La rencontre de l’instant

 

 

Le 14 février dernier, le Laboratoire Nt2 recevait l’artiste montréalaise, Yannick B. Gélinas, invitée dans le cadre de la série Sortir de l’écran. D’entrée de jeu, elle s’est présentée à ses auditeurs comme une « couturière du multimédia ». Le ton était donné. Nous savions dès lors que nous aurions affaire à une artiste dont la production est aussi hétérogène qu’extrêmement liée à la technologie. Des installations aux cédéroms, en passant par les livres, les films et les sites Internet, Gélinas a exploré ce qu’elle qualifie de « poésie sous toutes ses formes » au sein d’une « démarche globale ». Poussée par le principe du « pognes-tu quelque chose ? », qu’un de ses anciens professeurs de multimédia à l’UQAM répétait souvent à ses étudiants, elle a toujours recherché l’« univers immersif » le plus efficace possible pour toucher un vaste auditoire. Depuis le début de sa production, elle choisit d’y aller avec ses tripes et de « parler de ses émotions ».

 



Même si les spectateurs qui la connaissent sont sensibles, nous a-t-elle dit, à sa production filmique, la vidéaste a fait part à la salle du manque d’ouverture des festivals de cinéma pour les vidéos poèmes. L’affirmation est étonnante de prime abord puisque l’histoire du cinéma a retenu, bien sûr, quelques grands films qui pourraient être qualifiés de « vidéo poème », tel que Nuit et brouillard d’Alain Resnais, pour ne nommer que celui-là, où les images des camps de concentration nazie défilent au son des poèmes de Jean Cayrol. En fait, cette réserve s’expliquerait peut-être plutôt par les thèmes au centre de son œuvre, puisque, selon Yannick B. Gélinas, il existerait une réticence plus grande encore que celle de porter des textes poétiques à l’écran. Pour elle, il persiste dans la production actuelle ce qu’elle n’hésite pas à nommer un « tabou du bonheur ». Avec son œuvre Plaisirs, le film, publié chez Planète Rebelle avec un recueil de poésie sous le titre L’emportement, la pétillante artiste voulait trouver une forme d’expression cinématographique et poétique afin d’exprimer le bonheur.

 



La conférence fut présentée le lendemain de sa performance à la Centrale Galerie Powerhouse. Yannick B. Gélinas est bien sûr revenue sur cette expérience. Sa performance marque le passage de son œuvre vers le blogue. Avec VIDA, elle a blogué en direct devant les spectateurs. Elle fut peut-être ⎯ l’Histoire nous le dira ⎯ une des pionnières du blogue en direct, une pratique qui pourrait selon elle connaître des « répercussions importantes ». L’intérêt réside à son avis dans la rencontre de l’intime et de l’extérieur permise par le médium. Si l’interactivité est de mise dans le blogue, il constitue aussi une autre manière de saisir l’instant, une des grandes préoccupations de l’artiste.

 


Fière de ses 1500 lecteurs par semaine, de partout dans le monde, Gélinas se réjouit de trouver sur son blogue un plus large public. Elle partage dans cet espace son intimité afin de célébrer les merveilles de la vie. Véritable poète du quotidien, elle renoue avec le concept antique de la philosophie comme « art de vivre ». Dans Vivre la vie, blogue qu’elle tient depuis trois ans, elle réitère sans cesse qu’« il ne faut pas attendre et qu’il faut profiter de la vie ». Hérault du bonheur, sa production artistique s’organise, de plus en plus, vers une célébration du plaisir sous le signe du carpe diem. Il en va de même pour l’interactivité. Avec dans sa poche plusieurs années de recherche artistique, elle se rend compte qu’il faut tenter de trouver la forme d’interactivité la plus épurée, la plus transparente possible afin de permettre au spectateur d’entrer sans heurts dans les œuvres. Tel est son souhait : rendre la machine organique, lui donner un peu de chaleur er aller au-delà du texte à l’écran. Le pari est lancé!

La photo est extraite du blogue de Yannick B. Gélinas.