Submitted by Anaïs Guilet on
Flux de Fred Griot et Thomas Deschamps est une œuvre en 8 fragments oscillant entre paysages urbains et littoraux. Elle offre une réflexion sur la notion de flux qui s’exprime de manière différente dans ces deux environnements.
L’internaute accède au premier fragment de l'oeuvre en cliquant sur un bonhomme tiré de la signalétique piétonnière urbaine (celui-ci devient vert quand la souris se positionne dessus). Ce premier fragment propose trois écrans sur lesquels défile un paysage urbain, en travelling latéral. L’image semble filmée depuis un wagon de train et donne à voir, entre autres, une gare de chemin de fer. L’internaute, en cliquant sur un des écrans, peut interrompre chacune des vidéos à sa guise, les désynchronisant, puis les faisant redémarrer. Ces vidéos sont accompagnées d’un fond sonore et d’une voix qui déclame des phrases syncopées de manière poétique et énigmatique.
L’internaute poursuit sa découverte de l’œuvre et accède au second fragment en cliquant sur une petite flèche très discrète présente au bas des vidéos. Ce second fragment propose une version textuelle des paroles déclamées dans le premier fragment:
je traversais noir / noir et blan gris / les fenêtres éclairées les gens les trains / et pui la nui surtout / la nui froide / posée partout / les petites fenêtres les gens les trains / quelque chose file / la nui la nui froide sur les maisons les voies les trains / quelque chose file / la nui / surtout
Il est frappant de constater la disparition de plusieurs des lettres finissant les mots blancs, puis et nuit, qui forment presque à eux trois une petit phrase où surgissent deux antonymes, illustrant un contraste qui est tout à la fois celui des premières vidéos filmées de nuit en noir et blanc et celui de l’esthétique du site: fond noir et écriture blanche. S’il manque une dernière lettre à ces mots, c'est aussi que Fred Griot favorise une poésie sonore, faite d’une langue (qu’il préfère écrire «lang») brute:
le mot "lang" par exemple, comment le dire. le dire comme à plat, cru, net, abandonné, brut. juste sorti de la bouche. avec sa force et dose d’énergie intrinsèque. une parole blanche. une parole lâchée qu’elle. que la lang. sans en rajouter. sans rien rajouter. Nette dire comme ça. (Griot, 2007)
Nous ne nous pencherons pas ici sur chaque fragment, mais la description de ces deux premiers permet déjà de saisir la démarche de Fred Griot. Les textes de flux possèdent un caractère répétitif, presque incantatoire. Ils thématisent, du moins dans la première partie, une réflexion sur la nuit, la ville et la solitude qui y règne. Les trois derniers fragments mettent de l'avant par opposition l’environnement plus naturel qu’est celui du bord de mer, de la plage, tout aussi proche de la notion de flux, car ce qui y est avant tout montré et donné à entendre est le ressac.
Au travers d’une démarche de poésie à la fois sonore et hypermédiatique, l’œuvre, entre mer et rails, multiplie ainsi les relations texte, vidéo, voix et son dans des configurations toujours différentes.