Le secret de "Perplex city" a été percé

(Un article d'Olivier Dumons paru dans Le monde.)

ls sont des dizaines de milliers à y jouer quotidiennement, mélangeant en permanence vie réelle et mondes virtuels. Les jeux en réalité alternée (ARG pour "Alternate Reality Gaming") sont de plus en plus prisés, mais aussi de plus en plus richement dotés : le 4 février dernier à minuit et demi, l'une des quêtes débutée en 2004 est arrivée à son terme : le cube Receda de "Perplex city" a livré son secret et été trouvé par Andy Darley, plus connu dans l'aventure sous le pseudonyme d'"Astro_random", mettant fin au jeu et lui permettant d'empocher au passage les 200 000 dollars de récompense.

 
Les chasses au trésor et autres énigmes à récompenses passionnent depuis longtemps le grand public et les accros de jeux vidéos. L'un des premiers du genre, Explora/Chronoquest fut créé en 1988 par Infomedia, une société française basée à Perpignan. Quatre disquettes pour un jeu d'aventure à travers le temps, et 100 000 francs à la clé : La solution, "Pi - 3,14", et le numéro de téléphone de dépôt, étaient obtenus après avoir élucidé toutes les énigmes. Il n'y eut pas de gagnant dans le temps imparti (un an). Plus récemment, les deux épisodes du jeu "In Mémoriam" (2003 et 2006), nous plongeaint dans une ambiance de thriller psychologique à la "Seven", avec énigmes sur le Web, mais aussi coups de téléphones bien réels.

LE COEUR DE LA CHOUETTE TOUJOURS À PRENDRE

Puis vint Max Valentin et sa fameuse poule aux oeufs d'or. Il enterre le 23 avril 1993 une chouette en bronze dans un lieu à déterminer grâce à un livre comportant 11 énigmes et 11 visuels. En échange du modèle en bronze, c'est une Chouette d'Or d'une valeur d'un million de francs (152 449 euros) que récupérera l'inventeur de la découverte. Et 5040 jours plus tard, la chouette était toujours vivante ... au fond de son trou.

De grands média comme France 3 se sont essayés au genre avec succès : En 1996, la Carte au Trésor, émission de découverte des régions françaises sert de support à une chasse bien réelle : L'"homme en noir", véritable maître du jeu, répondait sur minitel, Internet et par téléphone afin de valider pistes et indices, distillés au fil des semaines à l'antenne, mais aussi sur ces différents supports. Et le dimanche 15 septembre 1996, dans le Limousin, tout près des Monts de Blond, une équipe de chercheurs déterre la rose des vents, symbole de victoire.

UNE QUÊTE COMMUNAUTAIRE

L'ère des véritables jeux en réalité alternée commence en 2001 par une expérience de promotion un peu particulière inspirée par le film "The Game" (1997) avec Michael Douglas : la bande annonce du film AI (Intelligence Artificielle) de Steven Spielberg comportait une ligne de crédit en fin de générique plutôt étrange. "The Beast", prolongement promotionnel du film imaginé par Elan Lee venait de naître. Près de trois millions d'internautes se passionnent alors pour cette quête qui renvoyait volontairement et alternativement dans la vraie vie (IRL, In Real Life) et dans le jeu.

Les énigmes de Perplex City sont complexes. Il aura fallu au gagnant parcourir de faux sites webs, de faux blogs, s'inscrire à différentes listes de diffusion, scruter les petites annonces de différents quotidiens à travers le monde, lire des pages et des pages de forums, de magazines, de livres, visionner films et jeux vidéos, visiter des bibliothèques, recevoir coups de téléphones et SMS ou encore trouver de mystérieuses cartes postales abandonnées dans des aéroports ... A tel point que chaque joueur qui se lance devient vite "addict" au point de se déplacer aux quatres coins de la planète à la recherche des fameux indices. Pour Andy Darley, joueur-chasseur émérite du Middlesex, le jeu en valait la chandelle. Quant aux autres, le plaisir de la quête restera intact. Et Adrian Hon, le "puppet master" (surnom donné au concepteur du jeu/ des énigmes) de 23 ans, à l'origine de Perplex City a sûrement plus d'un tour dans son sac.