L’intelligence artificielle et la réalité virtuelle semblent être deux champs de recherche différents. Mais l’évolution technologique montre certainement que les deux domaines sont plus liés qu’on pourrait le penser. En effet, les mondes virtuels ne peuvent pas se contenter d’être des espaces vides où se rencontrent différents avatars. Que ce soit pour le jeu ou pour des activités plus professionnelles (assistants virtuels, enseignants, etc.) il faudra créer des “robots”, des personnages sans joueurs comme on dit dans les jeux de rôle, capables de remplir leur tâche de manière autonome sans la présence d’un être humain derrière pour en tirer les ficelles.
La plupart du temps, les chatterbots, c’est-à-dire ces robots de dialogues capables de discuter en langage naturel avec les humains, n’ont qu’un répertoire limité et ne semblent pas bien intelligents. L’une des voies possibles pour augmenter leurs capacité seraient de les connecter à une “base de connaissance” visant à leur donner un peu de “sens commun”. Il existe déjà des tentatives pour connecter des chatterbots à la plus importante de ces bases, Opencyc (voir “Quand l’intelligence artificielle apprend le sens commun”).
Aujourd’hui, les “chatterbots” se contentent d’une simple ligne de saisie pour “tchater” avec les internautes. Les choses changent bien sûr avec les mondes virtuels. Le chatterbot possède un corps, un visage, et on attend de ces derniers qu’ils s’animent différemment en fonction du dialogue. Ici encore, l”intelligence artificielle doit jouer un rôle, dans un domaine où elle ne se montre pas, en général, très compétitive : l’expression des émotions.
Les chercheurs qui travaillent dans ce domaine utilisent beaucoup les théories caractérologiques, plus ou moins contestables dans le monde réel, mais très utiles dans ce cas particulier.
Il existe aujourd’hui une multitude de langages de programmation particuliers, qui ont pour unique but de synchroniser les différents comportements d’un agent en fonction de son caractère supposé comme le MPML ou Scream (.pdf), STEP ou APML (.pdf). Et ce ne sont pas les seuls ! La pléthore d’outils et de langages en expérimentation dans ce domaine nous laisse supposer que pour beaucoup, la construction “d’humains virtuels” pourrait bien constituer demain un nouvel Eldorado…
Il existe un autre type de relation entre l’IA et les mondes virtuels : il consiste à utiliser ces derniers pour enseigner à la jeune intelligence artificielle les réalités du monde réel. C’est une expérience de ce type qui est tentée, au MIT, par le “jeu du restaurant“. Les expérimentateurs sont conviés à se rendre dans une réalité virtuelle simplissime représentant un restaurant, et à jouer, au choix, le rôle de la serveuse ou du client. Le créateur de ce jeu espère accumuler ainsi une multitude de données sur le comportement humain pour apprendre par l’exemple à un programme informatique les meilleurs comportements à adopter selon la situation à laquelle il est confronté.
Pour Ben Goertzel, Président de la société Novamente et vieux routier des milieux “transhumanistes“, pas de doute, c’est bien par la réalité virtuelle que que l’intelligence artificielle peut se développer. Novamente compte ainsi proposer pour Second Life et les autres mondes virtuels des “animaux familiers” qui pourront être adoptés par les résidents, et qui possèderont une système primitif de cognition ainsi que d’une certaine capacité d’apprentissage. Goertzel compte aller encore plus loin : utiliser les mondes virtuels pour enseigner à ses créatures artificielles le langage humain. Dans ce but, l’animal virtuel à employer est tout trouvé : le perroquet.
“Imaginez” écrit Goertzel sur son blog, “des millions de perroquets parlants proliférant sur les mondes en lignes, chacun pouvant communiquer en un anglais très simple (…). Le collectif de perroquets pourrait constamment augmenter sa compréhension du langage en se basant sur les interactions avec les utilisateurs (…). L’idée de remplir le cerveau d’une intelligence artificielle grâce à l’interaction continue avec un grand nombre d’humains est tout à fait dans l’esprit du web. La Wikipedia est un exemple évident de la manière dont la “sagesse des foules” - convenablement dirigée - peut donner naissance à une impressionnante intelligence collective”.
Certes cette idée n’est pas propre à Goertzel : il existe déjà des systèmes comme Freebase, Opencyc ou Open Mind Common Sense, qui cherchent à utiliser la “sagesse des foules” pour créer une intelligence artificielle capable de comprendre le langage naturel. Mais, tout comme Wikipedia d’ailleurs, ils demandent de la part de l’utilisateur une action volontaire. On peut supposer que les hypothétiques “perroquets” de Novamente iront quant à eux chercher l’information d’eux mêmes, en se mêlant à l’environnement des utilisateurs. Et un ara multicolore, c’est quand même plus décoratif qu’un formulaire de Wiki…