Salon double - Institution littéraire http://salondouble.contemporain.info/taxonomy/term/860/0 fr Du trickster à l’Ovni: tisser la littérature québécoise en périphérie de la création. Réflexion sur la place de la littérature dans la revue Ovni http://salondouble.contemporain.info/article/du-trickster-a-lovni-tisser-la-litterature-quebecoise-en-peripherie-de-la-creation-reflexion <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/constant-marie-helene">Constant, Marie-Hélène</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/hors-les-murs-perspectives-decentrees-sur-la-litterature-quebecoise-contemporaine">Hors les murs : perspectives décentrées sur la littérature québécoise contemporaine</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p align="right">&nbsp;</p> <p align="right">Le meilleur nom qui soit pour ce qu’on veut faire dans ce magazine ni chair ni poisson. Pas revue littéraire généraliste de type service public, pas non plus revue clanique qui se rejoue la ligne dure. Le non-identifié, le furtif, le vol sous ou au-dessus du radar, l’ailleurs, la liberté d’aller où bon nous semble et la mauvaise science-fiction nous conviennent bien. On veut croire que la [<em>sic</em>] sens banalisé du mot « ovni », qui désigne toute forme de singularité intempestive, correspondra à ce qu’on fait.&nbsp;</p> <p align="right">— Éric de Larochellière, «Tirer des plans sur la comète», <em>Ovni</em>, no 1 (mai-juillet 2008) p.2.</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> <p>Le parcours de la revue<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a> <em>Ovni</em> est fugitif: publiée pour la première fois en mai 2008, elle s’éteint quatre numéros plus tard, au printemps&nbsp;2010. Dès sa création, <em>Ovni</em> a tenté de créer un nouvel espace où il était possible de déployer un nouveau discours sur la littérature québécoise qui devait s’arrimer à d’autres disciplines – art, danse, bande dessinée, cinéma, etc. Si la création d’une nouvelle revue ne va pas sans une certaine prétention de nouveauté, il est particulièrement intéressant de se pencher sur la façon dont les éditoriaux inauguraux – il y en a ici neuf au total dans la première livraison – jouent sur les figures du <em>trickster </em>et de l’<em>ovni </em>pour situer leurs discours en périphérie des institutions et des lieux de diffusion des productions culturelles institués. Ces «feuilles volantes» que l’on retrouve dans le «numéro-pilote», pour reprendre les mots du sommaire, me serviront à esquisser – de façon certainement lacunaire – une certaine pensée de la littérature dans le périodique, ou du moins d’en penser les échos dans le mouvement de fondation.</p> <p>Le 27 janvier 2011, Éric de Larochellière et Karine Denault annoncent, sur la plateforme web de la revue<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><sup><sup>[2]</sup></sup></a> – onglet du site web de la maison d’édition Le Quartanier – qu’<em>Ovni </em>cesse ses activités sous leur forme d’alors pour se doter d’un nouveau support de diffusion. Il est question d’un hiatus pendant lequel sera construit un site web pour archiver le contenu des quatre numéros et y publier les prochaines parutions, en plus de la modification de sa périodicité. On peut y lire que ce changement intervient à la suite d’une décision «de ne pas déposer une première demande de subvention et de continuer par [leurs] propres moyens, et donc sans l’obligation de périodicité qui vient avec les subventions.» Plusieurs questions se posent dès lors: à quel prix se fera l’assouplissement du calendrier de parutions? Quelles conséquences sur le lectorat et le contenu aura ce changement de format? Jusqu’où ce passage au numérique libère-t-il les collaborateurs et l’équipe de rédaction des contraintes financières? Nous n’aurons pas de réponse. <em>Ovni </em>s’éteint dans le silence, laissant en véritable notice nécrologique ces souhaits de renaissance. Mais les mots de Larochellière et Denault ne sont pas surprenants; dès le départ, la revue obéit à un désir d’autonomie, elle s’est déployée depuis une certaine forme «d’autogestion [parfois] digne d’une “commune autogérée des années&nbsp;70”» («Pour une éthique du trickster», p.3), pour emprunter les mots de Mathieu Arsenault.</p> <p>La marge revendiquée, dans le fonctionnement du périodique, est également à entendre en résonnance avec le statut d’organisation périphérique – satellite – au Quartanier. La revue demeure cependant très près de la maison d’édition: elle en partage plusieurs vues communes — les fondateurs du Quartanier y écrivent —, et elle profite de sa structure de distribution. À l’époque une «jeune» maison d’édition, Le Quartanier est rafraîchissante dans le champ des éditeurs québécois; fondée en 2002 par Éric de Larochellière et Christian Larouche, elle publie d’abord de la poésie exploratoire puis crée différentes collections d’essai et de fiction. <em>Ovni </em>est ainsi, d’une certaine façon, en marge de la marge.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Tirer des plans sur l’ovni</strong></span></p> <p>La revue est de surcroît maintenue dans une indéfinition constituante. Dans son éditorial inaugural publié dans le premier numéro et intitulé «Tirer des plans sur la comète», Éric de Larochellière joue du statut indéfini et changeant de l’ovni – l’objet, le phénomène —, tout en positionnant la revue par rapport à la littérature. On peut y lire:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p>Cette revue, ou ce magazine [...], croit que la littérature, l’art et la critique, imprimés sur du papier, n’ont pas été rendus caduques par Internet, les séries télé ou les téléphones cellulaires. De toute façon, au Québec en particulier, qui veut lire sur la littérature n’a pas, sur le Web, grand-chose à se mettre sous la dent.&nbsp;(p.2)</p> </blockquote> <p>Il faut d’emblée dire un mot sur l’indéfinition du genre médiatique que cette citation fait ressortir: revue ou magazine, <em>Ovni </em>joue d’une surdéfinition formelle mi-figue mi-raisin – cette «patent[e] qui vol[e]» (Marc-Antoine K. Phaneuf, p.6) –, à la fois un et l’autre, ce qui ne va pas sans rappeler bon nombre des écrits publiés au Quartanier. En plus de noter la douce ironie du passage précédent lorsqu’on le lit aujourd’hui, il faut revenir au titre de l’éditorial. S’il est question de «tirer des plans sur la comète» — suivant l’expression du XIX<sup>e</sup> siècle signifiant&nbsp;«faire des projets sans fondements solides» —, il faut entendre la coïncidence de «la comète» et de l’ovni, question de filer l’idée développée dans l’article. L’ironie de l’expression est patente: tirer des plans, au sens de tracer et de construire, relève de la précision et de la stabilité, alors que le passage d’une comète est un évènement éphémère et relève du mouvement. Or il demeure une vibration dans l’expression dont le texte de Larochellière semble participer: tirer comme tracer et faire advenir une cartographie, aussi éphémère soit-elle, tracer des formes, esquisser des constellations imaginaires depuis l’ovni… ou l’<em>Ovni</em>. Sous la plume de Christophe Bernard, dans «Area 52&nbsp;: travaux en cours», cette idée de géographie imaginaire revient, liant la force de la littérature au projet de la revue&nbsp;qui se fonde:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p>Voilà le symptôme de l’époque à venir, de la puissance de la littérature américaine au XX<sup>e</sup> siècle et de mon plan éditorial secret: me servir d’<em>Ovni</em> – véhicule sophistiqué autant que primitif, canal éphémère, objet où l’on peut tout projeter – pour survoler cette cartographie imaginaire qui s’étend jusqu’à nous. (p.3)</p> </blockquote> <p>Or le projet de fondation lui-même s’organise de façon semblable; Thierry Bissonnette écrit:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p>Or le vœu de participer à la création du rassemblement mobile que peut être une revue retrouve ici l’occasion d’être, accidentellement ou en toute synchronicité. J’entends m’y provoquer, ainsi que mes divers corédacteurs, à parler d’<em>ailleurs</em>, ailleurs passés, présents ou en voie de passer dans le champ de nos instruments. («L’objet planant je chanterai», p.3)</p> </blockquote> <p>Cette pensée de la rencontre et une croyance en la synchronicité semble être ce qui remplace un rigide programme inaugural, et la multiplication des éditoriaux inauguraux en est une des manifestations. Il s’en dégage une foi en la fulgurance quasi mystique qui teintera plusieurs écrits des collaborateurs d’<em>Ovni</em>. Dans le même article, Éric de Larochellière poursuit, à propos du contenu de la revue:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p>[Nous allons] écrire sur ce qui nous intéresse, au fil du temps: les romans, la poésie, l’écriture, les essais, l’art, la danse, le design, le cinéma, la philosophie, alors écrire sur ça, et sur les livres le plus possible, parce que lire nous importe et qu’on a envie de parler de littérature et d’en faire.&nbsp;(p.2)</p> </blockquote> <p>La proximité entre les gens, les disciplines et les formes telle qu’esquissée ici dominera autant les propos que les formes des quatre numéros du périodique. On assiste dès lors à une véritable communauté d’intérêts, à ce «plan tiré».</p> <p>La création joue un rôle majeur, à la fois dans l’élection des sujets et des filiations, et dans la création des<em> ethos </em>des collaborateurs de la revue qui semblent tous parler depuis leur lieu respectif, mais pas en tant que «spécialistes»; ici parle un auteur, là un poète. Larochellière continue, à propos des collaborateurs pressentis pour la suite du projet:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p>On demande aux auteurs dont on apprécie l’écriture et/ou l’esprit critique s’ils veulent participer à un magazine. Ça donne pas mal de poètes qui signeront des chroniques, mais ce n’est pas plus mal. (p.2)</p> </blockquote> <p>On l’annonce: la sensibilité et la création seront donc au cœur du processus, rendant des textes hybrides, à plusieurs têtes, au genre indéfini, aux propos souvent éparpillés et multiples.