Louise-Maude Rioux Soucy
LeDevoir, édition du mardi 24 janvier 2006
On ne compte plus les échecs connus par les différentes générations de livres électroniques depuis leur apparition au début des années 1990. Mais un nouveau prototype présenté au dernier Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas par le vieux routier Sony fait croire à certains experts que le premier chapitre du livre numérique pourrait bien s'écrire ce printemps. Encombrants, coûteux, complexes, aucun des prototypes développés à ce jour n'a su s'imposer sur le marché mondial, au point que certains joueurs ont même carrément abandonné l'idée de développer un instrument original capable de faire une véritable percée. Pas Sony qui a lancé au début du mois son Sony Reader au très fréquenté Consumer Electronics Show. La réponse a été immédiate. Dans son édition en ligne, le magazine branché Wired juge même que le géant a dans ses mains une technologie capable de «générer l'impact d'un roman de Stephen King» dans le monde de l'édition. Cet article laisse même entendre que le Sony Reader pourrait donner son premier véritable souffle au «livrel», terme adopté par l'OLF en lieu et place du «e-book». Il faut dire qu'entre le Sony Reader et la majorité des livrels lancés précédemment sur le marché, il y a un monde qui ne se résume pas à son petit prix (entre 300 et 400 $). L'adoption de la technologie E-Ink a en effet permis à Sony de développer un écran qui, plutôt que de transmettre la lumière par l'arrière, réfléchit la lumière ambiante par au moyen de 480 000 microcapsules. Résultat, on est ici beaucoup plus près du papier traditionnel que de l'écran à cristaux liquides, d'autant plus que la petite machine est dotée d'une gaine de cuir rappelant les reliures d'antan. Mieux, cette technologie a également permis à Sony d'offrir une autonomie de... 7500 pages grâce aux microcapsules qui n'ont besoin des batteries que lorsque le lecteur tourne virtuellement les pages. Mais ce sont moins ces avancées technologiques qui font croire à certains experts que le marché sera conquis par le Sony Reader que son mode de fonctionnement qui n'est pas sans rappeler celui adopté par Apple pour conquérir le marché de la musique. On connaît la suite, Apple s'est taillé la part du lion grâce à son Ipod et à son catalogue en ligne iTunes. Sony espère faire de même en mettant sur pied un procédé d'achat et de téléchargement aussi convivial grâce à son Sony Connect Store. Même si son livrel lira d'abord le format de la maison, le BBeB, Sony affirme qu'il pourra aussi lire les PDF et les RSS, un format utilisé principalement pour la rédaction des carnets Web. Mais on est encore loin du grand bouleversement. Pour l'instant, le marché du livre électronique n'est qu'une goutte dans l'océan : 9,6 millions d'exemplaires électroniques ont été vendus en 2004 contre 23,7 milliards de livres pour la même année, rappelle Wired.