Salon double - SHAKESPEARE
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frCes poussières faites pour troubler l'oeil
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<a href="/equipe/brousseau-simon">Brousseau, Simon</a> </div>
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<a href="/biblio/infinite-jest">Infinite Jest</a> </div>
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</div>
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<div class="rteindent1 rteright">Come, come, and sit you down, you shall not budge.<br />
You go not till I set you up a glass<br />
Where you may see the inmost part of you.<br />
— Shakespeare, <em>Hamlet</em></div>
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Peu de temps après la publication d’<em>Infinite Jest</em>, David Foster Wallace (DFW) discutait de son roman avec Michel Silverblatt à l’émission radiophonique <em>Bookworm</em><a name="note1" href="#note1a">[1]</a>. Interrogé sur ses motivations quant à l’écriture d’une œuvre d’une telle ampleur—on parle d’un texte faisant 1079 pages—, DFW affirme avoir voulu écrire un livre aussi amusant qu’exigeant, et insiste sur l’importance qu’il accorde à l’<em>effort</em> de lecture, avançant que la relation du sujet contemporain à la culture se vivrait le plus souvent dans le confort de la facilité. Ce rapport de facilité à la culture est incarné principalement, toujours selon DFW, par la télévision et le cinéma populaire, qu’il range sans vergogne dans la catégorie du «low art». Il s’agit d’œuvres divertissantes dont le but avoué est non seulement de répondre à l’urgent besoin de plaisir qui habite l’humain, mais aussi, bien sûr, de générer des profits en y répondant: «TV and popular film and most kinds of "low" art—which just means art whose primary aim is to make money—is lucrative precisely because it recognizes that audiences prefer 100 percent pleasure to the reality that tends to be 49 percent pleasure and 51 percent pain<a name="note2" href="#note2a">[2]</a>.»
<p>Un roman de l’envergure d’<em>Infinite Jest</em> repose sur le projet de s’opposer à la facilité de l’art divertissant, tant par sa structure narrative complexe et par les thèmes qui y sont abordés que par l’engagement que sa lecture implique. Le nombre d’heures nécessaires à la lecture de cette brique agit de façon décisive sur le lecteur, l’exposant longuement à la tristesse du sujet contemporain qui apparaît, au fil du texte, être l’un des fils reliant entre eux les nombreux personnages de l’histoire<a name="note3" href="#note3a">[3]</a>. C’est pourquoi il me semble pertinent d’aborder ici ce roman qui, bien qu’ayant été publié il y a quinze ans, demeure d’une actualité criante, tant par la réflexion qu’il propose sur la culture contemporaine que par le regard critique qu’il porte sur l’écriture de fiction. </p>
<p><em>Infinite Jest</em> se déploie en un écheveau et il est nécessaire d’en dégager les fils narratifs principaux avant de poursuivre. L’histoire se déroule dans un futur<a name="note4" href="#note4a">[4]</a> où les années ne sont plus comptées en nombres, mais portent plutôt le nom de diverses compagnies ayant payé des droits pour, littéralement, passer à l’histoire. Le cœur du récit se déroule lors de <em>The Year of the Depend Adult Undergarment</em><a name="note5" href="#note5a">[5]</a>. Le roman contient trois trames narratives principales qui se recoupent en de nombreux chassés-croisés. La première trame concerne une académie de tennis, Enfield Tennis Academy, où étudie Hal Incandenza, un jeune surdoué à la mémoire exceptionnelle qui possède une vaste culture, en plus d’être dépendant à la marijuana. La deuxième trame expose la vie des pensionnaires d’un centre de réhabilitation pour drogués et alcooliques, Ennet House, qui se trouve en bas de la colline où est située l’académie Enfield. Don Gately, un ex-toxicomane travaillant pour le centre, occupe une place importante dans cette partie. Finalement, une troisième trame met en scène Marathe, un membre des <em>Assassins des Fauteuils Rollents</em>, ce groupe de terroristes québécois souhaitant que le Québec se sépare de l’ONAN<a name="note6" href="#note6a">[6]</a> (Organization of North American Nations), c’est-à-dire l’union politique du Canada, des États-Unis et du Mexique. Il faut préciser que ces trois trames principales sont accompagnées de nombreuses scènes secondaires où l’on rencontre divers personnages qui ne participent pas de façon directe à l’intrigue. D’ailleurs, l’emploi du terme «intrigue» ne rend pas justice à la logique qui prévaut dans <em>Infinite Jest</em>, où l’enjeu lectural ne se situe pas tant dans la découverte d’un dénouement que dans l’exploration d’une expérience collective du réel, de la tristesse de ce réel et des personnages qui l’habitent. </p>
<p>Il est évident qu’un commentaire de quelques pages ne peut suffire à donner ne serait-ce qu’une idée générale d’<em>Infinite Jest</em>. Il me semble néanmoins important de discuter, même brièvement, la façon dont DFW pose la question de l’empathie et de la place qu’elle devrait occuper dans le travail du romancier contemporain. Pour le dire sans détour, l’écrivain reproche à son époque de favoriser un rapport individualiste à la réalité, renforçant le penchant naturel qu’aurait l’individu à se considérer comme étant le centre du monde. L’empathie est décrite par DFW comme étant cette capacité, cet effort que l’humain peut et doit fournir, afin de se décentrer et de pouvoir ainsi accéder à l’autre. Cet effort, cette volonté de penser le monde à partir de l’autre est, pour DFW, <em>la vraie liberté</em>, et il en fait un projet d’écriture: «The really important kind of freedom involves attention, and awareness, and discipline, and effort, and being able truly to care about other people and to sacrifice for them, over and over, in myriad petty little unsexy ways, every day. This is real freedom<a name="note7" href="#note7a">[7]</a>.» On le comprend, cette liberté évoquée par DFW implique un rejet du culte du moi et de l’égocentrisme qui régissent à bien des égards les rapports sociaux de notre époque. En ce sens, ses propos rejoignent la thèse défendue par Christopher Lasch dans <em>The Culture of Narcissism: American Life in an Age of Diminishing Expectations</em>, à savoir que l’individu contemporain, en se repliant toujours plus sur soi-même, devient inapte à conférer un sens à son existence, qu’il appréhende le plus souvent avec anxiété: «The new narcissist is haunted not by guilt but by anxiety. He seeks not to inflict his own certainties on others but to find a meaning in life. Liberated from the superstitions of the past, he doubts even the reality of his own existence<a name="note8" href="#note8a">[8]</a>.»</p>
