Salon double - FREYTAG-LORINGHOVEN, Elsa von http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/610/0 fr Un poète n'existe jamais seul http://salondouble.contemporain.info/lecture/un-poete-nexiste-jamais-seul <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/caille-anne-renee">Caillé, Anne-Renée</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-biblio"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/biblio/la-poetesse">La Poétesse</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p> Depuis <em>Homobiographie</em> publi&eacute; en 2000 chez Farrago, la po&egrave;te, traductrice et plasticienne fran&ccedil;aise Liliane Giraudon travaille ce genre invent&eacute; et fait sien depuis plusieurs titres: l'homobiographie. &laquo;M&ecirc;me ex&eacute;cut&eacute;, le projet de l'Homobiographie demeurera sans cesse &agrave; l'&eacute;tat de projet&raquo;, &eacute;crit-elle dans <em>Sker</em><i> </i>en 2002. Il sera ainsi poursuivi en 2005 avec <em>Greffe de spectres</em> (m&ecirc;me si ce dernier n'est pas identifi&eacute; g&eacute;n&eacute;riquement comme tel) et tout derni&egrave;rement, le travail se voit continuer dans <em>La Po&eacute;tesse</em> (2009), o&ugrave; point un certain aboutissement de l'entreprise homobiographique. D&eacute;finie par n&eacute;ologisme, cette forme po&eacute;tique veut allier le double (le &laquo;m&ecirc;me&raquo; du grec <em>homos</em>) au biographique : il est question des vies de celle que l'on nomme &laquo;La Po&egrave;te&raquo;, de ses alter ego, d'autres <em>bien-aim&eacute;s </em>po&egrave;tes rapport&eacute;es par bribes mais aussi, de la vie plus intime d'une femme qui s'&eacute;crit dans des carnets de diff&eacute;rentes couleurs. Dans cette tentative de d&eacute;doublement, entre autobiographie et autofiction, il faut surtout y voir l'effort de rendre prot&eacute;iforme l'entreprise biographique. Comme Giraudon l'explique dans un entretien en 2007<a style="mso-footnote-id:<br /> ftn" href="#_ftn1" name="_ftnref" title=""><strong><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:footnote">[1]</span></span></strong></a>, l'homobiographie op&egrave;re des &laquo;d&eacute;placements&raquo; entre les diff&eacute;rentes &laquo;enveloppes&raquo; que constituent le soi, l'autre et la fiction. Cette forme hybride permet aussi de supporter les vies et les morts qui nous parcourent: Liliane Giraudon expose ce qui pluralise l'identit&eacute; &laquo;Po&egrave;te&raquo;. Par filiation ou emprunt, assembler des fragments de m&eacute;moire de fa&ccedil;on non-lin&eacute;aire, coller sa vie &agrave; celle des autres; par cette abolition des fronti&egrave;res, la po&egrave;te joue au double.</p> <p class="MsoNormal" style="text-align:justify;line-height:150%"><span style="color: rgb(128, 128, 128); "><strong>Pass&eacute; et post&eacute;rit&eacute;</strong></span><b><o:p></o:p></b></p> <p>L'architecture du recueil est tripartite et s'ouvre sur &laquo;Ma ch&eacute;rie je t'ai fait des phrases trouv&eacute;es partout&nbsp;&raquo; qui se d&eacute;ploie sous forme de fragments. L'unit&eacute; de la page est mise en p&eacute;ril et la po&egrave;te en t&eacute;moigne par ce commentaire m&eacute;tapo&eacute;tique: &laquo;&nbsp;La page comme unit&eacute;? D&eacute;truisons la page.