Les musées et les nouvelles technologies : Exposition « Indiana Jones et l’aventure archéologique »

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Le Centre des sciences de Montréal a proposé jusqu’au 18 septembre, une exposition temporaire portant sur l’archéologie. Alliant des accessoires des films Indiana Jones et des données archéologiques authentiques, l’exposition proposait au visiteur un parcours supporté par la technologie de l’audio-guide. La production de cette exposition a été confiée à X3 productions. Après ses débuts à Montréal, l'exposition parcourera l'Europe et l'Asie.

Le Centre des sciences présente l'exposition en ces termes:

Revivez les aventures de l’archéologue globe-trotter le plus populaire au monde, Indiana JonesMC, en explorant la science et les secrets de ses nombreuses découvertes archéologiques. Cette activité pour toute la famille vous fera voir comment la réalité du monde archéologique rejoint la fiction des films.

Cette exposition repose sur les accessoires et les extraits des films de la série Indiana Jones mis en exposition grâce à la collaboration de plusieurs partenaires : Lucasfilm Ltd., la National Geographic Society et le Penn Museum.

L’exposition est ainsi conçue : un espace central rythmé d’îlots et flanqué de quatre petites salles thématiques. Cet espace central présente à chaque îlot un extrait de film, des accessoires, un clip expliquant un mythe archéologique ayant inspiré un passage d’un des films ou racontant une anecdote concernant les accessoires montrés, et de dessins préparatoires (appelés « peintures conceptuelles ») à la construction des décors du film. Le visiteur remonte ce parcours et doit régulièrement l’interrompre pour visiter les petites salles présentant des données thématiques sur le développement de la discipline de l’archéologie, des découvertes faites en Amérique du Sud ou encore des archéologues vedettes du Penn Museum et les moyens de diffusions dont ils ont bénéficié au cours de la première moitié du XXe siècle pour faire connaître leurs travaux auprès d’un public large. C’est dans ces « chapelles » que la chaîne de la National Geographic Society investit le parcours par le biais de projections d‘extraits de ses documentaires. Le parcours se termine par une salle dont le sujet est l’archéologie montréalaise. On y trouve de belles pièces qui sont rapidement mises en contexte.

Il y a plusieurs points positifs à la muséographie appliquée à l’ensemble et l’aspect général de l’exposition est soigné, les textes sont pertinents et l’éclairage est excellent. Le mobilier d’exposition en tant que tel varie en termes de qualité d’intégration à l’espace, mais je mentionnerai que les écrans et les vitrines d’exposition réunies par un socle ressemblant au fond d’une caisse de transport en bois (sûrement un clin d’œil aux caisses qui achemineront l’exposition à l’étranger) sont assez efficaces et mettent en valeur les objets de l’exposition. Deux espaces sont particulièrement bien muséographiés : le mur  d’accueil et le mur à l’alphabet. Ce qui est moins réussi est la proposition qui est faite au visiteur d’accéder à des contenus via l’audio-guide…

De l’abus de la technologie dans le parcours de l’exposition

Le visiteur est invité, avant son entrée dans l’exposition, à ajuster le casque qui lui sera remis au comptoir d’accueil et à porter attention au fonctionnement de son « compagnon », l’audio-guide habillé de cuir qu’on lui remettra. C’est une fois dans l’exposition qu’il découvre la raison de cette explication détaillée offerte par un guide du Centre : sans le compagnon, point de visite ! En effet, l’expérience de visite à travers le « compagnon » est franchement abusive, car le visiteur ne peut s’en affranchir : il est impossible de visiter l’exposition sans utiliser cet appareil, ne serait-ce que pour entendre le son des extraits de film ou encore les textes des documentaires de la National Geographic Society. En outre, il doit taper constamment des numéros sur cet appareil pour accéder aux nombreuses narrations. La contrainte amenée par cette subordination du parcours au temps de la narration a posé de nombreux problèmes de circulation dans l’exposition au moment où j’ai pu l’expérimenter. Dans un des cas, le pire que j’ai vécu, quatre points d’observation se trouvaient côte à côte dans l’espace central et ont créé un embouteillage monstre : les visiteurs restaient stationnés devant les écrans, écoutant pendant plusieurs minutes des narrations explicatives et des extraits de films, et se trouvaient au final bousculés par les autres visiteurs souhaitant voir les mêmes vidéos.

Autre aspect circulatoire : la présence dans le parcours d’un jeu-découverte d’un objet archéologique dont les fragments sont épars dans l’exposition et qui exige du visiteur qu’il glisse son « compagnon » au-dessus d’une dizaine de bornes et réponde à des questions pour obtenir les fragments qui lui permettront de découvrir un trésor. Les visiteurs qui souhaitent davantage participer à ce jeu que profiter de l’exposition elle-même ont autant de difficulté à circuler que les autres Ce jeu a pour effet de créer une confusion dans les parcours de visite, les uns lisant et écoutant les  vidéos, les autres courant de gauche à droite, passant devant les vitrines et les écrans afin de « scanner » les bornes (cachées sous divers motifs incrustés aux murs) pour accéder aux dits fragments, créant bousculades, hésitations, un peu comme si on se trouvait dans une rame de métro… entouré de personnes portant des écouteurs audio. 

C’est donc certainement à une exposition muséale redéfinie par la technologie et misant sur la valorisation du 7e art pour attirer les visiteurs que les Montréalais ont été conviés, comme l'indiquait le communiqué de presse du 2 novembre 2010 de la maison de production. L’intérêt indéniable du sujet de cette exposition aurait par contre bénéficié d'un usage plus modéré des technologies, laissant plus de place à la réflexion et à l'observation des artefacts, et moins à l'interactivité.