Salon double - Ironie http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/584/0 fr Les mélancomiques http://salondouble.contemporain.info/antichambre/les-m-lancomiques <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/joubert-lucie">Joubert, Lucie</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-text field-field-soustitre"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> ou pourquoi les femmes en littérature ne font pas souvent rire </div> </div> </div> <div class="field field-type-filefield field-field-podcast"> <div class="field-label">Podcast:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <embed height="15" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/luciejoubertmars2012 - copie.mp3" autostart="false"></embed> </div> </div> </div> <div class="field field-type-filefield field-field-image"> <div class="field-label">Image:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <div class="filefield-file"><img class="filefield-icon field-icon-image-jpeg" alt="icône image/jpeg" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/all/modules/contrib/filefield/icons/image-x-generic.png" /><a href="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/lucie_joubert_web_3.jpg" type="image/jpeg; length=136302">lucie_joubert_web.jpg</a></div> </div> </div> </div> <p style="text-align: justify; ">On a beaucoup glosé sur la quasi-absence des femmes humoristes sur les scènes québécoises et françaises. Si la situation évolue depuis quelques années, la question reste toujours d’actualité quand on se tourne vers le texte littéraire. Où sont les auteures comiques? La difficulté à nommer ne serait-ce que quelques noms ou titres de roman comme exemples atteste une apparente et trompeuse rareté du rire féminin. Certes, les auteures qui font œuvre d’humour et d’esprit existent mais elles demeurent (elles et leurs textes) méconnues. Une des raisons qui expliquent ce malentendu se trouve du côté de la <em>nature</em> de l’humour qu’elles mettent de l’avant. En effet, l’esprit féminin puise partiellement, mais souvent, sa source dans une mélancolie née d’une expérience des déterminismes de la condition des femmes: la difficulté à se définir en tant que sujet social, la constatation d’une impuissance à changer le cours des choses, la conscience d’exprimer un point de vue qui ne touchera que la partie congrue d’un public tourné vers les «vraies affaires»</p> <p style="text-align: justify; ">Dans une telle optique, les femmes, en fines observatrices des travers de la société, font preuve d’un humour qui suscite un rire de connivence quelquefois un peu triste, loin des grands éclats en tout cas, mais qui revendique, dans sa lucidité même, la possibilité de changer la défaite en victoire par l’esprit, fût-il marqué par la mélancolie. Cette conférence se veut donc une invitation à relire ou découvrir des auteures comme, entre autres, Benoîte Groult, Christiane Rochefort, Amélie Nothomb, Monique Proulx, Hélène Monette, Marie-Renée Lavoie et Suzanne Myre.</p> <div id="myEventWatcherDiv" style="display:none;">&nbsp;</div> <div id="myEventWatcherDiv" style="display:none;">&nbsp;</div> http://salondouble.contemporain.info/antichambre/les-m-lancomiques#comments Absurde Adultère Aliénation ALLARD, Caroline Altérité Arts de la scène Arts de la scène Autodénigrement Autodérision BADOURI, Rachid BALZANO, Flora BARBERY, Muriel Belgique BEN YOUSSEF, Nabila BESSARD-BLANQUY, Olivier BISMUTH, Nadine BLAIS, Marie-Claire BOOTH, Wayne BOSCO, Monique BOUCHER, Denise Canada CARON, Julie CARON, Sophie Chick litt. / Littérature aigre-douce Condition féminine Conditionnements sociaux Culture populaire CYR, Maryvonne Désillusion Déterminismes Deuil DEVOS, Raymond Dialectisme hommes/femmes DION, Lise DIOUF, Boucar Discrimination Divertissement Études culturelles FARGE, Arlette Féminisme Féminité Femme-objet FEY, Tina France FRÉCHETTE, Carole Freud GAUTHIER, Cathy Genres sexuels GERMAIN, Raphaëlle GIRARD, Marie-Claude GROULT, Benoîte GROULT, Flora Histoire Humour Humour Humour littéraire Identité Improvisation Improvisation Industrie de l'humour Institution Ironie JACOB, Suzanne LAMARRE, Chantal LAMBOTTE, Marie-Claude LARUE, Monique LAVOIE, Marie-Renée LEBLANC, Louise Les Folles Alliées Les Moquettes Coquettes Littérature migrante Marchandisation Maternité Mélancolie MÉNARD, Isabelle MERCIER, Claudine MEUNIER, Claude et Louis SAÏA MONETTE, Hélène MPAMBARA, Michel MYRE, Suzanne NOTHOMB, Amélie OUELLETTE, Émilie Parodie Pastiche PEDNEAULT, Hélène Platon Pouvoir et domination PROULX, Monique Psychanalyse Psychologie Québec Représentation du corps Rire ROBIN, Régine ROCHEFORT, Christiane ROY, Gabrielle Satire Scatologie SCHIESARI, Juliana Séduction SMITH, Caroline Société de consommation Société du spectacle Sociologie Stand up comique Stand up comique STEINER, George Stéréotypes STORA-SANDOR, Judith Télévision Théâtre Théorie du discours Théories de la lecture TOURIGNY, Sylvie Tristesse VAILLANT, Alain VIGNEAULT, Guillaume Viol Violence Roman Théâtre Fri, 09 Mar 2012 14:12:02 +0000 Lucie Joubert 471 at http://salondouble.contemporain.info Le mauvais rêve de la pensée http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-mauvais-r-ve-de-la-pens-e <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/cote-fournier-laurence">Côté-Fournier, Laurence </a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/les-occidentales">Les Occidentales</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p style="text-align: right;">« Ainsi ridiculisons les paroles par la catastrophe, – l’abus simple des paroles. »<br />Francis Ponge<br />&nbsp;</p> <p>Il n’est guère besoin d’une attention soutenue pour constater la fortune actuelle des termes de «bonheur» et d’«épanouissement personnel» dans le discours ambiant, récupérés à toutes les sauces tant par les médias que par les grandes puissances commerciales. Tandis que Coca-Cola lance sur les routes du Québec sa «brigade du bonheur», les journaux et la télévision auraient abdiqué une part de leur rôle critique pour sombrer dans la «madamisation», perspective sur le monde orientée principalement par le confort et l’art de vivre, ainsi que l’a dénoncé Stéphane Baillargeon dans un article virulent paru dans<em> Le Devoir</em> en mars dernier <span style="color: rgb(255, 0, 0);"><strong><a name="renvoi1"></a><a href="#note1">[1]</a></strong></span>. À l’opposé des déclarations axées sur la félicité et le bien-être, Maggie Roussel a, dans le long poème ininterrompu qui forme <em>Les Occidentales</em>, constitué un florilège de «pensées négatives» – titre initialement prévu pour le recueil –, formé de fragments hétéroclites et d’aphorismes prosaïques. «Nous manquons de démotivation» (65), écrit Mathieu Arsenault en postface du recueil, et pour pallier cette carence, <em>Les Occidentales</em> viennent rappeler au lecteur la nécessité de la négativité qu’exhalent les vers de Maggie Roussel.</p> <p>«Donner une chance à l’amour» (32), «grattez et courez la chance de gagner» (14),&nbsp; «la balle est dans mon camp» (35): ces expressions toutes faites qui sont égrenées au fil du recueil apparaissent comme partie intégrante d’une sorte de savoir commun, acquis et réconfortant. Mécaniques bien huilées et parfaitement intériorisées, elles constituent l’arrière-plan de nos paysages mentaux. Si ces phrases semblent anodines, la menace latente que leur optimisme recèle est accentuée par la construction du recueil. Rapidement, en faisant grimper de quelques degrés le caractère affirmatif de ces déclarations, se trouve exclue une noirceur qui ne peut qu’être de mauvais goût, voire contagieuse, puisqu’«[u]ne certaine morale a le négatif en horreur, comme s’il s’agissait d’une lèpre» (43). Or, malgré l’étouffement exercé par le «corset des pensées positives» (41), la négativité affleure et le retour du refoulé ne peut manquer de survenir, hantant le sujet comme le signe de son échec à pleinement s’épanouir ainsi qu’on lui enjoint de le faire. Le texte prend alors la forme d’une autocritique impitoyable, et le quotidien se transforme en ratage permanent et ridicule: «L’imbécillité des messages que je laisse en boîte vocale» (19); «Mal donner la main». (14) Tandis que la haine de soi et le désir d’abandonner augmentent, même les paroles d’une chanson populaire, «Nous n’irons plus au bois» (11), prennent un air défaitiste. L’inévitable culpabilité personnelle qui en découle devient celle de l’Occidental devant le luxe et le confort de son mode de vie. L’incapacité à rencontrer les standards d’accomplissement de soi dans un cadre aussi propice au succès et au bonheur n’en serait en effet que plus navrant: «Mon stress permanent est la rançon de la richesse occidentale (il est dérisoire)» (31). Faute d’une lutte nécessaire à mener pour assurer sa subsistance au quotidien, l’Occidental retourne le combat contre lui-même et contre sa propre volonté vacillante.</p> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);"><strong>Des bonheurs d’expression</strong></span><br />Dans les dernières décennies, et en particulier sur la scène littéraire française, le domaine poétique a pu parfois donner le sentiment aux observateurs de se réduire à un volet «lyrique» ou «intimiste» opposé à un versant plus «formaliste» au fil des débats et polémiques entre défenseurs des deux camps, Jean-Michel Maulpoix (<em>Du lyrisme</em>) pouvant être perçu comme le champion du premier camp;&nbsp; Jean-Marie Gleize (<em>À noir</em>) et Christian Prigent (<em>Ceux qui merDrent</em>), comme ceux du second <a name="renvoi2"></a><a href="#renvoi2"><span style="color: rgb(255, 0, 0);"><strong>[2]</strong></span></a>. S’il me semble vain de reprendre cette division quelque peu factice, Gleize et Prigent ont cependant, dans leur tentative de rendre compte de la volonté qui animait les héritiers de l’avant-garde et autres «grands irréguliers», travaillé à définir une certaine «modernité négative» à laquelle il est possible de rattacher le recueil de Maggie Roussel. Cette modernité négative se définit notamment par l’autocritique incessante qui l’anime et par sa distanciation vis-à-vis des puissances supposées du langage, puissances qui se feraient trop facilement le relais du discours dominant. Pour les poètes qui lui sont associés, un soupçon pèse désormais sur toute image trop frappante, trop tonitruante:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">[…] comment dire la présence de ces «oiseaux invisibles», sans raconter, sans décrire, sans alourdir les mots de tout le poids d’une psychologie vaseuse, de toute la glue des «bonheurs d’expression» et autres «trouvailles verbales», et autres beautés «poétiques»? </span><a name="renvoi3"></a><a href="#renvoi3"><span style="color: rgb(0, 0, 0);"><strong>[3]</strong></span></a></p> </blockquote> <p>Bien que plusieurs poètes contemporains français puissent être rattachés à cette mouvance (Phillipe Beck, Olivier Cadiot), il me paraît plus malaisé de lui trouver des héritiers au Québec, rendant d’autant plus singulière la démarche de Maggie Roussel. Dans <em>Les Occidentales</em>, la tentation de se laisser emporter dans le flot de ces «bonheurs d’expression» aptes à anoblir le poème est écartée aussitôt qu’elle surgit: «Boulevard des chagrins: c’est encore trop joli» (11). Les réflexions sur l’écriture et les difficultés esthétiques et critiques que pose la construction poétique reviennent de façon incessante, sans qu’aucune certitude ne tienne. Ici, au cœur d’une éthique du pessimisme qui ne peut accueillir sans méfiance toute tentation de plaire par la beauté et par des effets de style grandiloquents, «l’écriture se construit à partir de loques» (53). Le travail du poète, qui cherche à penser son écriture en tâchant d’éviter de se laisser prendre au miroir aux alouettes des belles images, ne diffère ici pas grandement de celui des divers locuteurs anonymes qui défilent les uns après les autres dans le recueil et qui doivent aussi se ménager un espace propre à la réflexion malgré l’écran de pensées positives qui les coupe du réel. Pour tous, l’écartèlement entre l’adhésion à un discours dominant parfaitement intériorisé et la volonté d’y échapper est inévitable.