&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#808080;"><strong>Jouer au <em>trickster</em></strong></span></p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; À cette comète-ovni, Mathieu Arsenault, pour sa part, accole la figure du <em>trickster</em>. Son éditorial, également tiré du premier numéro de la revue, déplie une logique de l’entre-deux et du multiforme, réflexion inscrite à même le processus de la création de la revue. La citation est longue, mais elle en vaut la peine:&nbsp;</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p>À quoi ces discussions [sur le <em>trickster</em> et sur la nomination de la revue] ont-elles servi? Le mot «trickster», qui a circulé dans nos discussions plus longtemps que tout autre nom, cache l’histoire d’un personnage fascinant, présent dans une multitude de cultures. Le Trickster, c’est ce personnage multiforme des mythologies, jamais tout à fait humain, tout à fait animal ou tout à fait dieu, qui entraîne dans l’ambiguïté du devenir tous ceux qu’il trouve sur son chemin. C’est une figure dont l’ironie démonte intelligemment les certitudes et les identités, ce qui explique peut-être ce plaisir et cette incapacité malsaine que nous avions à nous trouver un nom. Celui avec lequel nous nous retrouvons correspond secrètement au Trickster: l’ovni ne désigne rien de particulier mais bien le «non-identifié», dont la seule caractéristique positive, le vol, indique plus son intangibilité que sa réalité. S’il devait rester quelque chose de ce débat, j’aimerais que ce soit cette éthique du Trickster comme doute joyeux, remise en question radicale mais légère, insidieuse, insaisissable. Mon souhait le plus cher pour cette revue serait, en création comme en critique littéraire, qu’à la limite d’un mauvais cadrage de série B, on puisse voir un instant, au bout de la corde transparente au-dessous de laquelle pend l’ovni, la main maligne de Loki, de Till Eulenspiegel ou la patte enflammée de Kyubi no Kitsune, le renard à neuf queues japonais. (p.3)</p> </blockquote> <p>Sous la plume d’Arsenault, le personnage du <em>trickster </em>est accompagné d’espoir. Les trois figures que convoque Arsenault à la fin de l’extrait – soit Loki, Till «l’Espiègle» et Kyubi no Kitsune – sont différents personnages de diverses mythologies et littératures orales. Toutes trois, elles partagent les traits du <em>trickster</em>: elles sont malignes, rusées, maléfiques et, surtout, multiformes. Il faut ainsi entendre la légende dans son pouvoir de fictionnalisation et d’invention qui sous-tend ici la réflexion et, plus largement, soutient l’édifice d’<em>Ovni</em>. L’effet de lecture des quatre numéros de la revue abonde en ce sens: ça s’éparpille, ça tire dans tous les sens, ça s’organise de façon organique et au gré du temps et des désirs. Le magazine s’inscrit dans un horizon critique constamment mouvement, et ce, dans le décalage (des tons, des intérêts mercantiles ambiants, des courants institués, etc.): «Je vois donc en <em>Ovni</em> à la fois un laboratoire en mouvement, [….] une autopsie par l’étonnement de cette littérature englobante et jubilatoire, de la Chose et de ses organes.» (Christophe Bernard, p.&nbsp;3)</p> <p>En condensant à la fois la création et la pratique autoréflexive propre à l’éditorial inaugural, Annie Lafleur, dans «Au bout de la ligne», poursuit la réflexion&nbsp;sur l’expérience de la création du magazine:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p>La conversation, bien enclenchée, accrochait d’ores et déjà tous les esprits et les paroles pendaient sans ampleur dans les poignées de cils endoloris. Des centaines d’heures plus tard, une bombe bariolait la première image. Les corps déposés au hasard faisaient dévier le champ. On nous disait, le Trickster est mort, vive le Trickster! […] <em>Ovni</em> est un énorme téléphone brisé par lequel tout le contenu de la littérature passe très bien. Le Trickster est bien assis derrière le volant.&nbsp;(p.5)</p> </blockquote> <p>L’auteure donne ici à voir le <em>trickster </em>comme mort-vivant, comme survivance, cet élément délaissé du douloureux cérémonial de création d’une nouvelle revue, mais qui demeure, toujours là, à la barre. La littérature – et ce, d’ailleurs dans tous les numéros de la revue – occupe une place de choix: point de départ des réflexions, elle est la pierre d’assise, l’immuable. Mais elle est aussi multiple et élue au gré des intérêts et des collaborateurs, parfois même au gré des rencontres et des évènements. Il en va ainsi puisqu’au centre de toutes les craintes exprimées par les collaborateurs et leurs textes, il reste toujours l’écriture, aussi informe soit-elle: il reste cette tentative de communication, ce téléphone au son distordu. La littérature québécoise serait donc sûrement cet espace poreux dans lequel file l’<em>Ovni</em>, où tous les allers-retours entre les auteurs et les œuvres sont permis, cet espace informe à partir duquel piger, mais où il est impossible de se positionner de façon stable.</p> <p>Au début des années&nbsp;2000, Doris Eibl, menant une réflexion sur l’œuvre de Suzanne Jacob, investit le personnage mythique du <em>trickster</em>. Elle dira que le <em>trickster</em> est une figure qui noue et dénoue, qui dupe et se fait duper:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p>Nous savons gré à Suzanne Jacob d’avoir introduit le Trickster dans son roman, ce personnage qui nous renvoie aux traditions orales des peuples autochtones des Amériques du Nord où il est, selon les cultures, tantôt le Corbeau ou le Coyote, tantôt l’Araignée ou le Lièvre, tantôt <em>Nanabush</em> ou le Vieil Homme ou une plante, entre autres. Si l’on veut croire Paul Radin, le Trickster serait à la fois créateur et destructeur, donneur et négateur, celui qui dupe les autres et qui est lui-même toujours dupé<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a>.</p> </blockquote> <p>En se mettant constamment en danger, par sa forme indéfinie, mouvante, instable, par ses contenus — est-ce de l’humeur, de l’humour, de la critique, du portfolio, du pamphlet? — et ses collaborateurs multiples, la revue <em>Ovni</em> joue le Trickster, le renard rusé, mais qui finit aussi parfois par se faire prendre au jeu. Plus encore, c’est à l’intersection entre le discours savant sur la littérature, entre la création, les histoires orales et la littérature même – québécoise, américaine ou étrangère – qu’<em>Ovni </em>joue au <em>trickster</em>. Et depuis ce lieu médian, la revue propose un contrepoint au discours cynique qui traverse les hérauts contemporains de la fin des lieux de pensée de la littérature et de la culture. Bertrand Laverdure écrivait:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p>Mais pourquoi, <em>encore</em>? Pourquoi <em>maintenant</em>? Ne vit-on pas jour après jour l’intrusion des autres? Le placardage effréné de leur gentillesse, du cynisme de bon aloi, de la fatigue culturelle du pauvre Québec confus? De revue, de chair à revue, de viande à «comment», de bouillon à rythmes, d’un bouquet pétulant qui trempe dans ce qui frémit — c’est bien de cette folie douce des idées qu’il est question ici. On va s’empiffrer, déglutir, se vider, et tout recommencer. On va traire le troupeau des vaches lettrées. On sera sans toit ni loi et on mourra bientôt, de la belle mort des revues. Ou pas. («De la viande à "comment" et du bouillon à rythmes», p.5)</p> </blockquote> <p>De l’article de Laverdure, on retient, encore une fois, la croyance en une fulgurance tranquille de la revue. Mais ici, on crée «<em>encore</em>» et «<em>maintenant</em>» en plein cœur des discours cyniques, pris et repris, de cette «fatigue culturelle» du Aquin de <em>Libert</em><em>é</em>, au «pauvre Québec confus» de ceux qui ont lu Jean Larose. Et Laverdure l’admet presque par bravade: cela prend toute une dose de folie. La métaphore alimentaire – digestive et scatologique, devrait-on dire – est filée de sorte à laisser, malgré tout, la mort d’une revue comme laissant des traces, donnant un goût et une saveur à «ce qui frémit»; les revues passées au hachoir assaisonnent les idées. Le collaborateur présente les membres d’<em>Ovni </em>comme une horde quasi boulimique, se jetant sur la littérature, prête à se mettre tout sous la dent pour la faire sienne, la métaboliser, la prendre en elle pour mieux la transformer. C’est au cycle des revues que s’arrête Bertrand Laverdure, à leur nécessaire impermanence.</p> <p>On pouvait difficilement imaginer une meilleure fin, mythologiquement parlant, que cette disparition presque programmée en filigrane des éditoriaux du premier numéro. Sous le signe de l’autonomie et du retrait, la mort de la revue s’est faite dans le silence et est gardée telle quelle sur le site web du Quartanier, onglet érigé presque en tombeau appelant à la renaissance de la revue sous une nouvelle forme, depuis 2011 déjà.</p> <div><br clear="all" /><br /> <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a> Il faudrait interroger l’appellation changeante de «magazine» et de «revue» dans le cas d’<em>Ovni</em>. Je ne ferai que le souligner dans le cadre de la présente réflexion, en précisant que l’alternance participe du caractère mouvant du périodique qui se dégage des textes du premier numéro.</p> </div> <div id="ftn2"> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><sup><sup>[2]</sup></sup></a> «Le Quartanier», En ligne :&nbsp; <a href="http://www.lequartanier.com/ovnimagazine.htm" title="http://www.lequartanier.com/ovnimagazine.htm">http://www.lequartanier.com/ovnimagazine.htm</a> (Site consulté le 21 octobre 2014)</p> </div> <div id="ftn3"> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a> Doris Eibl, «L’esprit Trickster», <em>Spirale</em>, 2002, n<sup>o</sup> 185, p.6.</p> </div> </div> <p>&nbsp;</p> Communauté littéraire Institution littéraire Québec Revue Tue, 21 Oct 2014 16:44:28 +0000 Marie-Hélène Constant 875 at http://salondouble.contemporain.info La condition d'Humpty Dumpty http://salondouble.contemporain.info/article/la-condition-dhumpty-dumpty <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-label">Auteur(s):&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/bourgeault-jean-francois">Bourgeault, Jean-François</a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-nodereference field-field-dossier-referent"> <div class="field-label">Dossier Reférent:&nbsp;</div> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/dossier/hors-les-murs-perspectives-decentrees-sur-la-litterature-quebecoise-contemporaine">Hors les murs : perspectives décentrées sur la littérature québécoise contemporaine</a> </div> </div> </div> <!--break--><!--break--> <p>Tout le monde se souvient de cette scène mémorable: oeuf gigantesque juché sur un mur où il croise les jambes, sa bouche si vaste qu'il court le risque de s'auto-décapiter en souriant, Humpty Dumpty trône au centre du sixième chapitre de <em>Through the looking-glass</em>, tout disposé à égarer Alice dans le dédale d'une conversation loufoque où il est le seul maître à bord. Équilibriste, l'oeuf en cravate ne l'est pas seulement parce qu'il oscille là-haut entre deux côtés, assuré que, le cas échéant, s'il venait à tomber et à se fracasser sur le sol, «<em>all the king's horsemen and all the king's men</em>» accourraient tout aussitôt pour le reconstituer. Dans ce dialogue, la posture limitrophe d'Humpty Dumpty rejoue surtout, pour Lewis Carroll, la situation de celui qui refuse le sens comme l'insensé, et qui apparaît alors, en sa qualité de stylite du langage en méditation sur un mur de briques, comme un praticien subtil des mots dans leur épiphanie, dans leur précarité vibratoire, lorsqu'ils viennent de surgir mais n'ont pas encore acquis, pour les autres, un statut d'évidence. «<em>When I use a word, Humpty Dumpty said in a rather scornful tone, it means just what I choose it to mean </em><em>— </em><em>neither more nor less. The question is, said Alice, whether you can make words mean so many different things.</em>» Question que Humpty Dumpty corrige de la façon suivante, en lecteur anachronique de Foucault et avec cette étrange lucidité que l'on retrouve chez tous les protagonistes du pays des merveilles: «<em>The question is which is to be master </em><em>—</em><em> that's all.