&raquo; (p. 26). L'h&eacute;ritage de Mallarm&eacute; se fait sentir ici, sur l'importance d'une forme po&eacute;tique coh&eacute;rente au d&eacute;veloppement de l'id&eacute;e et d'une lecture qui puisse d&eacute;passer l'unit&eacute; de la page pour embrasser plus d'une page &agrave; la fois<a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftnref" title="" href="#_ftn2"><strong><span style="mso-special-character:footnote">[2]</span></strong></a>. Ainsi dans cette section, de courts segments de prose se succ&egrave;dent en deux colonnes sur la page, laissant tr&egrave;s peu de place au blanc, et cr&eacute;ant un rythme qui invite &agrave; une lecture rapide. C'est par l'adverbe &laquo;Hier&raquo; qu'ils d&eacute;butent presque tous, traduisant un go&ucirc;t &eacute;vident pour une narrativit&eacute; non-lin&eacute;aire (les blocs ne se suivent pas n&eacute;cessairement) ainsi qu'un d&eacute;sir de r&eacute;pertorier, de l'<em>hier</em><i> </i>anecdotique: &laquo;Hier on a fait un trou dans la gencive de La Po&egrave;te pour y installer sa premi&egrave;re fausse dent.&raquo; (p. 27), &agrave; l'<em>hier</em><i> </i>historique: &laquo;Hier, c'est-&agrave;-dire au XVe si&egrave;cle, certains croyaient que le c&oelig;ur des nouveaux-n&eacute;s [...] rendaient invisibles les voleurs qui en mangeaient.&raquo; (p. 28) jusqu'&agrave; l'<em>hier</em><i> </i>intime: &laquo;Hier La Po&egrave;te d&eacute;clarant sa m&egrave;re seule, cern&eacute;e par la neige.&raquo; (p. 26). L'unit&eacute; de mesure n'est plus la page, au profit d'une forme qui accumule de page en page, &agrave; la mani&egrave;re d'une liste, de multiples visages discontinus du pass&eacute;.</p> <p>Ce qui para&icirc;t pouvoir r&eacute;insuffler une certaine suite formelle et th&eacute;matique serait les <em>morts</em> de la po&egrave;te, qui ponctuent cette &laquo;liste&raquo;. Celle du p&egrave;re suivie de pr&egrave;s par celle de la m&egrave;re: &laquo;La Po&egrave;te passe son premier No&euml;l d'orpheline. Elle les imagine dans leur cercueil. Papa est sous maman. On dit qu'il y a beaucoup de mouvements et de bruit dans les cercueils, surtout la premi&egrave;re ann&eacute;e. Lorsque les cages thoraciques explosent.&raquo; (p. 43). Elles constituent deux pertes majeures, deux morts majeures si on les compare aux autres morts, plus &laquo;mineures<a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftnref" title="" href="#_ftn3"><strong><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:footnote">[3]</span></span></strong></a>&raquo; qui se c&ocirc;toient dans cette premi&egrave;re section de <em>La Po&eacute;tesse</em>,<i> </i>comme la mort du cousin ou du loir tu&eacute; par les chats, mais aussi celles de Elsa von Freytag-Loringhoven, Mary Beach P&eacute;lieu ou Samuel Beckett... D'ailleurs, la pr&eacute;sence de figures litt&eacute;raires exc&egrave;de cette partie du recueil et me semble incarner le r&ocirc;le de &laquo;substitut filial&raquo;. Si les morts du p&egrave;re et de la m&egrave;re mettent le ciseau dans le tissu familial, Robert Walser, Marina Tsveta&iuml;eva ou Antonin Artaud se voient greff&eacute;s au tissu filial litt&eacute;raire. L'on soustrait &agrave; sa lign&eacute;e pour additionner dans l'autre; alors que les alliances familiales se d&eacute;font par soustraction (p&egrave;re, m&egrave;re), les alliances po&eacute;tiques se multiplient. Les fant&ocirc;mes de ses <em>bien-aim&eacute;s</em><strong><a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftnref" title="" href="#_ftn4"><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:footnote">[4]</span></span></a> </strong>sont nombreux et mettent en place une autre post&eacute;rit&eacute;.