr&eacute;dible, Shibu se contente de grommeler, avec soit un sourire narquois, soit un rire moqueur, soit encore une remarque destin&eacute;e &agrave; renvoyer le conteur dans ses cordes. Mais Ghanada poursuit, piquant une cigarette ou m&ecirc;me un paquet entier, et continue &agrave; nous raconter une autre histoire tir&eacute;e de son pass&eacute; tout aussi difficile &agrave; gober &agrave; moins de suspendre volontairement son incr&eacute;dulit&eacute;, comme disait Coleridge. (p.67) <p></p></span></div> <div>Cette r&eacute;f&eacute;rence d&eacute;note &agrave; tout le moins une connaissance de cette th&eacute;orie en particulier par l&rsquo;auteur, sinon un jeu, une raillerie de cette m&ecirc;me th&eacute;orie. L&rsquo;auteur, dans un but ludique, met la th&eacute;orie &agrave; contribution pour livrer un roman m&eacute;tafictionnel, sinon postmoderne; tout le roman semble pr&eacute;cis&eacute;ment travailler &agrave; faire en sorte que le lecteur ne puisse pas s&rsquo;abandonner &agrave; cette suspension volontaire de l&rsquo;incr&eacute;dulit&eacute;, ou encore qu&rsquo;il s&rsquo;y abandonne totalement et choisisse de tout accepter de ce que l&rsquo;auteur fait subir au r&eacute;cit et &agrave; ses personnages. Manik Basu utilise d&rsquo;ailleurs le terme &laquo;postmoderne&raquo; pour qualifier de fa&ccedil;on retorse les romans de Premendra Mitra, en &eacute;pilogue: &laquo;Ghanada constitue ma premi&egrave;re et ma plus stimulante rencontre avec ce que de nombreux critiques s&rsquo;obstinent &agrave; appeler non sans une certaine pesanteur &ldquo;la litt&eacute;rature postmoderne&rdquo;&raquo; (p.244). Ici encore, le terme est moqu&eacute;, utilis&eacute; de fa&ccedil;on consciente par l&rsquo;auteur implicite, dans un but d&eacute;tourn&eacute;. Et si la m&eacute;tafiction &mdash;et tous ses avatars&mdash; n&rsquo;est pas exclusivement contemporaine (je pense notamment &agrave; James Joyce et au <em>Hamlet</em> de Shakespeare), il n&rsquo;en reste pas moins que les motifs relev&eacute;s dans <em>Le Jardin des d&eacute;lices terrestres</em> font, il me semble, de ce roman d&rsquo;Indrajit Hazra une fiction&nbsp;&laquo;postmoderne&raquo;, si tant est que l&rsquo;on puisse s&rsquo;entendre sur la signification d&rsquo;un tel concept. Sans prendre part au d&eacute;bat, sans m&ecirc;me tenter d&rsquo;offrir une d&eacute;finition de la postmodernit&eacute; litt&eacute;raire &mdash;l&rsquo;exercice d&eacute;passerait d&rsquo;ailleurs largement les objectifs de cette lecture&mdash;, je me permet de proposer en conclusion que le roman d&rsquo;Indrajit Hazra ne fait que jouer, sans rien critiquer ou remettre en question: le r&eacute;cit et sa structure probl&eacute;matique, les r&eacute;f&eacute;rences au monde du livre et &agrave; la litt&eacute;rature, les emprunts transfictionnels &agrave; la bande dessin&eacute;e et &agrave; la litt&eacute;rature de jeunesse ainsi que les mises en abyme sont autant de fa&ccedil;ons de rendre hommage &agrave; un type de production litt&eacute;raire qui a court depuis plusieurs si&egrave;cles d&eacute;j&agrave; et qui ne semble pas pr&egrave;s de s&rsquo;essouffler, malgr&eacute; les redites. Une production litt&eacute;raire maintenue en vie &agrave; coups de clins d&rsquo;&oelig;il, notamment.<br /> &nbsp;</div> <hr /> <a name="note1b" href="#note1">1</a> Paru pour la premi&egrave;re fois en fran&ccedil;ais aux &eacute;ditions Le Cherche Midi en 2006. &Eacute;dition originale: <em>The Garden of Early Delights</em>, New Delhi, RST IndiaInk Publishing Company Private Limited, 2003.