</em>»</p> <p>En ce qui concerne les mots, tous les mots, dans leur vie fantomatique où le «combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes»<em>, </em>comme l'écrit Rimbaud, la question est en définitive de savoir qui est le maître — ce qui revient aussi à dire, du point de vue d'Humpty Dumpty surplombant la petite Alice, de savoir qui accepte d'embrasser le vertige qui accompagne la pensée en altitude, là où toutes les significations stables se dérobent et où seul demeure à habiter une mince lisière, avec le risque perpétuel que comporte ce séjour d'une dégringolade dans la pure insignifiance. Si Humpty Dumpty me semble le saint patron des revues littéraires, ce n'est donc pas seulement parce qu'il incarne l'équilibre fragile de celui qui fait du mur érigé entre deux espaces son royaume incertain; mais aussi parce qu'il pose de façon extrêmement claire l'acte de naissance polémique des revues, lesquelles sont prises, à leur corps défendant ou non, dans une joute interminable où il s'agit de savoir qui seront les maîtres dans l'usage de certains mots talismaniques — à commencer par celui, fondamental, de <em>litt</em><em>érature, </em>qui impose son exigence et brille un peu comme un feu follet destiné à perdre ceux qui se lancent à sa poursuite dans la nuit.</p> <p>Avec qui, avec quoi lutte une revue littéraire, au Québec, en 2013, dans ce champ de batailles des mots qui cherchent inlassablement leurs maîtres? Mon hypothèse est qu'elle lutte avec à peu près tout le monde, tous les champs, tous les milieux, ce qui lui confère un statut unique et incarne du même souffle son plus grand péril. La catégorie mitoyenne de la «revue culturelle», dont la revue littéraire est une enclave, se fonde peut-être ainsi sur le fantasme d'une double appartenance qui court toujours le risque, par voie de réversibilité, de se métamorphoser en angoisse d'un double exil.&nbsp;</p> <p>En effet, à droite, la revue culturelle est dorénavant bordée par la «revue savante», formule d'importation assez récente au Québec lorsqu'il s'agit de littérature et dont les implications sont considérables. Alors que les revues avaient longtemps existé ici sans complément, comme s'il allait de soi qu'elles étaient des auberges espagnoles où les penseurs de toute provenance venaient se rencontrer, l'invention de cette fracture entre le «&nbsp;savant&nbsp;» et le «&nbsp;culturel&nbsp;» eut pour effet de créer le double standard qui est encore le nôtre dans notre système de publication intellectuelle. Aux revues savantes, fondées sur l'évaluation anonyme par les pairs et le culte de la contribution décisive, reviendraient les articles sérieux ayant traversé un rite d'inclusion rigoureux, celui-ci devant tenir à l'écart du <em>country-club </em>scientifique les plébéiens sans métier, sans spécialisation et sans protocole. Aux revues culturelles reviendrait maintenant tout le reste: poèmes, nouvelles, notes de lecture impressionnistes, extraits de toute nature (romans, carnets, journaux intimes, etc.), et, perdu dans ce bazar, le genre de l'essai bref, qui allait être compromis de plus en plus par son appartenance à ce nouvel espace de publication, comme si cette chute dans le «culturel» devait aller de pair avec la dégradation de son statut cognitif. Il existe évidemment un <em>no man's land </em>assez considérable entre les pôles artificiels du «savant» et du «culturel», une faille dans laquelle il arrive que sombrent des textes inassignables, trop essayistiques pour les uns, trop académiques pour les autres.&nbsp; Mais en plus de conférer une plus-value scientifique aux articles qu'elle accueille en son sein, la frange de l'édition savante sert surtout à clarifier les conditions de ce que l'on pourrait appeler la <em>vie fiscale </em>universitaire au Québec. Un article publié à <em>É</em><em>tudes fran</em><em>çaises, Globe </em>ou <em>Voix et images </em>a passé le test des portiers invisibles et, en tant que tel, voit sa valeur augmenter d'avoir survécu aux Cerbères de la corporation; le même article publié à <em>Libert</em><em>é, L'inconv</em><em>énient, Spirale </em>ou <em>Contre-Jour </em>(quatre revues de généralistes)<em>, </em>puisqu'il ne passe pas par les mêmes circuits kafkaïens de juges sans noms, vaudra un peu moins, ou dans certains cas ne vaudra rien du tout, la pénombre du «culturel» suscitant des points de vue assez divers chez les universitaires, attitudes qui vont de la répulsion ouverte à l'enthousiasme pour les marges, en passant par la fréquentation occasionnelle, amusée, de ceux qui imitent l'empereur du conte des <em>Mille et une nuits </em>et se déguisent sous un pseudonyme pour fréquenter l'espace d'un texte les bas-quartiers des renégats. Jeunes thésards, nous ne comptions plus, au moment de fonder <em>Contre-Jour, </em>les avertissements bienveillants sur la valeur nulle de ce que nous écririons dans ces pages, même si ces conseils étaient habituellement prodigués avec l'espèce de crainte attendrie que l'on a pour ceux dont on pressent qu'ils vont perdre un peu trop de temps à confectionner des chapeaux en papier-mâché ou des minuscules navires de bois enfermés dans des bouteilles.</p> <p>Si la revue littéraire me semble donc bordée, à droite, par le spectre académique de l'édition savante, elle est battue, à gauche, par le ressac incessant de ce que l'on pourrait nommer, faute de mieux, une sorte de <em>dehors m</em><em>édiatique, </em>un océan écumeux d'énoncés et de discours dans lequel se mêlent sans pour autant se confondre plusieurs approches de la chose littéraire : articles de journaux, de magazines (où, comme dans <em>Bouvard et P</em><em>é</em><em>cuchet, </em>la littérature est un intermède entre la fabrique de conserve et le jardinage), émissions de radio — ou de télévision —, communiqués de presse, clubs de lecture, conférences publiques, sans oublier quelques centaines, voire milliers de <em>tweets </em>qui peuvent désormais gazouiller au sujet du littéraire comme s'en emparer au sein de nouvelles pratiques. Selon une expression de Paul Valéry, cette mer est sous la gouverne de l' «empire du Nombre», lequel, en sa qualité d'étalon absolu, fixe les obsessions fugaces comme il redistribue les valeurs en dehors du système d'autorégulation fixé par l'institution universitaire. Si l'on veut filer la métaphore économique jusqu'au bout, on pourrait affirmer que l’«empire du Nombre» rassemble les deux faces d'une même monnaie:&nbsp; il comprend <em>à la fois </em>la logique capitaliste du marché, où les chiffres de vente ou d'auditoire font foi de tout lorsqu'il s'agit d'assigner une valeur, et <em>à la fois </em>ce qui voudrait être une forme de résistance à cette première logique, soit les explosions aléatoires, imprévisibles de <em>buzz </em>où la gratuité apparente des contenus ne masque pas, tout de même, que le compteur continue de faire la loi dans l'accession à l'existence publique. Or, de quelque côté qu'on la prenne, la revue littéraire est un mauvais vassal de l’«empire du Nombre»: ses abonnés forment souvent une diaspora archipelaire, disséminée entre les villes et parfois les pays; ses ventes en librairie laissent de petites ridules sans conséquence sur les livres de compte, sauf dans le cas où, par accident ou par flair, certains numéros deviennent des succès de devanture; et la relation traditionnelle que la revue littéraire entretient avec la presse en est une de séduction contrariée et parfois profondément paradoxale, dans la mesure où il n'est pas rare, aujourd'hui, que la revue incarne une variante du cinquième pouvoir<em>, </em>soit le pouvoir ironique de ceux qui surveillent les journalistes du quatrième pouvoir, eux-mêmes chargés, en théorie, et en régime démocratique, de surveiller la cohorte des puissants de ce monde. Malgré les percées médiatiques qui peuvent auréoler un bref instant tel numéro ou tel autre, il ne serait pas trop brutal d'affirmer que les acteurs de revue incarnent pour l’«empire du Nombre», et selon une expression savoureuse de Pessoa, des «inspecteurs solennels des choses futiles» — ce qui, à tout prendre, vaut toujours mieux que d'agir en tant qu'inspecteur futile des choses solennelles, comme le font tant de chroniqueurs culturels.</p> <p>Situé entre deux espaces qui la rejettent souvent comme un corps étranger, trop légère pour une université qui en récuse souvent le manque de sérieux, trop sérieuse pour l’«empire du Nombre» qui en refuse le manque de légèreté, la revue littéraire joue donc son va-tout, perpétuellement, dans une condition intercalaire qui ne va pas, qui ne pourra jamais aller de soi. Dans le meilleur des cas, lorsque cet intervalle favorise un espèce de passeport de double citoyenneté, la revue littéraire peut devenir le lieu d'un <em>vacuum </em>qui attire à parts égales les universitaires renégats et les amateurs éclairés, en somme les lecteurs qui, au-delà de leur spécialisation ou de leur dilettantisme, approchent la littérature comme des «<em>common readers</em>»<em>, </em>selon l'expression utilisée naguère par Virginia Woolf. Dans le pire des cas, lorsque cette condition de l'entre-deux entraîne plutôt un statut de sans-papiers, la revue littéraire peut subir le sort d'un double exil et devenir une espèce de <em>zone franche </em>désertée, où l'on retrouve des versions dégradées de tout ce qui existe dans les deux contrées limitrophes, soit des textes qui n'ont pas le standing intellectuel des productions universitaires et qui n'ont pas davantage l'attrait, la facilité, la séduisante frivolité des capsules instantanées qu'on nous donne à consommer sous forme d'anesthésiants culturels.</p> <p>La question pour Humpty Dumpty fut toujours celle-ci: combien de temps peut-il osciller sur le mur avant qu'il ne tombe d'un côté ou de l'autre? La réponse, appliquée aux revues, est que moyennant la dextérité suffisante pour garder la pose — comme on dit en musique: garder la note —, on peut rester là-haut et tenir son rang tant que le mur lui-même ne s'est pas effondré. Autrement dit, pour le reformuler dans les termes de notre problème, tant que les espaces qui confèrent son sens à la frontière sont suffisamment stables pour qu'il y ait un mur au point de leur rencontre — qui est aussi le lieu de leur démarcation. En ce sens, les mutations profondes qui affectent actuellement de concert le milieu de l'université et celui du grand dehors laissent croire que des lézardes se font jour partout dans la structure, comme si le mur était broyé sous l'action lourde, lente et silencieuse de deux plaques tectoniques qui font pression l'une sur l’autre.&nbsp; Aujourd'hui, et déjà beaucoup plus qu’il y a une dizaine d'années où fonder une revue nous semblait encore relever de l'évidence, le pari est pascalien et rien ne saurait en garantir l'issue. Mais il repose, avec l'opiniâtreté des derniers recours, sur le fantasme presque indépassable, sinon d'un «<em>common reader</em>» — il est probable que cette créature ne soit bientôt visible qu'à travers les cages de verre des archives —, du moins de lecteurs qui soient les frères et soeurs inconnus d'une communauté qui n'existe pas encore et dont on a le fol espoir que quelques pages pourront contribuer à la faire advenir. «<em>When I choose a word, it means just what I choose it to mean</em>»<em>, </em>affirmait Humpty Dumpty.