Recherche: Autofiction, France

6 résultats

Résultats

La plus petite unité de temps

Côté-Fournier, Laurence
Paris, Gallimard, 2008
241 pages.

C’est du délicat balancement entre intime et collectif que naît la singularité du livre, impossible à réduire à une catégorie générique. Pas de personnages, pas de récit, plutôt une collection de fragments bruts, déversés sans aucun pathos, qui mettent côte à côte des souvenirs de voyage et des scènes de films, des échos de la rumeur publique et des rappels historiques. Dispersés de 1940 à la fin des années 2000, ils dressent ensemble le portrait d’une génération, exprimé à travers le «elle», le «on» et le «nous», jamais le «je». Ce qui aurait pu se transformer en une suite de lieux communs et d’anecdotes sans grand intérêt sur différentes époques est récupéré par la volonté de l’auteure de se compromettre pour révéler le corps nu de chacune de ces années, d’exposer son expérience intime pour la perdre dans une réalité plus vaste.

Un poète n'existe jamais seul

Caillé, Anne-Renée
Paris, P.O.L., 2009
121 pages.

L'Homobiographie est une forme poétique qui allie le double (le «même» du grec homos) au biographique : il est question des vies de celle que l'on nomme «La Poète», de ses alter ego, d'autres bien-aimés poètes rapportées par bribes mais aussi, de la vie plus intime d'une femme qui s'écrit dans des carnets de différentes couleurs. Dans cette tentative de dédoublement, entre autobiographie et autofiction, il faut surtout y voir l'effort de rendre protéiforme l'entreprise biographique. Comme Giraudon l'explique dans un entretien en 2007, l'homobiographie opère des «déplacements» entre les différentes «enveloppes» que constituent le soi, l'autre et la fiction. Cette forme hybride permet aussi de supporter les vies et les morts qui nous parcourent: Liliane Giraudon expose ce qui pluralise l'identité «Poète». Par filiation ou emprunt, assembler des fragments de mémoire de façon non-linéaire, coller sa vie à celle des autres; par cette abolition des frontières, la poète joue au double.

La tueuse : le combat de la fiction contre le vide

Paquet, Amélie
Paris, Ère, 2007
128 pages.

En ouvrant La nuit je suis Buffy Summers, la lectrice accepte sans le savoir sa propre dissolution dans la télévision. Dans le didacticiel qui accompagne le livre-jeu, Delaume précise qu’il s’agit d’une «autofiction collective». Cette autofiction collective n’est possible qu’à l’intérieur de cet espace où tous se reconnaissent, cet espace commun à tous nos contemporains, le seul: l’écran de télévision.

Double Houellebecq : littérature et art contemporain

Balint-Babos, Adina
Paris, Flammarion, 2010
428 pages.

Quiconque s’intéresse à l’art, à la littérature, ne reste pas indifférent à ces paroles: «Je veux rendre compte du monde… Je veux simplement rendre compte du monde». Insérés vers la fin de La carte et le territoire de Michel Houellebecq, ces mots de Jed Martin, l’artiste contemporain qui est également le personnage principal du roman, peuvent nous servir de fil conducteur pour une lecture à rebours et nous investir d’une mission: tenter de décrypter un dialogue entre l’art et le monde, la représentation et le réel, l’artiste et son pouvoir de créativité. Car rappelons-le: ces dialogues complémentaires ou antinomiques se trouvent au cœur du dernier texte de Houellebecq primé cette année avec le Prix Goncourt.

Un roman français : un phénomène de réminiscence planifié

Gauthier, MélissaJane
Paris, Grasset, 2009
281 pages.

Un roman français est alors ponctué de résurgences diverses, de souvenirs qui réapparaissent comme des «boomerang[s] spatio-temporel[s]» (p.175). Le simple fait d’être enfermé semble permettre le retour du passé oublié, «il suffit d’être en prison et l’enfance remonte à la surface» (p.46). Même s’il affirme à de nombreuses reprises que rien ne lui revient jamais, que son enfance demeure une énigme, que ses souvenirs relèvent du domaine de l’inaccessible, le narrateur parvient à recoller les morceaux du «puzzle» (p.174). Il suffisait de le priver de sa liberté: «Tapez sur la tête d’un écrivain, il n’en sort rien. Enfermez-le, il recouvre la mémoire» (p.128).

La France: territoires morcelés

Levesque, Simon
Paris, Flammarion, 2012
453 pages.

La littérature n’est pas au service des autres sciences humaines et sociales, mais elle peut servir, dira Westphal. Les écrivains en sont les premiers conscients et Olivier Adam ne fait pas exception à la règle. C’est à ce titre qu’il s’attarde à dépeindre les tensions sociales qui ont cours dans la France contemporaine, toujours en crise identitaire. Car à la notion de classes se mélange celle d’identité. Dans une France raciste où tout ce qui va mal arrive toujours à cause des «étrangers», il y a toute une frange du discours qui peut être relayé via le roman de manière à le rendre à son contexte, pour mieux le combattre.