<p>Cette conception de l’empathie, transposée dans l’écriture romanesque, se traduit en un effort soutenu pour cerner la singularité des différents maux qui affligent les sujets contemporains: les angoisses liées aux pressions sociales, la consommation de drogue vécue comme moyen d’échapper à la vie immédiate en altérant un réel perçu comme étant l’insupportable même, sans oublier ces dépressions s’enracinant dans la banalité du quotidien, dévoilant ce que ce mal-être a de plus troublant, c’est-à-dire le fait qu’il soit incontournable. Cette attention soutenue, ce regard qui s’efforce de comprendre la souffrance de façon littérale et empathique, sans ironie ou cynisme, est pour DFW un authentique projet d’écriture romanesque. Il s’oppose par exemple à l’écriture de Bret Easton Ellis, à qui il reproche de <em>seulement dépeindre</em> la noirceur du monde dans lequel on vit, sans toutefois chercher à proposer des possibilités de rendre le monde habitable. C’est ce qu’il déplore du célébrissime et controversé roman de Bret Easton Ellis, <em>American Psycho</em> (1993): </p></div>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Really good fiction could have as dark a worldview as it wished, but it’d find a way both to depict this world and to illuminate the possibilities for being alive and human in it. You can defend <em>Psycho</em> as being a sort of performative digest of late-eighties social problems, but it’s no more than that<a name="note9" href="#note9a">[9]</a>.</span></div>
<div>
Mais DFW ne s’oppose pas seulement aux écritures qui s’évertuent à dépeindre le monde dans sa noirceur. Cette idée de l’importance de l’empathie et d’un effort sincère pour comprendre les humains va de pair avec un rejet d’une certaine pratique de la métafiction où la prouesse formelle devient une fin en elle-même. DFW en fait même une avenue possible pour dépasser la métafiction, dont on connaît l’importance aux États-Unis. Celui-ci évoque plusieurs écrivains, dont William T. Vollmann, Loorie Moore et Jonathan Franzen<a name="note10" href="#note10a">[10]</a>, qui appartiennent selon lui à cette nouvelle génération qui cherche à se débarrasser des mécanismes de la métafiction, notamment de son ironie. Pour l’auteur, il y a une distinction importante à faire entre l’écriture et la lecture de texte qui fonctionnent en circuit fermé (la fascination du monde universitaire pour les dispositifs narratifs, indépendamment des idées qu’ils supportent, en est un bon exemple) et les textes qui parlent du monde. Rejetant en bloc les discours visant à valider l’écriture de fiction par le biais de pirouettes narratives exposant la sagacité de l’écrivain et sa compréhension des mécanismes de l’écriture, DFW adopte une posture résolument du côté de la vie, aux antipodes du solipsisme de ce qu’il considère être le propre de la mauvaise métafiction, c’est-à-dire le retournement de l’écriture sur l’écriture, ce cercle parfait duquel la vie est exclue:</div>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><em>Fiction’s about what it is to be a fucking human being.</em> If you operate, which most of us do, from the premise that there are things about the contemporary U.S. that make it distinctively hard to be a real human being, then maybe half of fiction’s job is to dramatize what it is that makes it tough. The other half is to dramatize the fact that we still "are" human beings, now. Or can be<a name="note11" href="#note11a">[11]</a>. (Je souligne.)</span></div>
<div>
Cet appel à l’ouverture et à l’empathie peut, a priori, sembler cliché et moralisateur. Je préfère pour ma part y voir une prise de position philosophique sérieuse qui s’appuie sur un constat troublant et difficilement réfutable, soit celui d’un amenuisement des rapports sociaux réifiant le sujet contemporain en le réduisant à une fonction qui l’isole, celle du travailleur/consommateur. En cela, il me semble également que la réflexion romanesque dans laquelle DFW s’engage est à mettre en parallèle avec le travail amorcé par Peter Sloterdijk dans sa trilogie des <em>Sphères</em>, par lesquelles celui-ci s’évertue à repenser l’existence humaine en termes de relations et de transferts. Cette phrase, qui résume bien l’esprit dans lequel est rédigée cette trilogie, pourrait sans l’ombre d’un doute se trouver en exergue d’<em>Infinite Jest</em>: «Il faut être au moins deux pour constituer une subjectivité réelle<a name="note12" href="#note12a">[12]</a>.»
<p>Être humain, dans <em>Infinite Jest</em>, c’est être l’arène où combattent, bien souvent jusqu’à la mort—par suicide, évidemment—, le désespoir et l’envie d’échapper à une condition jugée insupportable. En ce sens, il est juste de dire que ce roman propose une vision tragique du monde; l’emprunt du syntagme «Infinite Jest» au <em>Hamlet</em> de Shakespeare invite à suivre cette piste dès le titre<a name="note13" href="#note13a">[13]</a>. Cette affirmation mérite tout de même d’être nuancée; il y a une indéniable part de grotesque aux scènes tragiques, dans<em> Infinite Jest</em>, grotesque qui ne peut qu’entraîner le malaise du lecteur. Il suffit de penser au suicide du père Incandenza qui, bien que tragique, n’échappe pas au grotesque, celui-ci se donnant la mort en se faisant cuire la tête dans le four à micro-ondes. Il est difficile d’évoquer cette coprésence du grotesque et du tragique sans mentionner Schopenhauer, qui affirme, dans <em>Le monde comme volonté et comme représentation</em>, qu’il s’agit là du propre de l’existence humaine: </p></div>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">La vie de chacun de nous, à l’embrasser dans son ensemble d’un coup d’œil, à n’en considérer que les traits marquants, est une véritable tragédie; mais quand il faut, pas à pas, l’épuiser en détail, elle prend la tournure d’une comédie. Chaque jour apporte son travail, son souci; chaque instant, sa duperie nouvelle; chaque semaine, son désir, sa crainte; chaque heure, ses désappointements, car le hasard est là, toujours aux aguets pour faire quelque malice; pures scènes comiques que tout cela. Mais les souhaits jamais exaucés, la peine toujours dépensée en vain, les espérances brisées par un destin impitoyable, les mécomptes cruels qui composent la vie tout entière, la souffrance qui va grandissant, et, à l’extrémité du tout, la mort, en voilà assez pour faire une tragédie. On dirait que la fatalité veut, dans notre existence, compléter la torture par la dérision; elle y met toutes les douleurs de la tragédie; mais, pour ne pas nous laisser au moins la dignité du personnage tragique, elle nous réduit, dans les détails de la vie, au rôle du bouffon<a name="note14" href="#note14a">[14]</a>.</span></div>
<div>
Pour ne donner qu’un exemple de cette vision tragique de l’existence proposée par <em>Infinite Jest</em>, on peut évoquer Kate Gompert, cette femme dépendante à la marijuana qui, après trois tentatives de suicide, donne le choix à son médecin de lui administrer des électrochocs ou bien de lui rendre la ceinture avec laquelle elle a tenté de mettre fin à ses jours... Cette lucidité devant l’immuabilité du mal qui l’habite a de quoi faire frémir le lecteur, et les mots le rapprochent peut-être des secondes insupportables évoquées par Kate:</div>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">‘I want shock,’ she said finally. ‘Isn’t part of this whole concerned kindness deal that you’re supposed to ask me how I think you can be of help? Cause I’ve been through this before. You haven’t asked what I want. Isn’t it? Well how about either give me ECT again, or give me my belt back. <em>Because I can’t stand feeling like this another second, and the seconds keep coming on and on.’</em> (p.74; je souligne.)</span></div>