</p> <p>Les vers de Maggie Roussel, à rebours d’une acception généralisée de la poésie qui en fait le mode d’expression privilégié du «je» et de la subjectivité de l’auteur, ne semblent naître d’aucune voix particulière. Plutôt, ils enregistrent les paroles ambiantes et les bribes de discours dans une polyphonie schizophrénique. Ces fragments vont du plus affirmatif («Trop de compromis entraîne une diminution du charisme» [15]) au plus inquiet («Le doute, mais jusqu’où? Dites-le, dites le degré acceptable de doute» [30]). Une déclaration étant tôt contredite par une autre, aucun vers, pris en lui-même, n’apparaît porteur d’une vérité et d’un sens purs. Plutôt, pour reprendre des propos tenus par Prigent sur la portée critique de la modernité négative, la signification du recueil «s’invent[e] en négatif, dans le revers d’un ressassement du bruitage immonde que fait le monde dit réel (le monde planétairement représenté par l’idiolecte médiatique).» <a name="renvoi4"></a><a href="#renvoi4"><span style="color: rgb(255, 0, 0);"><strong>[4] </strong></span></a>Les voix prescriptives n’émanent de nul endroit précis, elles ne sont pas davantage celles d’un sujet en particulier que celles émanant d’une véritable autorité, comme si chacun avait parfaitement assimilé les balises qui délimitent le périmètre acceptable de sa pensée. À ce titre, la dégradation qui se dessine au fil du «texte catastrophé» (9) des <em>Occidentales</em> menace toute parole singulière, écrasée sous le poids des discours: «Dans la tête: des spots publicitaires, des clichés en tous genres et des lieux communs; la pensée se débat comme dans un mauvais rêve» (11). Analysés dans un cadre sociologique, les lieux communs possèdent une fonction positive: ils forgent les liens entre l’individu et la communauté à laquelle celui-ci appartient en dessinant un espace de communication possible entre les deux partis. Toutefois, plus fréquemment, les lieux communs sont perçus négativement, comme des clichés réitérés bêtement par une voix qui ne fait que reprendre des pensées prémâchées, une voix prisonnière d’une doxa oppressante. C’est certainement cette acception qui prévaut ici. Or, les vers de Maggie Roussel, en teintant d’angoisse ou d’humour ces phrases figées, jouent de la dissonance en laissant transparaître une singularité là où il semblait impossible qu’elle puisse éclore.</p> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);"><strong>Des puces en liberté</strong></span><br />Cette forme de résistance laisse des traces ailleurs dans le recueil. Un bestiaire se constitue peu à peu à la lecture de celui-ci, zoo rassemblant les moins glorieuses des créatures: ânes, moufettes ou cancrelats. Ce parti pris pour ces animaux mal-aimés est aussi celui d’un parti pris affiché pour l’échec et la petitesse, manière d’«organiser son pessimisme» qui répudie l’éclat des projecteurs pour tracer sa voie à la lumière ténue des lucioles<span style="color: rgb(255, 0, 0);"><strong> <a name="renvoi5"></a><a href="#renvoi5">[5]</a></strong></span>. En effet, si une forme existe pour la subversion du discours positif, elle ne peut se définir que dans la faiblesse et la précarité: «parasites de gros animaux, sommes des puces en liberté» (53), ou encore «Ânes, ânons, ânesses. Sommes nombreux. Et doux» (63). Pour emprunter à Gilles Deleuze sa terminologie, opter pour le «devenir cancrelat» – allusion explicite à Kafka (25) –, ou pour le «devenir âne» –&nbsp; référence à l’âne martyr d’<em>Au hasard Balthazar</em> (22) –, serait la seule façon de ne pas tomber dans une négativité elle-même si claironnante, si affirmative, qu’elle en vienne à offrir un contentement dangereux à celui qui s’en réclame. Les fraternités et communautés d’êtres médiocres qui sont évoquées par ces comparaisons et par ces parallèles ne peuvent véritablement prétendre à la grandeur tragique des sujets nobles. La dissidence fière et la révolte jubilatoire sont donc écartées, en faveur d’une énonciation que l’auteure tient éloignée du spectaculaire.</p> <p>C’est plutôt le détournement léger qui est pratiqué par Maggie Roussel, forme de pas de côté qui transforme les proverbes et les vérités connues pour leur faire perdre un peu de leur force et exposer les limites de leur savoir. Ainsi est-il déclaré que «la nuit, et le jour souvent, tous les chats sont gris» (27), manière plus ludique que violente de se défaire du poids des pensées toutes faites. Or, même le plus léger des désirs de subversion demande un effort continuel à celui qui le porte. Dans le mouvement d’alternance entre pensées positives et négatives qui forme le poème – et les pensées négatives dépassent largement les premières en nombre –, la conscience subjective maintient vivant le questionnement en le relançant constamment, en ne figeant jamais la dialectique autour d’un pôle. Les mêmes pensées sont ressassées d’une manière obsessive, des phrases quasi identiques revenant à maintes reprises au fil du recueil. Le mouvement n’est jamais arrêté jusqu’au «générique de la fin sans fin» (63). Alors que les pensées positives ne cessent pas de résonner dans la conscience du sujet, les pensées négatives affluent tout de même «comme par marées» (29). Cette marée noire, pour aussi destructrice qu’elle paraisse, est néanmoins ce qui sauve l’esprit clos de la stagnation auquel il serait livré sous le soleil immanquablement radieux de l’optimisme, et ce qui vient ainsi réitérer la paradoxale valeur de la négativité.</p> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);"><strong>Bibliographie</strong></span></p> <p>Maggie Roussel,<em> Les Occidentales</em>, Montréal, Le Quartanier, 2010, 74 p.</p> <p><br />Mathieu Arsenault,<em> Le lyrisme à l’époque de son retour</em>, Montréal, Nota Bene, collection "Nouveaux essais Spirale", 2007, 171 p.</p> <p>Stéphane Baillargeon, «La madamisation», dans <em>Le Devoir</em>, 21 mars 2011, en ligne : <a href="http://www.ledevoir.com/societe/medias/319211/medias-la-madamisation">http://www.ledevoir.com/societe/medias/319211/medias-la-madamisation</a>. (Consulté le 12 août 2011).</p> <p>Georges Didi-Huberman, <em>Survivance des lucioles</em>, Paris, Éditions de Minuit, collection "Paradoxe", 141 p.</p> <p>Jean-Marie Gleize, <em>À noir. Poésie et littéralité</em>, Paris, Seuil, collection "Fiction &amp; cie", 1992, 229 p.</p> <p>Christian Prigent, <em>Salut les anciens, salut les modernes</em>, Paris, P.O.L., 2000, 224 p.</p> <p><span style="color: rgb(255, 0, 0);"><strong><a name="note1"></a><a href="#renvoi1">[1]</a></strong></span> Stéphane Baillargeon, «La madamisation», dans <em>Le Devoir</em>, 21 mars 2011, en ligne : <a href="http://www.ledevoir.com/societe/medias/319211/medias-la-madamisation">http://www.ledevoir.com/societe/medias/319211/medias-la-madamisation</a>. (Consulté le 12 août 2011).</p> <p><span style="color: rgb(255, 0, 0);"><strong><a name="note2"></a><a href="#renvoi2">[2]</a></strong></span> Les enjeux de ce débat entre deux conceptions opposées de la poésie contemporaine, débat que j’ai très sommairement évoqué ici, sont développés dans un ouvrage de Jean-Marie Gleize, <em>À noir. Poésie et littéralité</em>, Paris, Seuil (Fiction &amp; cie), 1992, 229 p. Dans une même optique, Mathieu Arsenault a aussi exploré ces questions, notamment en lien avec les problématiques liées à la tradition littéraire, dans son essai <em>Le lyrisme à l’époque de son retour</em>, Montréal, Nota Bene (Nouveaux essais Spirale), 2007, 171 p.</p> <p><span style="color: rgb(255, 0, 0);"><strong><a name="note3"></a><a href="#renvoi3">[3]</a></strong></span> Jean-Marie Gleize, <em>À noir. Poésie et littéralité</em>, op. cit., p. 127</p> <p><span style="color: rgb(255, 0, 0);"><strong><a name="note4"></a><a href="#renvoi4">[4]</a> </strong></span>Christian Prigent, <em>Salut les anciens, salut les modernes</em>, Paris, P.O.L., 2000, p. 18.</p> <p><span style="color: rgb(255, 0, 0);"><strong><a name="note5"></a><a href="#renvoi5">[5]</a></strong></span> Georges Didi-Huberman développe ces métaphores dans <em>Survivance des lucioles</em>, Paris, Éditions de Minuit (Paradoxe), 2009, en poursuivant la réflexion de Walter Benjamin sur le pessimisme.</p> <p>&nbsp;<br />&nbsp;<br />&nbsp;<br />&nbsp;<br />&nbsp;<br />&nbsp;</p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-mauvais-r-ve-de-la-pens-e#comments ARSENAULT, Mathieu BAILLARGEON, Stéphane DIDI-HUBERMAN, Georges France GLEIZE, Jean-Marie Ironie Lieux communs Mise à distance négativité PRIGENT, Christian Québec ROLIN, Olivier Poésie Thu, 15 Sep 2011 19:47:24 +0000 Laurence Côté-Fournier 370 at http://salondouble.contemporain.info Entretien avec Mathieu Arsenault http://salondouble.contemporain.info/antichambre/entretien-avec-mathieu-arsenault <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/salon-double">Salon double</a> </div> <div class="field-item even"> <a href="/equipe/arsenault-mathieu">Arsenault, Mathieu</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-text field-field-soustitre"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> L’Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <div class="rtecenter"><img alt="" src="http://salondouble.contemporain.info/sites/salondouble.contemporain.info/files/imagecache/Antichambre/boitier-face.jpg" /></div> <p>Il remet des trophées à des œuvres actuelles qu’il juge marquantes, des prix prestigieux qui font bien des jaloux tel le fameux <em>Bouillon de poulet pour fuck all</em> qui a été décerné cette année à Simon Paquet pour son roman <em>Une vie inutile</em>. Visiblement animé par le désir de participer à l’élaboration d’une communauté littéraire active et vivante qui ne se résumerait pas à la circulation de livres, Mathieu Arsenault est un acteur important des soirées de poésie et de divers événements littéraires qui ont lieu à Montréal. Ses livres sont porteurs d’une liberté langagière et intellectuelle que peu d’auteurs se permettent aujourd’hui, malmenant aussi bien la syntaxe que les idées reçues. Son premier livre de fiction, <em>Album de finissants</em> (2004), propose une série de fragments polyphoniques posant un regard sagace sur l’école, qui apparaît être bien davantage une «fabrique de gens compétents pour la vie professionnelle» qu’un lieu de formation de citoyens lucides et libres-penseurs. Son livre <em>Vu d’ici</em> (2008) poursuit l’exploration des différents flux idéologiques qui parcourent l’esprit de nos contemporains, s’attardant cette fois à la culture populaire, notamment au pouvoir hypnotique de la télévision et des désirs serviles que celle-ci véhicule, induisant l’inertie crasse des sujets dépolitisés. Mathieu Arsenault a aussi publié un essai, <em>Le lyrisme à l’époque de son retour</em> (2007), où il analyse la dialectique de l’innovation et de la tradition qui traverse la production contemporaine en prenant pour exemple la question de la résurgence du lyrisme. Ce livre, qu’il qualifie lui-même d’autothéorie, ou encore d’autobiographie théorique, parvient à joindre avec finesse des questions théoriques à l’expérience concrète que nous avons de la littérature aujourd’hui. Et c’est ultimement la question de la possibilité d’une communauté littéraire qui surgit de sa réflexion&nbsp;: «Quand je me pose la question de la possibilité de dire ‘je’ aujourd’hui, c’est une communauté que je cherche, la possibilité de créer des communautés dans un système historiquement répressif.» Mathieu Arsenault collabore également de façon régulière à la revue <em>Spirale</em>, en plus d’être l’un des membres fondateurs du magazine <em>OVNI</em>. Depuis 2008, il propose ses réflexions sur la culture populaire actuelle dans son blogue <a href="http://doctorak-go.blogspot.com/"><em>Doctorak, GO!</em></a>. Il passe aujourd’hui au Salon pour nous entretenir de l’Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle, un projet qu’il a mis en branle en 2009.<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Salon double —</strong></span> À Salon double, nous cherchons des façons de mettre en valeur et de commenter la littérature contemporaine. Nous sommes intéressés par ta série de «15 publications intéressantes 2010 selon l'Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle», publiée sur ton blogue&nbsp;<a href="http://doctorak-go.blogspot.com/"><em>Doctorak, GO!</em></a>, parce que tu y valorises aussi, à ta façon, des œuvres québécoises qui ont été plus ou moins ignorées en 2010. Alors que les critiques des médias&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;collectionnent tous les mêmes cartes d’écrivains au style de jeu plus ou moins convenu, tu sembles avoir un penchant pour les jeunes recrues qui tentent d’imposer de nouvelles manières de concevoir la joute littéraire. La liste d’œuvres que tu proposes, plutôt éclectique, montre bien qu’il existe une relève. On y retrouve des romans, de la poésie, de la bande dessinée, des textes inclassables, des textes publiés en fanzines... Selon quels critères avez-vous constitué cette liste? Désiriez-vous mettre en lumière des mouvements ou des tendances particulières dans la littérature québécoise contemporaine?<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Mathieu Arsenault —</strong></span> Le projet de l’Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle est de prendre le contrepied de l’image médiatique de la littérature québécoise actuelle, qui construit un programme finalement assez réducteur dans ses propositions esthétiques: du roman, du roman, du roman, avec «du souffle», de la «maîtrise» et, assez souvent, une retenue, un art de la concision. Mais ce programme est assurément moins dommageable que le public qu’il associe à la littérature. Car ce public est en déclin, il vieillit sans se renouveler et s’accroche à une idée du littéraire qui lui appartient, mais qui ne se renouvelle pas nécessairement. Quand on parle de relève dans les médias, c’est d’ordinaire à ceci qu’on fait référence: l’espoir que survive ce rapport à la littérature et les pratiques qui lui sont associées. Mais cette idée de la relève n’incarne qu’une forme parmi d’autres de rapport à la tradition littéraire. Pour cette raison, ce à quoi nous travaillons, ce n’est pas à identifier des tendances émergentes en littérature québécoise. Notre projet serait plutôt d’inventer un public, de trouver à quoi ressemble le désir de notre époque pour la chose littéraire. Le public que nous cherchons ne ressemble pas à celui plein de révérence des années 80, ni à celui presque inexistant des années 90. Les littéraires d’aujourd’hui sont plus éclectiques dans leurs goûts. Ils sont peut-être détachés d’une manière salutaire de l’industrie du livre, du système des rentrées littéraires et de la promotion médiatique. Même si ce ne sont pas toujours des livres, ils lisent globalement plus, sans discrimination.