Submitted by Benoit Bordeleau on
Author(s):
Index for X and the Origins of Fire est un poème hypermédiatique construit sous la forme de l'abécédaire. Chaque vers est accompagné d'une multitude d'images puisées aléatoirement sur Flickr (http://www.flickr.com/). «Any fragment is an art an artefact. Is an echo of the whole. Is an echo; is the whole.» Le projet d’Ander Monson tient peut-être dans ce vers qui contient un des principes, depuis longtemps soutenu dans le domaine de la littérature fragmentaire et hypertextuelle, que la partie vaut pour le tout et vice-versa. Cette oeuvre est aussi un défi lancé aux formes brèves encouragées par les délais de téléchargement sur les sites Web, car Index for X and the Origins of Fire est un très long poème qui, sous forme imprimée, fait près de 25 pages1. C'est pour remédier à ces délais de téléchargement, mais aussi pour rendre plus aisé un long temps de lecture à l’écran, que l’auteur du texte et le designer de l'oeuvre (Monson et Thorp) ont décidé d’utiliser le principe de l’index - plus précisément de l'abécédaire - pour fragmenter le poème. L’internaute passe d'un vers à l'autre en cliquant là où il le veut sur la page Web, ce qui lui permet de lire à son propre rythme.
Le principe du projet est simple: à partir d’un très long poème au texte fixe, permettre une multiplicité de réactualisations du poème grâce à la participation massive des internautes possédant un compte d’utilisateur Flickr. Pour voir apparaître ses photographies dans Index for X… l’internaute doit insérer le mot-clé «indexx» suivi d'un ou des substantifs contenus dans le poème. Les photos seulement identifiées avec le mot-clé «indexx» seront affichées sur la page d’accueil de l’œuvre alors que celles possédant un deuxième mot-clé (ou plus) issu du poème s’afficheront dans le poème dynamique. L’abonné Flickr souhaitant voir ses photographies apparaître plus fréquemment devra donc tenter de trouver un mot ayant été «indexé» peu souvent. Ainsi peut-on retrouver de temps à autres la photographie d’un mannequin au rouge à lèvres bleu métallique appuyée contre une poutre d’acier, jointe au vers «A moving, morbid feeling.» Ou encore, jouant sur le contraste, on voit une multitude de montgolfières au-dessus d’un quartier résidentiel, liée au vers «His clarinet up in the attic with all the radios. Its case very like a coffin.» Il faut noter que les thématiques permettent à presque toutes les photos d’être interprétées par le texte sans trop d’efforts, même si elles restent souvent faiblement motivées et affichées de façon aléatoire. L’internaute se confrontera dans Index for X… aux thèmes de l’abus physique, du viol, de l’abus d’alcool, de la relation et la rupture amoureuses.
L’œuvre résultant de la collaboration première de Monson, Thorp et Myers a aussi le mérite d’engager un dialogue avec son lecteur dans la section des vers commençant par la lettre A: «Any kind of solace. / Any kind of story. / Anything you give me I will take.» Si la trame du poème a une résonance plutôt personnelle, l’invitation du poème engage plutôt à l’élaboration collective d’une certaine expérience de la mémoire, par une multitude de traces laissées par l’expérience de la douleur: «X as concatenation & conflation. / X as brother. / X as father. […] / X, used in algebra. / X, used safely to recover memory.» Le titre de l’oeuvre prend alors une tout autre signification. Index for X and the Origins of Fire, titre dans lequel le X peut s’appliquer à tout et rien à la fois, veut faire émerger de l’absence des personnes évoquées (car le poème entre dans la catégorie des «nonfictions») des souvenirs fabriqués de toute pièce ou, plus précisément, de remplacement de l’innommable – de la donnée manquante – à l’aide de la collectivité. Loin d’un appel à l’aide, ce poème, lauréat du Annie Dillard Award for Creative Nonfiction, met plutôt en perspective l’importance des relations interpersonnelles, de leur impact dans la vie d’un individu ou d’une part de lui-même (ici le poème), même si ces relations sont dans ce cas-ci virtuelles.