&nbsp;</p> <p class="MsoNormal" style="text-align:justify;line-height:150%"><span style="color: rgb(128, 128, 128); "><b>Autor&eacute;f&eacute;rentialit&eacute;</b></span><b><o:p></o:p></b><b><br /> </b></p> <p>La deuxi&egrave;me partie du recueil est tr&egrave;s diff&eacute;rente de la pr&eacute;c&eacute;dente autant par la forme, le rythme et le ton. Elle se distingue face aux deux autres qui elles, se r&eacute;pondent &agrave; plusieurs &eacute;gards. D'abord, dans &laquo;Kara Walker n'est pas Jos&eacute;phine Baker&raquo;, Giraudon r&eacute;utilise la page comme unit&eacute;: un po&egrave;me par page, num&eacute;rot&eacute;s de 1 &agrave; 47, de quoi r&eacute;int&eacute;grer <span style="mso-fareast-font-family:&quot;Times New Roman&quot;;<br /> mso-bidi-font-family:&quot;Times New Roman&quot;">&ndash;</span>&agrave; l'exc&egrave;s<span style="mso-fareast-font-family:&quot;Times New Roman&quot;;mso-bidi-font-family:&quot;Times New Roman&quot;">&ndash;</span> le proc&eacute;d&eacute; formel rejet&eacute; plus t&ocirc;t. Exit l'effet de prise de notes diaristique d'un registre plus intime, la po&egrave;te emprunte ici une voix plus d&eacute;tach&eacute;e (plus d&eacute;sincarn&eacute;e), plus hachur&eacute;e et plus herm&eacute;tique aussi. Par herm&eacute;tisme, il faut entendre <em>brouillage</em>, &agrave; la fois des pistes de lecture (des pistes de sens) et du d&eacute;veloppement narratif entre les diff&eacute;rents po&egrave;mes.<o:p>&nbsp;</o:p></p> <p> L'utilisation de la majuscule comme proc&eacute;d&eacute; po&eacute;tique laisse <i>a priori</i> un peu perplexe. Les majuscules d&eacute;limitent-elles le d&eacute;but des vers ou insistent-elles sur la sonorit&eacute; ou le sens du mot? Par exemple au po&egrave;me num&eacute;ro 9: &laquo;Recomposition d'une vie si br&egrave;ve / pourtant durant ces Ann&eacute;es / en deux colonnes et sans alin&eacute;a / absence totale d'intervention / postures &agrave; tenir / chutes ou s&eacute;quences / une id&eacute;e d'Objet trouv&eacute;&raquo; (p. 59), les deux majuscules ne d&eacute;limitent pas le d&eacute;but d'un vers qui aurait &eacute;t&eacute; tronqu&eacute;, alors peut-&ecirc;tre mettent-elles simplement ces mots en lumi&egrave;re? Remarquons au passage que la po&egrave;te, dans cet extrait, commente m&eacute;tapo&eacute;tiquement la forme et le contenu de la section pr&eacute;c&eacute;dente. Il faut dire que ce type de commentaire r&eacute;troactif est fr&eacute;quent chez Giraudon et permet, comme c'est le cas ici, de pr&eacute;ciser certaines lectures. Il arrive, inversement, que la glose figure le texte &agrave; venir. D'ailleurs, c'est le cas du proc&eacute;d&eacute; po&eacute;tique des majuscules, expliqu&eacute; dans la premi&egrave;re partie de<em> La Po&eacute;tesse</em>: &laquo;Une nuit, La Po&egrave;te trouve un moyen optique de ralentir la lecture du po&egrave;me: ce moyen s'appelle La Majuscule D&eacute;plac&eacute;e. Un vieux proc&eacute;d&eacute; visuel &agrave; revisiter et rafra&icirc;chir.&raquo; (p. 45). Ce qui sera accompli dans &laquo;Kara Walker n'est pas Jos&eacute;phine Baker&raquo;. Cette pratique performative gomme la perplexit&eacute; initiale. Globalement, bien que le sous-titre nous ram&egrave;ne au travail sur le &laquo;double&raquo; identitaire, la po&egrave;te s'int&eacute;resse surtout ici aux th&eacute;matiques de langue et du travail po&eacute;tique. Mais le plus souvent il y a camouflage, dans la mesure o&ugrave; l'autor&eacute;f&eacute;rentialit&eacute; est entrem&ecirc;l&eacute;e aux bribes d'histoires de figures comme Lancelot ou Jack Spicer. Et l'ensemble ne se laisse pas saisir du premier coup d'&oelig;il en raison des renvois intertextuels avec ses &oelig;uvres pr&eacute;c&eacute;dentes comme son <em>Billy the kid (In memoriam Jack Spicer)</em><a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftnref" title="" href="#_ftn5"><strong><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:footnote">[5]</span></span></strong></a><i> </i>mais aussi en raison de certains &eacute;l&eacute;ments stylistiques comme une d&eacute;coupe du vers plus complexe.