<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Salon double —</strong></span> Votre projet vient en effet combler un vide dans l’espace littéraire québécois. Il répond à un désir de renouveau de l’espace littéraire qui semble partagé par plusieurs. Pourrais-tu nous parler de la façon dont il a vu le jour? Comment fonctionne l’attribution des prix de l’Académie? As-tu établi des critères précis pour la sélection des œuvres récompensées?<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Mathieu Arsenault —</strong></span> J’ai fondé l’Académie à l’hiver 2009 lors d’<a href="http://doctorak-go.blogspot.com/2009/01/les-prix-de-lacademie-de-la-vie.html">une note</a> au ton humoristique sur <a href="http://doctorak-go.blogspot.com"><em>Doctorak, GO!</em></a> Lucide et amusé, je voulais illustrer ma conviction que mon travail n’était pas trop fait pour remporter des prix en faisant croire en blague que même si je fondais une académie, les honneurs finiraient par m’échapper. J’avais établi une liste de livres de récipiendaires faite de livres que j’avais lus dans l’année et que j’avais trouvés curieux ou intéressants. Cette note a été très populaire, pas parce qu’elle était drôle ou particulièrement bien tournée, mais parce qu’on y mentionnait des livres qui n’apparaissaient nulle part ailleurs sur le Web, sinon sur le site de leurs éditeurs. Et, qui plus est, certains auteurs ont été très flattés que je leur remette un prix, même si c’était sans prétention. L’année suivante, j’ai voulu pousser l’exercice plus loin en organisant un gala. Catherine Cormier-Larose, organisatrice de lectures hors pair, est alors entrée au «comité», et nous avons décidé ensemble des prix à remettre. Grâce à elle, le gala a pris la forme d’une soirée de lecture originale un peu trash et faussement officielle, dans l’esprit de la liste des prix. L’Académie a pris avec elle une direction plus convaincante, elle lit beaucoup et possède un excellent jugement. Pour l’édition de cette année, Vickie Gendreau s’est jointe à son tour au comité, car elle confectionne les trophées. Ces trophées prennent le contrepied des statuettes de gala&nbsp;: ils sont uniques, chacun illustrant une image, une scène ou une phrase tirée du livre primé.<br /><br /> Ce que j’aime de ce projet, c’est que nous essayons de maintenir délibérément le flottement entre la parodie d’académie et l’institution sérieuse. Si nous essayons de garder le côté mordant des prix, nous effectuons maintenant la sélection avec plus de sérieux qu’au début, car d’une part, nous sentons un réel engouement de la communauté littéraire pour notre entreprise et d’autre part, on y voit également l’occasion de donner une représentation des différentes potentialités de forme et de contenus littéraires propres à notre époque.<br /><br /> Le choix des textes se fait&nbsp;en comité. On y discute non seulement de ce qu’on a lu mais aussi des livres dont on a entendu parler et que nous nous promettons de lire. Il arrive souvent que nous nous emportions à cause de véritables injustices, des livres extraordinaires qui n’auront de visibilité nulle part. Et ce n'est même pas une question d’injustice à l’égard de leur auteur, c'est une injustice à l’égard de notre époque. Beaucoup de prix travaillent à la perpétuation d’une image conventionnelle de la littérature, à entretenir une sorte de synthèse la plus réussie de formes du roman ou de la poésie qui datent au mieux d’une quinzaine d’années. De notre côté, on aime mieux les livres un peu chambranlants qui pointent vers les potentialités de notre époque. Tu sais, tu lis un texte et tu te dis&nbsp;que c'est étrange de ne pas retrouver plus souvent cette forme, ce langage, ce sujet tellement il appartient à l’expérience de notre époque?<br /><br /> Par ailleurs, le nom ridiculement long d’«Académie de la vie littéraire au tournant du vingt et unième siècle» est ironiquement sentencieux, mais il reflète aussi ce désir de répondre à la nécessité qu’il existe une communauté littéraire vivante, que les auteurs se rencontrent, prennent la mesure de la diversité et comprennent qu’ils ne sont pas seuls dans leur volonté de s’inscrire dans leur époque. Nous sommes fatigués de ces auteurs qui s’imaginent avoir inventé la roue faute d’avoir convenablement lu leurs contemporains.<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Salon double —</strong></span> Il est intéressant que tu retournes la question des tendances émergentes en insistant sur «le désir de notre époque pour la chose littéraire.»&nbsp; Les œuvres qui ont été sélectionnées par l’Académie de la vie littéraire au tournant du 21e siècle témoignent certes d’une belle diversité, mais on y trouve tout de même des textes qui se revendiquent en tant que roman. Pensons par exemple à <em>Une vie inutile</em> de Simon Paquet, ou encore à <em>Épique</em> de William S. Messier. Depuis la mise en ligne de Salon double, nous avons accueilli des lectures critiques portant essentiellement sur le roman, alors que l’essai, la nouvelle et la poésie sont largement sous représentés. Cela porte à croire que nos contemporains, du moins ceux qui gravitent autour du monde académique, s’intéressent toujours au roman et y voient une pratique importante qui mérite l’attention. Pourrais-tu expliquer davantage ta pensée sur l’écriture romanesque? Pourquoi les romans de Simon Paquet et de William S. Messier sont-ils de bons textes à tes yeux?<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Mathieu Arsenault —</strong></span> Nous n'avons a priori rien contre le roman. Le 20e siècle a donné des romans fascinants de Proust à Don DeLillo, des expériences d'écriture qui ont véritablement pris la mesure de ce dont était capable la forme romanesque. Mais cette volonté de travailler cette forme est peu suscitée aujourd'hui. Les médias, les librairies et le grand public n’ont qu’un intérêt très marginal pour ce travail, ce qui pousse les romanciers à chercher la maîtrise et la retenue dans le style comme dans la structure. Cela dit, des textes comme ceux de Simon Paquet et William S. Messier trouvent un usage, une justification au roman. Le roman de Paquet essaie de donner une structure à un florilège de mots d'esprit absurdes et désespérés, et celui de Messier prend le prétexte du roman pour inscrire la tradition du conte traditionnel dans le réalisme d'un quotidien contemporain. Les romanciers qui nous intéressent se posent des questions, assez indépendamment finalement des critères de maîtrise et de l'actualité de leur sujet. Il importe peu qu'un roman soit mal ficelé, qu'il finisse en queue de poisson, qu'il soit trop long ou surchargé s'il recèle un dispositif esthétique cohérent.<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Salon double —</strong></span> Pour désigner cette communauté qui se constitue autour de la&nbsp;littérature, tu parles d'un public plutôt que de lecteurs. Le choix&nbsp;paraît mûrement réfléchi. Il suggère le rassemblement et l'événementiel. Si la vie littéraire est partagée par ce public, leur&nbsp;relation à la littérature déborderait donc d'une relation strictement livresque. Les rassemblements littéraires que l'on connaît&nbsp;aujourd'hui sous le nom de Salon du livre sont en réalité des foires&nbsp;commerciales où l'objet-livre prend complètement le dessus sur la&nbsp;littérature. Pour l'Académie de la vie littéraire au tournant du 21e&nbsp;siècle, y a-t-il une littérature hors du livre, hors du marché du&nbsp;livre? Qui constituerait ce public à inventer?<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Mathieu Arsenault —</strong></span>&nbsp;&nbsp;«Une littérature hors du livre». La formule est intéressante, à une époque où, justement, le livre est en phase de dématérialisation. Et en effet, les textes littérairement intéressants ne sont pas toujours confinés au livre. La littérature à venir se prépare peut-être dans le fanzine, dans la lecture publique, dans la note de blogue. C'est-à-dire que les oeuvres à venir ne seront peut-être pas des fanzines et des blogues, mais elles seront imprégnées de toutes les expérimentations qu'ils auront permises.&nbsp;Cette année, nous avons surtout donné des prix à des livres publiés, mais j'aimerais bien qu’on puisse remettre bientôt des prix pour des personnages inventés sur Facebook ou Twitter.&nbsp; J’aimerais aussi amener au-devant de la scène toute cette culture d’essais plus lyriques au ton vraiment dynamique que la pratique du blogue est en train de développer.<br /><br /> Mais cela dit, la distinction entre public et lecteurs excède aussi la question du format de l'imprimé. Parler de lecteurs et de lectorat revient à parler encore depuis cette configuration de la littérature comme production culturelle. La configuration que nous cherchons est plus proche d'une communauté, et je pense que nous ne sommes pas les seuls à chercher cela. Tout le monde appelle, recherche des communautés littéraires. Elles passent par le livre, oui, mais elles passent aussi par leur circulation, par le discours, par la critique et le commentaire. C'était un peu le projet derrière les cartes critiques d'auteurs que nous avons imprimées: faire circuler des auteurs par le biais des cartes qu'on pourrait garder dans sa poche, avec une photo devant et une critique derrière.<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Salon double —</strong></span> Tu laisses entendre que l’avenir de la littérature passe peut-être par les différentes marges de la production imprimée et contrôlée par le monde de l’édition traditionnelle, que ce soit par les blogues ou par les fanzines. Nous accordons aussi beaucoup d’importance aux blogues à Salon double et nous avons ajouté cette année sur notre site une section qui recense les billets de nos collaborateurs. Il se dégage de ces pratiques une cohérence qui nous apparaît forte, par exemple par le travail plus ou moins important de l’oralité, ou encore par une volonté de mise à distance du supposé nombrilisme des blogueurs, à propos desquels on affirme souvent qu’ils sont l’incarnation du narcissisme de notre époque. Ces blogues possèdent un lectorat important, peut-être même plus important que celui des livres qui se trouvent sur les tablettes de nos librairies. Pour certains, le statut des blogues pose tout de même problème. Pour assurer la pérennité de ces écritures, il faudrait, dit-on, que le monde de l’édition intervienne d’une façon ou d’une autre. Les Éditions Leméac ont tenté d’imprimer certains blogues, mais ceux-ci ont rapidement décidé de mettre fin à cette collection. Alors que nous observons une littérature Web en pleine effervescence, le directeur de cette maison d’édition, Jean Barbe, y voit plutôt une perte de temps : «Les blogues ont leurs limites, disait-il en 2009, et c’est beaucoup d’énergie créatrice qui n’est pas consacrée à la littérature<strong><a href="#note1a">[1]</a><a name="note1aa"></a>.</strong>» Cette réaction montre bien le fossé qui sépare la culture de l’imprimé et la culture numérique, une forme de culture légitime et une culture qu’on pourrait qualifier de sauvage. Es-tu d’avis qu’un système d’édition et de légitimation est nécessaire sur le Web? N’y a-t-il pas là un danger de dénaturer ces écritures?<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Mathieu Arsenault —</strong></span> En effet, le réseau de l’imprimé n’a jusqu’ici considéré que très timidement la scène littéraire du blogue. Mais je ne sais pas s’il faut en imputer la faute aux résistances des éditeurs traditionnels, car le passage de l’entrée de blogue au livre est plus difficile qu’il n’y paraît. Cette entrée qui paraissait infiniment spirituelle, pertinente et vivifiante dans un flux RSS peut étonnamment paraître bête, rien de plus qu’amusante et relever de la redite une fois imprimée. Il faut aussi considérer comment la forme du blogue a évolué rapidement et en marge de plusieurs manières d’écrire qui n’ont pas immédiatement rapport avec le littéraire, comme le journal intime ou le commentaire d’actualité, en plus de développer sa propre forme qui ne pourrait plus aujourd'hui faire l’économie des hyperliens, des vidéos et des images qu’elle intègre. Par exemple, une des grandes libérations que la rédaction de blogue a pu faire subir à ma manière d’écrire vient directement de l’hyperlien. Si je veux faire un rapprochement entre la philosophie de Blanchot et le forum d’image de <a href="http://www.4chan.org/"><em>4chan</em></a>, je dois évoquer les concepts de mèmes, de trollage, mentionner certaines polémiques et certains événements qui d’ordinaire échappent, mais alors complètement, aux littéraires à qui je m’adresse. Si je devais ouvrir une parenthèse explicative pour chacun de ces éléments, le rythme de mon essai se trouverait ralenti et me pousserait subrepticement vers une forme de dissertation sans doute «cool» mais scolaire. L’hyperlien permet de redonner une sorte de fierté et d’ouverture à l’essai qui s’adresse au public indépendamment de l’étendue de ses connaissances. Comme si le texte lui disait&nbsp;: «je ne vulgariserai pas parce que je sais que tu prendras les moyens de suivre le propos si le sujet t’intéresse». L’hyperlien trouve d’autres usages ailleurs, cela peut être vrai aussi pour l’intégration des images et de la vidéo ou encore le système de commentaires.