Submitted by Anaïs Guilet on
Cunnilingus in North Korea est une oeuvre hypermédiatique qui met l'internaute face à un flux continu de texte, accompagné d'une musique Jazz. Mots et phrases apparaissent et disparaissent à vitesse variable. Principalement en noir et blanc, l'oeuvre insère cependant et ponctuellement quelques couleurs. Young-Hae Chang Heavy Industry crée ici une oeuvre métaphorique, mêlant sexualité, politique et humour, dans une critique acerbe du communisme.
La musique jazz qui accompagne l’œuvre est un remix de See-line Woman de Nina Simone, une chanson qui célèbre une femme qui assume sa sexualité et la forme de pouvoir qui en découle :
«see-line woman/dressed in red/ make a man lose his head/ see-line woman/(…) wiggle wiggle/ turn like a cat/ wink at a man/ and he wink back/ now child/ see-line woman».
D’un point de vue médiatique, Cunnilingus in North Korea rompt volontairement avec l’interactivité qui qualifie le Web 2.0, tout comme ses aspects bigarrés, pour favoriser une esthétique plus sobre. L’internaute est face à un texte qui défile devant ses yeux et sur lequel il n’a aucun contrôle (sinon peut être celui de clore la page). C'est dans ce refus de l'exploitation de toutes les possibilités du médium au sein même duquel ils travaillent, que réside l'originalité de l'oeuvre. Si l’œuvre n’est pas véritablement interactive, elle possède par son flux d’images une forte dimension immersive, presque hypnotique. Cet aspect subliminal semble constituer une référence aux techniques de propagande qui caractérisent tout régime totalitaire (et toute opération publicitaire).
Les images se succèdent parfois si rapidement qu’elles ne permettent pas une lecture totale. Le texte, pour être appréhendé dans son ensemble, nécessite d'être visionné plusieurs fois. Si le pouvoir captivant de l'oeuvre est un aspect omniprésent, il ne faut pas non plus ignorer ses cotés plus négatifs. En effet, l'aspect stroboscopique peut agacer ou décourager l'internaute. Cette tension semble tout à fait intéressante dans le cadre de cette oeuvre engagée, qui produit par là-même, tout comme le régime politique qu'elle parodie, distance et présence, fascination et ennui. Cunnilingus in North Korea place le langage au centre de sa recherche créative, le langage étant pour ses auteurs l'essence même de la culture Internet. Il est ainsi bombardé au visage de son lecteur, impliquant une vitesse de lecture impossible, à la limite de l'absurdité.
Cunnilingus in North Korea est également disponible en allemand, en français et en espagnol.
Bertrand Gervais," Le cyberespace, principes esthétiques", TINA, éd. ère,n 2, janvier 2009.
Yung-Hae Chang, Cover story: Kim Hong-hee, "Politics of Desire", " Kim Won-bang, "Cultural Signs that Wreak Havoc", Yoon Ji-sun, "How I Met Young-hae Chang", Art Magazine, Seoul.
Yung-Hae Chang, Ahn Kyung-hwa, "Artists For the 21st Century", Wolgan Misool, Seoul
Yung-Hae Chang, Cover story: Yi Yun-hee, Yi Sung-yung, Kim Won-bang, Yi Pil, "On the Spot Reviews of Young-hae Chang's 'Samsung Project'" Art and Discourse, Seoul, http://www.centerworld.net/a&d/99-5/a-1.htm