<div>
Ce passage permet de saisir comment s’imbriquent deux des thèmes majeurs d’<em>Infinite Jest</em>, soit la solitude et l’empathie. Évidemment, le problème de l’empathie est indissociable de celui de la solitude et laisse entendre qu’il y aurait <em>quelque chose</em> qui résiste, entre les sujets, les empêchant de partager leur expérience du monde. Ce qui est triste à propos de notre temps, dit DFW, c’est cette solitude, ce <em>quelque chose</em> qui fait écran, empêchant l’humain de vivre une relation <em>immédiate</em> avec ses proches. Quelques pages avant de réclamer des électrochocs, Kate Gombert insiste justement sur la radicalité de sa solitude, les médicaments représentant <em>tout ce qu’elle avait dans le monde</em>:</div>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">The doctor said could she tell him a little bit about why she’s here with them right now? Can she remember back to what happen?<br />
She took an even deeper breath. She was attempting to communicate boredom or irritation. ‘I took a hundred-ten Parnate, about thirty Lithonate capsules, some old Zoloft. I took everything I had in the world. (p.70)</span></div>
<div>
Si j’insiste sur l’impossibilité qu’ont plusieurs personnages d’<em>Infinite Jest</em> à vivre une relation immédiate à la réalité, c’est qu’il me semble que la tristesse de l’existence, dans ce roman, est à mettre en lien avec les différentes formes de médiations qui participent de l’expérience du monde contemporain. Par cela, le roman de DFW peut être lu comme l’exemplification de la thèse soutenue par Guy Debord dans <em>La société du spectacle</em>, qui veut que «[t]oute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de <em>spectacles</em>. Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation<a name="note15" href="#note15a">[15]</a>.» De fait, un élément majeur du roman est l’intrigue qui gravite autour d’un film, <em>Infinite Jest</em>, qui a été réalisé par James Incandenza quelques mois avant qu’il ne se suicide. Ce film, qui représente dans le roman le divertissement par excellence, a la propriété du tuer son spectateur en lui procurant une dose létale de plaisir. Celui-ci n’arrive plus à détourner son attention du film, source de plaisir intarissable, et meurt simplement d’inanition. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les <em>Assassins des Fauteuils Rollents</em> tentent de mettre la main sur ce film, qu’ils aimeraient bien distribuer dans les foyers des citoyens de l’ONAN.
<p>Cette idée d’un divertissement qui provoque un plaisir mortel gagne à être mise en parallèle avec la solitude du sujet contemporain. DFW semble vouloir proposer, par de nombreuses scènes, que la relation de l’individu à ce qu’il considère être la liberté soit totalement erronée, puisque ce que l’individu contemporain choisit, c’est toujours le plaisir, sous diverses formes. Les expériences des drogués, des alcooliques et des citoyens friands de télévision, en ce sens, peuvent être pensées conjointement en tant que sources de plaisir opérant une médiation entre le sujet et le monde, ajoutant une enveloppe (faussement) protectrice entre sa personne et ce qui s’offre à lui. Ce qui est important de souligner, c’est que ces différentes sources de plaisir sont traitées dans le texte comme autant de formes d’aliénation. Ainsi, la scène où Marathe, membre des <em>Assassins des Fauteuils Rollents</em>, discute du libre arbitre avec Steeply, un représentant des services secrets américains, montre bien que la notion de choix pose problème dans la mesure où les citoyens n’ont pas les moyens de choisir de façon éclairée, si bien que la possibilité de mourir de plaisir, pour plusieurs, constitue sans doute un sort enviable:</p></div>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Marathe shrugged. ‘Us, we will force nothing on U.S.A. persons in their warm homes. We will make only available. Entertainment. There will be then some choosing, to partake or choose not to.’ Smoothing slightly at his lap’s blanket. ‘How will U.S.A.s choose? Who has taught them to choose with care? How will your Offices and Agencies protect them, your people?’ (p.318)</span></div>
<div>
Plus loin, Marathe propose que la nation américaine est de toute façon déjà morte, les citoyens étant désormais incapables d’effectuer le moindre choix éclairé:</div>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Someone or some people among your own history sometime killed your U.S.A. nation already, Hugh. Someone who had authority, or should have had authority and did not exercise authority. I do not know. <em>But someone sometime let you forget how to choose, and what. Someone let your peoples forget it was the only thing of importance, choosing</em>. (p.319; je souligne.)</span><br />
</div>
<div>Ici, il faut se rappeler les propos de DFW au sujet des arts du divertissement, qui ne proposent rien d’autre que du plaisir, niant par le fait même tout ce qui est triste dans l’existence, la solitude en premier lieu. Le jeune Hal, habitué au fonctionnement rigoureux de l’Institut de tennis d’Enfield, explique par exemple aux plus jeunes que la solitude est la condition à laquelle ils sont tous condamnés: «We’re all on each other’s food chain. All of us. It’s an individual sport. Welcome to the meaning of individual. We’re each deeply alone here. It’s what we all have in common, this aloneness.» (p.112) Ce diagnostic, qui concerne d’abord les jeunes athlètes de l’académie Enfield, mérite qu’on l’applique à l’ensemble des personnages du roman et peut-être également aux lecteurs. Dans l’entrevue accordée à Valerie Stivers, DFW exprime de façon explicite ce lien qu’il établit entre la tristesse, les médias de divertissement et l’usage de drogues: </div>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">I wonder why I'm lonely and doing a lot of drugs? Could there be any connection between the fact that I've got nothing to do with other people, that I don't really have a fucking clue what it is to have a real life and the fact that most of my existence is mediated by entertainment that I passively choose to receive<a name="note16" href="#note16a">[16]</a>?</span><br />
</div>
<div>Il devient intéressant, à la lumière de cette déclaration, de penser l’articulation des thèmes de la solitude et de la dépendance aux drogues et aux médias de divertissement, incarnés de façon tout à fait emblématique par le film <em>Infinite Jest</em>. En effet, il est difficile de ne pas y voir un commentaire sur notre propre rapport aux médias, sur le semblant de relation au monde que leur fonctionnement induit. Le sujet contemporain apprécie l’art divertissant, dit DFW, parce que les médias supportent des œuvres faites uniquement de plaisir et lui permettent, en lui procurant une expérience esthétique heureuse, d’oublier tout ce que sa vie a de triste. Cette fuite dans la fiction, devons-nous comprendre, n’est pas tellement éloignée de la mort effective des spectateurs du film <em>Infinite Jest</em>.
