Répondre au commentaire
Fabulations génétiques
Deuxième roman de Catherine Leroux, dans la même veine que l’étonnant La marche en forêt qui relatait les tribulations d’une lignée québécoise sur près de deux siècles, Le mur mitoyen propose une fiction fragmentée selon plusieurs trames historiques se frôlant par diverses coïncidences et renvois thématiques. Leroux y explore ce qui semble devenir ses thèmes de prédilection, à savoir la famille, les racines, les origines et leur pouvoir de déterminer le destin, qui pourraient marquer une grande œuvre romanesque en cours d’élaboration.
Trois trames indépendantes s’unissent comme diverses propriétés séparées par ce «mur mitoyen» que constituent les questionnements génétiques. Madeleine, face à la maladie de son fils vagabond, doit confronter une exceptionnelle anomalie génétique qui bouscule sa perception de la maternité. Carmen et Simon, en plein cœur d’un tremblement de terre californien, cherchent à connaître l’identité de leur père auprès de leur mère acariâtre mourante. Le couple de Marie et d’Ariel, après l’élection de ce dernier comme premier ministre du Canada, doit se réinventer à la suite d’une nouvelle controversée sur leurs origines à tous deux.
La filiation, pour Leroux, comme nous l’avions entrevu dans La marche en forêt, ne s’impose pas de soi. À une époque où les notions de famille et de communauté se modifient en vertu à la fois des progrès scientifiques et de la mondialisation, les liens apparaissent de plus en plus comme un travail que comme une essence validée par l’ADN:
«À présent, les villes vivotent au ras du sol, peuplées d’êtres qui effleurent la géographie plus qu’ils ne l’habitent. Les lieux où une tradition séculaire liait les gens à leurs terres sont devenus des paysages transitoires qui rappellent à Ariel les agglomérations du désert américain où rien ne semble jamais prendre racine.» (p. 255)
Le défi de repenser des repères de vivre-ensemble communautaires persiste en filigrane de ces histoires, narrées avec une verve romantique qui me rappelait Hawthorne. C’est ainsi que les préoccupations sur la famille deviennent une admirable métaphore des appartenances nationales et communautaires, une des grandes questions de notre époque.