You had the time of your life, ou la sortie de la nouvelle Timeline de Facebook

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Le 28 juin 2011, Google lance sa nouvelle plateforme, Google+, en espérant se tailler une place dans le monde saturé des réseaux sociaux. L'évènement est très discuté: l'empire Google réussira-t-il là où tant ont échoué? G+ pourra-t-il remplacer Facebook? Seulement, plus de trois mois plus tard, force est de constater que Google est encore loin de terrasser son compétiteur. Toutefois, on note que - ironiquement - l'avènement de G+ dans l'univers des réseaux sociaux a entrainé chez son compétiteur l'évolution de mises à jour la plus rapide enregistrée à ce jour.

 
 
Certes, la plateforme était tout sauf stagnante avant l'arrivée de Google+, mais la majorité des mises à jour se situaient au niveau de l'interface et, quoi qu'en disent les usagers mécontents, elles n'étaient pas légion. Or, depuis l'arrivée de G+, Facebook explose. Voici une brève liste non-exhaustive des nouveauté Facebook depuis juin:
 
  • 6 juillet: Facebook joint Skype à sa plateforme (contrepoint des «vidéos-bulles» de G+?).
     
  • 16 août: Facebook ajoute une section «Que faisiez-vous l'année dernière à la même date» («On this day last year») dans le menu de droite. Cette nouveauté met la table pour le plat de résistance: la Timeline.  
     
  • 23 août: La ligne entre G+ et Facebook s'amincit. Facebook effectue plus d'une douzaine de changements dans les profils, les statuts, la localisation, les étiquettes.
     
  • 15 septembre: Facebook dévoile les abonnements, un type de fil RSS au sein de la plateforme, permettant de suivre les modifications publiques d'un usager sans nécessairement devoir l'ajouter comme ami. Un pas de plus vers la philosophie G+.
     
  • 21 septembre: Facebook modifie la page d'accueil: le «À la une» et le ticker (appelé «Télex», en français) apparaissent.
     
  • 22 septembre: Facebook annonce la Timeline. (Cliquez pour voir la vidéo de présentation.) 
 
Ça fait quand même beaucoup en très peu de temps!
 
La hâte qu'a Facebook de ressembler à G+ étonne, ce dernier étant loin d'être un réel concurrent: Facebook compte environ 800 millions de comptes, Google+ en compte vingt fois moins. 
 
Toujours est-il que, très bientôt, la nouvelle bombe de Mark Zuckerberg tombera sur tous les usagers Facebook: la Timeline est à nos portes. 
 
 
Intéressons-nous un moment à ce nouveau profil - puisque nous n'y échapperons pas! - ainsi qu'au nouveau Télex. 
 
Le Télex, sorte de fil Twitter, permet d'avoir constamment sous les yeux (ou du moins lorsque sur la page d'accueil) tout ce que vos amis font, suggèrent, aiment, partagent. C'est dans ce nouveau flux d'informations, ma foi complètement étourdissant (et difficile à masquer, malheureusement), que Facebook intégrera très bientôt ce qu'il nomme les «lightweight activities» (ou «activités anecdotiques»). De nouvelles applications - dont certaines sont déjà en place - se chargeront, une fois que l'usager leur en aura donné l'autorisation, d'automatiser ces petites informations quotidiennes: je joue à Farmville, je mange dans tel restaurant, j'écoute Lady Gaga, etc. Plutôt que de simplement aimer (liker), les «actions» partagées seront concrètes. 
 
Facebook souligne deux avantages à cette nouveauté: 1) nul besoin de s'embêter à rentrer ce type d'informations manuellement, puisque les applications s'en chargeront à notre place; 2) nos amis ne seront pas ennuyé par ces petites informations parfois insipides puisqu'elles n'apparaitront plus dans leur fil de nouvelles, mais seulement sur le Télex.  
 
L'objectif de base est d'effectuer une scission entre le bruit du flux d'informations affichées en temps réel (comme les gazouillis de Twitter) et les «top news», les «updates» de nos amis les plus proches. Bien sûr, la révolution - si l'on veut - de tout ceci est que Facebook décèlera des motifs dans le ticker de chacun. Ainsi, par exemple, si un ami écrit un statut au sujet des élections, l'information apparaitra dans le Télex. Si 20 amis se mettent à le faire, l'information pourra devenir un gros titre sur la page d'actualité [1]
 
Néanmoins, ce que Facebook ne dit pas, c'est que le Télex devient - forcément - une mine d'or pour la base de son économie: la publicité ciblée. Avec des telles applications automatisées, il sera plus facile que jamais de cerner les goûts individuels des usagers. Préparez-vous à voir apparaitre des publicités pour le nouveau latte à la citrouille d'un café quelconque dans lequel vous venez juste d'indiquer que vous mangiez. 
 
