«Comme il y a maintenant plus de 6 ans (c'était hier, bref une éternité !), cela frémit du côté des livres électroniques (voir ce tableau récapitulatif ). A la seule différence que les écrans LCD sont remplacés désormais par les dispositifs développés autour de l'encre/papier électronique. Comme durant la période précédente (celle des pionniers dont faisait partie Cytale), l'euphorie semble gagner quelques esprits (cf. des articles de plus en plus nombreux dans la presse écrite) qui n'hésitent pas à annoncer l'imminence d'une révolution. Révolution qui commence à se faire attendre... Car, tout comme à l'époque pionnière de la fin des années 90, on se concentre sur l'aspect hardware de l'édition numérique ... au détriment de l'essentiel.
L'essentiel, c'est la valeur que pourrait retirer les futurs lecteurs de l'utilisation de ces petits bijoux (?) de haute technologie. Sans une richesse de contenus disponibles et, plus important, sans une proposition de services adaptés à la nouvelle donne du numérique, le papier électronique risque de connaître les mêmes affres que son grand frère "ebook" au moment d'accoster la citadelle du livre. L'objectif des industriels et des quelques éditeurs audacieux est d'inciter les lecteurs à bousculer leurs habitudes face à l'écrit en investissant de l'argent, du temps et de l'affect dans des machines qui ont encore toute l'apparence du "roi nu". Pour ne pas reproduire les erreurs du passé, il faudra alors que ces acteurs économiques prennent bien soin de l'habiller de services (voir à ce sujet ce billet) tout en prenant acte de nouvelles pratiques dont ils ne contrôlent plus l'évolution (P2P et Web 2.0).
En bref, pour susciter l'achat, il faudra que l'investissement financier du consommateur soit rentable. Le développement d'une nouvelle génération de livres électroniques n'est qu'un préalable (certes nécessaire aux vues des stupéfiantes avancées qu'elle autorise en termes de qualité de lecture). Il faut alors continuer plus avant dans le chemin qui doit mener à la découverte de gisement de services qui restent à inventer. Services qui se concentreront sans nul doute sur l'expérience de l'accès aux contenus. Accès qui n'est pas simplement synonyme de mise à disposition (les internautes y pourvoieront sans avoir besoin de grandes compétences), mais de mise en relation. Mise en relation, dans la jungle informationnelle, avec un contenu pertinent, mise en relation entre lecteurs-prescripteurs et mise en relation entre co-producteurs de contenus (le livre comme oeuvre collaborative). Une fois de plus, tout est à inventer mais pas uniquement du côté des industriels, les consommateurs/utilisateurs ont aussi leur mot à dire et c'est d'ailleurs à leur niveau que le processus d'innovation est souvent le plus riche. Ce serait une erreur d'ignorer une fois de plus leur représentation de ce que peut être la lecture numérique.
Est-il besoin de rappeler que sans clients satisfaits il n'y a pas point de marché ? Les atermoiements et le faux-pas de l'industrie du disque sont sans nul doute à méditer. De ce point de vue, plus que jamais, la création d'un marché de l'édition numérique devra passer par la collaboration et l'esprit d'ouverture entre les différents acteurs économiques et leur future clientèle. Elle passera aussi par l'abandon d'anciens modèles d'affaires qui ne peuvent manifestemment pas être transposés à l'environnement numérique. C'est sûrement cette étape qui restera la plus difficile à franchir pour les industriels, avec le risque que les consommateurs leur dament finalement le pion (cf. les pratiques désormais établies autour de la musique). Bref rien n'est encore joué, et encore moins la révolution que certains voient de nouveau venir ...»
Billet tiré du blogue Champs numériques.