Lettres d'amour politiques

(Source: Jean-Pierre Balpe dans HyperFiction)

Je viens de réaliser pour le château comtal de la Cité de Carcassonne un générateur de lettres d'amour. Le public croit, généralement, qu'il s'agit de lettres pré-écrites et stockées en mémoire, mais non. J'ai déjà eu l'occasion de dire dans ce blog à quel point la littératture change: ces lettres d'amour sont écrites par un ordinateur à partir d'un dictionnaire, d'un modèle rhétorique, d'une grammaire automatique et de représentations de connaissance. Chaque lettre est unique et le programme peut en écrire des centaines de milliers.

J'ai eu envie, parce que nous sommes en campagne présidentielle (on ne parle plus que de ça partout) de faire rédiger deux de ces lettres, une de Ségolène à la France et une de Nicolas à la même entité. Les voici…

1.De Ségolène à France:

Le jour va poindre enfin, France, je vous aime, en doutez-vous même si les soupçons amènent ce qui n'est pas encore décidé et se mettent en marche. Vous m'avez écrit, vous écrivez agréablement. Je m'efforce de ne penser qu’à vous; l'amour me rend imbécile - vous riez quand il m'arrive de répéter ce que je sens, ce que j'exige de moi, ce que je pense, vous ne m'entendez pas - je souhaiterais infiniment que vous eussiez autant de penchant à m'accorder que ce que je désirerais de vous. Je suis incapable d'imaginer un matin sans vous. Je me veux nettoyée de tout sentiment humain, je vous aime et je ne me lasserai jamais de combattre pour mon amour. Craignez-vous donc que je vous oublie.

Je me contente plus des petites médiocrités quotidiennes, ne pense à rien de plus, personne ne se soucie de l'impossible. La lune bouge… soir de mai, je cligne des yeux comme si je venais de me réveiller: comme tout semble irréel, la vie est trop rapide… le réel se divise comme la nuit… je suis capable de me disputer pour un rien, toute ma pensée refuse de se fixer… je ne sais pas ce qui distingue le réel de l'amour de son spectacle… mon sort reste dans vos mains, je suis partie sans avoir eu le temps de dire adieu car il est douloureux d'aimer seul c’est pourquoi j’écris toujours que je vous aime.

Je vous chercherai partout. Je ne dirai plus rien mais ne m'oubliez pas.

Ségolène

2.De Nicolas à France:

La haine ne peut rien contre la passion… votre lettre, France, m'a fait un grand plaisir.

Comment vous dire toute la jouissance que j'ai à vous voir, je vous supplie que je vous puisse parler aujourd'hui, la mémoire du passé et la peur de l'avenir me glacent sur le présent, du ministère de l’intérieur à l’Élysée, au long des rues de Paris je porte le drapeau de l'amour… votre image me suit partout jusque dans les bras du sommeil.

L'imagination essaie d'inventer les chaînons manquants. Chez nous les habitants s'aiment ou se haïssent sans savoir; le ciel fait des vagues… le temps ne peut pas tout à fait compter; les esplanades se tressent aux passages. Ceux qui ne parlent pas tout haut parlent quand même. Ah, France, vous savez mal aimer. Ou sinon laissez moi le plaisir de croire que vous n'avez pas lu au fond de mon coeur.

France, je sors d’auprès de vous, France, pour être plus avec vous que je n'étais, my dear France… il faut bien que quelque chose comme ça m’arrive un jour - je n'ose plus donner au sommeil un temps qui ne devrait appartenir qu'à la passion, se peut-il que je m'aveugle au point de donner votre nom aux sentiments qui m'agitent, quand je vous vois le reste du monde s'efface. Quand on aime l'amour perce au travers des obstacles… pourquoi me laisser dans les désespoirs de ma solitude - les grands amours s'expriment confusément - je suis toujours ma voie. Mon amour devient courroux, rien ne le calme, tout l'irrite… quand votre coeur vous dit si peu de choses, que n'empruntez-vous le secours de votre imagination, l'amour plante ses banderilles.

Mon esprit n'est plus entre vos mains qu'un jouet, ne m'abandonnez pas.

Nicolas