</p> <p class="MsoNormal" style="text-align:justify;line-height:150%"><span style="color: rgb(128, 128, 128); "><b>Menaces doubles</b></span><b><o:p></o:p></b><b><br /> </b></p> <p>Dans cette troisi&egrave;me et derni&egrave;re partie, &laquo;Le go&ucirc;t du crabe&raquo;, le commentaire autor&eacute;f&eacute;rentiel se double d'un recul critique sur la <em>production</em> m&ecirc;me du texte po&eacute;tique. Il est question de d&eacute;composition, de d&eacute;coupage, de collage, de modelage et de recopiage. L'acte de recopier prend place dans la mise en forme d'extraits de carnets de diff&eacute;rentes couleurs (vert, bleu et gris) qui se succ&egrave;dent, &agrave; la mani&egrave;re d'un dialogue auquel participent aussi deux autres voix (&laquo;Une voix&raquo; et &laquo;L'autre&raquo;). Avec l'ajout de didascalies, la po&egrave;te propose l'&eacute;bauche d'une pi&egrave;ce de th&eacute;&acirc;tre combinant la prose au vers libre. Une fois de plus, il y a un jeu de d&eacute;doublement dans cette r&eacute;&eacute;criture des carnets <span style="mso-fareast-font-family:<br /> &quot;Times New Roman&quot;;mso-bidi-font-family:&quot;Times New Roman&quot;">&ndash;de </span>l'origine<span style="mso-fareast-font-family:&quot;Times New Roman&quot;;mso-bidi-font-family:&quot;Times New Roman&quot;">&ndash;</span> jusqu'&agrave; <em>La Po&eacute;tesse</em>. Dans cette mise &agrave; nu de la production, les carnets repr&eacute;sentent le <i>chantier </i>de l'&eacute;criture. Mais l'op&eacute;ration n'est peut-&ecirc;tre pas aussi simple: </p> <div class="rteindent1"><span style="color: rgb(128, 128, 128); ">Filandreuses &agrave; l'infini les phrases se d&eacute;tachent d'un corps, il faut les teindre pour mieux les voir, redistribuer les paragraphes selon la couleur et craindre, craindre de plus en plus la couleur qui l'emporte, une masse, une masse d'un gris de crevette o&ugrave; chaque lettre indistincte se dissout pour ne former qu'un tumulus, la section d&eacute;plac&eacute;e d'un nuage d&eacute;truit. (p. 110-111)</span></div> <p class="MsoNormal" style="text-align:justify;line-height:150%">La menace plane sur l'entreprise de la po&egrave;te, sur la mise en forme et en ordre des phrases.</p> <p>Cycliquement, la mort r&eacute;appara&icirc;t dans &laquo;Le go&ucirc;t du crabe&raquo;. Une toute autre menace se pr&eacute;sente. Ce vers, au d&eacute;but du recueil, la figurait peut-&ecirc;tre: &laquo;&nbsp;Avec son p&egrave;re, en six mois, &ccedil;a fait d&eacute;j&agrave; cinq morts. Elle (la m&egrave;re) elle s'en fout elle se sent Chabert. La Po&egrave;te s'est dit qu'elle n'avait jamais eu qu'un nom, celui-l&agrave; o&ugrave; pr&eacute;sentement on meurt.&raquo; (p. 19). Le couple maladie et &eacute;criture a &eacute;t&eacute; abord&eacute; &agrave; maintes reprises<a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftnref" title="" href="#_ftn6"><strong><span style="mso-special-character:footnote">[6]</span></strong></a>mais Giraudon conna&icirc;t les obstacles &agrave; &eacute;viter pour ne pas tomber ni dans la banalit&eacute; ni dans le path&eacute;tique. L'arriv&eacute;e de la maladie sera d&eacute;crite avec finesse, intelligence, une pointe de sarcasme et juste assez d'affects. Pour un temps, la maladie a l'effet de la <i>tabula rasa </i>pour la po&egrave;te: &laquo;Balancer. Balancer &agrave; la mer ce corps ancien et tous les livres qu'il a sign&eacute;s. Maintenant tu &eacute;cris parce que tu as peur de tout ce que tu n'as pas su &eacute;crire [...].&raquo; (p. 115). Par contre, ce fantasme n'est en rien le constat d'une renaissance de son &eacute;criture comme telle mais celle d'une poursuite, accident&eacute;e, de l'exp&eacute;rience de la langue. Chez Giraudon, il y aura toujours un corps ancien ou une langue ancienne &agrave; balancer &agrave; la mer. Mais nommer cela renaissance ou retour &agrave; l'origine serait un topos inexact (et banal, ce que son travail n'est surtout pas). Apr&egrave;s tout, &laquo;[t]rouver une langue ce n'est pas la trouver.