C’est le 29 avril dernier que s’est déroulée la soirée bleuOrange «Écris-tu?: la littérature numérique sur scène», dans le cadre du Printemps Numérique. Pour l’occasion, sept artistes et collectifs, montréalais et internationaux, ont accepté l’invitation de la revue et sont venus présenter des œuvres performatives. Plus de quatre-vingts personnes s’étaient réunies à l’Écomusée du fier monde pour assister aux performances des artistes invités. L’Écomusée avait loué pour l’occasion l’ancienne piscine servant de bain public au quartier, dans laquelle on avait ajouté trois écrans pour diffuser les supports visuels des performeurs.
C’est par les discours, bilingues, de Bertrand Gervais et de Alice van der Klei que s’est ouverte cette soirée sous la thématique de l’exploration de la narration et du langage. Chaque artiste et collectif a abordé d’une manière originale et personnelle le thème de l’événement.
Le collectif montréalais Cristal griche, composé de Sylvain Aubé et de Stephanie Castonguay, avec la participation spéciale de l’artiste Émilie Mouchous, a ouvert la série de performances avec Radio Pyrite. Castonguay a montré au public ses instruments issus de ses recherches sur les possibilités sonores des cristaux tandis qu’Aubé utilisait un pedal-board pour créer de la synthèse sonore. Derrière eux étaient projetés des extraits d’essais sur la contre-culture au Québec, mixés avec de la synthèse vidéo. Dans le public, Mouchous récitait des phrases poétiques dans un talkiewalkie, diffusées par des transistors vintages, dissimulés dans la piscine.
Vint ensuite la performance de l’artiste anglo-canadienne J. R. Carpenter, une collaboratrice de longue date du NT2. Avec Seven Short Talks About Islands… and by islands I mean paragraphs, elle a lu des extraits tirés de son œuvre numérique interactive …and by islands I mean paragraphs. Cette œuvre est disponible sur son site Web ici.
Nick Montfort nous a présenté Cars and Dust qui aborde le générateur de poésie A House of Dust basé sur le projet poétique de 1967, House of Dust, d’Allison Knowles et James Tenney. Le générateur, disponible lui aussi sur le Web, produit des vers correspondant à un remixage du poème original. L’œuvre était commentée par Montfort, qui a lu Autopia et Use of Dust, générés par le projet.
Sandy Baldwin et Gabriel Gaudette nous ont offert, avec No Refuge, une performance fortement immersive en distribuant des couvertures thermiques aux spectateurs. Utilisant les trois écrans simultanément, mêlant jeux vidéo, projections et récitation de slogans à saveur post-apocalyptiques, Baldwin nous mettait dans l’ambiance d’une apocalypse de zombies, enjoignant les avatars du jeu vidéo à «traverser l’écran». Les écrans diffusaient des extraits de jeux vidéo, des slogans ainsi que des images de réfugiés.
La performance de Marie Darsigny, Summertime Tristesse, reprenait l’esthétique «Sad Girl» dans laquelle s’inscrivent ses œuvres et ses recherches. La performance consistait à une projection d’un collage de l’auteure dans un fond mélancolique représentant des éléments en lien avec le poème Summertime Tristesse. Celui-ci est un hommage à Lana Del Rey et à sa chanson Summertime Sadness. Après la lecture du poème, l’artiste, s’étant elle-même mise en scène vêtue d’une robe de dentelle noire vintage et le visage recouvert de coulisses noires créées en se versant de l’eau sur son visage abondamment maquillé, s’est mise à chanter à la manière d’un karaoké les paroles de la chanson de Lana Del Rey.
…ce dangereux supplément… d’Ethan Hayden a permis de montrer le talent de multivocaliste de l’artiste. Hayden a interprété vocalement la phonétique des lettres qui passaient à l'écran avec une rapidité impressionnante. La projection illustrait la notation sonore par des courbes et des schémas qui reprenait le rythme du bruit produit. Cette performance était l'un des moments forts de la soirée et témoignait de la maîtrise vocale et du travail minutieux de l’artiste.
La dernière performance fut celle du collectif OTTARAS, composé du vétéran norvégien de la poésie concrète et musicien Ottar Ormstad et du compositeur électronique russe Taras Mashtalir. Le collectif a présenté l’œuvre Long Rong Song dont la vidéo a été créée par l’artiste vidéo russe Alexander Vojjov. Ormstad a récité plusieurs de ses poèmes sur la musique de Mashtalir.
L’événement a dépassé les attentes de l’organisation en terme d’enthousiasme du public et les artistes ont présenté des œuvres de qualité qui ont pu révéler leurs préoccupations personnelles ainsi que les nouvelles formes de la littérature numérique.
Crédit photo: Simon B.