&nbsp; Certes, on peut lire dans cette phrase la démence solipsiste de qui maîtrise le langage à un point tel de surdité et de chaos que ce langage n'en est plus un. Mais on peut aussi, par sympathie avec cette coquille blanche de linguiste qui palabre sur son muret, s'unir complètement avec ce qui, dans cette déclaration, reflète la folie des purs commencements — comme si tous les mots étaient vierges et éclaireraient bientôt un monde nouveau —, cette folie de nomination inouïe sans laquelle je suppose qu'aucune revue n'aurait jamais vu le jour. &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> Communauté littéraire Critique littéraire Industrie littéraire Institution littéraire Québec Revue Sat, 18 Oct 2014 15:50:27 +0000 Jean-François Bourgeault 874 at http://salondouble.contemporain.info Les nouveaux salons http://salondouble.contemporain.info/antichambre/les-nouveaux-salons <div class="field field-type-nodereference field-field-auteurs"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> <a href="/equipe/dufour-genevieve">Dufour, Geneviève</a> </div> <div class="field-item even"> <a href="/equipe/landry-pierre-luc">Landry, Pierre-Luc </a> </div> </div> </div> <div class="field field-type-text field-field-soustitre"> <div class="field-items"> <div class="field-item odd"> Étude de la sociabilité des blogues «littéraires» </div> </div> </div> <!--break--><!--break--><p><br />Une littérature s’élabore en parallèle, voire en marge, de l’institution traditionnelle. La tablette numérique devient un des nouveaux outils de lecture; les archives passent au numérique; le domaine de l’édition suit également cette tangente, sans compter toutes ces oeuvres qui s’ébauchent, se peaufinent et s’écrivent dans cet espace virtuel que l’on nomme la blogosphère. Cette littérature peut-elle être étudiée à l’aide des mêmes outils d’analyse convoqués généralement en études littéraires? Peut-on qualifier ses actants d’&nbsp;«écrivains» si ceux-ci ne jouissent d’aucun statut légitime? Partant de l’idée que le livre, dans son format papier, demeure la représentation la plus tangible de cette légitimation, les blogueurs semblent confinés, d’emblée, à un champ périphérique de la littérature puisque leurs écrits échappent aux procédés de reconnaissance traditionnels. En fait, notre hypothèse de travail est la suivante: il semble que la fonction de reconnaissance conventionnellement associée à l’institution littéraire (entendre ici: le processus d’édition par lequel transite un texte publié, la réception critique et académique de l’œuvre, les prix littéraires, etc.) soit prise en charge, dans le cas des blogues<strong><a name="note 1"></a><a href="#note%201a">[1]</a></strong> littéraires, par des instances informelles à la fois disséminées et organisées que nous nommons le réseau de sociabilité, manifestation empirique la plus aisément repérable.<br /><br />Bien qu’elle ne transite par aucun processus de sélection et de publication, l’écriture des blogues littéraires parvient tout de même à acquérir une certaine forme de reconnaissance. Celle-ci, de nature entre autres symbolique, se sédimente par l’établissement d’un réseau distinct et élargi; la marque la plus évidente de ce réseautage est la liste de liens menant vers d’autres blogues dont se dotent la plupart des écrivains —le <em>blogroll</em>. À la lumière du concept de sociabilité littéraire défendu par Michel Lacroix et Guillaume Pinson (2006), notamment, nous verrons au cours de ce texte comment se construisent les trajectoires des blogueurs en quête de légitimation. La blogosphère représente un espace de consécration semblable aux salons littéraires français de l’époque des Lumières; sous le mode de la représentation de soi (voire de la mise en scène), les salons comme le monde des blogues littéraires agissent à titre d’&nbsp;«institution de sociabilité» (Lilti, 2005: 85). Plutôt que d’établir une reconnaissance critique sur le plan littéraire, il semble que, dans une sphère comme dans l’autre, on se situe dans un régime de complaisance et de politesse. Au centre d’un réseau et forcés, par le fait même, de se plier à l’«esprit de société» (Lilti, 2005: 333), les blogueurs s’inscrivent dans une forme de sociabilité privilégiant le consensus et le divertissement. Et en cela ils n’appellent pas à une évaluation esthétique de leurs écrits, mais ils invitent généralement au dialogue et à l’adhésion par les pairs. C’est ce phénomène que nous analyserons dans ce texte.<br /><br /><span style="color: rgb(105, 105, 105);"><strong>Le blogue «littéraire» existe-t-il vraiment?</strong></span><br />Il existe bel et bien des procédés de reconnaissance dans la blogosphère, quoique ceux-ci s’élaborent de manière officieuse, sans flûtes ni champagne. Toutefois, avant de circonscrire les processus de légitimation, précisons d’abord ce en quoi consiste le blogue littéraire, de même que le blogue dans son acception la plus élémentaire. Jill Walker, dans son ouvrage <em>Blogging</em>, explique que le terme «blogue» est une contraction des mots «Web» et «log». Ce dernier terme est emprunté au domaine de la navigation, rappelant ainsi le fait de naviguer sur la Toile, image communément employée dans le discours courant. «Log», plus précisément, désigne le livre de registre dans lequel les marins inscrivent les événements de la journée (Walker, 2008: 18). Le terme «blogue» réfère donc au caractère quotidien de l’écriture, à la notation des faits et anecdotes consignés jour après jour, sur Internet. Le blogue est généralement rédigé par une seule personne qui s’exprime de manière subjective sur des sujets divers. «Souvent annoncé comme un genre nouveau, mais difficilement unifiable sous son évidente diversité» (Couleau et Hellégouarc’h, 2010: 10), le blogue pose nécessairement la question du genre:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">Qu’il y ait un phénomène social et médiatique des blogs ne fait aucun doute; mais si l’on se demande ce que recouvre ce phénomène, on est gêné parce qu’à cette pratique, il est difficile d’attribuer des caractéristiques génériques. On remarque, d’une part, une tendance à définir le blog comme un «journal personnel en ligne», et d’autre part, on peut être frappé par le nombre important de blogs qui ne relèvent pas de cette qualification générique. On a affaire à des actions de publication et de médiatisation, c’est une certitude; mais la question me semble se poser de savoir si ces pratiques sont appréhendables comme une pratique générique, c’est-à-dire de savoir si elles sont subsumables sous une seule catégorie textuelle (Candel, 2010: 23).</span></p> </blockquote> <p>Étienne Candel suggère de considérer le blogue non pas comme un genre, donc, mais plutôt comme une <em>forme éditoriale</em> (2010: 26). Marie-Ève Thérenty suggère «quatre contraintes nécessaires» pour définir le blogue: «diffusion sur le Web, écriture à la première personne, parcours rétrochronologique, écriture séquencée ou fragmentée» (2010: 54-55). Le blogue diffère donc du site personnel en raison de la potentialité communicative inscrite dans la démarche: c’est le commentaire, véritablement, qui fait le blogue.<br /><br />Le blogue littéraire, quant à lui, semble plus difficile à repérer à cause de son statut littéraire, justement, puisqu’on peut croire que le qualificatif renvoie nécessairement à un jugement de valeur. Et cela&nbsp;nous mène à l’épineuse question: mais qu’est-ce que la littérarité? Qui plus est, le réflexe courant est d’interroger le talent et la solidité des auteurs qui se manifestent dans la blogosphère. Bien qu’en littérature, généralement, on évite de parler de l’intention de l’auteur, dans le cas du blogue, il est d’ordinaire aisé de repérer le projet qui sous-tend l’écriture. Régulièrement, son auteur affiche sur l’interface principale ou dans une interface secondaire l’objectif de son entreprise. Mais s’en remettre exclusivement aux dires de l’auteur est une méthode incertaine, car ne devient pas écrivain qui le veut et qui le formule explicitement. Nous ne parlerons donc pas ici des blogues rédigés par des écrivains reconnus, qu’on pense à ceux de François Bon, Pierre Assouline, Alain Mabanckou ou, chez nous, à ceux de Catherine Mavrikakis et de Christian Mistral, par exemple. Ceux-ci occupent certainement une place de choix sur la blogosphère; leur reconnaissance ne passe pas par la sociabilité virtuelle puisqu’elle est déjà établie par l’institution littéraire officielle. Plus sûrement, on peut faire entrer dans la catégorie littéraire les blogues qui ont pour sujet la littérature et son actualité. Il s’agit d’ailleurs de la définition proposée par<em> Le grand dictionnaire terminologique </em>de l’Office québécois de la langue française (<a href="http://www.granddictionnaire.com/BTML/FRA/r_Motclef/index800_1.asp" target="_blank">en ligne</a>). Cette définition a toutefois le désavantage de réunir sous une seule étiquette les blogues qui <em>se veulent</em> littéraires et les blogues qui <em>s’intéressent</em> à la littérature. C’est-à-dire que ne répondent pas aux mêmes usages et aux mêmes objectifs, à notre avis, les blogues critiques, qui proposent à leurs lecteurs des commentaires maisons et qui font désormais concurrence aux critiques professionnels écrivant traditionnellement dans les périodiques, et les blogues plus «personnels», dirions-nous, que l’on pourrait qualifier de journaux «extimes» (Allard, 2005). En effet, en y regardant de plus près, plusieurs blogues s’apparentent à des carnets d’écriture sans nécessairement traiter de manière directe de la littérature; ces blogues sont davantage de l’ordre du cahier de notes, où s’élaborent des récits tantôt fictionnels, tantôt autobiographiques, où s’échafaudent des réflexions personnelles, sociales, littéraires, etc. D’ailleurs, comme il est fréquent que chaque entrée soit datée, on pourrait aussi les rapprocher de l’écriture diaristique. Mais qu’est-ce qui fait de ces «journaux personnels en ligne» un objet nommément littéraire? Ne pourrait-on pas, à la limite, considérer une suite de statuts publiés sur <em>Facebook</em> comme étant un objet littéraire? Pourquoi cet intérêt de la critique —dont nous sommes, visiblement!— envers les blogues et non pas envers les actes de langage de <em>tous</em> les réseaux sociaux? Le blogue, en réalité, est lui aussi un réseau social —et c’est ce que nous montrerons dans les parties subséquentes de ce texte<a name="note 2"></a><a href="#note%202a"><strong>[2]</strong></a>.<br /><br />En tant qu’acte social, le blogue résiste à la littérarité; c’est ce qu’affirme Alexandre Gefen:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">Bloguer serait d’abord un acte social, directement ou indirectement performatif qui, de fait, ne s’inscrit que difficilement dans les critères définitoires de la «littérature littéraire»: faiblement contractualisée et possédant sa sphère référentielle propre, l’écriture par blog résiste à l’opposition fait/fiction (critère de fictionnalité) qui pourrait la faire admettre dans le corpus littéraire traditionnel; formalisée par réaction à des contraintes technologiques exogènes, elle peine à opérer cette ostentation du signifiant et cette dénudation des procédés qui la qualifieraient de littéraire par diction. Ainsi, rares sont les études ayant fait du blog un genre littéraire en soi (c’est-à-dire, et quelle que soit la définition du genre que l’on retienne, une forme matrice de sens), y compris dans le monde anglo-saxon, pourtant ouvert à une théorie large des médias et attentif au pouvoir configurant des supports textuels (2010: 156).