<p>C’est dans cette représentation du divertissement, au cœur d’une œuvre qui s’efforce de confronter le lecteur à la tristesse de la vie contemporaine, qu’il faut voir l’effort de l’auteur à susciter l’empathie de celui-ci. Si la télévision, comme le propose DFW, conforte l’illusion que nous ne sommes pas seuls, <em>Infinite Jest</em> cherche au contraire à lever le voile sur cette solitude. Il y aurait, dans l’expérience de lecture que propose DFW, quelque chose qui relève du sevrage, et donc de la douleur. Ce sevrage, on l’aura compris, concerne l’illusion médiatique du bonheur socialement partagé. Celui-ci a une valeur positive, car il implique une forme de renouement avec la réalité immédiate, le refus de l’illusion de ce monde «100% plaisir» de l’écran qui, précisément, <em>fait écran</em> devant le tragique de l’existence. Tragique qui, pour DFW comme pour Pier-Paolo Pasolini, réside dans l’amenuisement des rapports humains, et même, peut-être, dans leur simple disparition: «Je tiens simplement à ce que tu regardes autour de toi et prennes conscience de la tragédie. Et quelle est-elle, la tragédie? La tragédie, c’est qu’il n’existe plus d’êtres humains; on ne voit plus que de singuliers engins qui se lancent les uns contre les autres<a name="note17" href="#note17a">[17]</a>.» </p></div>
<hr />
<div>
<meta name="Titre" content="" /><br />
<a name="note1a" href="#note1">[1]</a> L’entrevue, qui a eu lieu le 11 avril 1996, est disponible en ligne: <a href="http://www.kcrw.com/media-player/mediaPlayer2.html?type=audio&id=bw960411david_foster_wallace" title="http://www.kcrw.com/media-player/mediaPlayer2.html?type=audio&id=bw960411david_foster_wallace">http://www.kcrw.com/media-player/mediaPlayer2.html?type=audio&id=bw96041...</a> (site consulté le 21 novembre 2010).
<p><a name="note2a" href="#note2">[2]</a> Pour en connaître davantage sur cette réflexion que propose David Foster Wallace à propos de la télévision et des divertissements, on consultera à profit l’entretien de l’auteur avec Larry McCaffery, «A conversation with David Foster Wallace», En ligne: <a href="http://www.dalkeyarchive.com/book/?GCOI=15647100621780" title="http://www.dalkeyarchive.com/book/?GCOI=15647100621780">http://www.dalkeyarchive.com/book/?GCOI=15647100621780</a> (site consulté le 21 novembre 2010).</p>
<p><a name="note3a" href="#note3">[3]</a> Dans une entrevue accordée à la revue <em>Stim</em>, l’auteur affirme sans détour avoir voulu écrire à propos de ce qu’il y a de triste dans l’Amérique contemporaine: «I wanted to do something sad. I think it's a very sad time in America and it has something to do with entertainment. It's not TV's fault, It's not [Hollywood's] fault and it's not the Net's fault. It's our fault. We're choosing this.» cf. Valerie Stivers, «Interview with David Foster Wallace», Stim, Mai 1996, En ligne: <a href="http://www.stim.com/Stim-x/0596May/Verbal/dfwtalk.html" title="http://www.stim.com/Stim-x/0596May/Verbal/dfwtalk.html">http://www.stim.com/Stim-x/0596May/Verbal/dfwtalk.html</a> (site consulté le 25 novembre 2010).</p>
<p><a name="note4a" href="#note4">[4]</a> Ce futur étant celui du temps de l’écriture, soit 1996, la lecture d’<em>Infinite Jest</em> s’avère d’autant plus intéressante en 2010 qu’elle met en scène une certaine idée de ce qu’aurait pu être notre époque. Quelques rares indices, dans le texte, permettent de reconstituer la chronologie et de situer l’action du roman à la fin de la première décennie du 21e siècle. Stephen Burn, dans son livre sur <em>Infinite Jest</em>, reconstitue savamment la chronologie du roman en affirmant, preuves à l’appui, que l’action s’y termine en 2010, nommée non sans ironie <em>The Year of the Glad</em>. cf. Stephen Burn, <em>Infinite Jest, A Reader’s Guide</em>, New York/London, Continuum Contemporaries, 2003, 96 p. </p>
<p><a name="note5a" href="#note5">[5]</a> Pour le plaisir, voici les noms des autres années mentionnées dans le texte: (1) Year of the Whopper, (2) Year of the Tucks Medicated Pad, (3) Year of the Trial-Size Dove Bar, (4) Year of the Perdue Wonderchicken, (5) Year of the Whisper-Quiet Maytag Dishmaster, (6) Year of the Yushityu 2007 Mimetic-Resolution-Cartridge-View TP Systems For Home, Office, Or Mobile, (7) Year of Dairy Products from the American Heartland, (8) Year of the Depend Adult Undergarment, (9) Year of Glad. </p>
<p><a name="note6a" href="#note6">[6]</a> Remarquons au passage que cet acronyme permet à l’auteur de faire un jeu de mots savoureux, en désignant les citoyens de l’ONAN comme étant des onanistes. Ce détail est important puisqu’il témoigne de la condition des personnages du roman, le plus souvent préoccupés bien davantage par leur propre plaisir que par celui des autres.</p>
<p><a name="note7a" href="#note7">[7]</a> David Foster Wallace, <em>This is Water, Some Thoughts, Delivered on a Significant Occasion, about Living a Compassionate Life</em>, New York/Boston/London, Little, Brown and Company, 2009, p.120. Une version de ce texte sensiblement différente est disponible en ligne: <a href="http://www.guardian.co.uk/books/2008/sep/20/fiction" title="http://www.guardian.co.uk/books/2008/sep/20/fiction">http://www.guardian.co.uk/books/2008/sep/20/fiction</a> (site consulté le 21 novembre 2010).</p>
<p><a name="note8a" href="#note8">[8]</a> Christopher Lasch, <em>The Culture of Narcissism: American Life in An Age of Diminishing Expectations</em>, New York/London, W.W. Norton & Company, 1991 [1979], p.VXI.</p>
<p><a name="note9a" href="#note9">[9]</a> Larry McCaffery, «A Conversation with David Foster Wallace», En ligne: <a href="http://www.dalkeyarchive.com/book/?fa=customcontent&GCOI=15647100621780&extrasfile=A09F8296-B0D0-B086-B6A350F4F59FD1F7.html" title="http://www.dalkeyarchive.com/book/?fa=customcontent&GCOI=15647100621780&extrasfile=A09F8296-B0D0-B086-B6A350F4F59FD1F7.html">http://www.dalkeyarchive.com/book/?fa=customcontent&GCOI=15647100621780&...</a> (site consulté le 21 novembre 2010).</p>
<p><a name="note10a" href="#note10">[10]</a> D’ailleurs, son roman <em>The Corrections</em>, récipiendaire du <em>National Book Award </em>en 2001, partage avec <em>Infinite Jest</em> ce projet d’une littérature empathique s’évertuant à comprendre les malaises des sujets contemporains. Une lecture comparative de ces deux romans permettrait sans doute de saisir à quel point les projets romanesques de Franzen et de Foster Wallace ont beaucoup en commun. </p>
<p><a name="note11a" href="#note11">[11]</a> Larry McCaffery, <em>Op. cit.</em> </p>
<p><a name="note12a" href="#note12">[12]</a> Peter Sloterdijk, <em>Bulles. Sphères 1</em>, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Paris, Hachette Littératures (coll. Pluriel Philosophie), 2002 [1998], p. 59. </p>