<a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftnref" title="" href="#_ftn7"><strong><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:footnote">[7]</span></span></strong></a>&raquo;. Sa modulation est constante, marqu&eacute;e de dons, d'emprunts, de ruptures et d'accidents.</p> <p class="MsoNormal" style="text-align:justify;line-height:150%"><span style="color: rgb(128, 128, 128); "><b>La Po&egrave;te n'est peut-&ecirc;tre pas <i>La Po&eacute;tesse</i></b></span><b><i><o:p></o:p></i></b><span style="color: rgb(128, 128, 128); "><b><o:p><span style="color: rgb(128, 128, 128); ">&nbsp;</span></o:p></b></span><b><o:p></o:p></b></p> <p>Giraudon essaie d' &laquo;<em>essuyer un f&eacute;minin terrible</em>&nbsp;<a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftnref" title="" href="#_ftn8"><strong><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:footnote">[8]</span></span></strong></a>&raquo; en ne gardant l'archa&iuml;que <em>po&eacute;tesse</em><i> </i>que pour le titre. Pied de nez &agrave; cette d&eacute;finition-identification surann&eacute;e, elle sera &laquo;La Po&egrave;te&raquo;: elle met non seulement &agrave; distance la construction que peut constituer le r&ocirc;le ou l'identit&eacute; &laquo;po&egrave;te&raquo; (avec le r&eacute;current &laquo;La Po&egrave;te&raquo;) mais elle met aussi &agrave; distance ce f&eacute;minin insistant (<em>esse</em>) qu'elle raille peut-&ecirc;tre au passage. Car Giraudon n'en a pas besoin, pas plus que la communaut&eacute; des femmes convoqu&eacute;e (Kara Walker, Jos&eacute;phine Baker ou H&eacute;l&egrave;ne Bessette) n'en a besoin, leurs voix &eacute;tant fortes, engag&eacute;es et se tenant au-del&agrave; d'un carcan f&eacute;minin &laquo;insistant&raquo;. Apr&egrave;s tout, Giraudon &eacute;crit<a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftnref" title="" href="#_ftn9"><strong><span style="mso-special-character:footnote">[9]</span></strong></a>: &laquo;Il n'y a pas d'&eacute;criture f&eacute;minine. Ne pas se laisser enfermer dans les cercles des anatomies manifestes et des sexualit&eacute;s militantes (ou l'identit&eacute; tente de rep&eacute;rer les secrets de son apparence pour y transformer ce qu'elle symbolise...).&raquo;.</p> <p>Ce n'est qu'&agrave; la fin du recueil que la po&egrave;te revient &agrave; <i>sa</i> premi&egrave;re personne, au <i>je </i>plus intime: quand la mort se pointe, l'on n'est peut-&ecirc;tre plus qu'un et le jeu du double peut attendre un instant. La fin de <em>La Po&eacute;tesse</em> est ponctu&eacute;e de cet &laquo;Hop! Hop! Ma ch&eacute;rie&raquo;: on y entend la parole encourageante qui invite au combat (contre la maladie, la mort, la peur) mais on a aussi l'impression d'entendre le po&egrave;te Christophe Tarkos crier ce fameux &laquo;OP OP&raquo; qui embraye son texte <em>Oui</em><a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftnref" title="" href="#_ftn10"><strong><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:<br /> footnote">[10]</span></span></strong></a>. Embrayer comme faire avancer, se faire entra&icirc;ner &agrave; avancer: &laquo;Hop! Hop! Ma ch&eacute;rie il n'y a plus d'avant ni d'arri&egrave;re, rien &agrave; g&eacute;rer seulement avancer[...]&raquo; (p. 119). La lign&eacute;e des po&egrave;tes a parl&eacute;. Comme elle parle ailleurs dans le texte, que ce soit &agrave; travers cette phrase tautologique &agrave; la Gertrude Stein &laquo;<em>Mais toujours un po&egrave;me est un po&egrave;me est un po&egrave;me</em><span style="mso-bidi-font-style:italic">[...]</span>&raquo; (p. 116) ou ce mallarm&eacute;en &laquo;IL N'Y A D'EXPLOSION QUE LE LIVRE.