</span><br />&nbsp;</p> </blockquote> <p>La critique actuelle semble accepter d’emblée l’appellation «blogue littéraire» comme si elle allait de soi. Cela nous agace, car on semble accepter d’emblée comme littéraire des oeuvres aussi diverses que le blogue d’un étudiant en littérature qui aspire au métier d’écrivain ou le journal personnel en ligne d’une nouvelle maman qui chronique son quotidien, par exemple —cela dit sans aucun jugement de valeur concernant l’intérêt de ces démarches, qui sont toutes les deux courantes. Évelyne Broudoux remarque une «dualité autoritative» chez certains blogueurs, ce qui pourrait nous mettre sur la piste des critères faisant d’un blogue un blogue <em>littéraire</em>:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">La dualité autoritative est rendue visible sur un certain nombres de blogs issus d’horizons variés (personnels, politiques, littéraires, scientifiques, etc.). Une oscillation se laisse effectivement observer entre le «placement de soi» dans un espace social et un domaine d’activités et la «production d’un contenu original» attribuable à un auteur. En effet, ces blogs se laissent reconnaître à leurs prises de position, aux interprétations diverses qui rythment les contributions. Et il est quelquefois difficile de distinguer ce qui au fond motive leur auteur: être reconnu dans un champ pour ses qualités personnelles ou bien produire et créer des objets dont la valeur sera appréciée par un public constitué de néophytes ou d’experts. Doit-on prendre ces manifestations pour des affirmations d’auteurs en manque de légitimité ou s’agit-il «simplement» d’une construction auctoriale classique, à partir de laquelle l’auteur est en mesure de laisser l’exprimer l’écrivain? (2010: 33)</span><br />&nbsp;</p> </blockquote> <p>La littérarité du blogue passerait donc inévitablement par l’intention de son auteur; cette conclusion nous semble pourtant contre-intuitive: la méthode critique de Sainte-Beuve a déjà été décriée et un retour à l’intentionnisme et à la psychologie de l’auteur ne nous semble pas productif —ni souhaitable. Thérenty décrit dans un article ce qu’elle appelle «l’effet-blog en littérature», écartant ainsi le critère de l’intention de l’auteur. Cet effet serait peut-être plus approprié qu’un discours sur les motivations d’écriture pour parler des blogues littéraires. Selon elle, «[l]e premier effet du blog [littéraire] est d’entraîner à une écriture de la subjectivité. Le blog contraint à l’écriture à la première personne et il permet à l’écrivain, même habitué à une écriture impersonnelle, une exploration des limites du moi, sans d’ailleurs que cette quête ne prenne forcément la forme d’une écriture autobiographique» (2010: 58). La seule contrainte de cette écriture du moi serait celle du fragment. L’effet-blogue se fait sentir dans «[l’]indécision, [l’]hésitation entre l’écriture autobiographique et le décollage fictionnel […] [et] invite à écrire sur ce qui est répétitif (l’habitude), sur ce qui est anodin (la banalité, le prosaïque) et sur le détail (l’infime et l’intime)» (2010: 59). Pour d’autres, c’est davantage l’autoréférentialité qui détermine le blogue littéraire. Broudoux suggère d’ailleurs que l’autopublication «facilite et amplifie l’autoréférence»:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">En effet, l’éditeur qui est le garant de la qualité des textes est aussi le garant des genres publiés. En dehors du genre autofictionnel, les incartades de la personne écrivante dans le texte d’auteur publié sont rarement admises. Il y a donc [avec les blogues] éclatement des genres traditionnels.<br />Ce sont surtout les jeunes intellectuel-le-s qui vont se servir du blog comme d’un espace servant à la construction et à la gestion fine de leur identité: étudiants, jeunes journalistes, artistes ou écrivains, sont susceptibles de jouer avec leur identité, par de multiples détournements passant quelquefois par l’anonymat (2010: 39).</span></p> </blockquote> <p>Le blogue littéraire est donc un amalgame de plusieurs types d’écriture à la fois; il privilégie rarement une direction seule et unique, et c’est ce qui le rend si difficile d’approche. L’entreprise est associée, pour plusieurs, à une quête narcissique. Certains y voient une volonté excessive de communiquer, de se manifester. Retenons à ce sujet le commentaire de Cory Ondrejka, recueilli par Jill Walker dans son ouvrage <em>Blogging</em>. Ce technicien en chef chez <em>Second Life</em> (un site où l’on peut créer un avatar et incarner un personnage dans un monde virtuel) rapproche l’entreprise du blogue à une prise de parole comparable au fait de se rendre sur la plus haute montagne et de crier dans un porte-voix (Walker, 2008: 66). Mais prise à rebours, cette idée ne semble pas s’appliquer parfaitement. On peut associer cette volonté d’expression à un effet escompté, à un désir de communiquer, davantage qu’à un résultat concret puisqu’en réalité, la voix du blogueur, bien qu’elle semble se projeter de manière éhontée, se confond dans la cacophonie ambiante. La blogosphère est vaste. Et pour filer la métaphore encore un peu, nous dirons que la blogosphère offre un paysage infini et bruyant, composé de plusieurs chaînes de montagnes et d’une pluralité de voix s’élançant toutes dans un même lieu. La blogosphère est une suite sans fin de confessions; pour reprendre en d’autres mots l’idée de Geert Lovink dans son article «Blogging, the Nihilist Impulse» (2007: 4), la blogosphère est une parole jamais tue.<br /><br /><span style="color: rgb(105, 105, 105);"><strong>Le caractère social du blogue</strong></span><br />Cette image proposée par Ondrejka mène à mettre en évidence le caractère social du blogue, qui doit être envisagé comme étant partie intégrante d’un tout. Cependant, il est vrai que celui qui écrit ne s’adresse pas forcément à son lecteur. Celui-ci est invisible, souvent inconnu, et ne figure pas toujours parmi le réseau des connaissances immédiates de l’auteur du blogue. Il est vrai également que les discussions échangées entre le blogueur et son lecteur ne peuvent se dérouler de façon synchronique comme c’est le cas lors d’une conversation réelle entre deux interlocuteurs. Il existe en effet une sorte de zone tampon temporelle entre le moment de l’écriture et la réaction du lecteur qui sépare inévitablement les échanges. Or, malgré cette distance entre les différents agents de la blogosphère, des interactions se développent entre les blogues, créant ainsi une communauté. Plus précisément, c’est tout un réseau de sociabilité qui se construit, support symbolique fort utile dans l’établissement de la légitimation de la pratique du blogue littéraire. Comme l’affirme Michel Lacroix dans son article&nbsp;«Littérature, analyse de réseaux et centralité: esquisse d’une théorisation du lien social concret en littérature», «[t]oute solitaire que puisse être l’écriture, le monde littéraire, lui, est éminemment social, pétri d’interrelations entre les multiples acteurs qui l’habitent et lui donnent vie» (2003: 475).<br /><br />Malgré cette sociabilité, le blogue littéraire déboucherait «sur une culture du “happy few”, en suggérant la création de communautés restreinte d’auteurs et de lecteurs»:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">Les paroles de connaisseurs, le lexique renouvelé par des néologismes ou émaillé par des <em>gimmicks</em> fonctionnent comme des signes de reconnaissance. Les «niches» se multiplient sur le net, tandis que le libre jeu sur les identités pseudonymiques, les indices de connivence construisent un espace relationnel à géométrie variable (Couleau et Hellégouarc’h, 2010: 8).</span></p> </blockquote> <p>L’utilisation de pseudonymes est d’ailleurs symptomatique des limitations de cette sociabilité. Olivier Trédan suggère que les blogueurs tentent de reconstruire un «micro-monde» en publiant en ligne et cherchent à la fois à acquérir une certaine légitimité et à choisir les frontières de leur identité numérique:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">Une récurrence apparaît dans le parcours de blogueurs: le recours à un pseudonyme. […] [D]e prime abord, il s’agit d’un truisme, il permet de pointer le souci accordé à la préservation d’une relative autonomie à l’égard des autres cadres dans lesquels les individus sont amenés à intervenir (famille, travail, etc.). La raison de l’abandon de son espace de publication peut être attribuée à la découverte que des proches non ratifiés sont lecteurs assidus en dépit de ses efforts pour que l’espace de publication reste cantonné au seul cadre des interactions entre pairs. La gestion de cette tension, c’est-à-dire la capacité à n’être lu que par un public déterminé, apparaît comme un élément explicatif du maintien d’une activité de publication sur un temps relativement long (2010: 90).</span><br />&nbsp;</p> </blockquote> <p>Le blogue est donc, véritablement, un acte social, même si sa sociabilité est limitée par les modalités propres à la blogosphère. D’où l’intérêt, selon nous, d’aborder l’écriture sur blogue par le biais de son caractère grégaire, collectif, interindividuel.<br /><br /><span style="color: rgb(105, 105, 105);"><strong>Une pratique en quête de légitimité et de reconnaissance</strong></span><br />Les rapports entre blogueurs permettent d’atteindre une forme de&nbsp; reconnaissance. L’activité du lecteur participe au processus de création et d’évaluation du blogue. En effet, un des lieux de prédilection où le lecteur peut s’exprimer, lecteur qui est fréquemment un blogueur par la même occasion, c’est dans le commentaire. Ce bref message laissé à l’intention de l’auteur et de ses lecteurs agit à titre d’appréciation, mais également de carte de visite. Rares sont les blogues qui refusent de consentir à laisser cet espace ouvert aux lecteurs puisque c’est l’endroit par excellence pour se manifester, se montrer, se faire connaître de ses pairs. La procédure est simple: l’auteur du commentaire inscrit son nom et un message qu’il adresse au blogueur. L’identification n’a pas à être complète. Le pseudonyme, quoique métonymique et dénué d’ancrages dans la réalité, suffit à la tâche d’identifiant puisqu’il est rattaché à un autre blogue. L’identifiant a fonction de lien hypertextuel. Il a certes une fonction onomastique mais, plus encore, il représente une porte d’entrée qui mène vers un autre univers d’écriture. Cet espace personnel, le blogue, est souvent recréé à partir d’une présélection d’informations. On ne se dévoile pas entièrement, on remanie, on fictionnalise. En cliquant sur l’identifiant, on atteint l’espace d’écriture d’un autre blogueur et des liens de connivence peuvent ainsi s’établir. Des ponts sont créés. On découvre d’autres blogues et ces blogues peuvent se retrouver ensuite à figurer dans la liste des auteurs que l’on suit, dans le <em>blogroll</em>. Il existerait donc une manière d’institutionnalisation sur la blogosphère qui passe par le commentaire, comme le remarque Broudoux:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">Ainsi aux côtés de l’auteur porté par l’éditeur, reconnu par les institutions culturelles, un nouveau profil commence à s’imposer: celui de l’auteur incarné dont la notoriété se mesure à l’amplitude de la conversation provoquée par ses billets, mesurable par les re-blogs, les citations, les «on aime», les «trackbacks», jusqu’à ce qu’il soit répertorié par les médias traditionnels (journaux, radios, télévision) et intégré dans la chaîne de l’autorité. Cet auteur disséminateur bâtit une œuvre-flux plutôt qu’un patrimoine, à partir d’objets remaniés, remixés, recomposés (2010: 42).