<p><a name="note13a" href="#note13">[13]</a> Cette allusion invite à penser <em>Infinite Jest</em> en termes tragiques, d’abord parce qu’Hamlet est une tragédie, mais surtout parce que le passage évoqué traite de la mort, de la relation à l’autre et de l’empathie, thèmes centraux du roman de DFW. Il s’agit d’une référence à la scène du fossoyeur (Acte V, scène I), alors qu’Hamlet découvre le crâne de Yorick, l’ancien fou du roi, et exprime l’horreur qu’il ressent devant la mort de cet être qui lui était cher: «Let me see. [<em>He takes the skull</em>]. Alas, poor Yorick! I knew him, Horatio—a fellow of infinite jest, of most excellent fancy. He hath borne me on his back a thousand times, and now how abhorred in my imagination it is! My gorge rises at it.» cf. Shakespeare, <em>Hamlet</em>, Paris, GF-Flammarion (coll. Bilingue), 1995, p.370. </p>
<p><a name="note14a" href="#note14">[14]</a> Arthur Schopenhauer, <em>Le monde comme volonté et comme représentation</em>, traduit de l’allemand par A. Burdeau, édition revue et corrigée par Richard Roos, Paris, Quadrige/PUF, 2008, p. 404.</p>
<p><a name="note15a" href="#note15">[15]</a> Guy Debord, <em>La société de spectacle</em>, Paris, Gallimard (coll. Folio), 1992 [1967], p.15.</p>
<p><a name="note16a" href="#note16">[16]</a> Valerie Stivers, <em>Op. cit.</em>.</p>
<p><a name="note17a" href="#note17">[17]</a> Pier-Paolo Pasolini, <em>Contre la télévision et autres textes sur la politique et la société</em>, Besançon, Les Solitaires intempestifs, p.93, cité dans Georges Didi-Huberman, <em>Survivances des lucioles</em>, Paris, Les Éditions de Minuit (coll. Paradoxe), 2009, p.25. <br />
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http://salondouble.contemporain.info/lecture/quand-l-auteur-joue-avec-la-metafiction
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<a href="/equipe/landry-pierre-luc">Landry, Pierre-Luc </a> </div>
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<a href="/biblio/le-jardin-des-delices-terrestres">Le Jardin des délices terrestres</a> </div>
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</div>
<!--break--><!--break--><p><em><br />
Le Jardin des délices terrestres</em><a name="note1" href="#note1b"><strong>[1]</strong></a> est le deuxième roman d’Indrajit Hazra, musicien, journaliste et écrivain indien né à Calcutta en 1971. Ce roman, qui au final pourrait être qualifié de ludique, emprunte à la bande dessinée belge comme à la littérature jeunesse bengali et induit, avec sa structure problématique et sa narration indécidable, certains effets de rupture qui dévoilent et problématisent sa construction. Je tenterai ici de rendre compte de certains enjeux soulevés par ce roman qui se joue parfois des théories littéraires et qui, par le fait même, se laisse difficilement appréhender en termes simples.</p>
<p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>D’abord, un résumé</strong></span></p>
<p>Le roman est composé de deux récits livrés en alternance. Le premier met en scène Hiren Bose, opérateur d’un taxiphone situé au rez-de-chaussée du 14, Banamali Nashkar Lane, à Calcutta. Il habite à l’étage chez Uma, sa fiancée, depuis quatre ans. Une nuit, quatre eunuques travestis en femmes, des hijras, vandalisent la cabine téléphonique du taxiphone et attaquent Hiren. Ce dernier n’ose pas annoncer la mauvaise nouvelle à Uma sachant qu’elle sera furieuse contre lui: il n’a pas assuré son commerce comme elle le lui avait conseillé il y a longtemps déjà. Soucieux de «mettre fin à ce chapitre de [sa] vie» (p.30), il verse du «fioul» (p.30) un peu partout au rez-de-chaussée, ainsi qu’au premier étage où dort Uma, et met le feu à l’édifice. Il se sauve des lieux du crime et ne revient que plusieurs heures après, une fois le brasier éteint; Uma est morte. Hiren est recueilli par Shishir, un ami qui habite la pension du 72, tout juste en face du taxiphone, sur Banamali Nashkar Lane, où Hiren avait déjà habité avant de déménager chez Uma. Avec quelques retours en arrière, on apprend à connaître les personnages qui habitent la pension, surtout Ghanada, sorte de gourou qui occupe la chambre sur le toit et qui raconte toujours des histoires invraisemblables qui l’impliquent personnellement mais auxquelles personne n’adhère vraiment. On apprend aussi qu’Hiren est pyromane et qu’il aurait brûlé d’autres édifices avant de mettre le feu à son commerce. La vie au foyer est plutôt répétitive et les soirées se terminent toujours sur la terrasse avec Ghanada qui raconte ses histoires, couché dans sa chaise longue. Hiren a l’impression que Ghanada sait à propos de l’incendie du 14, et, un soir où l’atmosphère est particulièrement tendue, il se fait assommer par les résidents du foyer. Il se réveille dans le coffre d’une voiture. Shishir, Ghanada, Gaur et Shibu portent tous les quatre leur costume d’hijras: ce sont eux, les eunuques qui l’ont attaqué dans son taxiphone. Ghanada explique qu’ils se déguisent ainsi pour supprimer tout désir sexuel et se protéger du danger que représentent les femmes. Parce qu’Hiren menace l’équilibre du foyer où ils s’isolent des femmes pour rester entre eux, ils doivent agir et le neutraliser. Ils l’assomment de nouveau et l’enferment dans un placard du Writer’s Building, le siège du gouvernement du Bengale occidental, auquel ils mettent le feu. Hiren réussit à s’échapper de cet incendie monumental et est arrêté par un inspecteur qui l’accuse d’avoir allumé plusieurs incendies criminels perpétrés dans les dernières années. On l’emporte dans un fourgon de l’armée.</p>
<p>Le second récit concerne Manik Basu, «auteur de livres à succès comme <em>Les Principes du plaisir</em>, <em>Bricolage</em>, <em>L’Illusionniste et autres récits</em>» (p.33) qui «avait fait la plus grosse erreur de sa vie en signant un contrat stipulant qu’il remettrait un roman par an à la prestigieuse maison d’édition Kutir» (p.33), mais qui empire sa situation en fuyant l’Inde et en se réfugiant «dans un hôtel relativement bon marché de la lointaine Prague» (p.33) sans avoir remis un seul roman à son éditeur, cinq ans après avoir signé le contrat. Il est enlevé à Prague par des hommes de main de son éditeur, qui le séquestrent dans la chambre de son hôtel. Il a dix jours pour écrire un roman; le «dixième jour, si le livre est pas fini, on sera obligés de vous descendre» (p.41), le menace-t-on. Basu s’attelle donc à la tâche. Toutefois, au bout de quelques jours, un de ses geôliers vient le chercher pour le conduire jusqu’à un grand manoir où l’attend Ajit Chaudhuri, «propriétaire et responsable des publications de Kutir» (p.105). Chaudhuri s’excuse parce que «les autochtones n’avaient pas parfaitement compris» ses consignes (p.105). Il prie Basu de se considérer désormais comme son invité et «souhaite rendre [son] séjour aussi agréable que possible» (p.105). Basu explore le manoir d’abord, avant de se lancer dans l’écriture: «[il] se dit que le mieux était sans doute de se gratter la cervelle jusqu’à produire quelque chose» (p.139). Les semaines s’écoulent et l’écrivain travaille plutôt bien; un jour, il annonce que son manuscrit est terminé. Il refuse toutefois de le remettre à Chaudhuri, mais celui-ci, à l’aide de ses hommes de main, réussit à le lui soutirer. Entre temps a commencé à se tisser une étrange relation entre Basu et Irma Van der Lubbe, la gouvernante du gite où il réside; ils s’espionnent mutuellement dans le noir et semblent tous les deux attirés l’un vers l’autre. Basu décide de rester un peu à Prague avant de retourner en Inde. Il se rend à l’opéra avec Irma, au Théâtre national. Lors de l’entracte, elle le pousse par la fenêtre du troisième étage; il s’effondre sur le sol et meurt.<br />
