Appel à contributions | Colloque Mondes Spatialisés

Composition et spatialisation sonore et musicale dans les environnements en Réalité Virtuelle, Augmentée et Mixte
June 04, 2020 to July 01, 2020
Appel

Date de tombée: 1 juillet 2020

Date du colloque: 3-4 novembre 2020

Saint-Étienne, France

Nous avons habituellement tendance à considérer la notion de virtuel comme relevant principalement du champ visuel. Déjà dans son articulation avec la notion d’actuel discutée par Gilles Deleuze et Claire Parnet dans Dialogues (1995) – à savoir, le virtuel en tant que potentiel à actualiser – la notion d’image , d’«image virtuelle», était prépondérante. Mais, c’est bien sûr limiter l’interprétation du propos deleuzien que de le contraindre au seul domaine du visible. Il est vrai qu’aujourd’hui l’on a vite fait de considérer les technologies de simulation d’environnements graphiques en tant qu’objets paradigmatiques de l’idée même de virtualité (on parle bien de «réalité virtuelle», «augmentée», «mixte», pour désigner principalement des environnements où l’image est dominante). L’image visuelle, à la fois en tant que projection et manifestation, semble en représenter le domaine d’existence privilégié. De l’optique au virtuel, pour reprendre le chemin proposé par Frank Popper (POPPER 2012), il y a une filiation évidente, mais non exclusive. En effet, le musical l’exprime sous différentes formes. Par la pratique de son écriture, bien sûr: une partition c’est toujours un potentiel d’oeuvre. Mais également par l’idée même de motif musical: une mélodie c’est bien une forme qui se déploie dans la durée (un «objet temporel», pour reprendre l’expression de Husserl). Dans ce sens, il y a bien image, une image comme intuition d’une forme. L’écoute induit toujours une certaine représentation mentale, la simulation d’un horizon mental, un «monde», dans lequel les figures sonores et musicales prennent place, se spatialisent. Sous cet aspect, les virtualités optiques, sonores et musicales se rencontrent. De plus, les technologies informatiques, en investissant ces différents domaines à partir de la seconde moitié du XXe siècle, permettront par la même occasion de fournir à ces derniers un processus technique commun de virtualisation et d’actualisation.

Cette mise en commun d’outils et de concepts partagés est le fruit d’une évolution historique et artistique croisée qui prend ses sources au début de l’ère industrielle. Les expressions artistiques du tournant du XIXe et XXe siècles ont été le témoin d’un ébranlement progressif de leur stabilité disciplinaire. Il est d’usage aujourd’hui de considérer que si la donne temporelle a graduellement investi les arts visuels (dessin, peinture, sculpture), jusqu’alors principalement assignés à la catégorie des arts de l’espace, de la même façon, la musique, art privilégié du temps, s’est vue touchée par de nouvelles préoccupations esthétiques et compositionnelles en lien avec les notions d’étendue et de géométrisation spatiale. Comme le précise à juste titre Gérard Denizeau «le XXe siècle inaugurera une fusion inédite du sonore et du visuel et oeuvrera à l’élaboration d’une grille de lecture commune de l’objet, dans l’espace comme dans la durée» (DENIZEAU 2004). Il ne s’agira pas seulement de penser des correspondances, des rapprochements métaphoriques entre les deux champs disciplinaires, mais plutôt d’envisager des attributs et des mécanismes partagés et de passer à certains égards de l'idée d’un processus comparatif à celle d’une fusion possible (ZENOUDA 2008). Les problématiques chrono-spatiales des deux domaines vont représenter les points d’ancrage principaux sur lesquels de nouveaux horizons formels vont s’établir. La donne technologique va elle aussi être fondamentale dans ce processus de rapprochement et de décloisonnement des catégorisations artistiques, jusqu’à faire émerger l’idée d’un mode d’existence et d’effectuation commun. À la fois par: 1) l’élaboration d’interfaces partagées (du clavier du «clavecin pour les yeux» conçu en 1725 par l’Abbé Castel au «clavier à couleurs» de Louis Fabre, en 1885); 2) l’objectivation du temps visuel et du temps sonore sur des supports physiques – principe de «rétention tertiaire» (STIEGLER 1994) – avec la pellicule cinématographique, pour l’un, et le disque du phonographe, puis la bande magnétique, pour l’autre; 3) la création d’appareils de synchronisation entre les événements sonores et visuels permettant leur «co-activation» (COSTA 2003), tels que le système de projection cinématographique, la vidéo, ainsi que l’ordinateur.