</span></p> </blockquote> <p>Il existe d’ailleurs certains sites consacrés à cette mission d’institutionnalisation qui répertorient les blogues les plus populaires, qui organisent des galas récompensant les blogueurs (Gala Blogu'Or, Golden Blog Award, Blogger's Choice Award, etc.), des sites qui fournissent des listes de liens vers d’autres blogues, etc. Des «célébrités» de la Toile prennent la parole et agissent comme parrains de blogueurs émergeants en offrant sur leurs sites personnels des liens vers ces blogues qui seront, inévitablement, assaillis de visiteurs dès la publication de leur nom. Des outils comme <em>Google Analytics</em> permettent aux blogueurs de prendre le pouls de leur lectorat, de savoir quels mots-clés ont été entrés dans les moteurs de recherche pour accéder à leur site, quels billets ont été lus le plus souvent, d’où viennent les visiteurs, etc. De véritables niches sont en train de se créer dans lesquelles sont désormais définies <em>de l’intérieur</em> certaines pratiques de l’écriture sur blogue, dont celle du blogue littéraire.<br /><br />Même s’il est un peu vilain de le formuler ainsi, on peut penser que la fonction du commentaire n’est pas innocente. Ce dernier ne sert pas exclusivement à témoigner de son appréciation; il sert également des intérêts plus personnels. En effet, le commentaire est une trace, une manière de manifester sa présence sur la blogosphère. En fait, à bien y regarder, on se rend compte assez rapidement que les commentaires sont presque tous de l’ordre de l’échange sympathique. Rarement lit-on un message constructif à propos des billets publiés sur les blogues. Dans l’ensemble et de façon grossière, on pourrait dire que les commentaires se résument à prononcer des banalités sur un ton appréciatif. La légèreté de ces messages laisse croire que ce n’est pas tant l’essence du message qui importe, mais davantage le fait de laisser une trace, de marquer son territoire. À l’image des colonisateurs qui plantaient des drapeaux partout où ils avaient voyagé, le commentaire sert de balise visible signalant le passage d’un internaute dans l’espace virtuel d’un de ses pairs. Les échanges sont d’ailleurs généralement polis, comme s’ils étaient régis par des lois non écrites de bienséance. Trédan affirme même que «les commentaires sont le plus souvent compatissants, fournissant conseils et soutien à l’auteur lors de moments difficiles» (2010: 88). Il est vrai que la blogosphère est composée principalement d’écrivains parallèles non reconnus dans le «vrai» monde, et que ces derniers ne jouissent d’aucun statut véritable, d’aucune position privilégiée dans le champ. Tous les blogueurs sont sur le même pied d’égalité puisqu’aucun ne possède de véritable autorité qui le favoriserait par rapport à ses pairs. La faible teneur critique des commentaires et leur relative complaisance nous mènent à considérer les relations virtuelles entre blogueurs comme des relations mondaines.<br /><br /><span style="color: rgb(105, 105, 105);"><strong>Le salon revisité</strong></span><br />Dans le cadre d’un article examinant la pratique des blogues <em>girly</em>, pendant démocratisé du magazine féminin type <em>Vogue</em>, <em>Elle</em> et <em>Cosmo</em>, Barbara Sémel compare la nouvelle sociabilité issue de cette pratique à un nouveau «salon de thé»:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">[L]e blog permet de créer une véritable interaction entre la blogueuse et ses lectrices. Une sociabilité s’installe: chaque blogueuse est aussi lectrice et les discussions ont parfois lieu simultanément sur plusieurs blogs avec des systèmes de coréférence et d’autoréférence. En lisant ces blogs au fil des jours, on peut observer comment, de billets en commentaires, le blog féminin se constitue en nouvel espace de sociabilité, en nouveau salon de thé. Les thèmes abordés se propagent rapidement dans le réseau, grâce notamment à un système de liens hypertextes que l’on trouve de manière ponctuelle dans le corps des billets et de manière plus pérenne dans les <em>blogrolls</em>, ces listes de blogs recommandés qui contribuent à la célébrité de certains blogs et peuvent propulser un petit nouveau très rapidement. Une «communication virale» s’opère qui repose sur ses propres codes langagiers (néologismes, périphrases, jeux de mots, surnoms, connivences dont la compréhension suppose une lecture suivie d’un certain nombre de blogs «recommandés»). Une culture du <em>happy few</em>, qui a l’avantage de ne pas exclure les lectrices néophytes, émerge à travers des billets qui comportent plusieurs niveaux de lecture (2010: 100).</span><br />&nbsp;</p> </blockquote> <p>Bien que Sémel traite dans son texte du blogue féminin dont les thèmes de prédilection seraient le maquillage, la mode, les régimes minceur, les potins de stars, etc. —le portrait est rapidement dressé—, il nous semble que ces considérations sur la sociabilité du blogue peuvent s’appliquer sans grand déplacement au blogue «littéraire»; plutôt que de reproduire les conduites attendues dans un <em>salon de thé</em>, le blogue littéraire s’apparente beaucoup au <em>salon littéraire</em> du siècle des Lumières. Le salon littéraire était lui aussi une institution de sociabilité regroupant des gens afin de converser et de se distraire. Comme le blogueur, l’auteur de salon évolue dans un milieu régi par le consensus. Lilti explique le fonctionnement de ces rencontres:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">L’auteur qui lit une pièce ou un poème dans un salon n’entend pas le soumettre à la critique, mais il en attend des compliments et des applaudissements, ainsi qu’un soutien dans les conversations mondaines. Ce serait une faute de l’en priver, car il s’agit d’abord pour les auditeurs de se conformer aux normes mondaines, qui ne sont pas celles de la critique intellectuelle, mais celles de la politesse et de la complaisance (2005: 330).</span></p> </blockquote> <p>Le blogue fonctionne à peu de choses près comme le salon littéraire de l’époque: même si personne ne se rencontre de manière réelle —sinon lors des rencontres en chair et en os organisées par des associations régionales comme le célèbre <a href="http://yulblog.org/fr/content/cest-quoi-yulblog" target="_blank">Yulblog</a>—, la blogosphère est un espace où se rassemblent des écrivains patentés qui souhaitent faire entendre leur voix, qui souhaitent s’exprimer et recevoir une rétroaction somme toute bienveillante. Pourquoi les blogueurs se critiqueraient-ils entre eux ouvertement s’ils sont tous au même niveau, si aucun d’entre eux n’a d’autorité sur les autres? Lilti va plus loin encore en précisant que le but du divertissement mondain n’est pas de susciter la controverse mais, au contraire, de favoriser l’adhésion, d’attirer les applaudissements:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">La réaction des auditeurs, dans une lecture de société, est donc dictée avant tout par les règles minimales de politesse qui imposent de féliciter l’auteur et d’applaudir. Les compliments sont la contrepartie attendue du divertissement que l’auteur a offert, car les auditeurs ne sont pas en position de juges ou de critiques, mais participent à un divertissement de société, au sein duquel il convient avant tout de se plaire mutuellement et d’éviter toute tension (2005: 330).</span></p> </blockquote> <p>Ce ne sont pas des applaudissements que recueille le blogueur, mais plutôt des commentaires, qui sont pour la plupart assez convenus et agréables. Dans la blogosphère règne un climat généralement harmonieux. Le consensus est ordinairement à l’honneur. La véhémence n’est pas au nombre des normes implicites qui régissent les interactions entre blogueurs. Ce que mentionne Lilti à propos de la sociabilité mondaine s’adapte bien à l’univers des blogues:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">Les contraintes qui pèsent […] sur le jugement sont moins celles d’une norme sociale du goût, que les individus auraient incorporées et qui dicterait inconsciemment leur réaction, que celles qu’impose une forme de sociabilité: les règles de politesse mondaine, et les effets de l’imitation. […] Ce sont des jugements de société, qui ne reposent pas sur un usage public et critique de la raison mais sur l’exercice d’une compétence sociale et culturelle, celle de la politesse mondaine (2005: 334).</span></p> </blockquote> <p>Comme à la cour et dans les sociétés mondaines en général, ce n’est pas tant le commentaire en lui-même qui prime, mais le commentaire en tant que marque de sociabilité, en tant que marque d’adhésion, en tant qu’appui social et symbolique à l’entreprise littéraire de ses pairs. Le commentaire est une mise en scène de cette adhésion. Il est une matérialisation de la reconnaissance. Lacroix précise que les outils convoqués pour étudier les réseaux de sociabilité, comme le commentaire, sont des objets d’analyse à traiter avec parcimonie parce qu’ils sont, eux-mêmes, l’incarnation non objective d’une sociabilité:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">Les réseaux ne sont jamais accessibles qu’au travers de représentations, lesquelles sont autant de points de vue subjectifs sur les réseaux à l’étude. Les travaux sur l’épistolaire, entre autres, l’on en effet mis en évidence: il n’existe pas de source «objective», de document neutre en ce qui concerne les relations entre individus; qu’ils soient médiés par l’écrit ou l’image, ils ont été produits par un individu ou un groupe d’individus dans un contexte particulier, avec des objectifs particuliers, il y a eu médiatisation, re-présentation des relations au moyen du texte ou d’un autre support. Ainsi, si la lettre est le signe d’une relation concrète entre individus, elle est aussi sa mise en scène, sa représentation dans le cadre du genre épistolaire (2003: 484).</span></p> </blockquote> <p>Si le commentaire est, à l’image de la lettre, un signe qui représente le lien de sociabilité établi entre deux interlocuteurs, il est toutefois une mise en scène minimale des liens qui unissent les blogueurs entre eux. En effet, les commentaires sont relativement brefs, n’excédant guère plus que cinquante mots. Dans la plupart des cas, on peut même dire que les commentaires se résument à une dizaine de mots, à une impression fugitive. Cette brièveté n’est pas étrangère aux formulations langagières abrégées utilisées dans les réseaux sociaux que sont <em>Facebook</em> et <em>Twitter</em>, par exemple, ou encore à la manière du clavardage et des messages textes envoyés par les téléphones portables. On pourrait donc penser que les commentaires, si l’on pousse l’idée de leur caractère bienséant et de la pauvreté de leur contenu, ne sont que la marque d’une sociabilité et rien d’autre. Or, une telle conclusion serait rapide. Le commentaire, quoique pauvre en soi sur le plan du contenu, permet justement d’établir des points de contact entre les différents agents de la blogosphère et de construire ainsi une communauté menant, ultimement, à une légitimation de l’écriture. La reconnaissance par les pairs est essentielle dans le processus de légitimation bien que celui-ci, dans le cas des blogues, ait cours en dehors des cercles officiels. De plus, malgré la complaisance de ces échanges entre blogueurs, l’espace du commentaire est également occupé par les identités respectives des internautes. Ces derniers ne laissent pas seulement derrière eux un banal message d’appréciation: ils peuvent faire don également d’un univers littéraire par l’entremise de leurs pseudonymes qui auraient fonction d’hypertexte. L’identifiant renvoie directement à un autre espace d’écriture (un blogue), à un autre réseau de sociabilité, à un autre monde.