<br /><br /> C'est la raison pour laquelle les seuls blogues imprimables présentement sont ceux qui font le moins usage des spécificités techniques du blogue comme les essais en bloc de Catherine Mavrikakis ou les <a href="http://www.mereindigne.com/"><em>Chroniques d'une mère indigne</em></a> et d’<a href="http://taxidenuit.blogspot.com/"><em>Un taxi la nuit</em></a>. On ne mesure pas encore pour cette raison les substantielles innovations de style et de rythme qui apparaissent en marge du réseau littéraire reconnu qu’aucune forme imprimée ne saurait encore contenir aisément. Il faut encore savoir bricoler son chemin vers le roman, la poésie et l’essai pour les faire passer à l’écrit en plus de combattre les réticences des comités éditoriaux traditionnels à qui manquent les références pour saisir la pertinence de cette manière d’écrire pour notre époque.<br /><br /> Mais les expérimentations textuelles hors des formes conventionnelles ne se sont pas non plus arrêtées au blogue. Beaucoup de blogueurs ont depuis quelque temps déserté la scène pour Facebook ou Twitter où s’intensifie la proximité du texte avec l’immédiateté des communications. Les créations littéraires faites à partir de Facebook (la création de personnages qui interagissent avec le public par exemple) sont d’une nature si différentes qu’il est pour le moment difficile de savoir si un archivage et une recontextualisation de leur expérience esthétique sont possibles. Je veux dire&nbsp;par là que certaines expériences d’écriture sur Facebook ont indéniablement des caractéristiques littéraires, mais pas celle de la durée dans le temps. Si les blogues étaient déjà limite en ce qui concerne leur publication, ces nouvelles expérimentations s’éloignent encore plus de tout ce que représente le livre. Ma conception du littéraire est aussi mise à l’épreuve devant les poussées du numérique!<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Salon double —</strong></span> Avant de terminer cet entretien, nous aimerions parler un peu d’un prix spécial que vous avez remis cette année au recueil posthume de Geneviève Desrosiers : <a href="http://www.oiedecravan.com/cat/catalogue.php?v=t&amp;id=16&amp;lang=fr"><em>Nombreux seront nos ennemis</em></a>. Publié une première fois en 1999&nbsp;par l'Oie de Cravan, il a été réédité en 2006 par le même éditeur. La poésie de Desrosiers se démarque par sa force mélancolique et par son absence de compromis. Comment lis-tu le vers «Tu verras comme nous serons heureux» répété à plusieurs reprises dans le poème «Nous»? Dans le texte de présentation du prix, on note «l'humour ironique» très présent dans le recueil, mais pourrait-on aussi lire derrière cette ironie une trace d'espoir?<br /><br /> <span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Mathieu Arsenault </strong><strong>—</strong></span> Qu’est-ce que l’ironie? Dans notre compréhension ordinaire, l’ironie apparaît presque indissociable du sarcasme et du cynisme parce que nous considérons comme un signe d’agression la rupture qu’elle instaure dans la communication. Mais il m’apparaît que le sens de l’ironie est en train de changer présentement. Quand la distinction entre la communication publique et la communication privée s’amenuise, et quand le moralisme exacerbé du grand public fait en sorte de rendre suspects les énoncés qui s’éloignent des formules creuses et dominantes, l’ironie apparaît comme un espace intime aménagé dans l’aire ouverte des échanges quotidiens, un espace où l’intention et le sens n’apparaissent qu’à ceux qui connaissent intimement les modulations du ton et de la pensée de l’interlocuteur ironique. Comme posture langagière, l’ironie est d’une immense importance, et seule la poésie me semble à même de la mettre convenablement en scène comme expérience. La poésie de Geneviève Desrosiers me semble annoncer cette période où le poème ne requiert plus l’adhésion de son lecteur ni par un «nous» national ou humaniste, ni par une expérience subjective si singulière qu’elle se refuse à la communication. <a href="http://www.lequartanier.com/catalogue/occidentales.htm"><em>Les occidentales</em></a> de Maggie Roussel m’apparaît être un accomplissement de cette posture propre à notre époque.<br /><br /> Faire apparaître ce genre de filiation est une des choses qui me tient le plus à cœur dans le projet de l’Académie de la vie littéraire. Nous ne voudrions pas devenir une tribune de plus pour la diffusion des publications courantes. Car l’actualité littéraire est aussi constituée de ces œuvres qui reviennent d’on ne sait trop où et dont on découvre la pertinence à la lumière de ce qui s’écrit aujourd'hui, de l’évolution de la sensibilité et des manières de lire. Par exemple, l’année dernière, nous donnions le prix à <em>On n’est pas des trous de cul</em> de Marie Letellier, une ethnographie de la misère urbaine fascinante surtout pour les retranscriptions d’entrevues que le livre contient. Ce livre n’a jamais été réédité et nous lui avons donné un prix parce que j’en ai entendu parler de manière passionnée à plusieurs reprises dans des circonstances différentes. Ce n’est que tout récemment que m’est apparue une esquisse d’interprétation à cet engouement: le déclin de l’intérêt pour la lecture de fiction québécoise me semble en train d’ouvrir le champ au documentaire écrit, sous la forme de l’autobiographie, de l’essai lyrique ou, comme dans le cas du livre de Letellier, au document qui présente une réalité crue dans une langue brute. Ces œuvres à la redécouverte discrète mais intense trouvent difficilement leur espace. Souvent, elles n’ont pas le raffinement esthétique qui leur permettrait d’apparaître sur la scène de la recherche universitaire. Elles n’ont peut-être pas non plus un potentiel commercial qui justifierait leur réédition ou leur remise en circulation dans l’espace médiatique.<br /><br /> Ce qui est amusant avec un projet comme l’Académie, c'est de chercher à faire plus que la célébration et la diffusion de la production annuelle. Nous construisons un récit sur le thème de la sensibilité littéraire de notre époque.<br /> <a href="#note1aa"><br /> </a></p> <hr /> <p><a href="#note1aa"><br /> </a> <strong><a href="#note1aa">1</a>. </strong>Cité dans Annick Duchatel, «C’est écrit dans la blogosphère», <em>Entre les lignes : le plaisir de lire au Québec</em>, vol. 6, no 1 (2009), p. 20.<br />&nbsp;</p> http://salondouble.contemporain.info/antichambre/entretien-avec-mathieu-arsenault#comments Blogue littéraire Communauté littéraire Contre-culture Critique littéraire Cyberespace DESROSIERS, Geneviève Dialogue médiatique Engagement Événement Fiction Hypermédia Ironie Journaux et carnets LALONDE, Pierre-Léon LETELLIER, Marie Média MESSIER, William S. Québec Réalisme Résistance culturelle ROUSSEL, Maggie Style Entretiens Bande dessinée Écrits théoriques Essai(s) Poésie Récit(s) Roman Tue, 31 May 2011 02:40:51 +0000 Salon double 347 at http://salondouble.contemporain.info La littérature postironique, une rebelle qui vous veut du bien http://salondouble.contemporain.info/lecture/la-litterature-postironique-une-rebelle-qui-vous-veut-du-bien <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/messier-william-s">Messier, William S.</a> </div> <div class="field-item even"> <a href="/equipe/auger-anne-marie">Auger, Anne-Marie</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/reussir-son-hypermodernite-et-sauver-le-reste-de-sa-vie-en-25-etapes-faciles">Réussir son hypermodernité et sauver le reste de sa vie en 25 étapes faciles</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p><br />Si, comme le suggère l’essayiste Charles Newman, la pire insulte qui puisse être adressée à un écrivain postmoderniste<a name="note1b"></a><a href="#note1"><strong>[1</strong><strong>]</strong></a> est de lui dénier tout sens de l’ironie<a name="note2b"></a><a href="#note2"><strong>[2]</strong></a>, bon nombre d’auteurs actuels seraient plus insultés si, au contraire, on attribuait une trop grande part d’ironie à leur œuvre. Au tournant du XXIe siècle, l’auteur américain Dave Eggers a d’ailleurs dû se défendre bec et ongles contre des critiques qui voyaient dans son récit autobiographique, <em>A Heartbreaking Work of Staggering Genius</em>, une variation ironique d’une forme d’écriture plus sérieuse, moins ludique: la <em>nonfiction</em>.<br /><br />En gros, Eggers semblait craindre qu’une telle interprétation mènerait son lecteur dans le piège de la lecture ironique et de la méfiance qu’elle engendre. Plus globalement, dans les années 1990 et 2000, ce qui semble se cacher derrière les appréhensions des auteurs comme Eggers<a name="note3b"></a><a href="#note3"><strong>[3]</strong></a> ou encore David Foster Wallace<a name="note4b"></a><a href="#note4"><strong>[4]</strong></a> vis-à-vis de l’ironie, c’est que le lecteur soit déjà trop blasé –symptôme de l’omniprésence de cette dernière dans la culture populaire– pour ne pas se méfier d’une certaine sincérité, d’un premier degré, dans l’art.<br /><br />En ce sens, on a vu apparaître récemment dans l’étude de l’histoire littéraire américaine des termes aussi loufoques qu’ingénieux pour décrire une production contemporaine plus ou moins réactionnaire. Du post-postmodernisme<a name="note5b"></a><a href="#note5"><strong>[5]</strong></a> à la littérature postironique<a name="note6b"></a><a href="#note6"><strong>[6]</strong></a>, en passant par la sincerony<a href="#note7" name="note7b"><strong>[7]</strong></a>, on remarque chez la critique actuelle un désir de nommer ce qui est dans l’air. David Foster Wallace, Dave Eggers et sa revue <em>McSweeney’s</em> qui semble de plus en plus faire école<a name="note8b"></a><a href="#8"><strong>[8]</strong></a>, George Saunders, Michael Chabon, Jonathan Lethem: la liste d’auteurs s’étend et, à différents degrés, on cherche à l’assimiler à une sorte de ras-le-bol de l’ironie, voire à un nouvel humanisme. À titre indicatif, un aperçu de quelques titres marquants de ce groupe permet de distinguer des traits récurrents liés de près ou de loin à un refus de l’ironie: la surabondance de superlatifs (<em>Extremely Loud &amp; Incredibly Close</em> de Jonathan Safran Foer; <em>The Brief and Wondrous Life of Oscar Wao</em> de Junot Diaz), l’adresse au lecteur (<em>No One Belongs Here More Than You</em> de Miranda July; <em>You Brigh &amp; Risen Angels&nbsp;: a cartoon</em> de William T. Vollmann), l’aspect autoréflexif (<em>Infinite Jest</em> de David Foster Wallace; <em>A Heartbreaking Work of Staggering Genius</em> de Dave Eggers), et une espèce de sentimentalisme trop sincère pour être lu au deuxième degré<a name="note9b"></a><a href="#note9"><strong>[9]</strong></a> (<em>Everything Matters!</em> de Ron Currie Jr.).<br /><br />Une œuvre plutôt éclectique, intitulée <em>Réussir son hypermodernité et sauver le reste de sa vie en 25 étapes faciles</em> de Nicolas Langelier (2010), récupère cette réflexion sur l’ironie entamée chez nos voisins du sud. Or, un bref survol de la réception de l’ouvrage permet de constater que la critique accorde étonnamment peu d’importance à un aspect crucial de l’œuvre, c’est-à-dire le joug de l’ironie, voire du cynisme latent dans la plupart des expériences sociales, politiques ou artistiques de l’individu dit hypermoderne. Pourtant, on est placé dans une position particulière: l’auteur souligne abondamment la tendance du lecteur contemporain à se rabattre sur un certain deuxième degré –une espèce de décalage «surconscient» du réel– pour appréhender les faits plus ou moins dramatiques de son existence. Le choix de Langelier d’imiter la forme psycho-pop peut d’ailleurs être interprété comme faisant allusion à cette tendance. <em>Réussir son hypermodernité</em> a parfois l’aspect d’un livre de croissance personnelle fait sur mesure pour un lecteur qui conçoit d’emblée l’ironie comme mode premier d’expression et de représentation, un lecteur méfiant de tout ce qui ne se présente pas d’office comme ayant une posture ironique. De surcroît, l’auteur semble s’adresser littéralement à son lecteur, faisant de lui le personnage principal du récit par le moyen de la deuxième personne:<br />&nbsp;</p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">N’oubliez pas: à ce moment-là, vous ne devriez avoir aucune idée de votre destination, aucune ligne de réflexion précise dans vos pensées, aucun autre désir que celui de rouler vite sur ces rangs déserts coupant à angles droits d’autres rangs déserts, le mouvement comme substitut à toute forme d’émotion. (p.26)</span><br />&nbsp;</div> <p>Ce «vous» qui traverse le récit est particulier en ceci qu’il rappelle la forme du livre psycho-pop par sa nature instructive, impérative, tout en racontant un récit.