<strong><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><br />
Quelques courts-circuits</span></strong></p>
<p>Les deux récits se partagent parfaitement le livre: le premier, celui d’Hiren Bose, se développe dans les chapitres impairs; le deuxième, celui de Manik Basu, occupe les chapitres pairs. Le treizième chapitre, intitulé «Dernières nouvelles» (p.233-239), rompt ce découpage et constitue un verbatim d’un segment télévisuel de type <em>breaking news</em> concernant l’incendie du Writer’s Building et la mort de Basu. Le roman s’achève avec un épilogue reproduisant «<em>un extrait de l’article “Mensonges, sacrés mensonges et Ghanada”, signé de Manik Basu, écrit à Prague et publié dans le numéro spécial du magazine Alpana de février 2004, consacré à Premendra Mitra pour le centenaire de sa naissance</em>» (p.241). Dans cet article, Basu parle de sa rencontre (littéraire) avec Ghanada, un personnage créé par Premendra Mitra, et de l’admiration qu’il éprouve pour la structure enchâssée de leurs narrations à tous les deux. Il termine en affirmant avoir utilisé le personnage de Ghanada dans son plus récent roman, <em>Le Jardin des délices terrestres</em>. Ce qui est particulier avec cette structure, c’est que certaines pistes disséminées tout au long du roman laissent croire que Manik Basu écrit l’histoire d’Hiren Bose; les deux récits existeraient donc dans une relation d’enchâssement: le récit cadre serait celui de Manik et le récit enchâssé, celui d’Hiren. Le chapitre treize vient toutefois court-circuiter cette relation jusque-là plutôt calme et immobile, puisqu’il suppose que les deux personnages existeraient dans un même univers de fiction, tandis que, tout au long du roman, les frontières entre leurs deux mondes étaient hermétiques, exception faite de deux petits accrocs. Le premier: </p>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Un autre [client] m’avait réclamé l’indicatif d’un pays européen dont je n’avais jamais entendu parler (et que j’ai maintenant oublié). Je dus en conséquence vérifier l’annuaire qui donnait la liste de tous les indicatifs. Il le recopia sur un bout de papier mais, ensuite, il passa un coup de fil local.<br />
Ce client avait un visage qui me disait vaguement quelque chose. Mais, bien sûr, tous les hommes vous rappellent quelque chose si vous cherchez bien. (p.11)
<p></p></span></div>
<div>Ce client qui dit vaguement quelque chose à Hiren s’informe-t-il de l’indicatif de la République tchèque? Il s’agit là d’un tout petit court-circuit qui n’en est pas un, en fait, à moins de lire le roman en mode paranoïaque —ce que ce type de littérature nous invite à faire, par ailleurs. Le deuxième est plus significatif; tandis qu’Irma Van der Lubbe regarde Manik Basu dormir, elle a subitement l’impression d’être le personnage d’un roman:<br />
</div>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Il y avait quelque chose dans cette forme allongée qui mettait Irma mal à l’aise. Plantée là à la lueur de la lune qui projetait des ombres incertaines, avec le visage tout proche de celui de cet écrivain endormi venu d’un pays si lointain, elle eut soudain l’impression d’être incluse dans une œuvre de fiction, à un de ces moments sans rebondissements avant que l’on ne tourne la page. Bientôt tout serait fini, elle n’aurait plus à être le témoin de ces scènes où un homme était le prisonnier d’autres hommes. On lui demanderait sûrement de jouer un rôle dans le dénouement, ce qui arrivait souvent, pas très souvent, mais suffisamment pour la mettre mal à l’aise. (p.184-185)</span><br />
</div>
<p>En effet, elle jouera un rôle important dans le dénouement: elle défenestrera Basu du troisième étage du Théâtre national. Ici, c’est une troisième frontière qui est traversée: si Irma, qui se trouve dans le récit cadre (celui de Manik), est en réalité un <em>personnage</em>, s’il ne s’agit pas seulement d’une impression, c’est qu’il y aurait un troisième récit, véritable cadre cette fois, qui enchâsserait les deux autres.</p>
<p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Combien y a-t-il de récits, alors?</strong></span></p>
<p>Si on considère qu’il y a un <em>mastermind</em>, un génial conspirateur derrière tout cela, un narrateur implicite (ou un auteur implicite) qui vient arranger les événements —et qui relègue par le fait même les deux récits au rang de récits intradiégétiques—, la question de son identité se pose désormais. Qui est-il? Pourquoi se contente-t-il de retranscrire le bulletin de nouvelles et d’ajouter un extrait de l’article de Basu concernant Ghanada, plutôt que de mettre en place un véritable récit cadre qui viendrait ceinturer cette fiction qui, sans de telles frontières, n’est rien de moins que problématique? En effet, sans ce narrateur implicite caché derrière ses propres fictions, on pourrait dire que la narration, pourtant bien réelle puisqu’on vient de la lire, devient tout d’un coup impossible du point de vue de la vraisemblance pragmatique<a name="note2" href="#note2b"><strong>[2]</strong></a>, comme annulée ou niée par l’inexistence du narrateur; les événements racontés par la lectrice de nouvelles du chapitre treize pointent dans cette direction: la mort de Manik Basu ne peut pas être annoncée dans l’univers de fiction d’Hiren Bose. Ce court-circuit rend la posture de narration impossible: un narrateur qui vient de mourir ne peut pas raconter ce qui se passe après sa mort, surtout qu’il n’avait pas préparé le terrain pour s’arroger d’un tel droit. Néanmoins, l’épilogue vient souligner le fait que l’auteur Manik Basu a écrit l’histoire dans laquelle le personnage de Ghanada apparaît, c’est-à-dire celle d’Hiren Bose. Aussi, Manik Basu fait référence à Ghanada, qu’il présente comme «l’un de ses personnages dans le roman