<br /><br /><span style="color: rgb(105, 105, 105);"><strong>En guise de démonstration</strong></span><br />Un seul exemple tiré d’un de ces blogues littéraires permet de voir en quoi le parallèle avec le salon littéraire est intéressant et opératoire. Nous avons dit plus tôt, à la suite de Broudoux, que les jeunes intellectuels étaient ceux dont les blogues étaient le plus susceptibles d’être qualifiés de littéraires; l’exemple qui suit est tiré du blogue <em>Saint-Henri</em>, tenu par Clarence L’inspecteur, pseudonyme d’un candidat au doctorat en études littéraires à l’UQÀM proche du <em>Salon double</em><a name="note 3"></a><a href="#note%203a"><strong>[3]</strong></a> et dont nous ne révélerons pas la véritable identité, par respect pour son anonymat (si tant est que l’anonymat soit possible dans le milieu très restreint des études supérieures en littérature au Québec!):</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">Ça fait maintenant plus d'une semaine que je n'ai rien écrit ici, ce qui me fait me questionner sur la pertinence de cet espace, dans ma vie, dans la tienne, dans la vie des autres. Je ne sais plus vraiment quoi faire avec Saint-Henri, à part le maintenir en vie. Remarque, j'ai jamais vraiment su où je m'en allais avec ça. Je sais pas non plus d'où vient mon relâchement. L'année dernière j'écrivais tous les jours. Peut-être que je suis influencé par le fait que mon blogroll (par définition les gens que je lis le plus et qui me lisent en retour) semble être sur le respirateur artificiel. L'année dernière il me semble que je jouais dans une cour d'école pleine de petits culs vraiment enthousiastes. Et là, tout le monde a gradué ou je sais pas, tout le monde s'est rendu compte qu'il y avait un McDo de l'autre côté de la rue faque tout le monde passe la récré au complet au McDo à se manger des gangbang pis y a pu personne pour&nbsp;<a href="http://sainthenri.blogspot.com/2010/04/boule-de-neige.html" target="_blank">jouer à tag</a>&nbsp;ou aux quatre coins. En même temps, c'est même pas vrai: y a encore plein de monde, faut juste les trouver. C'est moi qui est rendu trop paresseux.&nbsp;<a href="http://salondouble.contemporain.info/antichambre/une-litt-rature-qui-ne-se-poss-de-pas" target="_blank">Là-bas</a>, ils préparent une grosse conférence sur l'univers des blogues. L'année dernière, j'aurais participé avec passion, j'aurais même participé sous mon pseudonyme, avec un chapeau pis tout, pour ajouter à l'illusion pis à la magie. Mais non, la magie c'était l'année passée. L'année passé [sic], on écrivait des&nbsp;<a href="http://sainthenri.blogspot.com/2010/07/la-mort-dun-soubresaut-ix.html" target="_blank">récits communs en épisodes multiples</a>, qui tournaient autour de la mort de l'un d'entre nous. L'année passée on écrivait des&nbsp;<a href="http://toujourstropbon.blogspot.com/" target="_blank">hommages virtuels en gang à la grande littérature française</a>. Maintenant, on se rabat sur Twitter, qui nous apprend plein d'affaires, et surtout à ne plus écrire aucun mot au complet (2011: [<a href="http://sainthenri.blogspot.com/2011/06/preguica.html" target="_blank">en ligne</a>]).</span></p> </blockquote> <p>Ce billet exprime, bien qu’en négatif, l’interaction entre les blogueurs typique du champ qui est en train de se former: on trouve dans le billet toute une série de liens hypertextes pointant vers d’autres billets, d’autres sites et d’autres blogues dont l’auteur et ses lecteurs (eux aussi blogueurs) peuvent se reconnaître. On voit que des thèmes se sont diffusés au sein de son réseau de sociabilité et que des projets menés en collégialité<a name="note 4"></a><a href="#note%204a"><strong>[4]</strong></a> ont émergé de la pratique du blogue de ce réseau en particulier. L’auteur fait référence à la liste des blogues «amis», la <em>blogroll</em>, qui agit comme support à une communication virale typique de la blogosphère où le lecteur d’un site pointe vers ce site sur le sien et, en échange, l’auteur du site lui retourne la faveur, et ainsi de suite —l’explication est alambiquée mais le concept est plutôt simple. Toutes ces références sont destinées évidemment aux <em>happy few</em>, à ceux qui sont concernés par ces projets, par ces jeux littéraires ayant cours sur le blogue <em>Saint-Henri</em> et sur ceux du réseau de Clarence L’inspecteur. Cela n’empêche pas les lecteurs non-avertis, les néophytes, de cliquer sur les liens et de remonter la ligne du temps pour prendre connaissance de ces jeux dont ils ignoraient l’existence. N’empêche que ce billet illustre fort bien l’esprit de salon qui règne sur la blogosphère. De plus, les commentaires suscités par ce billet sont en général écrits sur le même ton: une nostalgie de cet «âge d’or» où le réseau était véritablement vivant.<br /><br />I<span style="color: rgb(105, 105, 105);"><strong>l n’y a pas eu de nouvelle révolution</strong></span><br />Si le blogue «emprunte» autant à la dynamique des salons (littéraires ou de thé), il y aurait lieu de penser, à la suite de Thérenty, qu’il ne s’agirait donc pas à proprement parler d’une <em>nouvelle</em> révolution, mais bien plutôt du prolongement de la révolution médiatique entamée au XIXe siècle:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">Un certain nombre d’effets engendrés par l’écriture sur blog relèvent moins de la révolution numérique que de la révolution médiatique et notamment tout ce qui relève de la quotidienneté, de la périodicité et du recueil. Le support web a permis de prolonger cette poétique inventée au XIXe siècle avec la révolution médiatique (2010: 61).</span></p> </blockquote> <p>Nous ne nions pas le fait qu’il y a dans le blogue un potentiel que l’on pourrait qualifier de révolutionnaire. À cet effet, d’ailleurs, il faut lire le texte d’Amélie Paquet paru récemment dans <em>Salon double</em> et traitant lui aussi du blogue littéraire. «À chaque fois que la culture libre fait un pas en arrière, [écrit-elle,] je me dis que nous avons raté notre chance. Internet aurait pu sauver le monde, mais il ne le sauvera pas. Les blogues littéraires ne pourront rien pour le sort du monde» (2011: [<a href="http://salondouble.contemporain.info/antichambre/une-litt-rature-qui-ne-se-poss-de-pas" target="_blank">en ligne</a>]). Paquet estime que les blogueurs ont manqué leur chance, celle de changer le monde par la culture libre. Thérenty, pour sa part, souhaite de la part des commentateurs du Web un peu de retenue, de «prudence historique», lorsqu’ils examinent le phénomène des blogues:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">Par ailleurs, ces observations voudraient inviter aussi les commentateurs enthousiastes du Web à un peu de prudence historique. Les conséquences de l’entrée de la civilisation dans l’ère médiatique au XIXe siècle n’ont quasiment pas été étudiées pour la littérature; il ne faudrait pas pour autant imputer au Web l’invention de phénomènes qui lui sont bien antérieurs et qu’il amplifie et renouvelle comme l’écriture du quotidien, le travail sur le fragment, le jeu sur les frontières entre référence et fiction… (2010: 61)</span></p> </blockquote> <p>Cette invitation n’est pas un pied de nez aux artisans du Web 2.0, au contraire: Thérenty souligne d’ailleurs que les blogues amplifient et renouvèlent des pratiques issues de la révolution médiatique du XIXe siècle. De la même manière, les blogues reprennent l’éthique et l’esthétique des salons tout en les adaptant à la nouvelle réalité qui leur permet d’exister. Il nous semblait toutefois important de montrer et d’exprimer clairement que la pratique de l’écriture sur blogue n’est pas surgie <em>ex nihilo</em>. C’est dans cette optique que nous rapportons les propos d’Oriane Deseilligny, qui rapproche les blogues à la pratique plus que centenaire des écritures de soi:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">Certes, comme dispositif éditorial et communicationnel, le blog est bien sans précédent dans l’histoire des supports. Toutefois sur le plan discursif, il hérite de formes ancrées dans l’histoire longue de la culture écrite. […] [C]omme format spécifique de publication et comme structure de production textuelle préformatée, le blog réinvestit et automatise des formes textuelles, discursives et de communication écrite bien plus anciennes à l’écriture de soi (2010: 73-74).</span></p> </blockquote> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);"><strong>Une seconde oralité?</strong></span><br />Par ailleurs, le lecteur de blogue, bien qu’invisible et virtuel, possède un avantage que le lecteur courant n’a pas puisqu’il peut, comme c’est aussi le cas dans un salon littéraire, converser avec l’auteur. L’aspect communicationnel s’élabore de manière singulière dans le cas des blogues. Selon Walker, la venue du blogue est la résultante d’un retour de l’oralité dans nos sociétés. Reprenant les travaux de Walter J. Ong (1982), Walker se penche, dans <em>Blogging</em>, sur le passage de l’oralité à la littérature écrite pour mieux comprendre l’incidence culturelle du blogue. Ainsi, la transition qui s’est effectuée entre l’imprimé et les médias électroniques s’apparente à une seconde oralité. Il s’agit en quelque sorte d’un retour à une culture plus proche de celle de la Grèce antique que de l’ère post-Gutenberg. Le caractère oral du blogue lui vient de sa forme en constante modulation, de la langue qui y est déployée plus près du langage de tous les jours et de sa teneur sociale. Walker fait d’ailleurs un lien avec les travaux de Platon concernant le texte écrit qui représente, selon lui, une déresponsabilisation de l’auteur (2008: 65). Le texte écrit demeure silencieux devant les inflexions du lecteur. Il ne peut établir de communication entre l’auteur et le lecteur, ce que le blogue peut faire. Le lecteur de blogue peut adresser une question à l’auteur du billet qu’il vient de lire. L’auteur est en mesure de répondre aux interrogations de manière relativement instantanée, favorisant ainsi le dialogue entre les différents agents du discours, que ceux-ci soient en amont ou en aval du texte. Ce sont ces interactions qui font penser que le blogue est plus proche de la culture orale que de la culture de l’écrit. C’est à peu près ce qu’Isabelle Escolin-Contensou rapporte elle aussi, en citant d’autres penseurs de la communication:</p> <blockquote><div class="quote_start"> <div></div> </div> <div class="quote_end"> <div></div> </div> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);">Danah Boyd s’intéresse au blog en tant que processus de communication entre blogueurs tour à tour auteurs/orateurs et lecteurs/auditeurs. Elle assimile alors l’exercice du blog à celui du discours d’opinion tenu en public. Le blog emprunte ainsi des traits à la «seconde oralité»: autorité partagée, énonciation à la fois engagée, subjective et objective, et enfin agrégation et montage des éléments textuels (2010: 18).