<br /><br />Or, il est difficile, pour tout lecteur contemporain, de ne pas lire <em>Réussir son hypermodernité</em> comme une parodie, dans le confort chaleureux du deuxième degré, de ce que certains critiques nomment la <em>knowingness<a name="note10b"></a></em><a href="#note10"><strong>[10]</strong></a> et que nous appellerons la surconscience: voici un récit de la sempiternelle crise de la trentaine telle que vécue par un <em>autre</em> résident du Plateau Mont-Royal, branché, cultivé, avant-gardiste, <em>hipster</em> par-dessus le marché. La mort du père, la peine d’amour, la perte des illusions de l’enfance, le sentiment de vide existentiel: ce sont là des thèmes abondamment traités dans la littérature québécoise. Or, c’est bien dans le traitement postironique de tels sujets que l’ouvrage de Langelier devient intéressant.<br /><br />Force est de croire que le «vous» qui interpelle le lecteur à la manière d’un mode d’emploi psycho-pop ici n’est pas aussi parodique, ou ironique, qu’on voudrait l’entendre. Le défi implicite lancé au lecteur va plutôt comme suit: apprenez à lire ce récit sans les réflexes habituels de votre posture ironique. À preuve, par le moyen d’un essai sur l’histoire de la modernité, de la postmodernité et de ce qui s’en suit –l’hypermodernité–, l’auteur en vient à décortiquer ces mêmes réflexes, cette posture ironique qui semble dominer la culture actuelle.<br /><br /><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Modernes, postmodernes, hypermodernes</strong></span><br /><br />Le livre de Langelier permet d’entrer dans un nouveau cycle de la modernité: l’hyper, qui naît essentiellement de l’œuvre déconstructrice, voire destructrice, du postmodernisme. David Foster Wallace, cité à quelques reprises dans le texte de Langelier, reconnaissait pour sa part que ce qu’il appelait «l’œuvre parricide» des postmodernistes était grandiose. Mais il tenait aussi à rappeler que le parricide crée des orphelins, et que «toutes ces festivités de grandeur ne sauraient excuser le fait que les écrivains de [sa] génération ont dû apprendre à écrire en tant qu’orphelins<a name="note11b"></a><a href="#note11"><strong>[11]</strong></a>.» Donc, l’hypermodernité, c’est en quelque sorte ce qui reste après que le postmodernisme ait miné les grands projets de la modernité. Si, comme le rappelle la quatrième de couverture du roman de Langelier, «[l]a modernité nous a laissés tomber. <em>Vous</em> a laissé tomber», l’auteur tentera de refaire le chemin inverse et d’analyser comment, historiquement, on a pu penser le progrès. Formidable modernité qui vient bouleverser l’ordre en place et qui s’inscrit en rupture radicale avec le passé:<br />&nbsp;</p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">La modernité est un saut dans le vide, les yeux bandés. Tout le reste, franchement, n’est que détails. Toutes les inventions de la première phase de la modernité (1800-1900, grosso modo), les nouveaux moyens de transport, les nouveaux médias, les nouveaux matériaux, les nouvelles sources d’énergie, tout ça, donc, ne fait que renforcer cette perception que les choses ne seront plus jamais pareilles. (p.31)</span><br />&nbsp;</div> <p><em>Réussir son hypermodernité</em> se veut donc, en partie du moins, un essai sur cet optimisme vertigineux qui a réussi à inverser pour la première fois dans l’histoire l’ordre de la temporalité en faisant de l’avenir l’objet de tous les désirs; un essai sur ce qui a ouvert la voie au grand essoufflement postmoderne et ce qui par la suite marque le renouveau hypermoderne.<br /><br />Les portions essayistiques du livre de Langelier mettent également l’accent sur les multiples mouvements d’avant-garde qui ont parsemé l’histoire de l’art contemporain. Futurisme, suprématisme, constructivisme, purisme, surréalisme, imagisme, dadaïsme: tous ces -ismes qui ont cru à la révolution par l’art et permis les grandes expérimentations du XXe siècle dans un monde où on se permet de croire que «tout reste à faire». L’auteur souligne essentiellement la valeur du travail exploratoire et la croyance aveugle en une nouveauté inspirante pour ces mouvements éphémères qui ont transformé le visage de l’art.<br /><br /><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Littérature avant-pop ou roman à thèse hypermoderne </strong></span><br /><br />L’originalité de <em>Réussir son hypermodernité</em> se révèle dans un jeu sur la forme. Il s’agit littéralement d’inscrire le récit dans l’essai: ici, c’est le récit d’une certaine croissance personnelle, un roman de la trentaine, qui se forme autour de l’essai scientifique, et non le contraire. Entre une rupture avec la «femme de votre vie» et un voyage initiatique vers la maison du père, l’histoire est constamment entrecoupée de bribes d’informations savantes. Une citation de Thoreau s’insère entre une réflexion sur la culture hipster et le manifeste du futurisme. L’hypermodernité semble s’affirmer avant tout dans une avalanche d’information. Comme l’a détaillé Lipovetsky, elle libère l’individu dans une spirale hyperbolique où tout s’extrémise et devient vertigineux: «Technologies génétiques, numérisation, cyberespace, flux financiers, mégalopoles, mais aussi porno, conduites à risques, sports extrêmes, performances, happenings, obésité, addictions<a name="note12b"></a><a href="#note12"><strong>[12]</strong></a>.» Si, selon l’auteur de l’<em>Ère du vide</em> (1983), la fin de la modernité s’exprime d’abord dans les signes de la culture, que fait ressortir un tel éclatement formel dans un récit littéraire?<br />&nbsp;<br />Principalement, c’est la prolifération des types de discours qui perturbe le rapport traditionnel au récit. Voilà peut-être où l’héritage postmoderniste –mouvement dont les grands auteurs comme John Barth, William Gaddis et Robert Coover nous auront bien nourris en parodies, métafictions et expérimentations de toutes sortes– est le plus manifeste.<br /><br />Désormais, devant l’abondance d’informations et de discours, le lecteur hypermoderne devra nécessairement modifier sa lecture du texte. Une lecture qui, par ailleurs, s’apparente à la description que fait Langelier de l’œuvre moderniste: «Il faut travailler pour espérer comprendre –faire des liens, coller des choses qui ne semblent pas aller ensemble, transformer en sens cette aridité de prime abord rébarbative.» (p.108) L’auteur passe ainsi du discours savant au texte de croissance personnelle, de l’entrevue au texte historique; le lecteur met ensuite tout ensemble et appelle cela de la littérature.<br /><br />Si les postmodernistes avaient une prédilection pour l’humour noir, l’ironie, ou un certain deuxième degré, faisant du foisonnement des discours une démonstration du chaos de l’existence, Langelier procède autrement. Dans cet enchevêtrement, le premier et le deuxième degré semblent s’inscrire sur un pied d’égalité pour rendre compte d’une quête unique: qu’est-ce qui nous a menés à un tel mal-être post-postmoderne?<br /><br />Par ailleurs, Larry McCaffery évoque une forme d’écriture qu’il nomme la littérature «avant-pop», à laquelle s’apparente l’œuvre de Langelier. Selon McCaffery, du point de vue formel, les écrivains avant-pop, tant postmodernistes que post-postmodernistes, utilisent souvent des méthodes dites radicales dans l’idée de confondre, de décourager, d’écœurer et surtout de faire disjoncter les neurones du lecteur ordinaire. Pourtant, ils s’y acharnent avec l’intention paradoxale de créer du beau, d’amuser et d’émerveiller: c’est une stratégie à la fois déconstructrice et reconstructrice<a name="note131"></a><a href="#note13"><strong>[13]</strong></a>. Par exemple, l’anthologie de McCaffery dédiée à la littérature avant-pop comprend des nouvelles toutes en dialogues, de faux extraits de pièces de théâtre, de faux passages d’encyclopédie, et même une suite de notes gribouillées dans le noir durant le visionnement de <em>Schindler’s List</em>. Ces expérimentations servent en partie à représenter la surstimulation et l’hyperconsommation au cœur de la vie en Amérique. Langelier s’attaque quant à lui à ces deux principes en décrivant les habitudes de consommation du hipster et par le moyen d’un syndrome saugrenu qu’il nomme la FOMO, acronyme de <em>Fear of missing out</em>:</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Pourquoi n’étiez-vous pas restés à la maison, ce soir-là? Pourquoi, au moment où une semi-vedette jolie mais stupide s’était emparée du micro pour souhaiter à tout le monde «une super de bonne soirée», n’étiez-vous pas en train d’essuyer la vaisselle, ou de faire l’amour, ou de lire, ou de travailler à un projet salvateur pour vous et votre société, plutôt que là, dans ce nouveau temple de l’hyperconsommation et des modes éclair inventées de toutes pièces par des spécialistes du marketing? Vous ne le savez que trop: FOMO. (p.83)&nbsp;</span><br />&nbsp;</div> <p>La forme essayistique de <em>Réussir son hypermodernité</em> est donc, au final, à l’image de la lecture qu’on peut en faire: une lecture documentaire et chaotique, savante et hyperactive, faite sur mesure pour les lecteurs nés après l’ordinateur. Elle laisse transparaître un roman à thèse des plus actuel. Basée sur un ensemble d’hyperliens, de citations, de graphiques, d’encadrés et de notes de bas de page, cette construction formelle rappelle en effet la lecture labyrinthique que peut emprunter un lecteur du XXIe siècle en parcourant les pages de l’encyclopédie <em>Wikipedia</em>, en cheminant de blogue en blogue, voire en zieutant les photos de ses amis sur Facebook. En d’autres mots, en faisant s’entrecroiser discours scientifique, psycho-pop, littéraire et journalistique, Langelier dresse un portrait relativement succinct de son lecteur prototype, de ce «vous» auquel il s’adresse tout au long du texte. Il en résulte une œuvre d’un dynamisme hors du commun, dont l’effet ressemble à un son de cloche pour une génération: vos boucliers ironiques seront caduques, «[u]n jour, c’est inévitable, vous en aurez assez.» (p.17)<br /><br /><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Les nouveaux rebelles</strong></span><br /><br />Au cœur de l’argumentation de ce roman à thèse hypermoderne, il y a une allusion aux préoccupations de David Foster Wallace, dont l’essai «<em>E Unibus Pluram</em>: Television&nbsp;and U.S. Fiction» établissait déjà en 1990 les balises d’une théorie sur l’impasse de l’ironie et l’héritage de l’écriture postmoderniste aux États-Unis. Il écrivait qu’il n’envisageait qu’une seule issue à l’impasse apparente du discours ironique, anti-humaniste, qui dominait l’ère postmoderne: un retour radical au premier degré:</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Les prochains vrais «rebelles» littéraires de ce pays pourraient bien apparaître en tant qu’antirebelles étranges, d’authentiques lorgneurs qui osent de quelque façon s’abstenir d’un regard ironique, qui ont l’audace puérile d’endosser et d’énoncer des principes de sens unique<a href="#14" name="note14b"><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>[14]</strong></span></a>.</span><br />&nbsp;</div> <p>Wallace voyait l’œuvre des auteurs postmodernistes comme ayant été formidablement prodigieuse et comme ayant mené les gens de sa génération à un véritable cul-de-sac idéologique. Avec <em>Réussir son hypermodernité</em>, Langelier amène son lecteur dans ce cul-de-sac, l’invite à sortir de la voiture et le renvoie –si péniblement clichée la tâche puisse-t-elle paraître aux yeux du lecteur ironique–&nbsp;à l’essentiel:</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128);">Si vous avez bien suivi les étapes décrites tout au long de ce livre, le sentier que vous suiviez débouchera alors sur une sorte de petite clairière inondée de soleil. Vous vous dirigerez en son centre. Impulsivement, vous vous étendrez par terre, sur le dos. Le ciel sera d’un bleu vibrant. Vous fermerez les yeux et sentirez la chaleur du soleil sur votre visage. Derrière vos paupières, des points lumineux danseront sur un fond orangé, comme des électrons autour d’un noyau, comme les molécules d’acides aminés dans la sève des arbres, comme les globules blancs dans votre sang. (p.218)</span><br />&nbsp;</div> <p>Dans son œuvre autobiographique, Dave Eggers construit un récit en tenant son lecteur par la main du début à la fin, le suppliant de le <em>regarder</em> («Regardez, je vous en prie. Vous nous voyez?<a href="#note15" name="note15b"><strong>[15]</strong></a>») et lui inculquant une empathie presque forcée. Si l’individu hypermoderne se retrouve désormais plus seul que jamais dans la tempête de discours, de consommation et d’interaction virtuelles, Langelier, comme Eggers dix ans plus tôt, implore son lecteur de prendre au moins conscience du monde autour de lui. Il l’invite à reconnaître son humanité, jusqu’au sang qui coule dans ses veines, et à s’y rattacher. À leur manière, ces auteurs tentent de rétablir un certain humanisme dans la fiction. Plus que toute autre chose, ces livres sont des mains tendues vers le lecteur. Entre humains, nous sommes invités à partager en toute surconscience une expérience authentique: rire, souffrir et lire <em>ensemble</em>.<br /><br /><span style="color: rgb(128, 128, 128);"><strong>Vers une littérature postironique?