Titre | Le Livre des marges |
Type de publication | Livre |
Année de publication | 1987 |
Auteur·e·s | Edmond Jabès |
Collection | Biblio/essais |
Nombre de pages | 216 |
Éditeur | Le Livre de Poche |
Ville | Paris |
Résumé | Résumé descriptif: Composé de textes divers et de fragments, Le Livre des marges occupe une place particulière dans l’œuvre d’Edmond Jabès, ainsi qu’il le souligne dès les premières pages. En fait, si les textes réunis ici «sont destinés à demeurer en marge [des] ouvrages» (p. 27) de Jabès, c’est dans la mesure où, selon lui, «[i]ls ne doivent rien au Tout mais, au contraire, tout au Rien ; d’où leur désir inassouvi du Tout et leur peur initiale du Rien» (p. 27). Condition première de leur lecture, leur caractère marginal est en ce sens ce qui assure à ces textes une plus grande liberté, un plus grand déploiement.
Dans une «écriture du vertige, où le livre s’ouvre au livre» (p. 27), Jabès convoque des auteurs contemporains, tels que Maurice Blanchot, Roger Caillois et Jacques Derrida, et comme il l’avait fait auparavant avec ses rabbins imaginaires du cycle du Livre des Questions, il poursuit avec eux un entretien sur l’écriture. Quelque chose de l’ordre du dialogue entre donc pour Jabès dans le travail d’écriture, inscrit celle-ci dans le mouvement de la pensée. En un sens, écriture et pensée sont pour lui indissociables l’une de l’autre. Et la réflexion esthétique qu’il propose, liée à son questionnement éthique, pose d’ailleurs les questions fondamentales de l’existence, de l’écriture et de la pensée, et débusque les contradictions tapies au cœur de la condition humaine.
Habitée par le judaïsme, «comme si le devenir juif, à un moment donné, n’était plus qu’un devenir-écriture» (p. 181), cette réflexion tourne, en somme, autour des questions du silence, du vide et de l’absence, et pose l’écriture devant l’exigence et la nécessité d’un questionnement infini. Dans Le Livre des marges, «le trajet de la pensée est parcours éclairant de la mort» (p. 26).
Résumé interprétatif:
Extraits d’allocutions, réponses à des questions de magazines ou de journaux littéraires, notes de lecture qui ressemblent à des notes «d’audition», réflexions naissant de la lecture d’auteurs ou suscitées par leur décès, voilà quelques-uns des éléments qui, sous différentes formes, allant de la lettre au fragment, composent Le Livre des Marges d’Edmond Jabès. S’y croisent également les anciens personnages de Jabès, ses rabbins imaginaires, et des auteurs, tels Blanchot, Derrida, Leiris et Caillois. Autant d’auteurs qui, à travers le travail de l’écriture, entretiennent en quelque sorte avec l’auteur une conversation profonde et participent au travail d’écriture. Ainsi, ces voix multiples, venues du passé et du présent, liées par «l’écartèlement de la pensée aux lisières de l’impensé ; [par] l’impossibilité de dire et d’être dit[e]s» (p. 87), rejoignent celle de Jabès dans les confins du silence et de l’infini du vertige auxquels les expose l’écriture : «D’abord la fuite, puis la fissure, nulle part l’ancrage. À aucun moment l’apaisant abandon.» (p. 155)
À travers sa réflexion sur le travail de l’écriture, et loin de toute volonté de réponse, Jabès reconduit ici le paradoxe de l’indicible et de la volonté de parole, du silence et de la mémoire. «La question du mot, la question de l’écrit, la question du livre sont questions à la blancheur, au vide, néant.» (p. 174) Toujours en marge de l’impossible, l’écriture est ici décrite comme une expérience des limites, près du bord, de la faille et de la mort, toujours à côté de quelque chose et d’elle-même, comme s’il n’était en fait d’accomplissement possible que dans la distance qui sépare, qui ouvre l’écriture à des horizons sans frontière : «Dans la possibilité qui nous est offerte de dire, réside l’impossibilité de nous exprimer. Exprimer avec chance quelque chose qui n’est pas soi mais qui exprime quelque chose de soi, voilà le but de toute création.» (p. 160)
En ce sens, l’œuvre est, pour Jabès, «acte de foi, exigence intime, nécessité vitale d’oubli» (p. 191), et ne peut, dès lors, être dissociée de la question de l’être, de l’impossible de l’être et de l’écriture. «Parole d’une écoute extrême et d’une mémoire très ancienne» (p.180), toute l’écriture repose donc sur cette constante remise en question de soi et de l’autre et sur l’aveu de l’absence d’un «pouvoir de réponse». Aussi, l’essentiel de la position éthique de Jabès semble se trouver résumé dans l’extrait d’une allocution aux invités de la Fondation du Judaïsme Français. Il y définit les fondements de sa pensée en fonction de son appartenance autant à l’écriture qu’à la judaïcité, chacune ayant déterminé l’autre, par le biais de l’étrangeté qui les caractérise, parce que «l’histoire de l’écrivain et celle du Juif ne sont que l’histoire du livre dont ils se réclament» (p. 181). Cette «écriture juive» (p. 182) n’est pas celle de l’anecdote mais celle du passé et de l’instant, et non de la «durée» (p. 180). «La parole juive est parole d’abîme sur laquelle s’ouvre le livre» (p. 182), parole qui reconnaît sa fragilité tout en étant marquée par son entêtement à se préserver. «Parole d’inquiétude, inquiétante mais fraternelle, à bout d’épreuves, au bout de son dire» (p. 182).
Écrire consiste donc à laisser des traces de son passage, non pour dire quelque chose mais plutôt pour créer un espace dont personne ne pourra alors nier l’existence. «Écrire ce silence où la blessure n’a pas cessé de saigner, ne se tarira jamais plus» (p. 154), tel semble pour Jabès le véritable engagement de l’écrivain. Et «aller à la découverte de la trace c’est, peut-être, continuer à écrire, tourner autour de l’introuvable trace» (p. 174). Loin de donner des réponses aux grandes questions, Le Livre des marges, en tant qu’«écriture de l’abîme» (p. 169), voue l’écrivain à l’exil dans le risque du langage, dans la confrontation constante avec l’absence, avec la frontière mouvante entre le Tout et le Rien, le possible et l’impossible, le silence et la parole. «Reste à savoir si, face à l’abîme qui le guette, au cœur de la nuit où il se débat, faire ce livre est possible...» (p. 210)
Source : Interligne - UQÀM (http://www.interligne.uqam.ca/pages/liste_biblio.asp) |
Le Livre des marges
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