</span></p> </blockquote> <p>Cette seconde oralité redore également le blason de la blogosphère en présentant le commentaire certes comme un espace complaisant, mais plus encore comme l’incarnation matérielle de la responsabilisation de l’auteur par rapport à son discours, ce que le livre ne peut véritablement proposer et ce, même si cet auteur utilise un pseudonyme. Bien que l’on soit en présence d’une incarnation virtuelle, le blogueur se prononce de façon réelle. L’échange est public et visible. Or, contrairement aux autres manifestations issues d’une culture de l’oralité (donc non exposées aux technologies permettant de fixer sur bande des performances orales), le blogue possède une pérennité. Il allie la permanence du texte écrit à la responsabilité de l’œuvre orale. Comme le texte imprimé, le blogue offre une empreinte lisible de l’univers qu’il déploie, un univers auquel on peut aussi se référer ultérieurement. Il laisse également des traces visibles des réseaux de sociabilité qui s’élaborent entre les différents agents de ce milieu littéraire parallèle. Le blogue se situe donc à cheval sur deux traditions littéraires, l’oralité et l’écriture, jouissant ainsi de l’effet de responsabilisation de l’un et de la pérennité de l’autre.</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p><strong><a name="note 1a"></a><a href="#note%201">[1]</a></strong> Nous orthographons «blogue» de cette manière puisqu’il s’agit de la francisation officielle du terme «blog» adoptée et recommandée par l’Office québécois de la langue française. Néanmoins, on retrouvera dans notre texte des occurrences de l’anglicisme «blog» puisque certains critiques, en France notamment, utilisent cette forme. La Commission générale de terminologie et de néologie a officialisé l’expression «bloc-notes» pour traiter du blogue, mais il y a là risque de confusion avec les autres acceptions du terme.</p> <p><a name="note 2a"></a><a href="#note%202"><strong>[2]</strong></a> Pourquoi alors considérer la blogosphère comme étant un bassin potentiel de littérature et non pas les autres réseaux? Nous ne prétendons pas détenir de réponse à cette question complexe, mais peut-être faudrait-il, à notre avis, explorer du côté du caractère <em>public</em> des blogues, accessibles généralement par tous (à moins d’être privé) et ainsi non réservés à un cercle «d’amis» comme peut l’être <em>Facebook</em>. Puisque, après tout, ce n’est pas la longueur qui détermine la littérarité: il existe déjà des études sur les productions littéraires sur <em>Twitter</em>, autre réseau social désormais célèbre, à l’origine d’ailleurs du néologisme <em>twitterature</em>. On pense entre autres à l’<a href="http://www.twittexte.com/ScriptorAdmin/scripto.asp?resultat=734326" target="_blank">Institut de twittérature comparée</a>, qui niche sur le web, ou encore au livre <em>Twitterature: The World’s Greatest Books in Twenty Tweets or Less</em> d’Alexandre Aciman et Emmett Rensin (2009).</p> <p><a name="note 3a"></a><a href="#note%203"><strong>[3]</strong></a> Il est d’ailleurs amusant de constater que <em>Salon double</em> flirte (peut-être) aussi avec le salon littéraire, par son nom, d’abord, puis par sa fonction, celle d’observer la littérature contemporaine et d’en discuter avec ses lecteurs et ses collaborateurs. Cette affirmation n’est toutefois guère plus qu’une opinion, puisque nous ne sommes pas en mesure de déterminer s’il existe une proximité réelle entre le projet de <em>Salon double</em> et celui du salon littéraire.</p> <p><a name="note 4a"></a><a href="#note%204"><strong>[4]</strong></a> Il y aurait là matière, d’ailleurs, à mettre ces projets élaborés en collégialité en parallèle avec tous les jeux organisés dans les salons littéraires du XVIIe siècle: concours de madrigal, hommages dissimulés à d’autres salonniers, etc. L’équivalent actuel serait sans doute les vases communicants, projet collectif entamant sa deuxième année et au sein duquel, une fois par mois, certains blogueurs permutent leurs blogues entre eux: l’un écrit sur le blogue de l’autre, et vice-versa. Les vases communicants sont répertoriés à chaque mois par de nombreux blogueurs, dont François Bon, ainsi que sur <em>Facebook</em> et <em>Twitter</em>.</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color: rgb(105, 105, 105);"><strong>Bibliographie</strong></span><br /><br />Alexandre ACIMAN et Emmett RENSIN (2009), <em>Twitterature: The World’s Greatest Books in Twenty Tweets of Less</em>, New York, Penguin.<br /><br />Laurence ALLARD (2005), «Termitières numériques: les blogs comme technologie agrégative de soi», dans <em>Multitudes</em>, no21: «Postmédia, réseaux, mises en commun», p.79-86.<br /><br />Danah BOYD (2004), «Broken Metaphors as Liminal Practices», [<a href="http://www.danah.org/papers/BrokenMetaphors.pdf" target="_blank">en ligne</a>]. [Texte cité par Isabelle Escolin-Contensou (2010)].<br /><br />Évelyne BROUDOUX (2010), «L’exercice autoritatif du blogueur et le genre éditorial du microblogging de Tumblr», dans Christèle COULEAU et Pascale HELLÉGOUARC'H [dir.], <em>Les blogs. Écritures d’un nouveau genre?</em>, Paris, L’Harmattan (Itinéraires. Littérature, textes, cultures, 2010, 2. Centre d’Étude des Nouveaux Espaces Littéraires, Université Paris 13), p.33-42.<br /><br />Étienne CANDEL (2010), «&nbsp;Penser la forme des blogs, entre générique et génétique&nbsp;», dans Christèle COULEAU et Pascale HELLÉGOUARC'H [dir.], <em>Les blogs. Écritures d’un nouveau genre?</em>, Paris, L’Harmattan (Itinéraires. Littérature, textes, cultures, 2010, 2. Centre d’Étude des Nouveaux Espaces Littéraires, Université Paris 13), p.23-31.<br /><br />CLARENCE L’INSPECTEUR (2011), «Saint-Henri: Preguiça», dans <em>Saint-Henri</em>, samedi le 25 juin 2011 [<a href="http://sainthenri.blogspot.com/2011/06/preguica.html" target="_blank">en ligne</a>]. (Page consultée le 14 juillet 2011).<br /><br />Christèle COULEAU et Pascale HELLÉGOUARC’H (2010), «Introduction», dans Christèle COULEAU et Pascale HELLÉGOUARC'H [dir.], <em>Les blogs. Écritures d’un nouveau genre?</em>, Paris, L’Harmattan (Itinéraires. Littérature, textes, cultures, 2010, 2. Centre d’Étude des Nouveaux Espaces Littéraires, Université Paris 13), p.7-12.<br /><br />Oriane DESEILLIGNY (2010), «Le blog intime au croisement des genres de l’écriture de soi», dans Christèle COULEAU et Pascale HELLÉGOUARC'H [dir.], <em>Les blogs. Écritures d’un nouveau genre?</em>, Paris, L’Harmattan (Itinéraires. Littérature, textes, cultures, 2010, 2. Centre d’Étude des Nouveaux Espaces Littéraires, Université Paris 13), p.73-82.<br /><br />Isabelle ESCOLIN-CONTENSOU (2010), «le blog, nouvel espace littéraire entre tradition et reterritorialisation», dans Christèle COULEAU et Pascale HELLÉGOUARC'H [dir.], <em>Les blogs. Écritures d’un nouveau genre?</em>, Paris, L’Harmattan (Itinéraires. Littérature, textes, cultures, 2010, 2. Centre d’Étude des Nouveaux Espaces Littéraires, Université Paris 13), p.13-22.<br /><br />Alexandre GEFEN (2010), «Ce que les réseaux font à la littérature. Réseaux sociaux, microblogging et création», dans Christèle COULEAU et Pascale HELLÉGOUARC'H [dir.], <em>Les blogs. Écritures d’un nouveau genre?</em>, Paris, L’Harmattan (Itinéraires. Littérature, textes, cultures, 2010, 2. Centre d’Étude des Nouveaux Espaces Littéraires, Université Paris 13), p.155-166.</p> <p>Institut de twittérature comparée, [<a href="http://www.twittexte.com/ScriptorAdmin/scripto.asp?resultat=734326" target="_blank">en ligne</a>]. (Page consultée le 3 août 2011).</p> <p>Michel LACROIX (2003), «Littérature, analyse de réseaux et centralité: esquisse d’une théorisation du lien social concret en littérature», dans <em>Recherches sociographiques</em>, vol.44, no3, p.475-497.<br /><br />Michel LACROIX et Guillaume PINSON (2006), «Liminaire», dans <em>Tangence</em>, no80, p.5-17.<br /><br />Antoine LILTI (2005), <em>Le monde des salons. Sociabilité et mondanité à Paris au XVIIIe siècle</em>, Paris, Fayard.<br /><br />Geert LOVINK (2007), «Blogging, the Nihilist Impulse», dans <em>Eurozine</em> [<a href="http://www.eurozine.com/articles/2007-01-02-lovink-en.html" target="_blank">en ligne</a>]. (Page consultée le 15 mai 2010).<br /><br />Office québécois de la langue française, «Blogue littéraire», dans <em>Le grand dictionnaire terminologique</em>, [<a href="http://www.granddictionnaire.com/BTML/FRA/r_Motclef/index800_1.asp" target="_blank">en ligne</a>]. (Page consultée le 14 juillet 2010).<br /><br />Walter J. ONG (1982), <em>Orality and Literacy</em>, New York, Routledge.<br /><br />Amélie PAQUET (2011), «Une littérature qui ne se possède pas. Réflexions sur le blogue littéraire», dans <em>Salon double, observatoire de la littérature contemporaine</em>, [<a href="http://salondouble.contemporain.info/antichambre/une-litt-rature-qui-ne-se-poss-de-pas" target="_blank">en ligne</a>]. (Page consultée le 14 juillet 2011).<br /><br />Barbara SÉMEL (2010), «La culture du macaron. Un nouveau genre, une nouvelle sociabilité, une nouvelle vitrine?», dans Christèle COULEAU et Pascale HELLÉGOUARC'H [dir.], <em>Les blogs. Écritures d’un nouveau genre?</em>, Paris, L’Harmattan (Itinéraires. Littérature, textes, cultures, 2010, 2. Centre d’Étude des Nouveaux Espaces Littéraires, Université Paris 13), p.95-102.<br /><br />Marie-Ève THÉRENTY (2010), «L’effet-blog en littérature. Sur L’Autofictif d’Éric Chevillard et Tumulte de François Bon», dans Christèle COULEAU et Pascale HELLÉGOUARC'H [dir.], <em>Les blogs. Écritures d’un nouveau genre?</em>, Paris, L’Harmattan (Itinéraires. Littérature, textes, cultures, 2010, 2. Centre d’Étude des Nouveaux Espaces Littéraires, Université Paris 13), p.53-63.<br /><br />Olivier TRÉDAN (2010), «Itinéraire d’un blogueur: entre quête de reconnaissance et visibilité limitée», dans Christèle COULEAU et Pascale HELLÉGOUARC'H [dir.], <em>Les blogs. Écritures d’un nouveau genre?</em>, Paris, L’Harmattan (Itinéraires. Littérature, textes, cultures, 2010, 2. Centre d’Étude des Nouveaux Espaces Littéraires, Université Paris 13), p.83-93.<br /><br />Jill WALKER RETTBERG (2008), <em>Blogging</em>, Cambridge, Polity Press (Digital Media and Society).</p> http://salondouble.contemporain.info/antichambre/les-nouveaux-salons#comments ACIMAN, Alexandre, et RENSIN, Emmett ALLARD, Laurence Blogosphère Blogue littéraire BOYD, Danah BROUDOUX, Évelyne CANDEL, Étienne CLARENCE L'INSPECTEUR COULEAU, Christèle, et HELLÉGOUARC’H, Pascale Culture numérique DESEILLIGNY, Oriane ESCOLIN-CONTENSOU, Isabelle France GEFEN, Alexandre Hypermédia Institut de twittérature comparée Institution littéraire LACROIX, Michel LACROIX, Michel, et PINSON, Guillaume Légitimation LILTI, Antoine LOVINK, Geert Office québécois de la langue française ONG, Walter J. Oralité PAQUET, Amélie Québec Réseau de sociabilité Salon littéraire SÉMEL, Barbara THÉRENTY, Marie-Ève TRÉDAN, Olivier WALKER RETTBERG, Jill Mon, 15 Aug 2011 13:42:59 +0000 Pierre-Luc Landry et Geneviève Dufour 361 at http://salondouble.contemporain.info