Submitted by Simon Brousseau on
Los Dias y Las Noches de Los Muertos est une œuvre de Francesca da Rimini. Par une série d'images, de textes, de citations et de slogans, cette œuvre se veut d’abord et avant tout une critique de la répression et de la violence de la part des forces de l'ordre à l'endroit des manifestants qui ont eu lieu au sommet du G8 à Gênes en 2001. Marqué par de nombreuses manifestations altermondialistes, ce sommet a dégénéré lorsqu'un carabinier a tué un jeune manifestant, Carlo Giuliani (1978-2001). L'œuvre déborde du cadre de cette manifestation précise en montrant d'autres images de révoltes survenues partout à travers le monde, ainsi que des fragments textuels qui concernent ces événements. Il s’y trouve également des photographies des représentants du pouvoir, par exemple Colin Powell. Certains slogans tendent aussi à dénuder la logique foncièrement économique qui régit la société occidentale contemporaine.
Los Dias y Las Noches de Los Muertos fonctionne selon une logique de l’agencement d’éléments relativement hétérogènes qui sont diffusés dans un flux incessant. Pour amorcer la navigation dans l’oeuvre, l’internaute doit activer l’hyperlien intitulé «Enter the long night». Ce titre s’avère annonciateur du contenu de l’œuvre, puisque celle-ci contient des images dont la violence donne à voir la profondeur du conflit qui oppose les groupes altermondialistes au pouvoir capitaliste. Des images sanglantes, dont celle du cadavre du jeune Carlo Giuliani, sont ponctuées de slogans qui décrivent la logique implacable du système en place. Il s’y trouve par exemple une photographie de Colin Powell qui pointe le doigt vers la caméra, laquelle est jumelée à des images d’une escouade antiémeute qui foule des pieds le corps d’un manifestant blessé. Le caractère fragmenté, disparate de ces agencements suggère la complexité des conflits qui opposent ces deux idéologies radicalement antagonistes. La révolte n’est pas un cas isolé: partout, des groupuscules se forment pour manifester leur mécontentement. Parallèlement, le pouvoir en place est organisé de manière à étouffer toute révolte qui dépasse les cadres d’une manifestation pacifique. Bref, l’œuvre suggère que le système a les moyens de tolérer les manifestations de mécontentement, tant que celles-ci sont inoffensives. Les images violentes rappellent toutefois avec force qu’il existe une ligne invisible qu’il ne faut pas franchir, sous peine d’être emprisonné, blessé, ou même assassiné.
Malgré la teinte sombre de l’ensemble de l’œuvre, celle-ci véhicule aussi un message d’espoir pour les tenants de la résistance. Certains slogans affirment par exemple la force de la collectivité, l’impossibilité dans laquelle se trouve le pouvoir à éradiquer une fois pour toutes la révolte: «The collectivity has no central leadership or command structure -- it is hydra, multi-headed, impossible to decapitate.»
À ce sujet, notons que la force des images convoquées dans les propos de cette œuvre participe de cette logique d’appel à la résistance. En dénonçant la répression et le manque de respect à l’égard des droits fondamentaux des citoyens, l’œuvre suggère qu’il est vital d’organiser une révolte, une opposition forte contre la mise en place du libre-échange. Par ailleurs, le site de Francesca da Rimini propose aussi une section dans laquelle se trouvent divers textes signés par des activistes1. La plupart de ces textes adoptent un ton polémique, en faisant par exemple allusion au fait que les autorités de Gênes auraient engagé des gens pour que ceux-ci se fassent passer pour des membres du groupe activistes du «Black-bloc» et ainsi ternir leur image.
Cette œuvre, à sa manière, constitue un geste de résistance en s’inscrivant dans une logique de la diffusion d’informations alternatives. Cette œuvre de mémoire apparaît importante non seulement à l’égard de la survivance du passé, mais également en ce qui concerne le futur des événements en opposition au système en place.