<br /> <a name="note2b" href="#note2">2</a> &laquo;La vraisemblance pragmatique, &agrave; laquelle Cavillac a consacr&eacute; un article fort &eacute;clairant (1995), renvoie [&hellip;] &agrave; la performance narrative, c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; la cr&eacute;dibilit&eacute; du narrateur et de la situation &eacute;nonciative&raquo;, &eacute;crit Andr&eacute;e Mercier dans un &eacute;tat de la question sur la vraisemblance. Voir: Andr&eacute;e Mercier, &laquo;La vraisemblance: &eacute;tat de la question historique et th&eacute;orique&raquo;, dans <em>temps z&eacute;ro. Revue d&rsquo;&eacute;tude des &eacute;critures contemporaines</em>, no 2 [en ligne]. <a href="http://tempszero.contemporain.info/document393" title="http://tempszero.contemporain.info/document393">http://tempszero.contemporain.info/document393</a> [Page consult&eacute;e le 18 ao&ucirc;t 2010]. Voir aussi: C&eacute;cile Cavillac, &laquo;Vraisemblance pragmatique et autorit&eacute; fictionnelle&raquo;, dans <em>Po&eacute;tique</em>, no 101, f&eacute;vrier 1995, p.23-46.<br /> <a name="note3b" href="#note3">3 </a>Je pense par exemple au roman <em>Les Faux-monnayeurs</em> d&rsquo;Andr&eacute; Gide, ou encore &agrave; <em>Je suis un &eacute;crivain japonais</em> de Dany Laferri&egrave;re, dont Genevi&egrave;ve Dufour a rendu compte ici. Voir: Genevi&egrave;ve Dufour, &laquo;Le Japon de poche&raquo;, dans Salon double [en ligne]. <a href="http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-japon-de-poche" title="http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-japon-de-poche">http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-japon-de-poche</a> [Texte en ligne depuis le 5 d&eacute;cembre 2008]. <br /> <a name="note4b" href="#note4">4</a> Traduit en anglais en 1972 par Enakshi Chatterjee, ce court roman d&rsquo;anticipation mythologique est notamment recueilli dans l&rsquo;anthologie <em>Contemporary Bengali Litterature: Fiction</em>, parue en 1972 chez Academic Publishers et dirig&eacute;e par Sukumar Ghose.<br /> <a name="note5b" href="#note5">5</a> Herg&eacute;, <em>Les Bijoux de la Castafiore</em>, Bruxelles, Casterman, 1963.<br /> <a name="note6b" href="#note6">6</a> Indrajit Hazra, &laquo;Tintin, how Art thou?&raquo;, dans <em>Hindustan Times</em>, [en ligne]. <a href="http://www.hindustantimes.com/News-Feed/nm14/Tintin-how-Art-thou/Article1-130366.aspx" title="http://www.hindustantimes.com/News-Feed/nm14/Tintin-how-Art-thou/Article1-130366.aspx">http://www.hindustantimes.com/News-Feed/nm14/Tintin-how-Art-thou/Article...</a> [Texte en ligne depuis le 30 juillet 2006 et consult&eacute; le 16 juillet 2010].<br /> <a name="note7" href="#note7">7 </a>Voir: Simon Brousseau, &laquo;De l&rsquo;exploration &agrave; l&rsquo;obsession&raquo;, dans <em>Salon double</em> [en ligne]. <a href="http://salondouble.contemporain.info/lecture/de-l-exploration-a-l-obsession" title="http://salondouble.contemporain.info/lecture/de-l-exploration-a-l-obsession">http://salondouble.contemporain.info/lecture/de-l-exploration-a-l-obsession</a> [Texte en ligne depuis le 5 mars 2009].<br /> <a name="note8b" href="#note8">8</a> Samuel Taylor Coleridge, <em>Biographia Literaria</em>, volume II, &eacute;dit&eacute; par James Engell et Jackson Bate, Princeton, Princeton University Press (Bolligen Series LXXV / The Collected Works of Samuel Taylor Coleridge. 7), 1983 [1817], p.6. http://salondouble.contemporain.info/lecture/quand-l-auteur-joue-avec-la-metafiction#comments Autorité narrative BORGES, Jorge Luis CAVILLAC, Cécile CERVANTÈS COLERIDGE, Samuel Taylor CORTAZAR, Julio Culture populaire GIDE, André HAZRA, Indrajit Hergé Inde Intertextualité JOYCE, James MERCIER, Andrée Métafiction MITRA, Premendra Postmodernité SHAKESPEARE VILAS-MATAS, Enrique Vraisemblance Roman Thu, 19 Aug 2010 14:48:38 +0000 Pierre-Luc Landry 252 at http://salondouble.contemporain.info