qu’il [vient] de terminer» (p.224-225). Il y a trois notes de bas de page dans l’épilogue qui attestent des faits littéraires avancés par Manik Basu. Ces sources appuient l’idée que le récit d’Hiren est fictif et que c’est Manik Basu qui l’a écrit. Première hypothèse: Manik Basu (récit cadre) écrit l’histoire d’Hiren Bose (récit enchâssé). Deuxième hypothèse: il y aurait un auteur implicite (récit cadre) qui arrangerait les récits de Manik Basu (récit enchâssé dans celui de l’auteur implicite et récit cadre de l’histoire d’Hiren) et d’Hiren (récit enchâssé à la puissance deux). Si on exclut le dernier chapitre et l’article de Basu reproduit en épilogue, il n’y a pas vraiment de récit cadre, mais bien plutôt une illusion de cadre. L’indécidabilité de cette troisième narration semble suspendre le dénouement des deux récits; le lecteur n’aura pas l’heure juste sur cette question et ne pourra pas trancher ou choisir l’une ou l’autre des deux hypothèses interprétatives que je viens de présenter. Voilà pourquoi j’ai parlé plus tôt d’une narration indécidable.</p>
<p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Hommage métafictionnel</strong></span></p>
<p>Il y a plus d’une mise en abyme dans le roman. D’abord, on retrouve la traditionnelle mise en scène de l’écrivain qui écrit un roman qui porte le même titre que celui que le lecteur réel tient entre ses mains<a name="note3" href="#note3b"><strong>[3]</strong></a> —cadres qui court-circuitent à la fin alors que l’écrivain et son personnage sont traités sans discrimination de niveau narratif dans le même bulletin de nouvelles. Aussi, il y a une mise en abyme de la structure du roman avec les propos de Basu sur Premendra Mitra dans l’épilogue: «Ce qui me surprenait —et me surprend encore à ce jour en tant que lecteur et en tant qu’écrivain—, c’est la trajectoire suivie par l’auteur Premendra Mitra, à un certain niveau, et celle suivie par l’un des plus célèbres narrateurs du monde, Ghanada, pour raconter leurs histoires (enchâssées dans une histoire)» (p.243). Ce processus est utilisé par Indrajit Hazra dans l’écriture du roman <em>Le Jardin des délices terrestres</em>, et aussi par Manik Basu, d’une certaine façon, dans son roman <em>Le Jardin des délices terrestres </em>(bis), qui met en scène le «narrateur» Ghanada aux côtés du narrateur Hiren.</p>
<p>L’intertextualité occupe aussi une place importante dans le roman d’Hazra. D’abord, Premendra Mitra (1904-1988) est un auteur réel et une figure éminente de la littérature bengali. Il a publié des poèmes, des romans et des nouvelles et est surtout connu pour ses textes de science-fiction comme <em>The Twelfth Manu</em> <a name="note4" href="#note4b"><strong>[4]</strong></a>. Mitra a remporté de nombreux prix littéraires dont certains très prestigieux. Il a créé en 1945 le personnage de Ghanada, qui est rapidement devenu très célèbre en Inde: plusieurs romans mettent en vedette le personnage et les autres résidents du 72, Banamali Nashkar Lane et certains ont été adaptés pour la radio et sous forme de bandes dessinées, dont l’une est toujours publié par le périodique pour enfants Anandamela. Le personnage de Ghanada que l’on rencontre dans le roman d’Hazra est à quelques détails près le même que celui créé par Premendra Mitra; il habite le même lieu, avec les mêmes hommes (Shibu, Shishir, Gaur et les autres) et raconte le même genre d’histoires invraisemblables, proches de la science-fiction mais truffées de véritables données scientifiques et historiques. Par exemple: il révèle comment il aurait pu empêcher «que se produise le trou de la couche d’ozone» (p.92), comment il a sauvé de la mort un homme emprisonné dans un monastère espagnol par le père Raúl qui croyait être une réincarnation de l’Inquisiteur Tomás de Torquemada, comment aussi la cigarette lui a un jour sauvé la vie lors d’un feu de brousse en Australie, etc. Ce dialogue entre le roman d’Hazra et ceux de Premendra Mitra est l’emprunt transfictionnel le plus considérable dans Le Jardin des délices terrestres. Néanmoins, un personnage important du récit de Manik Basu est emprunté à un tout autre univers de fiction. En effet, vers la fin du roman, Irma Van der Lubbe affirme avoir déjà rencontré Bianca Castafiore, qui était de passage à Prague pour chanter dans <em>La Damnation de Faust</em> de Berlioz. Pour un lecteur qui ne connaît qu’en partie <em>Les Aventures de Tintin et Milou</em> d’Hergé, l’allusion à la soprano italienne (fictive) peut paraître étrange. Hazra révèle, dans un article paru dans le journal <em>Hindustan Times</em>, avoir «emprunté» le personnage d’Irma à Hergé, ce qui explique l’allusion au «rossignol milanais»: </p>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">A few years ago, I wrote a book in which I used (borrowed or stole, being the more appropriate word) one of Hergé’s minor characters from his Tintin books, Irma, Bianca Castifiore’s quiet maid, for my own nefarious purpose. While the original Irma was nothing but Bianca’s appendage —her ‘high point’ being when she assaults Thompson and Thomson with a walking stick in <em>The Castafiore Emerald</em><a name="note5" href="#note5b"><strong>[5]</strong></a> when the two detectives accuse her of stealing the soprano’s emerald— ‘my’ Irma was a full-blown woman with a mysterious past and an unsettling presence. I must say, I felt rather smug about plucking Irma out of a children’s comic book and placing her in a work of, ahem, literature.<a name="note6" href="#note6b"><strong>[6]</strong></a>
<p></p></span></div>
<p>Ces deux emprunts, le premier majeur et le second plus ponctuel, participent, il me semble, à la création d’une fiction en forme d’hommage rendu à la bande dessinée et à la littérature jeunesse —à tout le moins à deux figures emblématiques de ces champs particuliers. Couplée aux mises en abyme présentées plus tôt, la présence de ces personnages qui passent d’une œuvre de fiction à une autre me semble inscrire Indrajit Hazra à la suite d’autres écrivains associés à la métafiction, comme Italo Calvino, Paul Auster, Julio Cortázar, et bien d’autres encore — c’est sans oublier Enrique Vila-Matas, fier héritier de Cervantès et de Borges, dont l’un des romans a été commenté ici par Simon Brousseau<a name="note7" href="#note7"><strong>[7]</strong></a>.</p>
<p><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Quand l’auteur se joue des théories littéraires: de la littérature «postmoderne»</strong></span></p>