<a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftnref" title="" href="#_ftn11"><strong><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:footnote">[11]</span></span></strong></a>&raquo;. La lign&eacute;e des po&egrave;tes parle car, si &laquo;&nbsp;un po&egrave;me n'existe jamais seul&raquo; (p. 73), un po&egrave;te n'existe jamais seul non plus. Cette donn&eacute;e semble &ecirc;tre la plus centrale de l'exercice homobiographique et contribue &agrave; distinguer le travail po&eacute;tique de Liliane Giraudon. Le po&egrave;te et son &oelig;uvre ne sont pas hors du champ po&eacute;tique pas plus qu'ils ne se trouvent hors de l'histoire litt&eacute;raire. Ils se positionnent, avec ce que cela implique comme enjeux, alliances et engagement.</p> <p>&nbsp;</p> <div style="mso-element:footnote-list"> <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div style="mso-element:footnote" id="ftn"> <p style="text-align:justify"><a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftn1" title="" href="#_ftnref"><strong><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:footnote">[1]</span></span></strong></a><span style="mso-tab-count:1"> </span>Entretien datant du 28 novembre 2007 avec Liliane Giraudon et Jean-Jacques Viton dans le cadre de la sixi&egrave;me &eacute;dition du Festival ActOral, en 2007. ActOral, <a href="http://actoral.blogspilotes.marseille-provence2013.fr/archives/11"><span style="color:windowtext;text-decoration:none;text-underline:none">http://actoral.blogspilotes.marseille-provence2013.fr/archives/11</span></a> . Consult&eacute; le 26 ao&ucirc;t 2010.</p> </div> <div style="mso-element:footnote" id="ftn"> <p style="text-align:justify"><a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftn2" title="" href="#_ftnref"><strong><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:footnote">[2]</span></span></strong></a><span style="mso-tab-count:1"> </span>&laquo;Le papier intervient chaque fois qu'une image, d'elle-m&ecirc;me, cesse ou rentre, acceptant la succession d'autres et, comme il ne s'agit pas, ainsi que toujours, de traits sonores r&eacute;guliers ou vers <span style="mso-fareast-font-family:&quot;Lucida Grande&quot;;mso-bidi-font-family:&quot;Lucida Grande&quot;">&mdash;</span>plut&ocirc;t, de subdivisions prismatiques de l'Id&eacute;e, l'instant de para&icirc;tre et que dure leur concours, dans la mise en sc&egrave;ne exacte, c'est &agrave; des places variables, pr&egrave;s ou loin du fil conducteur latent, en raison de la vraisemblance, que s'impose le texte&raquo;. St&eacute;phane Mallarm&eacute;, Pr&eacute;face d' &laquo;Un coup de d&eacute;s jamais n'abolira le hasard&raquo; dans <em>&OElig;uvres compl&egrave;tes</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 1945, p. 455.</p> </div> <div style="mso-element:footnote" id="ftn"> <p style="text-align:justify"><a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftn3" title="" href="#_ftnref"><strong><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:footnote">[3]</span></span></strong></a><span style="mso-tab-count:1"> </span>Par ce terme, j'entends que les autres morts r&eacute;pertori&eacute;es seraient &agrave; la fois moins r&eacute;currentes dans le recueil que celles des parents et sembleraient moins &laquo;douloureuses&raquo;, tout en voulant &eacute;viter ici une b&ecirc;te hi&eacute;rarchie des morts.