Recherche: Roman, France

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La rassurante présence des déclassés

Paquet, Amélie
Paris, Grasset, 2002
222 pages.
Paris, Livre de poche, 2004
245 pages.
Dans les deux derniers romans de Virginie Despentes, Teen Spirit [2002] et Bye Bye Blondie [2004], les divisions de classe ne sont pourtant pas désuètes; elles sont bien au contraire au cœur des déchirements que vivent les personnages qu’ils mettent en scène. J’aimerais réfléchir à cette tension importante dans ces romans entre prolétaire et bourgeois afin de comprendre pourquoi Despentes juge pertinent d’utiliser ces nominatifs dans un contexte littéraire. Elle tire ces catégories de la culture politique punk de gauche radicale, qui s’est complètement réappropriée le vocabulaire marxiste.

La plus petite unité de temps

Côté-Fournier, Laurence
Paris, Gallimard, 2008
241 pages.

C’est du délicat balancement entre intime et collectif que naît la singularité du livre, impossible à réduire à une catégorie générique. Pas de personnages, pas de récit, plutôt une collection de fragments bruts, déversés sans aucun pathos, qui mettent côte à côte des souvenirs de voyage et des scènes de films, des échos de la rumeur publique et des rappels historiques. Dispersés de 1940 à la fin des années 2000, ils dressent ensemble le portrait d’une génération, exprimé à travers le «elle», le «on» et le «nous», jamais le «je». Ce qui aurait pu se transformer en une suite de lieux communs et d’anecdotes sans grand intérêt sur différentes époques est récupéré par la volonté de l’auteure de se compromettre pour révéler le corps nu de chacune de ces années, d’exposer son expérience intime pour la perdre dans une réalité plus vaste.

Photogénie du terroriste

Côté-Fournier, Laurence
Montréal, Le Quartanier & Hogarth Press II, 2005
88 pages.
Paris, Léo Scheer, 2006
164 pages.
Paris, Verticales, 2009
143 pages.
Dans la «trilogie allemande» d’Alban Lefranc, art et politique ne peuvent être dissociés, sinon au prix d’un oubli volontaire, d’un abandon à l’euphorie d’un discours dominant d’où sont expulsées toutes les impuretés. Si, aux mots révolutionnaires des dadaïstes jamais transformés en véritables incendies, répondent les actes autrement plus violents de la RAF, Alban Lefranc n’oppose pas stérilement les armes aux paroles. Trois biographies fictives évoquent trois figures allemandes réelles de l’après-guerre : l’enfant terrible du cinéma Rainer Werner Fassbinder dans Attaques sur le chemin, le soir, dans la neige (2005), le poète Bernward Wesper dans Des foules des bouches des armes (2006) et la chanteuse et mannequin Nico dans Vous n’étiez pas là (2009). Comme Fassbinder, qui appariait dans son œuvre des extraits de journaux et d’émissions de radio et de télévision de l’époque, Lefranc intègre dans ses biographies des citations de politiciens, d’artistes et d’historiens, citations qui dévoilent ce qu’a pu être l’air du temps dans lequel –et contre lequel– ses trois sujets ont évolué. En témoigne cet extrait d’une Histoire de l’Allemagne datant de 1992: «Dans les années soixante, la reconstruction était largement achevée; l’accroissement du temps libre et de l’aisance donna à chacun le loisir de réfléchir sérieusement à la portée du passé nazi». Ou encore, cette phrase lancée en plein boom économique allemand par Franz Josef Strauss, ministre-président de Bavière : «un peuple capable de telles prouesses économiques a le droit de ne plus vouloir entendre parler d’Auschwitz».

 

Double Houellebecq : littérature et art contemporain

Balint-Babos, Adina
Paris, Flammarion, 2010
428 pages.

Quiconque s’intéresse à l’art, à la littérature, ne reste pas indifférent à ces paroles: «Je veux rendre compte du monde… Je veux simplement rendre compte du monde». Insérés vers la fin de La carte et le territoire de Michel Houellebecq, ces mots de Jed Martin, l’artiste contemporain qui est également le personnage principal du roman, peuvent nous servir de fil conducteur pour une lecture à rebours et nous investir d’une mission: tenter de décrypter un dialogue entre l’art et le monde, la représentation et le réel, l’artiste et son pouvoir de créativité. Car rappelons-le: ces dialogues complémentaires ou antinomiques se trouvent au cœur du dernier texte de Houellebecq primé cette année avec le Prix Goncourt.

Éloge de la relecture ou L’invraisemblance qui réactive le récit

Landry, Pierre-Luc
Pour une (re)lecture réaliste magique du roman Un an de Jean Echenoz

On retrouve dans la production littéraire contemporaine plusieurs occurrences de récits qui permettent la cohabitation non problématisée de naturel et de surnaturel dans un même univers de fiction, et qui en appellent ainsi à une lecture différente du roman en général en posant autrement la question de l’adhésion au raconté. Certains de ces récits, que l’on peut qualifier de réalistes magiques à la suite d’Amaryll Beatrice Chanady, réinventent en quelque sorte le paradigme de la transmission narrative; le lecteur n’est pas appelé à questionner les événements surnaturels du récit réaliste magique et accepte les invraisemblances qui le ponctuent comme allant de soi: il les considère comme faisant partie de la réalité du texte —réalité artificielle, certes, mais cohérente à l’univers diégétique mise en place dans le roman. Le cas que je propose d’étudier est assez particulier: lors d’une première lecture, le roman Un an de l’écrivain français Jean Echenoz, paru aux Éditions de Minuit en 1997, ne semble pas appartenir au réalisme magique comme je le définirai. Toutefois, l’invraisemblance diégétique finale qui vient désavouer le récit tout entier permet de relire le roman à l’aune du réalisme magique. Cette invraisemblance majeure perd alors de son impossible et la relecture ainsi activée, orientée par le réalisme magique, vient à son tour mettre en lumière d’autres invraisemblances qui, jusque-là, ont pu passer inaperçues. C’est ce cas particulier de fiction vertigineuse que je propose d’observer dans le cadre de ce texte.