</strong></span><br /><br />Il serait erroné de penser que <em>Réussir son hypermodernité</em> ne recèle aucun humour ironique, ou qu’une lecture au deuxième degré entacherait tout le projet littéraire de Langelier. Il est encore vrai, après tout, que de dénier à un auteur tout sens de l’ironie constitue une véritable insulte. Mais il importe de constater avec combien de justesse cette œuvre relance une réflexion des plus actuelles que des auteurs américains contemporains ont déjà maintes fois engagée. L’ironie aura toujours sa place dans la fiction, au même titre que l’humour noir et le cynisme, mais le constat derrière cette réflexion va comme suit: il devient de plus en plus urgent de se dégager de l’emprise de l’ironie sur notre façon de créer et de consommer l’art et la culture. Si, ne serait-ce que par son ambiguïté formelle, l’ouvrage de Langelier apparaît aujourd’hui comme un ovni dans le ciel littéraire du Québec, peut-on envisager qu’il marquera un coup d’envoi pour une littérature postironique québécoise?<br /><br />Sur la forme, les romans de Mathieu Arsenault ont fait montre de la même originalité avant-pop: son <em>Album de finissants</em> (2004) constitue un amalgame de cris du cœur, de coups de gueule et de bouffonneries rassemblés par fragments, et traversés par la culture pop, créant une polyphonie adolescente comparable à ce qu’on entendrait dans la cafétéria d’une polyvalente. Sur le fond, les écrits du Montréalais Jacob Wren, comme <em>La famille se crée en copulant</em> (traduit de l’anglais au Quartanier, en 2008) et <em>Revenge Fantasies of the Politically Dispossessed</em> (2010), abordent plus ou moins directement la thématique du joug de l’ironie dans la société actuelle. Ce ne sont là, bien sûr, que deux exemples d’un corpus qui demeure encore à définir. Chose certaine, à se fier aux résultats d’un sondage CROP publiés dans <em>La Presse</em> faisant de Réussir son hypermodernité le cinquième livre le plus recommandé par les Québécois en 2010<a href="#16" name="note16b"><strong>[16]</strong></a>, l’ouvrage de Langelier touche une corde sensible.</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><a href="#note1b" name="note1"><strong>[1]</strong></a>Il existe peu de termes aussi ambigus, et parfois même trompeurs, que l’appellation de «postmoderniste». À plus forte raison, on s’aperçoit, en étudiant le sujet, qu’il existe à peu près autant de postmodernismes qu’il y a de théoriciens prêts à en donner une définition. Louis Menand décrit bien l’ambivalence entourant l’expression: «Postmodernism is the Swiss Army knife of critical concepts. It’s definitionally overloaded, and it can do almost any job you need done.» (Louis Menand, «Saved from Drowning: Barthelme Reconsidered» dans <em>The New Yorker</em>, February 23, 2009, p.68.) En ce sens, nous précisons que nous employons ici l’expression «postmoderniste» en référence à sa valeur programmatique, esthétique, et en opposition à l’expression «postmodernité» qui se rapporterait plutôt à une condition socioculturelle, politique, voire philosophique. En littérature, le postmodernisme s’est développé dans les années 1960, particulièrement aux États-Unis, avec des auteurs comme Robert Coover, Donald Barthelme, William Gaddis et John Barth.<br /><br /><a href="#note2b" name="note2"><strong>[2]</strong></a>Cité dans Jean-François Chassay, <em>Robert Coover: l’écriture contre les mythes</em>, Paris, Belin, 1996, p.13.<br /><br /><a href="#note3b" name="note3"><strong>[3]</strong></a>Dans un appendice ajouté lors d’une réédition de son ouvrage, Eggers témoigne en partie de cette inquiétude, en prenant la peine d’expliquer avec véhémence le fonctionnement de l’ironie. On comprend indirectement que l’auteur refuse toute lecture ironique de son récit: «[Irony] is beyond a doubt the most overused and under-understood word we currently have.» Sa longue tirade contre l’ironie est disponible en ligne: <a href="http://www.guardian.co.uk/theguardian/2001/jan/20/weekend7.weekend6" title="http://www.guardian.co.uk/theguardian/2001/jan/20/weekend7.weekend6">http://www.guardian.co.uk/theguardian/2001/jan/20/weekend7.weekend6</a> (page consultée le 3 janvier 2011).<br /><br /><a href="#note4b" name="note4"><strong>[4]</strong></a>«And make no mistake: irony tyrannizes us.» David Foster Wallace, «<em>E Unibus Pluram</em>: Television and U.S. Fiction», dans <em>A Supposedly Fun Thing I’ll Never Do Again: Essays and Arguments</em>, Boston, Little, Brown and Company, 1997, p.67.<br /><br /><a href="#note5b" name="note5"><strong>[5]</strong></a>Steven Moore, «In Memoriam David Foster Wallace», <em>Modernism/Modernity</em>, vol. 16, n°1 (January 2009), p.2.<br /><br /><a href="#note6b" name="note6"><strong>[6]</strong></a>Lee Konstantinou, «Wipe That Smirk Off Your Face: Postironic Literature and the Politics of Character», thèse de doctorat, Stanford University, 2009, 304 f.<br /><br /><a href="#note7b" name="note7"><strong>[7]</strong></a>Lee Siegel, «The Niceness Racket», <em>The New Republic</em>, April 23, 2007, p.50: «Eggers [is] the sincere young father of post-postmodern half-irony –call it sincerony».<br /><br /><a href="#note8b" name="8"><strong>[8]</strong></a>&nbsp; À ce chapitre, le chroniqueur du <em>Guardian</em> Lawrence Donegan offre un bon aperçu du rôle qu’occupe la revue dans le panorama littéraire américain contemporain. On peut accéder à son article en ligne: <a href="http://www.guardian.co.uk/books/2003/feb/16/fiction.features" title="http://www.guardian.co.uk/books/2003/feb/16/fiction.features">http://www.guardian.co.uk/books/2003/feb/16/fiction.features</a> (page consultée le 4 janvier 2011).<br /><br /><a href="#note9b" name="note9"><strong>[9]</strong></a>Daniel Canty signe, dans la revue <em>OVNI</em>, une recension du roman History of Love de Nicole Krauss qui touche en partie ce sujet. (Daniel Canty, «Les nouveaux sentimentaux», dans <em>OVNI. Littérature, Art, Critique</em>, no1 (mai-juillet 2008), p.42.<br /><br /><a href="#note10b" name="note10"><strong>[10]</strong></a>Lee Konstantinou, <em>op. cit.</em>, p.iv.<br /><br /><a href="#note11b" name="note11"><strong>[11]</strong></a>Larry McCaffery, «An Interview with David Foster Wallace», dans <em>Review of Contemporary Fiction</em>, vol. 13 no2 (1993), p.150: «The postmodern founders’ patricidal work was great, but patricide produces orphans, and no amount of revelry can make up for the fact that writers my age have been literary orphans throughout our formative years.» (Nous traduisons.) Par ailleurs, le récit de Langelier décrit la mort du père. Or, nous remarquons une thématique récurrente dans certaines œuvres américaines dites postironiques: la mort des parents et la passation des pouvoirs aux nouveaux orphelins. Le roman magistral de Wallace, <em>Infinite Jest</em> (1996), met notamment en scène la mort d’un maître du cinéma expérimental et la manière dont ses fils ont vécu le deuil. On peut lire au sujet de ce roman le texte «Ces poussières faites pour troubler l’œil» de Simon Brousseau, paru le 20 décembre 2010 sur <em>Salon double</em>: <a href="http://salondouble.contemporain.info/lecture/ces-poussieres-faites-pour-troubler-loeil" title="http://salondouble.contemporain.info/lecture/ces-poussieres-faites-pour-troubler-loeil">http://salondouble.contemporain.info/lecture/ces-poussieres-faites-pour-...</a> Le roman d’Eggers raconte la mort de ses deux parents. En 2006, Jonathan Safran Foer représentait de manière très touchante le deuil d’un garçon ayant perdu son père dans les attentats du 11 septembre (<em>Extremely Loud &amp; Incredibly Close</em>). Tout récemment, c’est Ron Currie Jr. qui en remet, avec son roman <em>Everything Matters!</em> (2009), où un fils surdoué tente en vain de sauver son père du cancer.<br /><br /><a href="#note12b" name="note12"><strong>[12]</strong></a>Gilles Lipovetsky, <em>L’écran global</em>, Paris, Seuil, 2007, p.52.<br /><br /><a href="#note131" name="note13"><strong>[13]</strong></a>Larry McCaffery (dir.), ed. <em>After Yesterday’s Crash: The Avant-Pop Anthology</em>, Penguin Books, New York, 1995, p.xix: «Avant-Pop often relies on the use of radical aesthetic methods to confuse, confound, bewilder, piss off, and generally blow the fuses of ordinary citizens exposed to it (a “deconstructive” strategy) –but just as frequently it does so with the intention of creating a sense of delight, amazement, and amusement (“reconstructive”).» (Nous traduisons.)&nbsp;<br /><br /><a href="#note14b" name="14"><strong>[14]</strong></a>David Foster Wallace, «<em>E Unibus Pluram</em>: Television and U.S. Fiction», <em>op. cit.</em>, p.81: «The next real literary «rebels» in this country might well emerge as some weird bunch of <em>anti</em>-rebels, born oglers who dare somehow to back away from ironic watching, who have the childish gall actually to endorse and instantiate single-entendre principles.» (Nous traduisons.) &nbsp;<br /><br /><a href="#note15b" name="note15"><strong>[15]</strong></a>Dave Eggers, <em>Une œuvre déchirante d’un génie renversant</em> (traduit de l'américain par Michelle-Herpe Volinsky), Paris, Éditions Balland (J’ai lu), 2001, p.97.<br /><br /><a href="#note16b" name="16"><strong>[16]</strong></a>Jean Siag. «Coup de sonde culturel» dans <em>La Presse</em>, 31 décembre 2010, &nbsp;http://www.cyberpresse.ca/dossiers/retrospective-2010/201012/31/01-4356517-coup-de-sonde-culturel.php (page consultée le 4 janvier 2011).</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> CANTY, Daniel CHABON, Michael COOVER, Robert Critique littéraire CURRIE, Ron DIAZ, Junot DONEGAN, Lawrence EGGERS, Dave Esthétique Filiation FOSTER WALLACE, David GADDIS, William Intertextualité Ironie JULY, Miranda KONSTANTINOV, Lee LANGELIER, Nicolas LETHEM, Jonathan LIPOVETSKY, Gilles McCAFFERY, Larry Métafiction MOORE, Steven NEWMAN, Charles Postmodernité Québec Relations humaines SAFRAN FOER, Jonathan SAUNDERS, George SIEGEL, Harry VOLLMANN, William T. Récit(s) Mon, 31 Jan 2011 05:10:10 +0000 William S. Messier 312 at http://salondouble.contemporain.info Le narrateur en commentateur ou la fascination du métadiscours http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-narrateur-en-commentateur-ou-la-fascination-du-metadiscours <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/simard-houde-melodie">Simard-Houde, Mélodie </a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/mon-nom-est-personne">Mon nom est personne</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p>Le deuxi&egrave;me livre de David Leblanc, auteur de <em>La descente du singe</em>, a de quoi laisser perplexe au premier abord. Il se pr&eacute;sente d&egrave;s la premi&egrave;re de couverture comme un ensemble de &laquo;fictions&raquo; r&eacute;unies sous le titre intrigant <em>Mon nom est personne</em>. La lecture r&eacute;v&egrave;le une s&eacute;rie de chapitres &ndash;quatre-vingt-dix-neuf&ndash; pour la plupart tr&egrave;s courts et portant chacun un titre farfelu et/ou &eacute;vocateur tel que&nbsp; &laquo;L'Isralestinien&raquo;, &laquo;Moli&egrave;re mis en pi&egrave;ces&raquo;, &laquo;Orange Crush&raquo; ou &laquo;L'idiot de Plessisville&raquo;. Au-del&agrave; de ces particularit&eacute;s de pr&eacute;sentation, <em>Mon nom est personne</em> est un livre h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne, o&ugrave; la fiction flirte avec l'essai, sous l'&eacute;gide d'une voix narrative faisant preuve d'un go&ucirc;t certain pour l'absurde et le cynisme. Alors que certains fragments prennent la forme de nouvelles absurdes ou de contes modernes et grin&ccedil;ants se r&eacute;f&eacute;rant &agrave; des &eacute;v&eacute;nements qui saturent notre discours social, d'autres mettent en sc&egrave;ne un Je-&eacute;crivain qui fr&eacute;quente les biblioth&egrave;ques et les r&eacute;sidences de l'Universit&eacute; Laval et qui fait preuve d'une forte pr&eacute;dilection pour l'oubli. Ailleurs, le narrateur se lance plut&ocirc;t dans le commentaire, tel un enqu&ecirc;teur qui assemble pour nous les morceaux surprenants d'un casse-t&ecirc;te savant. Ce livre difficile &agrave; d&eacute;crire a tout d'un bon pi&egrave;ge &agrave; critique: on s'enlise dans le commentaire et on n'est gu&egrave;re plus avanc&eacute; qu'au d&eacute;but. Pour en avoir une meilleure id&eacute;e, on peut imaginer une r&eacute;&eacute;criture qu&eacute;b&eacute;coise des <em>Ombres errantes</em> de Pascal Quignard<a name="note1" href="#note1a"><strong>[1]</strong></a>. </p> <p>En effet, comme chez Quignard, la posture narrative oscille constamment: entre des fragments de r&eacute;cits &eacute;crits &agrave; la troisi&egrave;me personne s'ins&egrave;re un Je-narrateur qui nous parle de litt&eacute;rature, de lecture, d'&eacute;criture, et qui prend plaisir &agrave; nous exposer toutes sortes de th&egrave;ses en accumulant citations et commentaires. Ce narrateur, me semble-t-il, se pose d'abord et avant tout comme un commentateur, commentateur de sa propre pratique, mais &eacute;galement de l'histoire et des autres discours, notamment des discours philosophique, psychanalytique, m&eacute;diatique et scientifique. Soignant le caract&egrave;re fictionnel de sa posture, il se pla&icirc;t toutefois &agrave; en entretenir l'ambigu&iuml;t&eacute;, tant&ocirc;t diss&eacute;minant des indices factuels qui se rapportent &agrave; l'auteur, David Leblanc (il affirme ainsi avoir &eacute;crit la majeure partie de <em>La descente du singe</em>, entre le 8 octobre 2004 et le 27 mai 2005, dans les r&eacute;sidences de l'Universit&eacute; Laval &agrave; Qu&eacute;bec et celles de l'Universit&eacute; Michel de Montaigne &agrave; Bordeaux, p.93), tant&ocirc;t