</p> </div> <div style="mso-element:footnote" id="ftn"> <p style="text-align:justify"><a name="_ftn4" title="" href="#_ftnref"><span class="Caractresdenotedebasdepage"><b>[4]</b></span></a><b> </b>Avec ce qualificatif, je fais r&eacute;f&eacute;rence au texte <em>Mes bien-aim&eacute;(e)s</em> (Inventaire / Invention, 2007) o&ugrave; Giraudon revisite les biographies d'auteurs mythiques (Walser, Rimbaud, Sappho...). &Agrave; la fa&ccedil;on d'un collage-hommage, elle recompose et redynamise avec libert&eacute; et affection leur vie qui sont devenues, avec le temps, des fant&ocirc;mes derri&egrave;re le processus de mythification. &laquo;&nbsp;[J']ai voulu leur redonner une existence parmi les n&ocirc;tres&nbsp;&raquo;, &eacute;crit-elle en quatri&egrave;me de couverture.</p> </div> <div style="mso-element:footnote" id="ftn"> <p><strong><a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftn5" title="" href="#_ftnref"><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:footnote">[5]</span></span></a><span style="mso-tab-count:1">&nbsp;</span></strong>Publi&eacute; en 1984 chez Manicle.</p> </div> <div style="mso-element:footnote" id="ftn"> <p style="text-align:justify"><a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftn6" title="" href="#_ftnref"><strong><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:footnote">[6]</span></span></strong></a><span style="mso-tab-count:1"> </span>Pensons au travail propos&eacute; par Susan Sontag dans son essai &laquo;&nbsp;La maladie comme m&eacute;taphore&nbsp;&raquo;. Paris, Christian Bourgois &Eacute;diteur, coll. &laquo;&nbsp;Choix-Essais&nbsp;&raquo;, 1993.</p> </div> <div style="mso-element:footnote" id="ftn"> <p><a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftn7" title="" href="#_ftnref"><strong><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:footnote">[7]</span></span></strong></a><span style="mso-tab-count:1">&nbsp;</span>Liliane Giraudon, <em>Sker</em>, Paris, P.O.L, 2002, p. 12-13.</p> </div> <div style="mso-element:footnote" id="ftn"> <p style="text-align:justify"><a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftn8" title="" href="#_ftnref"><span class="Caractresdenotedebasdepage"><b>[8]</b></span></a><span style="mso-tab-count:1"> </span>Citation de la quatri&egrave;me de couverture de <i>La Po&eacute;tesse</i>. Peut-on voir, en ce &laquo;&nbsp;<i>f&eacute;minin terrible</i>&nbsp;&raquo;, le cancer du sein ?</p> </div> <div style="mso-element:footnote" id="ftn"> <p style="text-align:justify"><a name="_ftn9" title="" href="#_ftnref"><span class="Caractresdenotedebasdepage"><b>[9]</b></span></a><span style="mso-tab-count:1"> </span>Liliane Giraudon, Henri Deluy, <em>Po&eacute;sies en France depuis 1960, 29 femmes, une anthologie</em>, Paris, Stock, coll. &laquo;&nbsp;Versus&nbsp;&raquo;, 1994, p. 11.</p> </div> <div style="mso-element:footnote" id="ftn"> <p><a name="_ftn10" title="" href="#_ftnref"><span class="Caractresdenotedebasdepage"><b>[10]</b></span></a><b>&nbsp;</b>Christophe Tarkos, <em>Oui</em><i> </i>[1996] dans <em>&Eacute;crits po&eacute;tiques</em><i>,</i> Paris, P.O.L, 2008, p. 161-259.</p> </div> <div style="mso-element:footnote" id="ftn"> <p style="text-align:justify"><a style="mso-footnote-id:ftn" name="_ftn11" title="" href="#_ftnref"><strong><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character:footnote">[11]</span></span></strong></a><span style="mso-tab-count:1"> </span>Giraudon paraphrasant ici cette phrase de Mallarm&eacute; &laquo;&nbsp;Je ne sais pas d'autre bombe qu'un livre.&nbsp;&raquo;. <em>&OElig;uvres compl&egrave;tes</em>, Tome II, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 2003, p. 660.</p> </div> </div> http://salondouble.contemporain.info/lecture/un-poete-nexiste-jamais-seul#comments ARTAUD, Antonin Autobiographie Autofiction BECKETT, Samuel Filiation France FREYTAG-LORINGHOVEN, Elsa von GIRAUDON, Liliane Identité MALLARMÉ, Stéphane Mémoire PÉLIEU, Mary Beach SONTAG, Susan TARKOS, Christophe Temps TSVETAÏEVA, Marina WALSER, Robert Poésie Wed, 22 Sep 2010 17:11:39 +0000 Anne-Renée Caillé 270 at http://salondouble.contemporain.info