Les mélancomiques

in
Joubert, Lucie
ou pourquoi les femmes en littérature ne font pas souvent rire

On a beaucoup glosé sur la quasi-absence des femmes humoristes sur les scènes québécoises et françaises.

Des ailes inutiles

Brousseau, Simon
Paris, Seuil, 2012
535 pages.

Si Jauffret a le mérite d'aborder de front la négativité de l'existence contemporaine, ses façons de faire peuvent laisser perplexe. Il a développé une voix narrative qui lui est propre, une vision du monde désacralisante qui donne souvent l'impression que les relations humaines se réduisent à une mécanique égoïste. L'expérience de lecture s'accompagne d'une série de questions auxquelles on ne saurait définitivement répondre: est-ce Jauffret qui est cynique, nihiliste, pessimiste, ou bien le monde qu'il décrit? Jauffret est-il un auteur réaliste? Et quand bien même le monde serait effectivement pourri de cynisme, est-ce que la tâche de l'écrivain peut se résumer à enfoncer davantage le clou? Ne fait-il pas déjà assez froid? Cette ambivalence qui parcourt l'œuvre de Jauffret lui confère toute sa valeur.

Derrière les rideaux de scène

Côté-Fournier, Laurence
Paris, P.O.L., 2011
288 pages.

Dans Le Ravissement de Britney Spears, Jean Rolin s’intéresse à l’interprète de «…Baby, One More Time» alors qu’elle est timidement revenue sur scène et qu’elle semble avoir retrouvé une certaine forme de santé mentale, bien qu’elle soit désormais un peu plus bouffie et usée que dans sa prime jeunesse. Nous sommes en 2010, et une autre star remporte cette fois la palme du comportement le plus scandaleux: Lindsay Lohan. Ni Britney ni Lindsay ne sont toutefois les véritables héroïnes de l’intrigue, bien qu’elles occupent toutes deux une place considérable dans le roman. Le personnage principal et narrateur est plutôt un agent des services secrets français, anonyme, exilé au Tadjikistan depuis le sabordage de la mission spéciale à laquelle il participait: prévenir une tentative d’enlèvement contre Britney Spears organisée par un groupuscule islamiste radical, et couvrir de gloire la France et ses services d’information grâce à cette réussite. L’agent avait à cet effet été délégué en Californie pour amasser des renseignements sur les habitudes de la chanteuse. Or, d’emblée, rien dans cette histoire n’a de sens, et l’agent lui-même ne comprend pas quelles sont les visées exactes de sa mission.

Une violente mélancolie

Lefort-Favreau, Julien
Paris, Seuil (Fiction & Cie), 2011
252 pages.

En effet, observateur détaché, quelque peu dandy avec ses goûts pour les alcools forts, il se livre à l’exercice quotidien de la lecture de journaux et c’est entre autres par cette lorgnette qu’il observe le monde. Comme dans ses autres livres, c’est souvent par des faits divers (par exemple: la suffocation de David Carradine par autostrangulation érotique) ou par les événements politiques du présent que Deville accède à l’histoire. Loin d’une méthode historienne rigoureuse, l’observation des mœurs de ses contemporains et ses lectures souvent inusitées le font pénétrer les rouages de l’histoire. Il y entre par la petite porte, posture édictée par son peu de foi dans la possibilité pour les écrivains d’avoir un impact sur le cours des événements.

Autour d'une rhétorique musicale qui convoque les morts

Fontille, Brigitte

Le passé, les disparus, les morts et les absents hantent la littérature de Pascal Quignard. Avec des titres tels que Les Ombres errantes (2002), Sur le Jadis (2002), L’Enfant au visage couleur de la mort (2006) ou Pour trouver les enfers (2005), l’œuvre de Pascal Quignard foisonne çà et là de revenants, et le lecteur n’est pas surpris d’errer, au cours de sa lecture, parmi quelques fantômes. Ma réflexion se base ici sur la prémisse selon laquelle l’illusion existentielle liée au phénomène de revenance, qu’elle soit optique ou sonore, peut être utilisée comme procédé artistique; plus précisément, elle peut résulter d’une expérience artistique. Concurremment et corrélativement, le concept d’apparition, que Quignard nomme «visitation», s’enchevêtre dans la praxis musicale telle qu’éprouvée dans les œuvres de fiction quignardiennes. L’entrelacs de ces deux concepts participe de son cadre poétique. Et c’est justement cette expérience musicale du revenant que je propose de creuser en examinant tout d’abord les variations que prend le motif du revenant, les pouvoirs intrinsèques qui sont associés à la musique par l’auteur, le rôle du chaman que tient le musicien, pour finalement éclairer les mises en scène musicales qui font naître les fantômes des textes romanesques.