La seconde moitié du XXe siècle est ensuite le témoin du développement et de l’avènement de deux nouvelles pratiques et disciplines. Tout d'abord, on assiste à la création de la musique électroacoustique qui bouleverse le domaine du musical par une conception nouvelle du sonore et de l’exercice compositionnel, avec l’introduction des notions d’objet sonore et d’objet musical par Pierre Schaeffer (SCHAEFFER 1966), ainsi que le développement de la synthèse sonore, analogique puis numérique. Du côté des arts visuels, le calcul informatique permettra de nouvelles investigations sur la synthèse et la génération programmée d’images (Sutherland, Nake, Ness, AARON). Dans les deux cas la notion d’espace est investie de façon renouvelée. Pour ce qui est du domaine musical, la mise en retrait partielle du contexte orchestral au profit de l’enregistrement et la production en studio motivera en parallèle de nouvelles réflexions et pratiques en lien avec la mise en espace des sons fixés. Des dispositifs techniques de diffusion (quadriphonie, octophonie, acousmonium…) seront pensés spécifiquement pour situer dans l’espace scénique ces sons préenregistrés. Une pensée dynamique de l’espace s’installe peu à peu dans l’esprit des compositeurs (Xenakis, Cage, etc.) en faisant de certaines stratégies géométriques, voire topographiques, de nouveaux axiomes compositionnels. La notion de «spatialisation» devient d’une certaine manière un attribut fondamental dans l’écriture de l’oeuvre musicale, cela jusqu’à sa virtualisation (par la création, par exemple, d’effets spécifiques simulant des volumes spatiaux réalistes, comme dans le cas des réverbérations à convolution). Ou, en utilisant les propriétés psycho-acoustiques de l’écoute humaine pour la simulation de la tridimensionnalité spatiale à partir d’une simple diffusion stéréophonique, comme dans le cas des technologies de simulation binaurale. Dans le même temps, la pratique de l’image calculée se développe progressivement au rythme des avancées matérielles et programmatiques des ordinateurs. La simulation et la génération d’images investissent graduellement la tridimensionnalité. En prolongeant d’une certaine manière les idées héritées de la Renaissance, l’écran devient le lieu possible à partir duquel l’espace peut être prolongé virtuellement. L’image virtuelle devient alors une image avec ses propres lois géométriques, un monde avec sa propre profondeur et sa propre cohérence interne, et, qui plus est, dynamique, modifiable en temps réel. Dans un contexte d’amélioration technologique et de développement d’outils de production de plus en plus performants et accessibles, des artistes investiront massivement les domaines de ce qui allait être nommé la «Réalité Virtuelle». Des recherches pionnières auront lieu au tournant des années 1980-90, avec des artistes tels que Jeffrey Shaw (The Legible City, 1988; The Golden Calf, 1994) et Maurice Benayoun (Le diable est-il courbe, 1995; World Skin, 1997).

Depuis le milieu des années 2000, le domaine de la Réalité Virtuelle et ses pratiques annexes, telles que la Réalité Augmentée et Mixte, ont manifesté des avancées technologiques considérables. Deux facteurs sont à considérer: d’une part, l’amélioration des outils de traitement informatique (processeurs, cartes graphiques…) permettant d’optimiser le traitement et le calcul d’images de plus en plus complexes et à très haute définition; de l’autre, la création de nouveaux logiciels et environnements de programmation induisant une démocratisation des moyens de production de tels environnements calculés – ces logiciels provenant pour la plupart du champ du jeu vidéo (Unity, Unreal Engine). Dans ce contexte de démocratisation des outils de production et de diffusion, les artistes «numériques» – mais pas seulement – se sont rapidement appropriés les règles propres aux domaines de la Réalité Virtuelle, Augmentée et Mixte, tels que Balthazar Auxietre, avec Eidolon (2011) et Le 5e Sommeil (2013), la compagnie Adrien M/Claire B, avec Mirages et miracles (2017 - composition musicale de Olivier Mellano), ou encore Mathilde Lavenne avec l’oeuvre Tropics (2018). Mais cet ensemble de technologies et les pratiques qui en découlent, privilégient en large partie l’image, en reléguant souvent le son et le domaine musical au rang d’appui atmosphérique ou de bruitage contextuel. Cela est dû pour bonne part à la structure des logiciels dédiés à la production de ces environnements simulés. S’il est aisé de complexifier les attributs de l’image par un ensemble d’outils et de filtres visuels mis à disposition de l’utilisateur, il en va autrement du traitement sonore et musical pour lequel seuls quelques traitements basiques (mixage, effets de base…) sont le plus souvent accessibles et paramétrables. Des artistes et compositeurs tentent donc de pousser leslimites de ces environnements en détournant les outils dédiés non seulement pour la simple diffusion, mais également pour la composition d’environnements musicaux et sonores (Jean-Baptiste Lenglet, Lara Morciano, Momoko Seto, Gérard Hourbette, Christophe Havel…ou encore l’expérience limite de l’oeuvre documentaire Notes on Blindness, 2016, produite par AGAT Films & CIE/EX NIHILO…).

