réflexion après le séminaire de lundi

Une réflexion m'est venue après le séminaire :il me semble que, lors de qulques échanges, personne n'a parlé de l'impact technologique et graphique (interface et outils de constructions mathématiques et autres algorithmes) sur le texte lui-même, sa structure ou ses thèmes et sur les modifications ou inductions de sens qui y sont de + en + possibles. Le texte me semble en pleine mutation sur le Web, (les textos sont peut-être la préfiguration de quelque chose de nouveau, de + ambitieux que nous appréhendons encore mal) mais plus exactement le texte ne peut pas ne pas subir des impacts majeurs dans sa richesse langagière, dans ses nuances, etc., dans cette confrontation entre lecture et procédés qui mettent en forme le processus créatif, ceux-ci sont trop près (?), trop dépendants de la technologie même si celle-ci se veut transparente. On irait un peu vite en confondant transparence et familiarité, c'est justement un des points à creuser dans ce séminaire, me paraît-il.
En 1967, dans Langage et silence , Georges Steiner s’interrogeait sur le développement hégémonique des langages scientifiques, “ les succès et les triomphes des mathématiques et des sciences naturelles ”; sa conclusion était dépourvue d’ambiguïté; “ ceux d’entre nous, écrivait-il, qui sont forcés, par l’ignorance des sciences exactes, d’imaginer l’univers à travers un voile de langage non mathématique, habitent une fiction animée. Les phénomènes, aujourd’hui – la continuité espace-temps de la relativité, la structure atomique de toute matière, l’état d’énergie des particules ondulatoires-, ne sont plus accessibles par le mot. ” Il commentait ainsi la soumission de domaines de plus en plus étendus de la connaissance aux procédés mathématiques. Apparemment Steiner n’avait pas tort : les bases de données modèlent de plus en plus nos habitudes de vie. Il serait incroyable que le langage échappe à cette emprise tout comme l'écrit et bien sûr la lecture, sans oublier les ressorts de la créativité qui sont peut-être déjà canalisés par une imagination elle-même policée. À titre d'exemple, je citerai l'interface de Windows qui aurait pu être constituèe d'icônes empruntées au monde de l'enfance, à la nature, à la cuisine, à la chambre à coucher, à la Science Fiction, etc... comme nous le savons, il en est rien. Les icônes sont empruntés à la vie de bureau, c'est à dire que notre vision est constamment reliée au salariat et à l'aliénation quotidienne. ce n'est sans doute pas un hasard. C'est un exemple de conditionnement et sans doute de réduction du champ imaginaire.