L'invention de la solitude

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TitreL'invention de la solitude
Type de publicationLivre
Année de publication1988
Auteur·e·sPaul Auster
CollectionBabel
Nombre de pages296
ÉditeurActes sud
VilleArles
Résumé

Résumé descriptif:

L’invention de la solitude de Paul Auster se divise en deux parties. La première, «Portrait d’un homme invisible», est une fiction autobiographique écrite au je où le narrateur, marqué par la mort de son père et par l’impression que celui-ci lui est totalement inconnu, tente de retracer l’homme qu’il a été. Dans la seconde partie, intitulée «Le livre de la mémoire», le je tend à s’effacer pour faire place à un écrit beaucoup plus proche de l’essai. Si l’essentiel de la réflexion se concentre dans cette seconde partie, il n’en reste pas moins que tout ce qui s’y trouve est en germe et mis en place par le «portrait» du père, et que l’ensemble participe d’une même exploration de la mémoire.
 
Ce mouvement de la mémoire vers l’écriture et de l’écriture vers la mémoire semble être le motif structurant du livre, qui constitue pour Auster, à travers les fragments et «l’anecdote comme une forme de connaissance» (p. 102), le moteur de la création. Or, et c’est en cela qu’elle revêt une importance capitale, la «mémoire», telle que la conçoit Auster, a sa propre façon de se raconter, établissant des liens entre objets et événements, construisant selon ses propres lois le récit, quitte à ce que le caractère dynamique de l’histoire en modifie certains passages.
 
Lieux et images sont vus ici comme les «catalyseurs du souvenir d’autres lieux et d’autres images» (p. 120). En effet, c’est par la mémoire, espace où toute chose est non seulement elle-même mais autre, que se construit le récit. C’est à travers elle que l’écrivain peut se représenter le monde et le donner à lire. Ainsi, présentant «l’acte d’écrire comme un acte de mémoire» (p. 222), L’invention de la solitude rend compte de la mémoire en tant que principe régissant la continuité de l’être et de l’écriture comme instance salvatrice du périssable, du mortel.
 
Résumé interprétatif:
 
Premier ouvrage en prose de Paul Auster, L’invention de la solitude porte déjà l’œuvre à venir, préfigurant la Trilogie new-yorkaise, Le voyage d’Anna Blume, Léviathan, etc. Auster y questionne le passé familial pour tenter de le reconstituer, à l’image de cet album de photos dont il doit combler le vide en écrivant la mémoire de sa famille afin de la sauver de l’oubli. Il se souvient : pour conserver la mémoire vivante, pour entendre la mémoire qui, «parfois, se manifeste à lui comme une voix, une voix qui parle au-dedans de lui, et qui n’est pas forcément la sienne» (p. 194). Il se souvient, en décentrant le regard qu’il porte sur lui-même et sur le passé, afin de laisser advenir cette voix autre, car «il faut qu’il s’efface afin de se trouver» (p. 242).
 
En ce sens, le mouvement du livre est proche de ce décentrement : «comme s’il était obligé d’assister à sa propre disparition» (p. 122), il descend dans l’enfermement, dans la solitude qu’il faut pour s’inventer, pour pouvoir ensuite s’ouvrir et s’écrire. De ce qui adviendra, le narrateur ignore tout, comme du mouvement qui l’y conduit. Mais «une seule chose est certaine : il ne peut être nulle part s’il ne se trouve pas ici» (p. 125), enfermé dans sa chambre, enfermé dans sa propre histoire.
 
Dans «l’obscurité de la solitude» (p. 258) que l’auteur s’impose, la mémoire lit, invente, construit son univers à travers le regard subjectif qu’elle porte sur les faits, par les liens qu’elle tisse entre les événements. Car l’essentiel semble là : cette errance dans les labyrinthes de la mémoire permet de créer des connexions, des relations entre les divers faits isolés pour leur trouver une vérité. Rien n’est définitif, rien ne commence ni ne finit mais, de génération en génération, se répète, se prolonge comme le feraient des vases communicants, la réalité ressemblant «à l’un de ces coffrets chinois : une infinité de boîtes contenant d’autres boîtes» (p. 183). Et l’écriture est toujours là, partout, dans ces lieux et ces objets qui s’interpellent.
 
Surgit alors cela même qui «hante» le narrateur, «l’absence du père, cette malédiction» (p. 183). En réponse à cette absence, Auster doit construire son identité et la cohérence de la vie en donnant à lire les coïncidences qui traversent son histoire personnelle. Si Auster écrit la mémoire de ces événements qui «riment», c’est pour se sauver, oui, mais aussi pour sauver le père. Par cette parole qui assure à l’écrivain réparation et continuation, le père devient présent, lui aussi sauvé de la mort par l’écriture. Comme le Pinocchio de Collodi, et comme Schéhérazade, tous deux très présents dans ces pages où se lient errance, solitude et hasard, le narrateur, en assumant la paternité du récit, acquiert une vie, sauve la mort de la mort elle-même. «Le fils sauve le père» (p. 209) et, père à son tour, se donne vie, comme dans le récit de Collodi où la marionnette sauve Gepetto et devient ainsi un vrai petit garçon. L’écrivain, comme Pinocchio et Schéhérazade, s’écrit lui-même et, acceptant de s’égarer dans les méandres du souvenir, retrouve peu à peu une présence à autrui. «Un déracinement, donc, qui rappelle un autre enracinement, très antérieur, de la conscience» (p. 233) et qui permet mémoire, écriture et vie.
 
«L’invention de la solitude. Histoires de vie et de mort» (p. 234) postule finalement que l’écriture est acte de mémoire, que la mémoire est familiale, c’est-à-dire à la fois communauté de pères et communauté littéraire, et que le langage n’est pas vérité mais vision de la vérité, «manière d’exister dans l’univers» (p. 253). Et pour Auster, «l’histoire de la mémoire est celle du regard» (p. 242) que l’on porte sur elle.
 
Réédition2009