niant malicieusement une telle identit&eacute;, qui ne serait que le fruit de la na&iuml;vet&eacute; du lecteur: </p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128); ">J'ai oubli&eacute; d'attirer l'attention du lecteur sur le fait qu'il &eacute;tait &eacute;crit &laquo;fictions&raquo; sur la couverture du livre qu'il lit pr&eacute;sentement en prenant tout ce qui est &eacute;crit &agrave; la premi&egrave;re personne pour une tranche de vie de l'auteur, personnel invisible dont la couverture, caract&egrave;res blancs sur fond bleu, rappellera au lecteur le nom Jorge Luis Borges (p.71). <br /> <br type="_moz" /><br /> </span></div> <p>Cette posture paradoxale entretient ainsi volontairement une confusion entre personne, &eacute;crivain et inscripteur, ces trois instances distingu&eacute;es par Dominique Maingueneau<a name="note2" href="#note2a"><strong>[2]</strong></a>. En effet, l'inscripteur (le sujet de l'&eacute;nonciation, et donc ici le narrateur) partage avec l'&eacute;crivain David Leblanc, en tant qu'acteur de l'espace litt&eacute;raire, certaines caract&eacute;ristiques, comme celle d'&ecirc;tre l'auteur d'un livre intitul&eacute; <em>La descente du singe</em>, tout comme il s'arroge certains faits appartenant &agrave; la biographie de David Leblanc en tant qu'individu dot&eacute; d'un &eacute;tat-civil. Toutefois, Leblanc ne pratique pas l'autofiction: il joue plut&ocirc;t sciemment des attentes du lecteur contemporain qui, en habitu&eacute; de l'autofiction, est sans doute attentif aux indices biographiques et a d&egrave;s lors tendance &agrave; op&eacute;rer un amalgame entre les instances &eacute;nonciatives. Chez Leblanc, ainsi que l'indiquent les affirmations contradictoires du narrateur comme dans l'exemple que j'ai cit&eacute;, ce brouillage a avant tout pour fonction de d&eacute;stabiliser le lecteur. Il permet aussi de mettre en &eacute;vidence un lieu commun de la litt&eacute;rature contemporaine relay&eacute; par la m&eacute;diatisation de l'auteur et la popularit&eacute; de l'autofiction, c'est-&agrave;-dire l'id&eacute;e que l'auteur d'un livre correspond au sujet de l'&eacute;nonciation, et cela tout en &eacute;vitant la proposition inverse, qui voudrait que ces instances soient parfaitement distinctes. Ainsi, ce jeu semble signifier que, entre personne, &eacute;crivain et inscripteur, les fronti&egrave;res ne sont simplement pas tout &agrave; fait franches. Cela dit, je reviendrai maintenant sur l'id&eacute;e de commentaire.</p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128); "><strong>Pourquoi j'ai pas fait romancier</strong><a name="note3" href="#note3a"><strong>[3]</strong></a></span></p> <p>Le commentaire du narrateur de <em>Mon nom est personne</em> prend souvent pour objet l'&eacute;criture elle-m&ecirc;me. Il est parfois indirect et allusif, visant &agrave; d&eacute;tourner les attentes du lecteur. C'est le cas par exemple d&egrave;s l'exergue et le titre du premier chapitre. On lit d'abord une citation surprenante de Daniil Harms: &laquo;Dans la pr&eacute;face d'un livre, d&eacute;crire quelque sujet, et ensuite, dire que l'auteur du livre a choisi un sujet compl&egrave;tement diff&eacute;rent<a name="note4" href="#note4a"><strong>[4]</strong></a>&raquo;, suivie par le titre du chapitre, &laquo;Le faux d&eacute;part. Une histoire hospitali&egrave;re&raquo; (p.9). Ainsi, Leblanc applique la suggestion de Harms d&egrave;s ce titre qui, annon&ccedil;ant un &laquo;faux d&eacute;part&raquo;, laisse pr&eacute;sager un d&eacute;but d&eacute;stabilisant ou encore hors sujet. De fait, le premier chapitre raconte l'histoire avort&eacute;e d'un homme qui n'arrive pas &agrave; se lever et qui, plusieurs pages plus tard, s'av&egrave;re &ecirc;tre un mourant dans une chambre d'h&ocirc;pital, mourant bient&ocirc;t mort &agrave; qui un d&eacute;nomm&eacute; Carl vient lire la Bible sans se rendre compte que son auditeur n'est plus de ce monde. La morale de l'histoire se lit ainsi: &laquo;Ceux qui lisent un livre pour savoir si la marquise va &eacute;pouser le vicomte seront d&eacute;&ccedil;us&raquo; (p.14). Que le lecteur se le tienne pour dit: les conventions narratives seront malmen&eacute;es! De plus, une citation comme celle de Harms en d&eacute;but de volume n'a rien d'innocent et joue un r&ocirc;le m&eacute;tadiscursif et programmatique. <em>Wikip&eacute;dia</em> nous r&eacute;v&egrave;le ceci au sujet de l'auteur: </p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128); ">Daniil Harms (en russe: Даниил Хармс; 30 d&eacute;cembre 1905 - 2 f&eacute;vrier 1942) est un po&egrave;te satiriste du d&eacute;but de l'&egrave;re sovi&eacute;tique consid&eacute;r&eacute; comme un pr&eacute;curseur de l'absurde. [...] Son &oelig;uvre est essentiellement constitu&eacute;e de courtes vignettes, ne faisant souvent que quelques paragraphes, o&ugrave; alternent des sc&egrave;nes de pauvret&eacute; ou de privations, des sc&egrave;nes fantastiques ressemblant parfois &agrave; des descriptions de r&ecirc;ves, et des sc&egrave;nes comiques. Dans ces vignettes, des &eacute;crivains connus font parfois des apparitions incongrues<a name="note5" href="#note5a"><strong>[5]</strong></a>. <br /> <br type="_moz" /><br /> </span></div> <p>Jean-Philippe Jaccard justifie l'&eacute;tiquette de pr&eacute;curseur de l'absurde accol&eacute; &agrave; Harms en montrant comment, dans l'&oelig;uvre de celui-ci, on retrouve &agrave; la fois une th&eacute;matique de l'absurde &mdash;exprim&eacute;e &agrave; travers une dualit&eacute; fondamentale entre l'homme et le monde&mdash; et une po&eacute;tique de l'absurde, qui se traduit au niveau formel par une &laquo;parodie globale des proc&eacute;d&eacute;s narratifs traditionnels<a name="note6" href="#note6a"><strong>[6]</strong></a>&raquo;, c'est-&agrave;-dire des notions de personnage, de sujet, d'&eacute;v&eacute;nements, de suspense et des liens de cause &agrave; effet. Ainsi, la notion d'absurde est ici entendue dans un sens large et fait autant r&eacute;f&eacute;rence au sentiment de l'absurdit&eacute; du monde selon Albert Camus qu'au th&eacute;&acirc;tre de l'absurde et &agrave; Samuel Beckett ou encore &agrave; Nicolas Gogol.&nbsp; En bout de ligne, toujours selon Jaccard, le texte chez Harms en vient &agrave; s'auto-d&eacute;truire, &agrave; se replier sur lui-m&ecirc;me en un effet de circularit&eacute; ou encore &agrave; proclamer sa propre inutilit&eacute;. Cette description de l'&oelig;uvre pourrait tr&egrave;s bien s'appliquer &agrave; <em>Mon nom est personne</em>. En pla&ccedil;ant une citation de Harms en t&ecirc;te de son livre, Leblanc endosse d'embl&eacute;e la posture de l'auteur russe. Par posture, j'entends, &agrave; la suite de J&eacute;r&ocirc;me Meizoz, &laquo;l'&quot;identit&eacute; litt&eacute;raire&quot; construite par l'auteur lui-m&ecirc;me, et souvent relay&eacute;e par les m&eacute;dias qui la donnent &agrave; lire au public<a name="note7" href="#note7a"><strong>[7]</strong></a>&raquo;, et plus pr&eacute;cis&eacute;ment dans ce cas-ci, son versant textuel, c'est-&agrave;-dire l'<em>ethos</em>, &laquo;l'image de soi que l'&eacute;nonciateur impose dans son discours afin d'assurer son impact<a name="note8" href="#note8a"><strong>[8]</strong></a>&raquo;. Cette fa&ccedil;on de faire passer dans la fiction certaines figures de lettr&eacute;s soigneusement choisies et qui contribuent &agrave; construire la posture de l'auteur est une strat&eacute;gie &eacute;galement tr&egrave;s pr&eacute;sente dans Les ombres errantes de Quignard. Celui-ci nous parle par exemple de Han Yu (768-824), po&egrave;te chinois, de Monsieur de Saint-Cyran (1581-1643) ou de Tanizaki (1886-1965), &eacute;crivain japonais. Chez Quignard, l'&eacute;vocation de ces figures donne lieu soit &agrave; un commentaire, soit &agrave; une citation ou encore &agrave; une br&egrave;ve fictionnalisation de moments de leur vie. Leblanc use tout &agrave; fait du m&ecirc;me proc&eacute;d&eacute;, mais le plus souvent en le d&eacute;tournant, pour mieux servir sa propre posture d'&eacute;crivain de l'absurde<a name="note9" href="#note9a"><strong>[9]</strong></a>. Ainsi, il nous d&eacute;crit la vie d'un certain Matsev A. Fertig-Schreiber: </p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128); ">Je me souviens d'un vieil &eacute;crivain juif qui avait arr&ecirc;t&eacute; d'&eacute;crire apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; accus&eacute; d'antis&eacute;mitisme par la presse conservatrice. Il s'appelait Matsev A. Fertig-Schreiber et il avait fait partie des <em>Sonderkommandos</em> de Treblinka [...]. <br /> Je l'ai rencontr&eacute; dans un bar o&ugrave; il venait prendre un verre &laquo;avec la r&eacute;gularit&eacute; d'une montre suisse&raquo;, selon les dires d'une barmaid [...] (p.97). <br /> [...] <br /> Peut-&ecirc;tre aussi gagnait-il &agrave; entretenir l'ambigu&iuml;t&eacute; autour de son &oelig;uvre et de sa personne. Il est vrai que ses livres se vendaient mieux depuis qu'il n'&eacute;crivait plus et que l'aura de myst&egrave;re et de discorde qui entourait son &oelig;uvre &eacute;tait rendue telle qu'on l'&eacute;tudiait d&eacute;sormais aussi bien en Isra&euml;l qu'en France, aux &Eacute;tats-Unis qu'en Iran (p.9</span><span style="color: rgb(128, 128, 128); ">8). <br /> <br type="_moz" /><br /> </span></div> <p>&Agrave; la suite de ce passage, le narrateur cite un extrait du premier livre de Fertig-Schreiber, sorte de r&eacute;cit satirique et provocateur de la Deuxi&egrave;me Guerre mondiale. &Agrave; plusieurs reprises dans le livre, Leblanc nous donne des indices nous aidant &agrave; d&eacute;crypter l'ironie de son &eacute;criture, par exemple en faisant preuve de sa connaissance de la langue allemande: sachant cela, on s'arr&ecirc;te aux noms allemands et on constate qu'une traduction mot &agrave; mot du nom de famille de l'&eacute;crivain imaginaire donne &agrave; peu pr&egrave;s &laquo;L'&eacute;crivain fini&raquo;... Entre figures d'&eacute;crivain r&eacute;elles et imaginaires, le narrateur de <em>Mon nom est personne</em> s'&eacute;rige ainsi en ma&icirc;tre de l'absurde et de la d&eacute;rision, &agrave; travers un discours empreint d'allusions et de jeux de mots &agrave; d&eacute;crypter. </p> <p>De fa&ccedil;on plus directe, le narrateur nous expose aussi en long et en large certains choix po&eacute;tiques, comme celui de la forme courte. Laissons-le ainsi nous expliquer pour quelle raison il pr&eacute;f&egrave;re la fiction br&egrave;ve au roman, ou, comme il l'&eacute;crit lui-m&ecirc;me, &laquo;Pourquoi j'ai pas fait romancier&raquo;: </p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128); ">Le p&egrave;re des <em>Petits po&egrave;mes en prose</em> le disait d&eacute;j&agrave; &agrave; propos des contes d'Edgar Allan Poe qu'il traduisait &agrave; l'&eacute;poque, la fiction br&egrave;ve a sur le long roman cet immense avantage que sa bri&egrave;vet&eacute; ajoute &agrave; l'intensit&eacute; de l'effet, unit&eacute; d'impression et totalit&eacute; d'effet qui peuvent donner &agrave; ce genre de composition &laquo;une sup&eacute;riorit&eacute; tout &agrave; fait particuli&egrave;re, &agrave; ce point qu'une nouvelle trop courte vaut encore mieux qu'une nouvelle trop longue&raquo;. Pourquoi faire long, comme on dit, quand on peut faire court? (p.213)</span> <br /> &nbsp;</div> <p>Ainsi, tout comme il forge sa posture &agrave; partir d'exemples d'&eacute;crivains ayant exist&eacute; ou ayant &eacute;t&eacute; par lui invent&eacute;s, le narrateur justifie ses choix po&eacute;tiques &agrave; l'aide d'un intertexte. Sont ainsi convoqu&eacute;s, parmi d'autres et par des voies diverses, des noms aussi h&eacute;t&eacute;roclites que Herg&eacute;, Michel Foucault, Gabriel Garc&iacute;a Marquez, Fedor Dosto&iuml;evski, Jean Echenoz, Fran&ccedil;oise Sagan et Angelus Silesius (et cela dans les premi&egrave;res vingt-six pages!). Leblanc, en plus de situer certains fragments de <em>Mon nom est personne</em> dans une biblioth&egrave;que, a plac&eacute; assez de r&eacute;f&eacute;rences dans son livre pour en constituer une bien garnie. Ainsi que l'&eacute;crit J&eacute;r&ocirc;me Meizoz, un tel proc&eacute;d&eacute; rappelle que toute &eacute;criture est, dans une certaine mesure, intertextuelle: &laquo;Commencer un livre, ouvrir la sc&egrave;ne de parole dans un lieu aussi charg&eacute; qu'une biblioth&egrave;que, dans le conservatoire presque infini du d&eacute;p&ocirc;t culturel, c'est rappeler obliquement que toute cr&eacute;ation litt&eacute;raire mobilise des textes ant&eacute;rieurs qu'elle relaie, imite ou transforme<a name="note10" href="#note10a"><strong>[10]</strong></a>&raquo;. Sous la forme de citations en exergue, d'allusions, ou m&ecirc;me de r&eacute;f&eacute;rences carr&eacute;ment invent&eacute;es, l'intertexte foisonne et &eacute;tourdit. Il peut &eacute;galement &ecirc;tre pr&eacute;texte &agrave; une parodie de discours savant, comme dans l'exemple qui suit, dans lequel le narrateur commente un livre invent&eacute;, livre &eacute;crit par l'&eacute;crivaine imaginaire Simone Schriften W&ouml;llend, dont le nom, &agrave; nouveau significatif, pourrait se traduire par &laquo;Voulant des &eacute;crits<a name="note11" href="#note11a"><strong>[11]</strong></a>&raquo;:</p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128); ">Po&egrave;me all&eacute;gorique et didactique qui se voulait un trait&eacute; sur l'art de mourir, <em>Le roman de la mort</em> se pr&eacute;sente comme le r&ecirc;ve &eacute;rotique de Simone Schriften W&ouml;llend, auteure de la premi&egrave;re partie (r&eacute;dig&eacute;e au XIIIe si&egrave;cle), morte dans son sommeil avant d'achever son ouvrage. L'essentiel du pav&eacute; de six cent quinze pages en format poche consiste en une suite de discours, dont la teneur fait montre de satire et d'&eacute;rudition, ponctuant le r&eacute;cit d'une guerre ouverte entre raison (&laquo;Je vais mourir&raquo;) et sentiments (&laquo;Je sens que je vais mourir&raquo;) (p.36</span><span style="color: rgb(128, 128, 128); ">).