Trois sites à découvrir.
Le premier site est brésilien. Comme on sait, la poésie brésilienne a été pionnière dans des domaines comme celui de la poésie visuelle et sonore — mais surtout visuelle. Le site Ócio Criativo est centré sur les créations contemporaines intervenant dans ce domaine. On y trouve à la fois des anthologies, des essais, des entretiens, des adresses d’autres sites (j’y ai trouvé, par exemple, celle de Arte on line autre site intéressant de poésie électronique), des exemples de poèmes, le catalogue de l’exposition « mostra internacional de poesia visual e eletronica » (je pense inutile de traduire), etc. Bien sûr pour une bonne part de ce qui est présenté ici il est nécessaire de comprendre le portugais, mais cependant l’exposition par exemple reproduit suffisamment d’objets pour que l’on puisse se faire une assez bonne idée de ce qui est exposé. Par ailleurs ce site présente les œuvres de deux poètes: Clemente Padin et Sergio Monteiro de Almeida dont on peut bien sûr consulter quelques poèmes dynamiques, en ligne pour le premier et téléchargeables au format Powerpoint pour le second ce qui offre donc en plus l’avantage de pouvoir les consulter n’importe où ou même de les présenter à d’autres (je pense ici, par exemple, aux enseignants).
Le second site est français, il s’agit d'Arcilab
qui se présente comme un lieu de «création de poésie multimédia»:
poésie visuelle, orale, d’action, texte-image, multimédia. Bref dans la
visée de travail de nombreux créateurs aujourd’hui. Il semble que ce
soit comme la «revue» de dix créateurs qui présentent ici de nombreux
exemples de réalisation: Giney Ayme, A.Strid, Nanni Balestrini, Julien
Blaine, Yolaine Carlier, Stéphanie Ferrat, Jean-Pierre Hamon, Reyes
Lonnech, Jean Monod, Serge Pey et Shirley Sharroff. L’ensemble
ressemble un peu au site A K E N A T O N
dont j’ai déjà eu l’occasion de parler ici et qui est certainement un
des meilleurs lieux ressources français actuels dans ce domaine.
Cependant Artcilab est plutôt dans l’esprit d’une revue que dans celui
d’une anthologie et les créations « multimédia » se réduisent souvent à
des dessins, des poèmes-images ou des vidéos — dont d’ailleurs la
taille très réduite des movies Quicktime ne permet pas de se faire une
bonne idée du travail réalisé. Je dois même dire que je n’ai pas réussi
à obtenir certains des travaux proposés. Problème de format ou de
maintenance du site, je ne saurais le dire. Quoi qu’il en soit, ce site
vaut quand même le détour.
Le troisième site est celui de «l’île de la poésie» installée par Caterina Davinio 51 st Venice Isola Virtuale dans
le cadre de la biennale de Venise. Il est intéressant — car c’est
exceptionnel — qu’une exposition d’art aussi renommée que la biennale
de Venise accepte de présenter de la poésie. Mais de plus, le principe
est que cette isola della poesia est ouverte chacun — à condition
toutefois d’être accepté par la curatrice ce qui évite d’en faire un
site poubelle — pouvant y présenter des poèmes envoyés par Internet. Il
y a actuellement 250 propositions, il ne peut donc être question ici
d’en donner la liste complète, mais chacun peut aller voir par lui-même
puisque tous les poèmes sont en ligne. Il s’agit la plupart du temps de
poèmes « classiques », mais qu’importe.
La revue est le dernier numéro paru de Doc(k)s comprenant les numéros 34/35/36/37 et publié sous la thématique « nature ». Inutile de présenter ici cette revue, la plupart des lecteurs d’Action Poétique savent que c’est un des supports les plus anciens et les plus riches des recherches formelles en poésie. Comme souvent, un très copieux volume de près de 400 pages avec de très nombreuses propositions graphiques. L’intérêt de Doc(k)s est, pour moi, de n’avoir aucun préjugé théorique et d’explorer, depuis très longtemps, le territoire de ce qui peut-être considéré plus ou moins comme de la poésie, en toute liberté. Si c’est parfois irritant, c’est parce que cette absence de cadre conceptuel dérange quelque peu les ordres établis et oblige à envisager l’écriture comme un territoire totalement ouvert. Ça va d’explorations de territoires proches de ceux du land art à de la poésie sonore d’inspiration presque lettriste en passant par des interventions collectives ou diverses formes de performances. Dans ce cadre — qui justement n’en est plus un —, le texte devient un prétexte, un élément comme un autre dans un ensemble de moyens d’expression ouvert bien réjouissant pour l’esprit curieux. Un DVD (compatible Mac-PC) accompagne le volume. Il offre une quarantaine de travaux vidéos de nature très diverses, bien dans l’esprit de la revue. On y retrouve d’ailleurs beaucoup de signatures présente sur les sites dont je viens de parler.
Si toutes ces hirondelles ne font pas le printemps, on sent qu’il approche : la poésie sort du ghetto où elle s’était longtemps enfermée et commence enfin à prendre un peu l’air.
(Article publié dans le n°183 de la revue Action Poétique, mars 2006)