<div>J’ajoute enfin: même si <em>Le Jardin des délices terrestres</em> ne me semble pas être une fiction critique à proprement parler, il n’en reste pas moins qu’on retrouve dans le roman quelques références à certaines théories littéraires qui méritent d’être relevées. D’abord, Hiren fait référence de façon directe, lorsqu’il traite des récits de Ghanada, au concept de suspension volontaire de l’incrédulité (<em>willing suspension of disbelief</em> <a name="note8" href="#note8b"><strong>[8]</strong></a>) développée par Samuel Taylor Coleridge dans <em>Biographia Literaria</em>:<br />
</div>
<div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Au début, quand le récit est encore crédible, Shibu se contente de grommeler, avec soit un sourire narquois, soit un rire moqueur, soit encore une remarque destinée à renvoyer le conteur dans ses cordes. Mais Ghanada poursuit, piquant une cigarette ou même un paquet entier, et continue à nous raconter une autre histoire tirée de son passé tout aussi difficile à gober à moins de suspendre volontairement son incrédulité, comme disait Coleridge. (p.67)
<p></p></span></div>
<div>Cette référence dénote à tout le moins une connaissance de cette théorie en particulier par l’auteur, sinon un jeu, une raillerie de cette même théorie. L’auteur, dans un but ludique, met la théorie à contribution pour livrer un roman métafictionnel, sinon postmoderne; tout le roman semble précisément travailler à faire en sorte que le lecteur ne puisse pas s’abandonner à cette suspension volontaire de l’incrédulité, ou encore qu’il s’y abandonne totalement et choisisse de tout accepter de ce que l’auteur fait subir au récit et à ses personnages. Manik Basu utilise d’ailleurs le terme «postmoderne» pour qualifier de façon retorse les romans de Premendra Mitra, en épilogue: «Ghanada constitue ma première et ma plus stimulante rencontre avec ce que de nombreux critiques s’obstinent à appeler non sans une certaine pesanteur “la littérature postmoderne”» (p.244). Ici encore, le terme est moqué, utilisé de façon consciente par l’auteur implicite, dans un but détourné. Et si la métafiction —et tous ses avatars— n’est pas exclusivement contemporaine (je pense notamment à James Joyce et au <em>Hamlet</em> de Shakespeare), il n’en reste pas moins que les motifs relevés dans <em>Le Jardin des délices terrestres</em> font, il me semble, de ce roman d’Indrajit Hazra une fiction «postmoderne», si tant est que l’on puisse s’entendre sur la signification d’un tel concept. Sans prendre part au débat, sans même tenter d’offrir une définition de la postmodernité littéraire —l’exercice dépasserait d’ailleurs largement les objectifs de cette lecture—, je me permet de proposer en conclusion que le roman d’Indrajit Hazra ne fait que jouer, sans rien critiquer ou remettre en question: le récit et sa structure problématique, les références au monde du livre et à la littérature, les emprunts transfictionnels à la bande dessinée et à la littérature de jeunesse ainsi que les mises en abyme sont autant de façons de rendre hommage à un type de production littéraire qui a court depuis plusieurs siècles déjà et qui ne semble pas près de s’essouffler, malgré les redites. Une production littéraire maintenue en vie à coups de clins d’œil, notamment.<br />
</div>
<hr />
<a name="note1b" href="#note1">1</a> Paru pour la première fois en français aux éditions Le Cherche Midi en 2006. Édition originale: <em>The Garden of Early Delights</em>, New Delhi, RST IndiaInk Publishing Company Private Limited, 2003.<br />
<a name="note2b" href="#note2">2</a> «La vraisemblance pragmatique, à laquelle Cavillac a consacré un article fort éclairant (1995), renvoie […] à la performance narrative, c’est-à-dire à la crédibilité du narrateur et de la situation énonciative», écrit Andrée Mercier dans un état de la question sur la vraisemblance. Voir: Andrée Mercier, «La vraisemblance: état de la question historique et théorique», dans <em>temps zéro. Revue d’étude des écritures contemporaines</em>, no 2 [en ligne]. <a href="http://tempszero.contemporain.info/document393" title="http://tempszero.contemporain.info/document393">http://tempszero.contemporain.info/document393</a> [Page consultée le 18 août 2010]. Voir aussi: Cécile Cavillac, «Vraisemblance pragmatique et autorité fictionnelle», dans <em>Poétique</em>, no 101, février 1995, p.23-46.<br />
<a name="note3b" href="#note3">3 </a>Je pense par exemple au roman <em>Les Faux-monnayeurs</em> d’André Gide, ou encore à <em>Je suis un écrivain japonais</em> de Dany Laferrière, dont Geneviève Dufour a rendu compte ici. Voir: Geneviève Dufour, «Le Japon de poche», dans Salon double [en ligne]. <a href="http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-japon-de-poche" title="http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-japon-de-poche">http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-japon-de-poche</a> [Texte en ligne depuis le 5 décembre 2008]. <br />
<a name="note4b" href="#note4">4</a> Traduit en anglais en 1972 par Enakshi Chatterjee, ce court roman d’anticipation mythologique est notamment recueilli dans l’anthologie <em>Contemporary Bengali Litterature: Fiction</em>, parue en 1972 chez Academic Publishers et dirigée par Sukumar Ghose.<br />
<a name="note5b" href="#note5">5</a> Hergé, <em>Les Bijoux de la Castafiore</em>, Bruxelles, Casterman, 1963.<br />
<a name="note6b" href="#note6">6</a> Indrajit Hazra, «Tintin, how Art thou?», dans <em>Hindustan Times</em>, [en ligne]. <a href="http://www.hindustantimes.com/News-Feed/nm14/Tintin-how-Art-thou/Article1-130366.aspx" title="http://www.hindustantimes.com/News-Feed/nm14/Tintin-how-Art-thou/Article1-130366.aspx">http://www.hindustantimes.com/News-Feed/nm14/Tintin-how-Art-thou/Article...</a> [Texte en ligne depuis le 30 juillet 2006 et consulté le 16 juillet 2010].<br />
<a name="note7" href="#note7">7 </a>Voir: Simon Brousseau, «De l’exploration à l’obsession», dans <em>Salon double</em> [en ligne]. <a href="http://salondouble.contemporain.info/lecture/de-l-exploration-a-l-obsession" title="http://salondouble.contemporain.info/lecture/de-l-exploration-a-l-obsession">http://salondouble.contemporain.info/lecture/de-l-exploration-a-l-obsession</a> [Texte en ligne depuis le 5 mars 2009].<br />
<a name="note8b" href="#note8">8</a> Samuel Taylor Coleridge, <em>Biographia Literaria</em>, volume II, édité par James Engell et Jackson Bate, Princeton, Princeton University Press (Bolligen Series LXXV / The Collected Works of Samuel Taylor Coleridge. 7), 1983 [1817], p.6.
http://salondouble.contemporain.info/lecture/quand-l-auteur-joue-avec-la-metafiction#commentsAutorité narrativeBORGES, Jorge LuisCAVILLAC, CécileCERVANTÈSCOLERIDGE, Samuel TaylorCORTAZAR, JulioCulture populaireGIDE, AndréHAZRA, IndrajitHergéIndeIntertextualité JOYCE, JamesMERCIER, AndréeMétafictionMITRA, Premendra PostmodernitéSHAKESPEARE VILAS-MATAS, EnriqueVraisemblanceRomanThu, 19 Aug 2010 14:48:38 +0000Pierre-Luc Landry252 at http://salondouble.contemporain.info