<br /> <br type="_moz" /><br /> </span></div> <p>Une telle insistance sur l'intertexte est un trait que <em>Mon nom est personne</em> partage avec de nombreux romans contemporains (dont, pour reprendre mon exemple, <em>Les ombres errantes</em>), mais il s&rsquo;agit encore davantage, en raison de son caract&egrave;re outrancier et parodique, d&rsquo;une fa&ccedil;on d'indexer cette caract&eacute;ristique de la litt&eacute;rature contemporaine et de pousser &agrave; bout un proc&eacute;d&eacute; commun.&nbsp; </p> <p><span style="color: rgb(128, 128, 128); "><strong>Un bref aper&ccedil;u de l'infini </strong></span> </p> <p>Cependant, l'intertexte de <em>Mon nom est personne</em> ne se limite pas &agrave; la litt&eacute;rature. Au contraire, il fait appel notamment aux discours philosophique, psychanalytique, m&eacute;diatique, historique et scientifique. Si le livre poss&eacute;dait un index, celui-ci ferait certainement une bonne dizaine de pages... On trouve ainsi mention de <em>La Nature</em>, &laquo;revue de vulgarisation scientifique&raquo; (p.10), du &laquo;c&eacute;l&egrave;bre sitcom <em>Seinfeld</em> (1989-1998)&raquo; (p.32), ou encore des Monty Python (p.43), &laquo;des reprises de <em>Family Guy</em> &agrave; la t&eacute;l&eacute;&raquo; (p.331), sans compter une enqu&ecirc;te minutieuse, preuves &agrave; l'appui, sur les &eacute;ventuelles relations entre Quentin Tarantino et Uma Thurman (p.188-194). &Agrave; travers la citation, l'enqu&ecirc;te, et l'essai fictif, le narrateur semble d&eacute;signer le tourniquet infini (et parfois absurde) des m&eacute;tadiscours. C'est dans sa disparition m&ecirc;me que culmine enfin le proc&eacute;d&eacute;: le chapitre &laquo;Les jaloux font les meilleurs cocus&raquo; est en fait constitu&eacute; d'un titre et... d'une note de bas de page, qui explique la disparition du texte (du commentaire): </p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128); ">J'avais pens&eacute; &eacute;crire un texte pour donner chair &agrave; ce titre, mais avec le recul, je trouve que ce titre s'en tire tr&egrave;s bien tout seul. Tout ce que je pourrais lui ajouter, incluant la pr&eacute;sente phrase, serait grossi&egrave;rement inutile (p.123). <br /> <br type="_moz" /><br /> </span></div> <p>Dans cette&nbsp; abondance discursive ininterrompue, je discerne d'abord une volont&eacute; de faire de la litt&eacute;rature un carrefour, un lieu o&ugrave; se croisent tous les discours et toutes les obsessions collectives. Par exemple, Leblanc d&eacute;bute abruptement un r&eacute;cit intitul&eacute; &laquo;La timide et le galant&raquo; en parodiant le style m&eacute;diatique. Il banalise ainsi la spectacularisation des m&eacute;dias en transformant un fait divers familier en incipit de conte moderne: &laquo;Alert&eacute;e par les proches d'une locataire dont on n'avait plus de nouvelles depuis qu'elle avait invit&eacute; &agrave; son domicile un inconnu rencontr&eacute; sur Internet [...]&raquo; (p.101). Au fil des chapitres, il &eacute;voque &eacute;galement, sous le couvert de la fiction et de l'ironie, des &eacute;v&eacute;nements r&eacute;cents qui ont marqu&eacute; notre imaginaire et notre discours social, du 11 septembre 2001 au conflit isra&eacute;lo-palestienien, en passant par les d&eacute;bats pro-vie et pro-choix et les derniers exploits des Canadiens de Montr&eacute;al, toujours&nbsp; en employant ce m&ecirc;me ton grin&ccedil;ant. </p> <p>Le statut paradoxal du narrateur me semble participer de cette volont&eacute; de prendre la parole au nom de la collectivit&eacute;. &Agrave; la fois Je et Nous (puisque &laquo;son nom est personne&raquo;), le narrateur de Leblanc affirme lui-m&ecirc;me: &laquo;J'ai oubli&eacute; de vous dire que mon nom est L&eacute;gion, car Je, chez moi, n'est pas un autre, mais plusieurs&raquo; (p.144)<a name="note12" href="#note12a"><strong>[12]</strong></a>. Multiple &agrave; l'image du monde qu'il d&eacute;ploie dans l'&eacute;criture, le narrateur est paradoxalement &agrave; la fois un sujet d&eacute;fini qui prend corps dans le texte et qui se met en sc&egrave;ne dans une posture d'auteur, et une voix qui se veut plus ou moins anonyme, sorte d'entit&eacute; intellectuelle et cynique ind&eacute;finie qui a pour fonction premi&egrave;re de commenter. </p> <p>Enfin, <em>Mon nom est personne</em> peut appara&icirc;tre comme un exercice de style parfois oulipien et m&ecirc;me un livre ludique d'&laquo;initi&eacute;&raquo;, au sens o&ugrave; il joue intens&eacute;ment avec les codes, les genres litt&eacute;raires, les attentes du lecteur et les limites de son savoir. En ce sens, il condense plusieurs traits souvent remarqu&eacute;s &agrave; propos du roman contemporain: il t&eacute;moigne d'une conscience aigu&euml; de la forme et contient un m&eacute;tadiscours sur l'&eacute;criture, il pr&eacute;sente un intertexte foisonnant et est dirig&eacute; par un narrateur &agrave; l'autorit&eacute; probl&eacute;matique, puisque son savoir encyclop&eacute;dique (on croirait parfois entendre la voix de <em>Wikip&eacute;dia</em><a name="note13" href="#note13a"><strong>[13]</strong></a>) est &eacute;galement menteur. Surtout &ndash;et c'est ce qui a retenu mon attention&ndash; <em>Mon nom est personne</em> appara&icirc;t fascin&eacute; par le commentaire, port&eacute; peut-&ecirc;tre par un fantasme que la litt&eacute;rature semble partager avec les sciences humaines, celui de se constituer comme le &laquo;savoir des savoirs<a name="note14" href="#note14a"><strong>[14]</strong></a>&raquo;. S'il semble souvent tourner en d&eacute;rision ce genre d'ambition, le livre de Leblanc op&egrave;re &eacute;galement un travail positif, c'est-&agrave;-dire un travail de distanciation visant &agrave; &laquo;&eacute;cailler quelques &eacute;vidences, quelques lieux communs<a name="note15" href="#note15a"><strong>[15]</strong></a>&raquo;. Mais cela devrait &ecirc;tre l'objet d'une seconde lecture... En attendant, on peut suivre les conseils de notre narrateur-commentateur et m&eacute;diter la question suivante: &laquo;Que retient-on au juste d'un livre, de nos lectures? Multiplier par quatorze l'infini ne nous en dirait peut-&ecirc;tre pas plus long sur la question du litt&eacute;raire que le simple fait qu'il y ait question tout court&raquo; (p.168).</p> <hr /> <br /> <br type="_moz" /><br /> <a name="note1a" href="#note1">[1]</a> Pascal Quignard, <em>Les ombres errantes</em>, Paris, Grasset, 2002, 189 p. &nbsp; <p><a name="note2a" href="#note2">[2]</a> Dominique Maingueneau, <em>Le discours litt&eacute;raire. Paratopie et sc&egrave;ne d'&eacute;nonciation</em>, Paris, Armand Colin, 2004, p.106-107. &nbsp;</p> <p><a name="note3a" href="#note3">[3]</a> Les sous-titres sont emprunt&eacute;s &agrave; David Leblanc. &nbsp;</p> <p><a name="note4a" href="#note4">[4]</a> Leblanc ne donne pas la r&eacute;f&eacute;rence pr&eacute;cise de cette citation, que je n'ai pas pu retrouver pour ma part. Il n'est pas exclu que celle-ci soit invent&eacute;e. &nbsp;</p> <p><a name="note5a" href="#note5">[5]</a> &laquo;Daniil Harms&raquo;, dans <em>Wikip&eacute;dia</em> [en ligne]. <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Daniil_Harms" title="http://fr.wikipedia.org/wiki/Daniil_Harms">http://fr.wikipedia.org/wiki/Daniil_Harms</a> [Page consult&eacute;e le 17 ao&ucirc;t 2010]. &nbsp;</p> <p><a name="note6a" href="#note6">[6]</a> Jean-Philippe Jaccard, &laquo;De la r&eacute;alit&eacute; au texte: l'absurde chez Daniil Harms&raquo;, dans <em>Cahiers du monde russe et sovi&eacute;tique</em>, vol. XXVI, n&deg;3-4, p.297. &nbsp;</p> <p><a name="note7a" href="#note7">[7]</a> J&eacute;r&ocirc;me Meizoz, Post<em>ures litt&eacute;raires. Mises en sc&egrave;nes modernes de l'auteur</em>, Gen&egrave;ve, Slatkine &Eacute;rudition, 2007, p.18. &nbsp;</p> <p><a name="note8a" href="#note8">[8]</a> <em>Ibid</em>., p.22. &nbsp;</p> <p><a name="note9a" href="#note9">[9]</a> En qualifiant ainsi David Leblanc d'&eacute;crivain de l'absurde, j'entends l'&eacute;tiquette d'&laquo;absurde&raquo; dans le m&ecirc;me sens, &eacute;largi, que Jean-Philippe Jaccard &agrave; propos de Daniil Harms. En effet, les deux &eacute;crivains usent de proc&eacute;d&eacute;s tr&egrave;s semblables. On retrouve chez Leblanc aussi bien une absurdit&eacute; th&eacute;matique qui se traduit par des r&eacute;flexions m&eacute;taphysiques ou par des personnages de &laquo;paum&eacute;s na&iuml;fs&raquo; (pour reprendre une expression de Jaccard) plong&eacute;s dans un monde qui leur &eacute;chappe, qu'une absurdit&eacute; formelle qui doit sans doute autant au th&eacute;&acirc;tre de l'absurde &mdash;par exemple dans certains dialogues sans queue ni t&ecirc;te qui rappellent le th&eacute;&acirc;tre de Beckett&mdash; qu'&agrave; un pr&eacute;curseur comme Daniil Harms. Humour noir, lucidit&eacute; tragique, incoh&eacute;rences, associations arbitraires, remise en cause des proc&eacute;d&eacute;s narratifs traditionnels sont autant d'&eacute;l&eacute;ments que Leblanc et Harms partagent et qui produisent un sentiment d'absurdit&eacute; qui touche autant le monde que le langage. &nbsp;</p> <p><a name="note10a" href="#note10">[10]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p.123. &nbsp;</p> <p><a name="note11a" href="#note11">[11]</a> Cette traduction est cependant quelque peu incertaine, car le mot &laquo;W&ouml;llend&raquo; n'existe pas en allemand, bien qu'il se rapproche de &laquo;Wollen&raquo;, le verbe vouloir, dont le participe pr&eacute;sent s'&eacute;crit &laquo;Wollend&raquo;. &nbsp;</p> <p><a name="note12a" href="#note12">[12]</a> Il est int&eacute;ressant de rapprocher cette affirmation du narrateur, ainsi que le titre <em>Mon nom est personne</em>, avec l'incipit du roman <em>Nikolski</em> (Qu&eacute;bec, Alto, 2005) de Nicolas Dickner: &laquo;Mon nom n'a pas d'importance&raquo;. &Agrave; travers des formulations quasi-identiques, Leblanc et Dickner donnent tous deux voix &agrave; un narrateur dont l'identit&eacute; s'affirme comme &eacute;tant d&eacute;risoire. Tout en &eacute;vitant de donner un nom propre ou un pr&eacute;nom &agrave; leur narrateur (et du m&ecirc;me coup une identit&eacute;), les deux auteurs optent pour une d&eacute;finition plurielle de la voix narrative: alors que le narrateur de Leblanc se pr&eacute;sente comme le porte-parole de la collectivit&eacute;, celui de Dickner rend compte d'une monde &eacute;clat&eacute; qui se d&eacute;cline en trois fils narratifs et qui oscille obscur&eacute;ment entre narration autodi&eacute;g&eacute;tique et h&eacute;t&eacute;rodi&eacute;g&eacute;tique. Ainsi, en choisissant paradoxalement une narration &agrave; la premi&egrave;re personne qui tend &agrave; s'effacer, tout deux positionnent leur narrateur en porte-&agrave;-faux entre subjectivit&eacute; et objectivit&eacute;, entre l'exigence pour la parole de s'&eacute;noncer &agrave; partir du point de vue d'un sujet et celle de dire un monde complexe et collectif.&nbsp; &nbsp;</p> <p><a name="note13a" href="#note13">[13]</a> Par ailleurs, je remarque un nouveau point commun entre les narrateurs de <em>Mon nom est personne</em> et de <em>Nikolski</em>: tous deux pr&eacute;sentent une pr&eacute;dilection pour les digressions &agrave; saveur encyclop&eacute;dique. Ils inscrivent ainsi dans la fiction la trace d'un nouveau rapport au savoir dans le monde contemporain: un savoir accessible, mouvant et collectif comme celui d'une entreprise telle que l'encyclop&eacute;die libre <em>Wikip&eacute;dia</em>.&nbsp; &nbsp;</p> <p><a name="note14a" href="#note14">[14]</a> Pour reprendre une expression de Pierre Bourdieu, dans Pierre Bourdieu et Roger Chartier, <em>Le sociologue et l'historien</em>, Paris, Agone &amp; Raisons d'agir, 2010, p.19. &nbsp;</p> <p><a name="note15a" href="#note15">[15]</a> <em>Ibid</em>., p.23.</p> <p><br type="_moz" /></p> http://salondouble.contemporain.info/lecture/le-narrateur-en-commentateur-ou-la-fascination-du-metadiscours#comments Absurde Ambiguïté Autofiction Autofiction BAUDELAIRE, Charles BECKETT, Samuel BORGES, Jorge Luis Culture populaire DICKNER, Nicolas DOSTOÏEVSKI, Fedor ECHENOZ, Jean Éclatement textuel FOUCAULT, Michel GARCIA MARQUEZ, Gabriel GOGOL, Nicolas HARMS, Daniil Hergé Intertextualité Ironie JACCARD, Jean-Philippe Leblanc, David MAINGUENEAU, Dominique MEIZOZ, Jérôme Métafiction Québec QUIGNARD, Pascal SAGAN, Françoise SAINT-CYRAN, Monsieur de Savoir encyclopédique SILESIUS, Angelus TANIZAKI YU, Han Nouvelles Wed, 25 Aug 2010 19:17:29 +0000 Mélodie Simard-Houde 255 at http://salondouble.contemporain.info