Identification culturelle

(Source: Gregory Chatonsky)

 

Si Internet est devenu une ressource de connaissances, chacun y puisant foule de définitions, de citations et d’autres ressources, sa structure même permet de faire le chemin inverse en localisant les plagiats. De la libération et de la dissémination au contrôle.

Ainsi, Wikipedia potentialise un certain nombre de paramètres des supports de mémoire numérique: capacité d’enregistrer une grande quantité de signes et à modifier ces signes aisément sans détruire le support physique d’inscription. L’idée de ce service étant de socialiser le second paramètre en faisant intervenir les internautes, avec plus ou moins de contrôle, sur l’évolution de cette inscription de la mémoire.

Les fonctions de comparaison et de recherche, c’est-à-dire la capacité d’un ordinateur à transformer l’alphabétique en numérique et le numérique en fonctions algorythmiques (OR, AND, etc.), la capacité aussi d’associer et de splitter les signes, permet les recoupements d’un groupe de signes à un autre. Ce sont ces fonctions qui permettent aux services anti-plagiaristes d’être efficaces.

Cette double bind informatique: d’un côté la facilité à disséminer les mémoires, de l’autre la capacité à comparer deux textes et à en déduire un plagiat,correspond à la double bind de la base de données: d’un côté les entrées, de l’autre les fonctions de recherche et de transformation algorythmiques du langage.

Cette superposition pose de nombreuses questions quant à la nature d’une dissémination culturelle qui immédiatement après devient un moyen de contrôle juridique d’une brutalité qu’on ne commence qu’à entrevoir aujourd’hui. On peut s’interroger pour savoir si la dissémination cultutelle n’est pas la première phase d’un processus dont l’objectif est un contrôle plus grand, première phase dont l’la finalité temporaire est de convaincre les individus d’adopter un format numérique qui potentiellement permet des fonctions de contrôle plus grande que les formats analogiques.

La compréhension de ce processus permettrait de porter un regard amusé et critique sur les dialectiques contemporaines entre les défenseurs de la libre circulation de l’information cultutelle (surtout dans le domaine musical) et ceux souhaitant protéger le droit d’auteur qui est un nom donné à une illusion d’origine. Les premiers oublient souvent naïvement que la libre circulation a été et continue à être une manière de contrôler, de décoder et d’encoder les flux de quelque nature qu’ils soient. De plus d’une comparaison on tire l’illusion d’une identification de l’origine. Il n’y a qu’à lire Borges pour comprendre combien de le plagiat fait partie intégrante de l’acte même d’écriture, car l’écriture c’est toujours déjà de la copie, le langage lui-même copie, on en hérite, on ne l’invente pas originellement.

Et encore le fait qu’une grande partie de nos signes enregistrés, c’est-à-dire de nos mémoires sont soumis aux principes élaborés par la philosophie analytique. Les fonctions de comparaison viennent tout droit des tableaux de vérité (si… donc…alors). Si la philosophie continentale garde un grand attrait, la force de la philosophie analytique est d’être rentrée dans les actes par le biais de l’ordinateur dans les principes logiques de fonctionnement. Il y a quelque chose d’analytique, implicitement pour le moins, dans toutes manipulations d’information sur un ordinateur. Cette philosophie implicite et en acte ne sera pas sans conséquence sur notre manière de penser et de percevoir le monde. La philosophie analytique, étrangement, est extrêmement performative.