Par le présent colloque «Mondes spatialisés: spatialisation et composition sonore et musicale dans les environnements en Réalité Virtuelle, Augmenté et Mixte», il s’agira par conséquent d’interroger les modalités compositionnelles spécifiques aux outils de production d’environnements virtuels, en tentant d’en décrire les traits, les limites et les développements possibles dans le champ de la création numérique contemporaine, visuelle, sonore et musicale. Une attention particulière sera portée également aux formes particulières d’écriture partagée entre artistes visuels et compositeurs dans de tels contextes de production. L’événement est ouvert aux contributions de chercheurs en musicologie, en arts visuels et numériques, en informatique, ainsi qu’aux compositeurs, artistes et producteurs.

AXES D’ENTRÉE THÉMATIQUES (liste non restrictive)

  • Relation espace visuel/espace sonore
  • Musique électroacoustique et électroniques en relation aux technologies immersives visuelles
  • Histoire des technologies immersives audiovisuelles
  • Interaction par objets audiovisuels
  • Partitionnement musical et spatialisation visuelle
  • Espaces sonores et réalité augmentée
  • Arts immersifs audiovisuels et fonction performative
  • Interfaces et mondes virtuels
  • Corps performatifs et espaces audiovisuels simulés
  • Espaces simulés appareillés
  • Objets sonores situés et environnements virtuels
  • Synthèses sonores et visuelles dans des environnements simulés

CALENDRIER

  • Soumission des résumés: 2 juin 2020 *Extension jusqu'qu 1 juillet 2020*
  • Notification aux auteurs: 25 juin 2020
  • Conférence: 3-4 novembre 2020
  • Envoi de textes définitifs pour publication: 15 décembre 2020

CONTACT

Vincent Ciciliato (Univ. Jean Monnet-CIEREC): vincent.ciciliato@univ-st-etienne.fr

Site web du colloque

SOUMISSION

Les propositions de communication (résumé au format .doc ou .pdf, de 3000 signes minimum) sont à envoyer par courrier électronique (vincent.ciciliato@univ-st-etienne.fr), avant le 1 juillet 2020.

COMITÉ D’ORGANISATION

Vincent CICILIATO (Univ. Jean Monnet-CIEREC)
Laurent POTTIER (Univ. Jean Monnet-CIEREC)

COMITÉ SCIENTIFIQUE

Carole BRANDON (Université Savoie Mont Blanc-LLSETI)
Vincent CICILIATO (Univ. Jean Monnet-CIEREC)
Claire CHATELET (Univ. de Montpellier Paul Valery/INHA)
Christophe CHAILLOU (Univ.Lille 1-CRISTAL)
Myriam DESAINTE-CATHERINE (Directrice du SCRIME – Univ. Bordeaux)
Florent DI BARTOLO (Univ. Paris-Est Marne-la-Vallée-LISAA)
Jean-Jacques GAY (Auteur et réalisateur d'expositions, directeur d'a ccè)s( Pau, critique d’art - Univ.Paris 8 - Citu/Paragraphe)
Maxence GRUGIER (Journaliste, curateur en Arts et nouvelles technologies)
David-Olivier LARTIGAUD (RandomLAB ESADSE – LaboNRV)
Stéphane LETZ (Chercheur GRAME – Centre national de création musicale – Lyon)
Marco MANCUSO (IT) (Responsable de la revue Digicult – Accademia delle Belle Arti de Milan)
Romain MICHON (Chercheur GRAME/Stanford University)
Carole NOSELLA (Univ. Jean Monnet-CIEREC)
Rodolphe OLCÈSE (Univ. Jean Monnet-CIEREC)
Yann ORLAREY (Directeur scientifique GRAME – Centre national de création musicale – Lyon)
Laurent POTTIER (Univ. Jean Monnet-CIEREC)
Anolga RODIONOFF (Univ. Jean Monnet-CIEREC)
Marc VEYRAT (Université Savoie Mont Blanc-LLSETI)
Monique VIALADIEU (Art Zoyd – Centre de création musicale)
Hervé ZENOUDA (Univ. de Toulon-IMSIC)