Facebook est un réseau entièrement gratuit qui ne nous demande pas de consommer. En retour, Facebook fait de nous le produit en train d'être vendu. Pas con, pas con du tout. 
 
 
Toujours est-il que le Télex est là pour de bon. Mais qu'on aime ou qu'on n'aime pas, il demeure relativement discret. Encore une fois, bien que les modifications aient été assez nombreuses dans les dernières semaines, il ne s'agit de rien qui vienne bouleverser fondamentalement notre rapport à Facebook. On s'acclimate et on finit - comme toujours - par oublier comment c'était, avant. Toutefois, pour ceux que le Télex exaspère au-delà de tout compromis, sachez, avant de fermer votre compte Facebook, que Google Chrome offre une application téléchargeable gratuite permettant de le masquer. 
 
Cependant, avec la déjà très commentée Timeline, c'est tout Facebook qui va subir un makeover. Comme l'explique la vidéo de présentation, la Timeline va offrir à chaque usager de créer sa propre petite biographie. Les intérêts de chacun (films aimés, musiques préférées, endroits visités, etc.) seront mis de l'avant sur le profil, qui bénéficiera d'une mise en page plus malléable. Auparavant, ce type d'informations étaient transmises via des boîtes, puis via des onglets. Ces applications, qui avaient momentanément disparu, sont de retour sur le profil, de nouveau via des boîtes. En effet, il sera possible de paramétrer la taille des images, des vidéos, du texte pour donner un aspect plus personnel à son profil. Les usagers pourront également ajouter des événements antérieurs à la création de Facebook. Bref, le but est de donner une impression de «chez soi», de résumer l'histoire d'une vie. Dites adieu à votre bon vieux profil. 
 
La Timeline devait être lancée vendredi dernier (le 30 septembre). Or, Facebook s'est frotté à de petits ennuis juridiques. Le site Timelines.com a décidé de poursuivre le réseau pour contrefaçon de marque (qu'un minuscule «s» de différence). En plus de la similitude des noms, il s'avère que Timelines.com offre des services similaires à ceux promis par le réseau social:
Timelines enables people like you to collaboratively record, discover and share history. Almost everything you find on Timelines is created by our community. Registered users can record events and contribute descriptions, photos, videos and links related to events. Unlike a wiki, the site is built to display various (and potentially conflicting) descriptions of the same event from many different contributors. [2]
Et le coup de grâce: les utilisateurs qui voulaient accéder à la page Facebook de Timelines.com étaient automatiquement redirigés vers la nouvelle fonction Timeline. Bien sûr, depuis, cette redirection a été supprimée. Facebook ne voudrait quand même pas passer pour un tyran.
 
Déjà presque une semaine depuis ces rebondissements juridiques, et la Timeline n'est toujours pas là. Mais elle viendra. Sur le Web, on s'interroge: va-t-on assister à un exode des usagers mécontents qui seront cette fois plus nombreux? Google+ gagnera-t-il un combat qui semblait perdu? À mon sens, c'est une tempête dans un verre d'eau. Comme tous les autres changements sur Facebook, celui-ci fera un peu de remous, des fanpages anti-Timeline seront créées, mais dans l'ensemble, les usagers resteront. L'expérience montre que Mark Zuckerberg n'a pas l'habitude de se plier aux demandes de ses usagers, mais également que ses usagers ne sont pas très prompts à mettre leur menace de départ à exécution.  
 
Facebook, nouvelle forme d'exclavagisme consentant? N'exagérons rien. Dépendance semi-assumée? Peut-être. 
 
[1] Le décès de Steve Jobs s'est avéré l'exemple le plus prenant de l'actualité pour illustrer cette nouvelle fonction. Comme de nombreux usagers utilisent le même mot (Jobs) dans le statut, Facebook regroupe ces status dans le fil d'actualité avec une mention du genre «neuf de vos amis ont partagé sur Steve Jobs».
 
[2] http://timelines.com/learn_more (consulté le 7 octobre 2011)